Mois de juillet 2002
Selon la date, la longueur du texte vous permet de lire cette page en étant déconnecté. Ce procédé à été préféré à une page pour chaque jour.

 
Bla bla
 
 
Jeudi 4 juillet 2002
 
 
Hum... comme d'habitude, quand je n'écris pas ici, c'est que j'écris ailleurs.
 
Je ressens toujours une vague culpabilité à "laisser tomber", non pas ce journal, mais vous, les lecteurs. C'est un peu bête, parce que c'est pour moi avant tout que je devrais écrire. C'est encore plus bête de me sentir "attendu". Pour ma part, je ne me met à attendre la mise à jour d'un diariste que si la précédente date d'au moins une semaine.
 
D'ailleurs, c'est nouveau ce rythme. Avant, j'étais habitué à des parutions quasiment quotidiennes, aussi bien pour moi que pour les diaristes que je lisais.
 
Bon, et puis... toujours ce flou par rapport à ce que devient ce journal. Je ne sens plus les mots venir avec la même aisance qu'auparavant. Mais j'en ai tellement écrit aussi... Pourquoi m'étonner qu'une certaine source d'inspiration se tarisse peu à peu? C'est normal. Il faut que quelque chose de nouveau s'installe, fondé sur la personnalité encore neuve que je suis en train d'investir.
 
Peut-être que, finalement, je vis mieux que lorsque j'ai commencé ce journal? J'aurais donc moins de questions ou incompréhensions à étaler. Mes rapports avec les autres ont changé assez radicalement et je me sens beaucoup moins soumis à la crainte permanente d'un jugement défavorable.
 
Pourtant... je suppose que c'est moins que perceptible pour mon entourage, un peu plus éloigné que les très proches. Je reste discret et peu bavard. Mais au moins, je ne me juge pas avec sévérité et je sais que je pourrais intervenir si j'en ressens l'envie.
 
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« Non, je dirais plutôt qu'il est temps pour moi de comprendre que je suis plus solide que je ne le pensais. Je ne suis pas fragile, je suis sensible, c'est différent.»
 
J'ai bien aimé ces mots de Sylvia, qui vont tout à fait dans le sens de ce que j'ai découvert depuis quelques mois. Oui, paradoxalement une sensibilité connue peut se transformer en une solidité. Je me sens plus solide de jour en jour... tout en dévoilant ma sensibilité.
 
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Dans un autre ordre d'idée, Eva évoque son image... qu'elle distille savamment. Fragments d'elle entr'aperçus, reflets ou ombres qui donnent un semblant de réalité à un personnage invisible.
 
Je remarque que, malgré un choix initial d'invisibilité, plusieurs diaristes finissent par céder à une certaine existence visuelle. Même si elle est cachée par un coté esthétisant plus ou moins mystérieux. Pour ma part, j'ai plusieurs fois songé à cesser de me cacher...
 
Pas simple. Parce que je ne sais pas si c'est nécessaire, d'une part, et parce que demeure toujours cette crainte d'être identifié.
 
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A part ça... ben j'aime pas trop ce que j'ai écrit ce soir. J'ai l'impression d'avoir fait du remplissage. Pas habitué aux entrées courtes.
 
Bon... mais c'est aussi ça, la pratique du diarisme. Pas enrichissant à chaque fois .
 
 
 
Coté pratique, quelques modifications ces derniers jours:
- suppression de la page "semaine en cours"
- page du jour avec lien permanent sur la page "mois en cours"
 

 


 
 
J'aime pas être comme ça
 
 
Samedi 6 juillet 2002
 
Je constate un problème récurrent: mon extrême dépendance vis à vis de l'opinion que les gens ont de moi. Et ce, d'autant plus que je les apprécie.
 
C'est chiant.
 
Il suffit que je sente une désapprobation, parfois même seulement un désaccord sur un point qui m'importe, pour que je sente rejeté.
 
Je ne sais pas d'où ça vient. Sans doute de mon enfance. Je crois que c'est fondamentalement la peur de ne pas être aimé. Une image s'impose: celle de mon père. Cet homme pour qui je n'ai jamais eu l'impression d'être à la hauteur de ce qu'il souhaitait. Cet homme référent que j'ai toujours eu l'impression de décevoir.
 
Je n'ai pas ressenti ça avec ma mère... mais comme elle-même ne semblait pas non plus à la hauteur, son jugement sur moi était insuffisant pour combler la manque.
 
Ma quête de reconnaissance est sans fin.
 
D'ailleurs... je me demande si l'affichage public de ce journal n'est pas une quête de reconnaissance. L'écriture m'apporte quelque chose, mais j'aurais pu la garder pour moi. Pourquoi la soumettre à des regards si ce n'est pour essayer de capter quelque chose qui ressemblerait à du «c'est bien ce que t'écris»?
 
Ouais... c'était peut-être pas évident à saisir au début, mais maintenant je sais bien que c'est ça. J'en ai parfaitement conscience. Mon récent "caca nerveux" parce que j'avais reçu peu de messages me demandant ce qui se passait dans ma vie en est une preuve. Confirmée par mon exultation lorsque j'ai reçu ces messages aussi pitoyablement quémandés...
 
Oui, parce que pour me mettre en pleine forme, il suffit (!) que je sache qu'on m'apprécie. Et là encore, c'est d'autant plus efficace que c'est de la part de personnes que j'apprécie (et j'apprécie généralement ces dernières si elles m'impressionnent d'une certaine manière).
 
Plus je ressens d'appréciations positives à mon égard, mieux je me sens. Ça pourraît presque aller jusqu'à l'euphorie, avec un sourire jusqu'aux oreilles qui s'installe.
 
Inversement, il suffit parfois d'un mot, d'une attitude, pour me faire douter de moi. Et alors très vite, s'il rien ne vient corriger, ou pire, si l'impression se confirme, c'est la dégringolade. Je m'enfonce dans une noirceur statique.
 
Je n'aime pas être comme ça.
 
Je n'aime pas sentir mon enthousiasme s'effacer et ce masque se figer sur mon visage. Je n'aime ni sentir, ni montrer cette extrême vulnérabilité au regard d'autrui.
 
Mais ma volonté est impuissante. Il n'y a plus de volonté, juste un vide, un manque, un poids qui m'écrase. Celui de mon inadaptation aux désirs de la personne qui se trouve en face de moi.
 
La peur qu'on ne m'aime pas. Qu'on m'abandonne.
 
Alors que j'ai tant besoin d'être en relation proche avec ceux que j'aime. Besoin de ressentir un partage d'affection. Je t'aime, tu m'aimes. Nous nous aimons. Et... pareil quel que soit le degré d'affection. Amour, amitié, ou simplement estime.
 
Oui, ça se passe même avec des gens que je ne connais que virtuellement. Un petit mot qui me fragilise, un silence qui s'éternise, un jugement négatif... autant de brèches dans lesquelles peut s'insinuer le doute quand à ce que je représente pour ces personnes.
 
Avec à l'opposé, un petit mot inattendu, un partage d'idées, un jugement favorable... qui me donnent une force incroyable et une bonne humeur rayonnante.
 
Pfouuuu, c'est lourd à vivre cette dépendance...
 

 
 
Mort et magnifique

 

 

Mercredi 10 juillet
 
C'est un homme. Grand, costaud. Très costaud. Impressionnant de stature. Il sait faire rire, toujours prodigue en blagues et histoires invraisemblables. Il capte son auditoire, le séduit, le fait s'esclaffer. Quand il est là... tout se concentre autour de lui. Brillant, bruyant, remuant, il ne peut pas passer inaperçu. D'ailleurs tout est fait chez lui pour ne pas passer inaperçu: grande maison, grosses voitures, très grosses voitures, grosse moto. Tout est grand. Beau métier, belle opération immobilière. Prestige... mais toujours à la limite. Parce qu'en fait cette soif de briller et d'exister ne se fait qu'au prix de sacrifices. Sur la vie de famille notamment. Il a toujours été comme ça, depuis que je le connais. Besoin d'exister en se différenciant des autres, en suscitant l'admiration, quitte à écraser un peu les plus faibles (ce qui est un moyen de briller). Il suscite aussi l'agacement et l'incompréhension, justement parce qu'il domine tout dès qu'il est là.
 
Pourtant, il y a une sensibilité au fond de lui, extrêmement rarement exprimée. Et là encore, le bougre, il sait très bien montrer qu'il ressent les choses avec acuité.
 
Il est incontestable qu'il est brillant. D'ailleurs, non seulement son intelligence est qualifiée d'exceptionnelle, mais en plus s'y ajoute un savoir important et une capacité de réflexion hors du commun. Son sens de la répartie fait qu'il ne semble jamais désarçonné. Brillant je vous dit.
 

 

 

C'était un enfant. Maladroit, distrait, inattentif. Son père, autoritaire, n'admettait pas cette insouciance. Il le frappait. Très souvent. Pour des broutilles, des bêtises d'enfant. Volontiers provoquant, il avait reçu un jour une fessée sous le simple prétexte qu'il avait répondu "oui" à la question posée en souriant. «Tu veux une fessée?», «oui»... Paf! Comme ça, sans raisons. Incompréhension totale. De sa part, de la mienne. C'était mon meilleur copain. On jouait tout le temps ensemble. On avait presque le même âge. Jeux d'enfants: petites voitures, legos, cow-boys et indiens. Je souffrais de le voir si souvent réprimandé. Avec le recul, je me demande si cela n'a pas eu une influence sur son comportement ultérieur.
 
Tout à changé à l'adolescence. Mon copain est devenu plus arrogant, agressif, dédaigneux. Il se moquait de moi, cherchait à me dominer. Plus jeune que moi, il me dépassait d'une bonne tête et se servait de sa force pour m'humilier devant tous. Il humiliait aussi sa plus jeune soeur, incapable de se défendre contre lui. Se servant d'un sens de l'humour déjà décapant il savait entraîner avec lui un auditoire pour rabaisser un plus faible que lui... et briller d'autant plus. Les enfants sont cruels.
 
Avec les années, je me suis éloigné de lui. L'enfant qu'il était mourait dans l'adulte qu'il devenait. Un jour, et par deux fois, il a trahi la confiance que j'avais encore gardé en lui. J'en garde la trace indélébile. J'en ai acquis une méfiance qui m'a enfermé en moi pendant des années.
 
Il m'a fait beaucoup de mal ce copain, quand il a grandit.
 
 

Quand je vois l'homme qu'il est devenu, aimé et apprécié de ses amis pour son coté "magnifique" (et il l'est), je me demande toujours pourquoi la vie s'est passée ainsi. Quand je revois l'enfant qu'il était, je pleure comme s'il était mort.

 
 

Oui, c'est ça: mon petit frère est mort.

Et je pleure en écrivant ces lignes.
 
 
 

 
Si proche enfance

 

 
 
Jeudi 11 juillet
 
 
Mon entrée d'hier a été une des plus forte de tout ce que j'ai écrit ici. Je ne me souviens pas avoir soulevé quelque chose d'aussi lourd depuis mes deux ans d'écriture.
 
J'y ai repensé plusieurs fois dans la journée, avec cette sensation d'avoir les yeux rougis et gonflés.
 
C'est souvent en constatant mon émotion que je me rends compte de l'importance de choses qui me paraissaient, à froid, anodines. Je m'étais rendu compte lors de ma psychothérapie, ou lors de discussions avec Charlotte, que certains sujets étaient trop douloureux pour que je les évoque sans larmes. Parfois je cesse de parler, pour ne pas m'effondrer. Parfois je poursuis, soulageant une souffrance trop longtemps contenue, alors que j'en avais pas conscience.
 
Ce qui est surprenant, c'est que cette émotion est beaucoup plus présente depuis quelques années. Non que je m'empêchais de pleurer auparavant, mais parce que je crois que je ne ressentais rien. Tout était trop bloqué à l'intérieur pour que je puisse soupçonner le contenu de mes pensées. Mon père, mon frère étaient des être distants, dont j'avais appris à me protéger. Je crois qu'à ce moment là, j'aurais pu dire que je ne les aimais pas. Dans le sens que je n'avais pas d'affection pour eux, ni de haine. Une sorte d'indifférence.
 
Ce n'est que depuis moins de dix ans que je commence à mesurer l'existence d'un lien fort, qui surpasse les souffrances que j'ai pu ressentir. Parce qu'en me connaissant moi-même, je comprends peu à peu leurs propres souffrances.
 
Je ressens alors de la compassion envers ces personnes que j'aime. Je souffre de leur souffrance, même si j'ai été victime de l'expression de celle-ci.
 
Victime... et peut-être bourreau aussi? Que sais-je de ce que j'ai fait subir aux autres? Quand on est dans le non-dit, comment savoir ce que chacun a ressenti?
 
En écrivant ce texte, que j'avais mentalement élaboré depuis quelques jours, je me doutais que je recevrais sans doute des réactions. Parce que je sais que les liens de fratrie ne sont pas toujours simples et qu'ils peuvent être marqués par une certaine souffrance. J'ai reçu, non pas des commentaires, mais des invitations à lire. Sylvia m'a écrit (10 juillet) une très belle lettre publique, évoquant sa propre histoire qui présente d'étonnantes similarités avec la mienne. Chien Fou m'a signalé une entrée récente (8 juillet) qui abordait le même sujet. Et là encore j'ai retrouvé des similitudes surprenantes.
 
Notamment un épisode très particulier que je ne peux que relater (effet cathartique). Je devais avoir 7 ou 8 ans, mon frère un an de moins. Alors que mes parents étaient occupés avec des invités, j'avais déplacé la friteuse remplie d'huile, ce qui était rigoureusement interdit. Mes parents s'en étaient aperçus et avaient demandé qui avait fait la bêtise, très en colère. Craignant l'ire paternelle, dont je connaissais trop les effets, j'avais répondu comme mes fères et soeurs «C'est pas moi!». Mon père, qui n'était pas homme à céder, se mit alors en tête de nous frapper jusqu'à ce que le coupable avoue. Et comme le coupable était généralement mon petit frère, curieux, mais distrait et malhabile, mon père s'acharna sur lui. Avec sa voix aussi forte que ses coups. Devant les hurlements désespérés de mon frère, il doutait et revenait vers moi, distribuant sa dose de fessées. Comme je persistais à nier, il retournait frapper mon frère...
 
Je revois la scène avec une extrême précision.
 
Je me souviens de mon mal-être incommensurable. Comment pouvais-je m'en sortir? Comment faire pour qu'il cesse de frapper mon petit frère innocent? J'ai forcément du me dénoncer.
 
Il m'est toujours resté cette honte immense.
 
Je crois que ce mensonge aura été un des seuls, et assurément le dernier de ma vie. Mais ma lacheté reste comme une cicatrice indélébile. Je crois que, suite à ce jour, je me suis senti une dette vis à vis de mon petit frère. C'est sans doute une des raisons qui a fait que j'ai enduré ce qu'il m'a fait subir ensuite. Je n'en sais rien...
 
Il y a deux ou trois ans, à l'occasion d'un grand déballage/mise au point familiale (par écrit), j'ai évoqué cet épisode et lui ai demandé pardon.
 
Je crois qu'il n'a pas compris la signification que cela revêtait pour moi, parce qu'il a ri de moi en disant que le pardon était quelque chose de trop sérieux pour l'appliquer à des bêtises de gosses.
 
Il a même ajouté, un peu goguenard, que ça lui ferait une bonne blague à raconter à ses copains, que son frère lui demande pardon, vingt -cinq ans plus tard, d'avoir laissé donner une fessée pour une friteuse déplacée.
 
Il n'a pas compris... et, ce faisant, a coupé pour un moment la passerelle que j'essayais d'établir. Depuis, le semblant de rapprochement qui commençait à renaître n'a pas plus avancé. On sait tous les deux qu'il existe un lien de fratrie, alors qu'auparavant on feignait de l'ignorer, mais ça ne va pas plus loin.
 
Je le regrette et j'en souffre.
 
Chaque fois que je vois mon frère il y a cette dualité de sentiments: souffrance et attachement ancien.
 
Ce week-end, c'était son anniversaire. Il avait invité énormément d'amis, et sa famille. Des films ont été projetés, où j'ai pu revoir mon petit frère, celui que j'aimais et qui comptait tant pour moi. Lorsque je regardais en même temps cet homme étranger, dont je ne sais presque rien, je sentais me monter les larmes aux yeux. Et voila pourquoi je parlais de mon petit frère "mort". Ce qui est mort, c'est la complicité qui nous unissait.
 
Je sais pourtant que ce passé commun est inscrit en chacun de nous. Je sais qu'il souffre certainement comme moi, même si, pas plus que moi, il n'en dit mot.
 
Mais je ne sais comment franchir la double barrière que chacun nous avons construit. Pudeur et méfiance d'un coté, détachement revendiqué de l'autre. Il semble qu'il ne soit pas encore prêt à laisser tomber sa carapace. Et je n'ai pas encore assez de force intérieure pour m'exposer à d'éventuels coups qui me blesseront beaucoup trop.
 
Alors je laisse le temps faire son oeuvre, espérant qu'il n'en faille pas trop et qu'aucun évènement ne vienne l'écourter.
 

 


La cicatrice du regard
 
 
Dimanche 14 juillet
 
 
 
Suite à mes entrées précédentes, Alain à écrit un texte sur ses rapports avec son frère. Encore une vision intéressante des rapports de fratrie et de cette drôle de distance/proximité. Ce lien invisible qui demeure, quelle que soient les rapports que l'on entretien.
 
Je reste un peu préoccupé par tout ça en ce moment, mais je sais que pour le moment il ne se passera rien. D'ailleurs, même si j'en avais moi-même la volonté, je ne peux rien faire sans l'acceptation de mon frère. Or il n'est pas prêt à cette remise en question et ce retour sur notre enfance. Il n'est généralement pas prêt à affronter les retours sur tout ce qui peut lui poser problème. Significativement il dit «Quand je sens un problème, je pose un caillou dessus et je continue mon chemin»... tout en reconnaissant qu'il commence à y avoir beaucoup de cailloux sur son chemin.
 
Exactement le contraire de ma démarche qui consiste à regarder le problème, tenter de le comprendre, remonter à son origine, et le "travailler" pour le réduire.
 
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Réflexion avec Charlotte, ce soir, au sujet du rôle assez ambigû de mes parents sur l'éducation de leurs enfants. En fait, ils n'ont jamais vraiment valorisé ce que nous faisions. Mon père dénigrait facilement, pointait systématiquement sur ce qui n'allait pas et ne croyait qu'en certaines idées. Celui qui ne les comprenait pas, ne les assimilait pas, ne les suivait pas étant considéré comme étant dans l'erreur.. Pour lui, une seule voie était valable: celle qu'il suivait.
 
Ma mère essayait tant bien que mal de modérer cette exigence et l'autorité qui l'accompagnait: elle adoucissait le ton, expliquait, raisonnait... mais en arrivait à la même conclusion: il n'y a qu'une seule bonne voie, celle qu'ils suivaient (en fait... elle-même suivait celle de mon père). Donc, des deux cotés, si on excepte la forme, on avait le même fond.
 
Mon père n'a jamais valorisé que ce qui allait dans le "bon" sens: faire des études "sérieuses", suivre des principes moraux irréprochables (dions plutôt: certains principes), avoir des activités "utiles", etc. Ma mère suivait, ayant adopté docilement tout ce qui venait d'un homme qu'elle admirait.
 
Ni mon frère, ni moi, n'avons vraiment correspondu aux attentes de mon père (de mes parents), ce qui fait que jamais nous n'avons été valorisés. Jamais on ne nous à dit «c'est bien ce que tu as fait là». Par contre, on ne nous épargnait jamais le «c'est pas bien ce que tu as fait là!». Les commentaires étaient toujours tournés dans le même sens.
 
Ben oui, parce que c'est "normal" de bien faire, donc on ne dit rien, alors qu'on dit ce qui ne va pas, pour corriger. Logique imparable!
 
Logique acceptée, qui persuade des enfants qu'ils sont des bons à rien qui ratent tout ce qu'ils entreprennent...
 
Ah si! Il y avait quand même des moyens de savoir, indirectement. Devant la famille et les amis, après les commentaires défavorables sur nos études catastrophiques ou nos dernieres bêtises, se glissaient parfois des comentaires élogieux: «Regardez, ce qu'il a fait... va vite chercher pour montrer». Fierté de montrer aux autres les capacités de leurs rejetons.
 
Alors forcément, on entendait ça, vous pensez bien! Donc, officieusement, on savait qu'on était pas si nuls que ça. Mais en face à face, avec fierté vis à vis de nous et pour nous, il n'y avait rien. Comme si le paraître était plus important que le fond de ce qu'ils ressentaient à notre égard.
 
C'est bizarre comme truc, non?
 
Etonnez-vous que l'un des fils soient en permanence en proie au doute, effacé, persuadé d'être nul. Que l'autre, par réaction inverse devienne original, toujours prêt à se faire remarquer, avec une soif insatiable d'impressionner les autres... et en particulier ses parents. Deux réactions radicalement inversées, mais ayant la même origine. Une de mes soeurs à réagi de la même façon que moi (doute permanent). L'autre a choisi la voie du mimétisme paternel: papa veut que je fasse des études? je fais des études! Il aime que je réussisse? Je réussis. Elle a eu l'approbation de son père. Et elle est devenue sage épouse d'un homme aussi organisé, précis et rigoureux que le père en question. Mais semble se rendre compte qu'elle n'est pas forcément dans le personnage qu'elle aurait aimé être.
 
Bon... anonymat oblige, j'en resterai là...
 
Tout ce que je dis est évidemment très simplifié. Mon père n'a pas été aussi autoritaire et cassant... euh, si en fait. Mais comme ultérieurement nous avons su tout ce qu'il faisait pour nous comme sacrifices, j'ai tendance à adoucir mon jugement sur lui.
 
C'est en comprenant que lui-même avait eu des difficultés et une réelle souffrance que j'ai pu admettre son attitude. Je lui ai pardonné presque en même temps que je prenais conscience de son rôle très néfaste dans la construction bancale de ma personnalité. Je lui ai pardonné parce qu'il n'a jamais vraiment refusé ce que je lui disais. Il m'a toujours écouté, sans me dire que je disais n'importe quoi. Dès que j'ai essayé de comprendre, il n'a pas fui ses responsabilités. Dire qu'il en a discuté serait un bien grand mot, mais au moins il n'a pas nié. Et, même s'il n'en a rien dit, il a quand même changé son comportement au fil des années.
 
Voila dix ans que j'ai entrepris tout ça.
 
Ça en vallait la peine.
 
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Un truc qu'il faut que je vous avoue quand même... je me suis rendu compte depuis quelques temps que mon inquiétude au sujet de la baisse étonnante du nombre de visites sur ce site, et qui avait créé un grosse remise en question de ma part au lendemain d'une prise de conscience d'une mutation qui s'opérait... et ben... c'était simplement parce que le compteur ne prenait plus en compte certaines pages!
 
Donc tout mon "caca nerveux" n'était pas vraiment fondé...
 
Depuis trois jours, après bien des bidouillages, j'ai pu réinstaller correctement les marqueurs de stats. Je connais donc à nouveau le nombre de visiteurs. Tout à fait satisfaisant...
 
Bon ben... désolé...
 
Mais ça m'aura quand même fait réfléchir à mon rapport de dépendance, et je crois que ça n'aura pas été inutile.
 
 


 
Chers lecteurs...
 
Mercredi 16 juillet
 
 
Chers lecteurs,
 
Oui, pour une fois je m'adresse directement à vous. Sans chichis, sans contorsions.
 
Je m'adresse à vous collectivement, mais à chacun d'entre vous en particulier. Et plus spécialement aux lecteurs non-diaristes.
 
Nous préparons le prochain numéro de Claviers intimes, dont le thème principal est "Les relations diaristes-lecteurs". Si coté diaristes nous savons à peu près ce qu'il en est, malgré les différences qui existent probablement entre nos expériences respectives, en revanche nous savons assez peu quelle est VOTRE perception des choses.
 
Je suppose que vous êtes plus nombreux qu'on ne le croit et il semble que vous n'osiez pas trop vous adresser à nous (je parle collectivement, parce que je ne pense pas que mon impression soit exclusivement mienne).
 
Il semble bien qu'il existe une barrière qui fait que vous n'osez pas vous manifester. Je l'ai constaté de plusieurs sources disctinctes.
 
Aujourd'hui, dans le cadre de la préparation du numéro à venir, j'ai reçu un courrier qui m'a à la fois surpris et passionné. Il m'apprenait que l'intervention de la part du lecteur était quelque chose de complexe. Je ne peux en dire plus pour le moment, mais c'est ce qui a motivé ce que j'écris aujourd'hui.
 
Je crois que nous aimerions bien savoir quelle est la nature de l'intérêt que vous avez pour nos écrits, que trouvez-vous dans la lecture continue de nos écrits, pourquoi êtes vous séduits, ou déçus, etc.
 
Un texte qui se veut être une base de réflexion est déposé sur le forum de la CEV, je vous encourage à vous y référer et vous exprimer aussi librement que vous le souhaitez.
 
N'hésitez pas, cette réflexion sur nos relations est une bonne occasion de communiquer un peu, quand le seul lien qui nous relie habituellement est silencieux et invisible. Et si c'est justement cette absence de lien direct qui vous plaît... ça serait bien aussi qu'on le sache.
 
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Hop, je reprends ma plume personnelle.
 
Pourquoi est-ce que je suis si curieux des relations internautiques en général et des rapports diariste-lecteur en particulier? Parce que j'ai besoin de ce miroir que me renvoient les commentaires, assurément. Besoin permanent de toucher les avis les plus divers. Je me construis par les rapports avec les autres, en douceur ou avec rudesse. Ici, c'est beaucoup plus en douceur, en confiance, en partage. Là-bas, sur les forums, c'est davantage en me cognant aux autres, tout en me réconfortant avec les personnes qui privilégient des rapports plus conviviaux.
 
Je n'ai jamais pu me défaire de cette présence, ressentie dès les premiers jours de mon journal. Elle m'est indispensable depuis que j'ai pris conscience de son importance.
 
Ce n'est pas un hasard si j'ai voulu participer à la relance d'un lien entre les diaristes, dans la lignée du JMag proposé par MöngôlO en son temps. J'aime sentir exister le dialogue et l'échange entre les personnalités diverses. J'aime retrouver de moi dans les pensées des autres, et je m'enrichis aussi des différences parfois abyssales qui peuvent exister dans les façons de percevoir les rapports humains. Et lorsque je ne comprends pas, je m'accroche pour trouver des explications à des comportements si différents du mien.
 
Pour cette raison, j'aime savoir ce qui nous sépare et nous réunit entre diaristes. Ce qui fait que vous, lecteurs, appréciez ou pas mes écrits ou ceux d'autres diaristes. Ce qui fait que certains diaristes ont des lecteurs communs et que se créent des "cercles" qui se recoupent plus ou moins.
 
Ouais, tout ça me passionne...
 
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Dans le même ordre d'idée: « J'espère avoir encore envie de faire ce journal, en revenant... En plus d'un an de journal, les réactions de lecteurs sont un peu décourageantes par leur absence... Je te dirai ça au retour.» Dans le Narcissite (15 juillet)
 
 
 

 
 
Magique
 
 
Vendredi 19 juillet
 
 
Une ancienne lectrice, devenue plus occasionnelle, m'a expliqué les raisons de cette désaffection. Pour résumer, elle ne trouvait plus dans mes écrits un écho à ses préoccupations. Cela avait été le cas à une époque, puis, mon journal évoluant, les nouvelles orientations n'étaient plus en concordance avec ses attentes.
 
Tout à fait normal. Je procède aussi de cette façon.
 
La suite de son courrier m'a fait prendre conscience de quelque chose (que je savais...): l'image que je donne de moi ici est assez peu fidèle à ce que je suis. Du moins elle est trop parcellaire pour être fidèle. Parce que je suis sincère, autant que je le puis, mais j'occulte bien des aspects de ma personnalité.
 
Exemple: je ne râle pas souvent, ici. Ben c'est pas le cas dans la réalité... Je suis vite un rouspéteur en constatant les comportements de mes semblables. Surtout vis à vis des sans-gêne, de ceux qui ne se préoccupent pas des autres. Ça, je dois bien dire que je ne supporte pas. Et si j'ose, je ne me prive pas de le dire. Oui.. mais j'ose pas souvent.
 
Pourquoi? Peur de choquer, de paraître exigeant (je le suis...), ou trop rigoureux. En fait je suis rigoureux avec moi-même et j'admet mal de voir que d'autres, eux, s'en fichent. Je ne balance jamais le moindre papier par terre, et je sens pointer une colère en moi lorsque je vois quelqu'un le faire négligemment. Evidemment, généralement je ne dis rien. Si je me laissais aller, ça serait du genre "Hé connard, tu comptes sur les autres pour ramasser tes cochonneries?!". Parce que je me doute que le "Monsieur, vous avez laissé tomber un papier" ne m'attirerait qu'un regard morne, l'air de dire "pauv'con". Quant au "Monsieur, vous venez de laisser tomber un papier sciemment. Ce geste est irrespectueux vis à vis de tous ceux qui passeront ici, et manifeste votre mépris pour la personne qui devra réparer votre muflerie", il risque de m'attirer un "j't'emmerde, connard!". Voilà pourquoi je me tais. Parce que je ne sais comment appréhender le problème. Je ne suis pas à l'aise pour autant, parce que, par mon silence, j'encourage ce je-m'en-foutisme.
 
D'où ma révolte intérieure, contre celui qui me met face à mon impuissance, contre son attitude que je réprouve, et contre mon coté brave-pomme-qui-fait-bien-comme-il-faut.
 
Et encore, je ne parlais que d'un bout de papier... alors imaginez dans quel état je peux être quand je vois des actes d'incivilités (le terme est très à la mode en ce moment) nettement plus conséquents!
 
C'est donc ma chère épouse qui profite de mes commentaires, ou mes enfants à qui je m'efforce d'expliquer en quoi le principe de jeter un papier est préjudiciable à la société.
 
Ouais... on passe vite pour un vieux con avec ce genre de discours. Limite réac...
 
P't'êt que je le suis?
 
Le problème, c'est que pour beaucoup de gens, dès qu'on parle de respect, de principes de .... valeurs (arghhhh, le mot!!!)... euh... morale? (pouah! beeeerk!!!), c'est tout juste si on est pas automatiquement traité de facho.
 
Donc: motus!
 
Faut y aller doucement. On est tellement vite catalogué, etiqueté, estampillé. Comme si de noircir l'autre rendait plus blanc celui qui s'exprime. On se cherche des repoussoirs, on s'identifie au sein d'un même genre de pensée, et surtout on hésite pas à mettre le bouton "contraste" à fond. Bien noir et bien blanc, sans nuances parce que les nuances ça complique l'interprétation. Des fois qu'on saurait pas bien de quel coté serait l'autre...
 
Et au milieu, y'a tout plein de gris qui refusent d'être considérés comme appartenant à un coté ou à l'autre. Et ceux-la dérangent les amateurs d'idées nettes et tranchées.
 
Et moi j'aime bien les gens qui pensent en nuances...
 
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Bon, j'ai pas l'habitude de m'exprimer sur ce genre de choses ici. C'est pourtant dans cette tonalité (moins râleur toutefois...) que j'interviens sur un forum. Plus abouti aussi, parce que là c'est à peine ébauché, sans conclusion... bref, pas bien fini quoi.
 
J'ai peu exprimé mes opinions ici, jusqu'à présent, mais il y a un moment déjà que j'envisage de raccorder les différentes personnalités que j'ai soigneusement séparées entre réalité, journal, forums.
 
Je crois que j'avais un peu peur de perdre un supposé capital de sympathie. Je craignais de déranger des gens qui me lisent et qui pourraient se dire "ah ben je ne le croyais pas comme ça!".
 
C'est con.
 
D'une part parce que je ne suis pas vraiment moi même, mais surtout que je gomme une part de ma personnalité qui peut... déplaire, certes, mais plaire aussi! Et oui, ça c'est nouveau comme prise de conscience. C'est Libellule qui m'a ouvert les yeux, il y a quelques semaines déjà, sur cette possibilité qui ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Et depuis tout ce temps, ça chemine lentement dans ma p'tite tête...
 
Ben oui, quand on est plutôt enclin à la dévalorisation de soi, on ne regarde que dans un seul sens, toujours le mauvais.
 
Alors voila, je vais tenter de laisser un peu plus libre cours à mes opinions. Tant mieux si ça plaît, tant pis si ça déplaît. Ce sera plus vrai et c'est la seule chose qui compte.
 
D'ailleurs, plus je me laisse aller à dire ce que je pense, mieux je me sens. Magique non?
 
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Alegria s'en va: «Je veux vous remercier, vous mes valeureux lecteurs, qui m’avez supportée pendant trois ans sans aucune faille. Merci d’avoir répondu à mes questionnements, merci de m’avoir félicitée pour mes bons coups, de m’avoir supportée dans des moments plus difficiles. Vous avez été LA grande révélation de ce journal. Un énorme merci du fond du coeur»
 
C'est beau ce qu'elle écrit Alegria. On ne peut que lui souhaiter bonne route...
 

 
Zenitude

 

 

Samedi 20 juillet
 
 
J'écoute à la radio Martin Winckler qui raconte sa pratique du journal intime. Impressions et paroles notées au vol...
 

Lui aussi laisse son journal sans protection particulière, sachant que son épouse ne lira jamais cette intimité qui n'est pas la sienne. Par respect.

«La venue de quelqu'un dans l'intimité n'est pas dangereuse lorsqu'elle est bienveillante» explique-t-il à la journaliste qui est venue le voir. C'est un peu la même chose que pour le diarisme en ligne. C'est ce qui fait que je ne crains pas trop les regards qui se posent sur ce journal. Parce que je les suppose bienveillants.

 

Martin Winckler évoque l'impression de voyeurisme en relisant ses paroles d'adolescent. Comme s'il s'agissait d'un autre personnage. Il ne sait pas comment se relire «Est-ce que je suis digne de relire cet adolescent que j'étais?».

 

«Le journal intime est le secret. C'est une manière de se constituer en secret.» Secret vis à vis de nos proches, ce ceux que l'on cotoie. Tout autre est le secret dévoilé à des inconnus, comme avec ce journal. Et c'est bien pour cela que mon journal, bien que public, est secret vis à vis de ceux que je connais, de près ou de loin. Voila pourquoi je tiens à mon anonymat.

 

«La réalité compte beaucoup moins que les sentiments. Seuls les sentiments sont vrais. Les faits importent peu

 
* * *
 
"Farfelus", voila comment nous sommes présentés, nous diaristes virtuels, parmi ceux qui tiennent un journal intime.
 
Interview d'une d'entre nous, Ann Enomy, qui a un double journal: papier (privé, secret) et web, ouvert à ses connaissances (collègues, famille).
Ajout post-scriptum: en fait elle a au moins 3 journaux, dont deux sur internet: Ann enomy et Je parle trop. Intéressant, à suivre...
 
Jolie voix, aisance dans l'expression clarté des propos.
 
Plus de pudeur que de censure dans le journal web.
 
Son journal papier pour se fustiger, alors que le journal web réhabilite son personnage.
 
* * *
 
J'ai noté en écoutant, mais je ne sais pas bien dédoubler ma concentration. Je laisse ces bribes de phrases et vde réflexions telles quelles.
 
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A part ça, je suis content de ce que j'ai écrit hier. Il y a un moment que je sens que ce journal doit changer. Peu à peu je vais vers mon vrai moi et il est nécessaire que ce moi s'exprime ici.
 
Je crois que je n'ai pas voulu m'éloigner du style du départ, craignant que mes lecteurs, perdant ce qui les avait intéressés au départ, ne m'abandonnent.
 
Ouais, ne vous précipitez pas pour m'écrire un mail... Je sais que c'était con comme idée. Comme je l'écrivais hier, je peux aussi gagner des lecteurs. Et puis bon, je n'écris pas pour des lecteurs quand même! J'écris avant tout pour moi... tout en me construisant avec les lecteurs. C'est pas la même chose!
 
Bon, il semble donc que j'ai enfin compris que j'avais tout intérêt à être fidèle à moi-même. Ça fait des mois que le processus se mettait en place. Je veux parler de la mise en pratique du processus, parce que mentalement j'avais bien intégré le truc, mais ça ne passait pas le cap du principe.
 
Là, je crois que c'est bon, j'ai enclenché le mécanisme. ENFIN!!!
 
Ici ça bouge, mais ça bouge aussi vachement sur le forum dans lequel je m'implique. Je n'ai plus de craintes à dire ce que je pense. Et même si c'est mal compris, même si on n'est pas d'accord avec moi (ben... en fait j'ai l'impression que ça ne se produit plus vraiment), et bien je ne me sens pas atteint, ni en mis en tort. J'assume mieux mes pensées et le fait qu'elles puissent être différentes.
 
Ouais, je me sens vachement bien dans mes baskets.
 
Et dans la vraie vie? Et ben là aussi grand changement. Je prends les choses encore plus zen qu'avant. Ou plutôt j'élargis le domaine d'action de la zenitude. Je me simplifie l'existence, je fuis les situations complexes ou anxiogènes, je me dis que si je dérange des gens, c'est leur problème. Pas envie de me casser la tête pour les gens compliqués. Chacun dit ce qu'il ressent et on en discute, mais ne pas anticiper sur des complications éventuelles, faire quelque chose pour faire plaisir ou ne pas déplaire.
 
Hum, c'est un peu brouillon ce que je dis...
 
Mais je me comprends.
 
Patience, tout cela s'éclaircira. Pour le moment c'est tout neuf alors ce ne sont que des idées pas bien assemblées entre elles. Des ébauches. Je connais bien le processus, c'est comme ça que j'ai commencé a m'attaquer à chacun de mes problèmes fondamentaux (père, masculinité, séduction, etc...). Oui, les problèmes que j'évoquais au début de ce journal, alors que j'avais entamé la réflexion depuis quelques temps déjà.
 
Je suis persuadé que dans quelques temps tout sera beaucoup plus clair dans ma tête... et dans mes écrits. L'écriture est pour moi un extraordinaire outil de concrétisation d'idées.
 
 
 

 
C'est à moi que je parle!
 

 

Dimanche 21 juillet
  
 

Etrange comme une conjonction d'idées peut se produire à certains moments.

 
Figurez-vous que...
 

Non. Il faut que je cesse de m'adresser à mes lecteurs! Alors ne vous figurez-rien, lisez... si vous le voulez-bien (c'est pas autoritaire, c'est une invitation).

Je reprends:

Depuis hier j'ai repensé à mon entrée précédente. Et je me suis dit que je faisais trop attention aux lecteurs. Même lorsque j'en prends conscience, je continue à m'adresser à ces yeux qui me lisent. C'est pas bon comme truc!

J'ai eu peur tout d'un coup de devenir une sorte de personnage qui se détacherait de celui que je suis vraiment. Comme si j'étais en train de devenir cette identité fictive qui s'appelle "L'idéaliste". Me prendre au piège de celui que je voudrais être. De celui dont j'aimerais donner l'image.

Il m'arrive même (moment de vérité, difficile à avouer publiquement) de me donner une certaine importance. Parce que je me dis que depuis que je tiens ce journal, forcément je suis un peu connu dans le petit monde diariste. Je sais qu'on me lit. Je me permet d'intervenir occasionnellement sur le forum de la CEV, avec le ton docte de celui-qui-sait, avec une certaine sagesse et le recul d'une petite expérience. Je délivre ma pensée dans des textes de Claviers intimes...

Pfff... minable!

Si c'est pour devenir ça que j'écris! Non, je veux juste un peu plus croire en moi, pas me prendre pour quelqu'un qui aurait quelque chose de particulier à délivrer. Je suis en train de me prendre la grosse tête. Bon, pas bien grosse quand même, mais trop grosse pour ce que je sais être vraiment. Je ne suis qu'un diariste parmi beaucoup d'autres. Je ne connais qu'une toute petite partie (et encore... connaître est vraiment un grand mot!) des diaristes. Je ne connais qu'à peine le monde des blogues, toujours épaté par la diversité des liens que nous propose Tehu, par exemple. Moi je ne fais que pomper ce que je trouve chez les autres. Il est rare que je fasse des découvertes tout seul.

 
Bon, j'en suis donc là, à me dire qu'il faut que je me recentre un peu plus sur moi. Mon moi intime, pas le moi de l'idéaliste (merde! j'allais écrire "vous comprenez?"). Noooooon, je me parle à moi tout seul! Moi X (tiens faudrait que je me trouve un prénom...).
 

(moment de réflexion.... mon esprit part dans toutes les direction)

 

C'est bizarre que je différencie mon identité vraie de celle de l'Idéaliste. Parce que simultanément, depuis un moment, j'ai envie de rassembler toutes mes identités virtuelles en une seule. Marre d'être "L'idéaliste" ici, et "pseudonuméro2" sur le forum où je passe tant de temps. Marre aussi de ces identités virtuelles qui ne correspondent que partiellement à celui que je suis vraiment. Seules quelques personnes me connaissent sous mes diverses identités, et en particulier la vraie, l'intime, celle que je montre dans des longs échanges de mails.
 

La gestion de ces identités me pose manifestement un problème et je crois qu'il faut que je me laisse aller un peu plus. Oublier ces lecteurs... Oui, mais se pose à nouveau le problème d'internet accès ouvert à tous: j'ai pas envie de laisser paraître trop de mon vrai moi ici, alors que n'importe qui peut le lire.

 

C'est quand même vachement complexe cette situation hybride entre public et intime...

 

Bon, cette digression étant faite, je reviens à mon idée de départ: la conjonction d'idée. (Ouais, ça c'est bien parce qu'il y a des lecteurs, sinon j'aurais suivi un fil sinueux qui m'aurait fait oublier le point de départ).

 

Alors que je me préparais mentalement à écrire mon sujet de ce soir, j'ai reçu un mail qui me dit: «J'apprécie le nouveau ton plus proche de toi-même que ce que tu écrivais précédemment ...

"Vouloir" plaire est la meilleure façon de déplaire à un plus grand nombre.

J'en suis persuadé.

Et puis tu n'as aucun pouvoir sur tes lecteurs (moi non plus sur mon propre site !) La meilleure manière de faire est je pense d'être soi-même et d'exprimer ses perceptions sans biaiser.

Ce n'est pas toujours facile j'en conviens....

Ton site est souvent sous une forme ou tu t'adresses à tes lecteurs.»

C'est tout à fait en concordance avec ce dont je me rends compte. D'ailleurs cette prise de conscience est consécutive à un message de la même personne, il y a quelques temps. Le rôle d'aiguillon des lecteurs est donc toujours un moyen de réflexion sur soi.

Oui, je suis en train de me "perdre" en devenant un personnage. Je ne le veux pas. Je dois retrouver une spontanéité et "oublier", autant que faire se peut, les regards qui me suivent. Ne pas oublier que des regards me suivent, mais ne surtout pas imaginer que ces regards attendraient quelque chose de moi. Ne pas me dire que ces regards attendent de l'Idéaliste qu'il fasse de l'Idéaliste. Ce serait un carcan. Et j'ai bien conscience que c'est moi et moi seul qui me prends à ce piège.

Le lecteur continue en me suggérant «Dommage dès lors que tu n'aies pas opté pour une boite de dialogue...

Je trouve ça intéressant, même si ce qui s'y dit n'est pas toujours merveilleux. Cela fait souvent avancer l'auteur dans sa réflexion et c'est une forme de dépossession aussi par une plus grande interactivité. »

Boite de dialogue... hmoui... j'y ai pensé de temps en temps, mais je crois que j'ai craint plusieurs choses. Une sorte d'aliénation aux regards extérieurs, justement, car avec ma propension à douter de moi je risquais de me sentir mené par les avis extérieurs. Toutefois, je crois que depuis peu j'ai pris une certaine assurance et je pourrais tenter l'expérience.

En outre, j'ai déjà cet écho de lecture avec les mails et cela s'est toujours très très bien passé.

Mais finalement, je trouve que la suggestion vient à point nommé, précisément au moment où je me sens prêt et où j'ai simultanément envie de réunir mes identités en une seule. Ce pourrait être un outil pour y parvenir.

Une autre réticence venait du fait que je n'aimais pas trop les sites de diaristes avec forum interne ou livre d'or. Ça fait un peu prétentieux, du genre: «dites du bien de moi que tout le monde le voie». Pas envie de ça. S'il devait y avoir un espace de discussion sur ce site, je le voudrais que ce soit quelque chose un peu... euh... approfondi, et surtout sincère.

Bon, je vais réflechir un peu à ça...

Mais le plus intéressant (pour ma réflexion sur moi-même) de ce que m'a écrit ce lecteur est ceci «Est-ce que tu préfères garder tout pouvoir en ce domaine ? Car n'ayant des réactions que par mail, personne ne sait ce qui se dialogue avec toi. Donc c'est du "un à un", alors que tu sembles globaliser ton propos en t'adressant à "tes lecteurs" Mais qui sont-ils ???

Est-ce encore une étape à venir ?»

(Je me permets de le citer parce que ses réflexions me semblent pertinentes et ont un rapport direct avec ceux qui me lisent.)

Ouh la la... voila qui m'interpelle!

Non, honnêtement, je ne crois pas souhaiter garder un pouvoir sur ce site. Au contraire, si je sentais qu'une interactivité supplémentaire pouvait exister avec les lecteurs, je foncerais tête baissée. Ça se rapprocherait de ce que je vis sur le forum qui m'est cher. J'aime beaucoup, que dis-je... je me passionne pour ce genre d'échanges. Au point que je délaisse parfois un peu ce journal et la lecture assidue des autres.

Effectivement personne ne connait la nature des échanges que j'ai, ni avec qui (ça c'est moins important). S'il était en mon pouvoir de contribuer à améliorer les échanges entre diaristes, je le ferais immédiatement. Mais je crains aussi un relatif silence qui pourrait être fustrant. Ne pas avoir de commentaires peut laisser croire que ce qui est dit n'est pas intéressant. Oui, ça peut aussi être parce que tout n'a pas à être commenté...

Je crois aussi que je craindrais d'être influencé par ce que je lirais. Je pourrais y perdre la liberté de choix des sujets que j'aborde ici.

Bon, mais effectivement il est peut-être dommage que les commentaires "un à un" privent les lecteurs d'un prolongement d'une de mes réflexions. Il m'est arrivé de me dire, après la rédaction d'un long mail, que ç'aurait pu être une entrée tout à fait à sa place dans le journal.

Mais en même temps, ça fait un peu prétentieux de se dire que ce qu'on écrit mérite d'être publié en ligne...

 

Décidément, il est difficile de croire en soi tout en ne se prenant pas trop au sérieux.

 

Et puis... n'est-ce pas bon d'avoir un espace à soi, silencieux?

Oui, mais j'ai envie de progresser, et ça pourrait m'y aider...

Puis j'ai une soif de communication énorme...

Puis ça n'empêchera pas les mails en aparté...

Pis j'ai peur qu'on me juge mal en disant "ah ben lui aussi il s'est mis à la boite de dialogue? Ben je suis déçu qu'il suive les modes!" (oui oui, je suis comme ça, vachement peur de décevoir)

 

Pffff, j'en sais rien du tout.

La seule solution: tenter le coup, et voir ce que ça donne. Alors en avant pour la boîte de dialogue (hé, ho, faut pas croire non plus que j'adopterai toutes les suggestions que l'on peut me faire hein!).

 
Juste un truc: quelqu'un pourrait me dire ou trouver les scripts nécessaires? Sachant que je ne suis pas sur blogger...
 
J'ai cherché, mais n'ai pas trouvé de bidules qui semblaient compatibles avec un site basique HTML comme celui-ci.
 
Merci d'avance.
 
 
 

 
Regard en arrière
 
 
 
22 juillet 1980
 
(...) Après avoir réfléchi toute la matinée, j'ai quand même décidé d'aller à Maville. Mais auparavant je devais téléphoner à Charlotte pour la prévenir. Je suis donc parti à pied jusqu'au village, vers 11h30, il faisait une chaleur torride. En montant je me demandais ce que j'allais lui dire, et si je ne tombais pas sur elle? Toutes ces questions tournaient dans ma tête, je ne leur trouvais pas de réponse, puis je suis arrivé devant la cabine téléphonique. Il y avait des gens à coté. J'ai hésité, il ne fallait pas qu'on m'entende. Je suis allé à coté, mais il fallait que je me dépêche, il était déjà près de midi. J'ai dû rester 10 minutes à compter mes pièces, regarder ma montre, ne penser à rien, hésiter. Puis d'un coup j'ai demandé à Dieu la force d'y aller, et je me suis jeté à l'eau, mais trop ému j'ai composé notre numéro. J'ai vite coupé et recomposé celui de Charlotte que je connaissais par coeur, j'avais le coeur qui battait à toute allure. C'est son père qui a décroché, il a demandé qui c'était, mais il n'a pas eu l'air d'avoir compris. Charlotte croyait que c'était [ma soeur]. Son "allo?" était surpris et inquiet. On a parlé un peu de tout, de son retour, je lui ai dit que j'avais [je n'avais] plus le moral depuis le dimanche, puis je lui ai dit que j'allais à Maville et je lui ai demandé si je pouvais la voir, elle a tout de suite dit oui. Je lui ai dit «J'ai à te parler» elle n'a rien répondu, je lui ai donné rendez-vous vers 15 heures, c'était largement suffisant si je partais tout de suite. Elle a choisi la Place d'Autreville. J'étais fou de joie. En rentrant au camp [de toile en pleine nature] j'étais ivre de bonheur, je crois que je n'avais jamais été aussi heureux qu'à ce moment là. La vie s'ouvrait devant moi. Dire que 5 minutes avant j'étais si inquiet, au point de me ronger les ongles, ça ne m'arrive pourtant jamais. Je suis rentré au camp en courant. Les autres n'étaient pas encore rentrés. Je suis allé prendre un bain [dans le ruisseau], je me suis lavé la tête, rasé et tout et tout, impeccable. Et j'ai commencé la plus pénible attente de ma vie. A 12h30 personne, c'était l'heure où je voulais partir. 13 h personne, il faudra aller vite, heureusement que je lui ai dit d'attendre si j'étais en retard. 13 h30 personne, ouh la la, elle va devoir m'attendre et les heures passent ainsi. Je pense à partir en stop. Mais je n'y serais jamais à l'heure. 14h, 14h30, il faut que j'aille la prévenir, je fonce en courant au village, je téléphone, personne, elle m'attend déjà. Je m'en veux, j'ai envie de pleurer, je suis en colère contre [ceux qui ont la seule voiture]. Je redescend en courant, il fait très chaud, je suis tout ruisselant de sueur. J'arrive au camp, toujours personne. Et enfin à 14h50 un bruit de 2CV, ça-y-est, les voilà, je dois être à Maville dans 10 minutes [150 km]. Je veux partir dès qu'ils arrivent. (...) Il fait un temps superbe. On voyait les montagnes encore enneigées depuis la vallée du Rhône. Un temps aussi exceptionnel que ce 22 juillet. Je fonce tellement qu'on met moins de temps que prévu. J'arrive donc à Maville à 17h. X me dit qu'avec deux heures de retard elle n'y sera certainement plus. Ils veulent venir avec moi à monn lieu de rendez-vous. Je ne suis pas chaud mais il n'y a que ça à faire. Vu qu'ils ont besoin de la voiture après. Je souhaite seulement qu'ils ne puissent pas voir qui c'est.. Enfin on arrive Place de Autreville, je regarde, je ne vois pas bien. Je fais le tour pour entrer au parking et entre deux voitures, surgit, devinez qui? Et oui! Charlotte, qui partait, je klaxonne et je tends le bras. X sait donc qui c'est, tant pis! Je gare la voirure, je sors en toute hâte, je ne pense plus qu'à une chose. Je vais sur le trottoir, elle vient vers moi, elle à l'air en colère, et triste, moi je ris, on se fait la bise. Et on part tout de suite. On commence à marcher vers la mairie, on ne dit pratiquement rien, on marche côte à côte. (...) Puis nous commençons à marcher dans le parc, en parlant de ce qu'on voit, on tourne un peu. Je veux lui parler, ou essayer de lui prendre la main, mais il y a plein de gens partout. Dans un coin un peu isolé je veux lui dire, le temps d'hésiter, on se trouve à nouveau dans un coin plein de monde, puis on décide tous les deux d'aller vers un coin calme. Ça fait déjà bien 15 ou 20 minutes qu'on est ensemble. Puis d'un coup je vois un coin relativement calme, je pense à la phrase de maman «Lance-toi!», je demande à Dieu et j'y vais, je lui dis: «Tu sais, tout à l'heure au téléphone, je t'ai dis que je voulais te parler, tu devines ce que c'est?» On s'est arrêtés, elle m'a dit «Oui», ou je l'ai deviné, je lui ai dit «Je t'aime» et on s'est jetés dans les bras l'un de l'autre. Mais tout cela ne s'est fait qu'en quelques fractions de seconde, le «je t'aime» est sorti tout seul, il était obligé se sortir. Et on s'est serrés, fort fort, comme j'en rêvais tant est on s'est embrassés, (...) Puis on a recommencé à marcher, mais cette fois enlacés, tête contre épaule, et on s'est arrêtés 30 m plus loin, près du premier banc, dans un coin tranquille et on s'est embrassés à nouveau encore plus longtemps. Je lui ai dit comme ça m'avait été dur de le dire, que ça faisait longtemps que je voulais lui dire, et elle m'a dit que ça faisait longtemps qu'elle attendait, qu'elle ne savait pas si j'allais lui dire. Puis on s'est assis sur le banc, et on a parlé longtemps, elle s'est assise sur mes genoux. Je pouvais la regarder enfin, regarder ces yeux qui m'avaient si souvent fait tourner la tête, on s'est regardés longtemps dans les yeux, au moins trente secondes ou même plus, le temps ne comptait plus (...) Dire que j'ai failli pleurer en lui disant «je t'aime», je ne sais pas pourquoi, mais au moment précis, j'ai pleuré, ça s'est arrêté la seconde qui suivait. Quand on s'embrassait des mémés nous regardaient, ça faisait rire Charlotte, mais on s'en foutait. Puis j'ai pu la toucher, son nez, ses joues, ses dents, je lui ai fait des compliments sur ses dents. Je lui ai dit aussi que j'avais son adresse, que je savais son numéro de téléphone par coeur, elle a eu l'air surprise. Ah, ce 22 juillet à 17h30. C'était le plus beau jour de ma vie, en tous cas je m'en souviendrais toute ma vie (...)
 
 
 
22 juillet 2002
 
Quelques extraits de ce qui s'est passé ce jour là. Un jour que je n'ai effectivement jamais oublié. Nous avions 19 ans et Charlotte était la première... et la dernière à qui j'ai dit «Je t'aime».
 
Ça paraît peut-être bizarre de nos jours de n'avoir partagé un amour qu'avec une seule personne. Et d'avoir pu rester ensemble aussi longtemps. Je ne sais pas, pour moi c'est un telle évidence que j'ai du mal à me transposer dans la situation des couples à durée limitée.
 
J'ai voulu mettre ce petit bout de texte parce que pour moi il évoque évidemment tout un souvenir. Je mets des images derrière chaque mot, des sensations aussi. Le parfum de Charlotte me revient, le contact de sa peau, son regard, sa silhouette... Je revois des enfants courir alentour, j'entends leurs cris, je sens le soleil, j'entends la rumeur de la ville. Tout est là, intact.
 
Alors que ce texte ne peut, ni ne souhaitait retranscrire ces impressions.
 
En recopiant ce texte manuscrit, d'une lourdeur pataude, aux phrases tronquées et mal ponctuées, sans aucune respiration, je pensais à l'impression que j'ai lorsque je lis quelques passages d'un journal de jeune diariste. Leçon d'humilité en voyant le pauvre vocabulaire que j'avais... La ponctuation est assez démente (j'ai ajouté quelque points au recopiage, remplaçant les virgules que je semblais tout particulièrement apprécier).
 
 
Pourtant je ne regrette pas d'avoir écrit ces mots, et les centaines de pages qui précèdent ou suivent ce jour charnière de mon existence. Ils n'ont de valeur que pour moi, éventuellement pour mes enfants, le jour où ils trouveront mes feuillets.
D'ailleurs, j'ai été surpris de constater que je pensais déjà à un lecteur futur (qui donc???), puisque je précise que je ne me rongeais jamais les ongles (ce que moi je savais bien). Je mets aussi un «devinez qui?» assez révélateur. Mon mysticisme (Dieu) me surprendrait énormément, lui aussi, si je n'avais déjà eu cette étonnement en relisant mon journal il y a quelques années. Quelques phrases clairvoyantes aussi «La vie s'ouvrait devant moi», parce qu'à compter de ce jour mon chemin de vie à radicalement bifurqué vers le mieux-être.
 
La forme de l'écriture est quand même intéressante parce qu'elle me rappelle comment je percevais les chose à cet âge là. Par exemple, certains passages narratifs (supprimés ici) racontent des détails de vraiment peu d'intérêt. Ils alourdissent un texte dèja peu digeste. Ils n'ont plus aucune importance dans ma vie désormais.
 
Je me suis servi de cette matière brute, il y a quelques années, pour élaborer l'autobiographie-thérapie qui m'a permis de dépasser un problème amoureux fort complexe. Texte, en revanche, que je trouve beaucoup trop travaillé, alambiqué, prétentieux. Il me fait un peu honte, bien que je n'ai jamais regretté ce travail sur moi dont le rôle à été déterminant pour accéder à cet épanouissement que je vis depuis quelques années.
 
Quand même... j'étais vachement immature à 19 ans! On dirait un gamin de 16 ans qui s'exprime! Bon, il est vrai que les études que je suivais laissaient très peu de place à la littérature. Je n'ai découvert que fort tard le plaisir qu'on peut avoir a élaborer des phrases variées, évitant les répétitions lourdingues. Je crois que c'est en me lançant dans cette autothérapie scripturale que j'ai vraiment compris que j'aimais écrire. Auparavant je m'étais borné à rédiger des rapports ou textes "utiles", certes avec plaisir, mais sans... passion.
 
Si j'avais a décrire un tel évènement aujourd'hui... non, un tel évènement ne pourrait se produire. Parce que je n'ai plus cette immense timidité. Parce que ce ne serait plus "la première fois", parce que je ne suis plus le même. Mais si j'avais envie de relater ce genre de moment, je laisserai de coté tous les détails factuels pour me concentrer sur le ressenti. Je décrirais des émotions, cherchant à les traduire au mieux par des mots. Je crois que joserais aussi un peu plus parler des sensations physiques, tactiles, visuelles... chastement omises dans mon journal d'alors.
 
 
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Avec quelque retard, je lis les journaux des autres. Je ne dispose jamais d'assez de temps pour communiquer autant que je le souhaiterai. Et dans la communication j'inclus la lecture des diaristes, parce que bien souvent cela déclenche une envie d'écrire. Soit ici, soit directement à l'auteur qui m'a touché.
 
Parfois, lorsque je m'investis beaucoup dans des relations communicantes, je renonce à d'autres. Je le regrette, mais je ne peux passer davantage de temps à ce qui m'en prends déjà beaucoup. J'ai calculé que je passais...
 
J'ose même pas l'écrire...
 
... entre trois et six heures quotidiennement à communiquer de diverses façons sur internet: écrire, lire, commenter, forumer, etc. C'est vraiment beaucoup. Une véritable boulimie qui ne me rassasie jamais. Et tout ça pris un peu de partout. Sur le temps de travail, sur le sommeil... et aussi sur la convivialité familiale. C'est ce qui m'embête le plus, même si généralement je suis devant l'ordinateur lorsque les membres de la famille sont occupés à autre chose (notamment la télé le soir).
 
Bon, mais je me dis que c'est pour la bonne cause: je vais beaucoup mieux, suis infiniment mieux dans ma peau et le temps que je passe avec mes enfants ou Charlotte est vraiment de bonne qualité. Et il l'est parce que je trouve cet équilibre extérieur en communiquant.
 
Mais je dois bien me rendre à l'évidence, je ne peux matériellement pas aller bien au delà. Pourtant, j'aurais envie parfois d'échanger avec des diaristes dont les écrits me touchent.
 
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Un peu dans le même ordre d'idée, jai trouvé sur le journal d'Ophélie des textes qui m'ont plû. En voici des extraits:
 
« Mais là aussi, comme dans la vie, les liens ne se créent pas toujours aussi facilement qu'on le souhaiterait. Les rapprochements virtuels sont plus faciles à réaliser que les rencontres. D'abord, il y a la contrainte du temps et celle de l'espace. Toujours ces mêmes limites. Sur Internet, ces limites sont invisibles puisqu'il devient si facile de les ignorer.» ( Lire les autres - 15 juillet 2002)
 
 
 
«Aujourd'hui, il m'est difficile de renouer des liens d'amitié, peut-être parce que je mets la barre un peu haute. Les déceptions m'ont rendue un peu craintive, un peu moins accessible et je suis très souvent dans ma bulle, laissant peu d'ouverture à qui voudrait prendre une place. Je n'aime pas les relations superficielles. Pour moi, l'amitié ne peut exister sans une totale ouverture d'esprit et une grande honnêteté.»
 
« Le silence s'est installé. J'accepte ce silence et je ne renie pas ces amitiés. Elles sont nées et elles ont grandi jusqu'à ce qu'elles aient atteint leur limite.» (Etincelle - 20 juillet 2002)
 
 
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Je suis allé faire un tour sur les statistiques de ce journal. Juste pour voir si, depuis que tout fonctionne, la fréquentation est rassurante. Ben vous savez quoi? (oui je m'adresse à vous, encore une fois)
 
Ça me fait peur!
 
Pfff, jamais content: pas de visiteurs et c'est la déprime, beaucoup de visiteurs et c'est le trac! Beaucoup, ça fait une trentaine à chaque mise à jour. Je ne sais pas ce qu'il en est pour mes collègues diaristes, mais ce chiffre a quelque chose d'inquiétant. Tant de regards sur moi, que je ne connais même pas...
 
Bon, je vais faire comme si de rien n'était (et déjà, je ne devrais plus aller vérifier ce compteur, ça me simplifierait la vie!).
 
Je continue à parler pour moi, tranquillou. Comme si j'étais seul à me lire, avec juste quelques regards amicaux des quelques personnes que j'identifie.
 
Voila... zeeeeen, je suis tout seul face à moi même...
 

Ecrire au futur être que l'on sera
 
 
Mercredi 24 juillet
 
J'ai continué à fouiner un peu dans mon vieux journal papier. J'y ai trouvé quelque chose qui m'a surpris.
 

«Je reprends enfin la plume, après tant de temps! Si je n'ai pas écrit, c'est d'abord parce que pendant six mois après notre mariage je n'en éprouvais plus le besoin, tout en ressentant que c'était peut-être dommage. Mais celle qui me faisait tant écrire était maintenant là, je pouvais tout lui dire, et puis n'avait-elle pas déjà tout lu? Je n'avais donc plus de raisons d'écrire. Puis petit à petit cette envie m'est revenue. De temps en temps j'éprouvais à nouveau le besoin d'écrire, de plus en plus souvent, de plus en plus violemment. Mais je n'ai pas souvent le temps, surtout avec le diplôme que je viens de passer pendant deux mois. Mais cette envie ce n'est plus la même, il y a eu une mutation pendant ce long silence [18 mois].

 
D'abord je n'ai plus tellement envie d'écrire pour me confier, Charlotte est là "pour ça" dirais-je. Non, c'est plutôt pour me souvenir, peut-être pour comprendre nos enfants plus tard, mais surtout pour me comprendre, me connaître mieux moi-même. Ce que j'ai envie d'écrire c'est maintenant, bien plus qu'avant, ma vie avec les autres, ma façon de penser sur les gens, sur mes relations avec les autres. Peut-être parce qu'elles évoluent ou plutôt, c'est bête à dire, parce que je mûris, comme on dit. Je ressens beaucoup plus les choses qu'avant. J'ai surtout une soif intense, une extraordinaire envie de parler, de dialoguer avec d'autres, dire ce que je pense, écouter ce que les autres pensent. Cela me travaille d'une façon extraordinaire, à tel point que lorsque je discute avec des gens avec qui on ne le fait pas d'habitude, je ne parle pas! Je suis tellement content que je ne pense qu'à ça. Je me suis fait des amis, que j'appelerais excellents amis, bien que nous ne nous connaissions pas en profondeur, parce que j'ai confiance en eux. Je pourrais leur dire beaucoup de choses que je pense si je n'étais pas aussi timide»
 
Tout cela a été écrit alors que j'avais... 22 ans (22 juin 83). Je trouve qu'il y a une assez nette différence avec le texte que j'ai reproduit hier. Ici, j'avais laissé tomber le coté narratif pour me consacrer à l'expression du ressenti.
 
Ce qui m'a surpris c'est de constater que déjà j'avais pris conscience de mon envie de communiquer avec les autres, alors qu'il me semblait que cette prise de conscience était récente. En fait, je suis en train de réaliser que mon envie de dialogue, clairement exprimée dans cet extrait n'a jamais vraiment trouvé d'exutoire. Ma timidité handicapante m'a privé durant des années de ce à quoi j'aspirais.
 
Il me semble que s'explique mieux ma boulimie d'échanges par internet. J'ai été tellement longtemps frustré de ne pouvoir communiquer que je me suis investi à fond dans ces relations invisibles. A ce sujet, je refuserai encore longtemps le discours qui consiste à dire que «ça ne vaudra jamais un dialogue en face à face». Parce que tout dépend de quel point de vue on se place: oui, l'échange est de meilleure qualité sensorielle quand on est en présence de l'autre, mais quand cette présence fait que l'on n'est plus soi-même, est-ce vraiment mieux?
 
Je continue ma lecture ancienne...
 
«c'est d'ailleurs très agréable de pouvoir parler avec des filles sans qu'il n'y ait rien derrière, je dis bien rien. Peut-être cela est facilité par le fait que je sois marié; je peux donc parler sans avoir l'air de "draguer". Pourquoi suis-je plus attiré par les filles que par les garçons? Parce qu'elles sont plus intéressantes, plus personnelles et puis parce que du point de vue esprit je me sens sur beaucoup de points plus près des filles que des garçons. Le mâle viril, con, dégueulasse, ça n'est vraiment pas mon genre. J'ai en horreur toutes ces discussions au ras du sol. Les filles sont peut-être pareilles entre elles mais les deux sexes mélangés ne donnent pas du tout le même effet.
 
Je ne sais pas comment le dire assez bien car j'ai peur de ne plus m'en souvenir plus tard, j'adore parler, je ne rêve que de ça, je n'attends que ça que ce soit avec filles ou garçons du moment que parler veut dire: dévoiler sa pensée, laisser tomber les masques, discuter de soi, de choses in-té-res-santes quoi! Je brûle d'envie de parler. Dans notre classe, depuis trois ans que nous sommes ensembles, nous n'y sommes toujours pas parvenus sauf pendant quelques instants parfois (dont aujourd'hui, c'est pour cela que j'écris). Aujourd'hui ça a été bien et puis je me suis aperçu que d'autres pensaient comme moi, à part F. pour qui je le savais déjà»
 
Je suis vraiment surpris de lire à presque vingt ans d'écart combien mes désirs de discussion ont peu changé, et surtout comme je pourrais réécrire la même chose. Je serais sans doute un peu plus nuancé et j'approfondirais la réflexion (j'étais moins disert à l'époque...), mais pour l'essentiel rien n'a changé.
 
Hum... ce qui à un coté sain, c'est que je reste fidèle à celui que j'étais et ne renie pas mes idéaux de jeunesse sur ce chapître. Mais il y a le revers de la médaille: je n'ai pas changé et j'attends toujours les mêmes choses. Oui, sauf que maintenant ce n'est plus du rêve puisque je parviens à avoir ces discussions que j'espérais.
 
Bon, des esprits critiques pourraient dire qu'il en a fallu du temps. Je répondrai qu'il a fallu le temps nécessaire au changement profond de ma personnalité, c'est à dire à ne plus douter autant de moi. Ne plus me sentir insignifiant. Ça paraît dérisoire ce petit mot, mais c'est capital comme élément de blocage ou d'avancement.
 
Et les personnes qui me connaissent bien savent combien cette impression de ne pas exister pour l'autre est tenace. Il en faut du temps pour que je prenne réellement conscience que je compte, moi, pour eux. Et il leur faut surtout me l'avoir répété à de multiples occasions pour que je finisse par sentir s'installer une quiétude à ce sujet.
 
Je continue ma reprise, parce qu'elle aborde d'autres points.
 
«Je voudrais écrire plus, mais demain je passe l'oral de l'examen, la dernière épreuve. Ce qui veut dire que nous ne nous verrons plus puisque nous ne passons pas tous en même temps... sauf ceux que j'ai réussi à convaincre de faire une dernière sortie ensemble [trois jours de marche en montagne]. Ils en étaient très contents d'ailleurs, ou plutôt contentes, car il n'y avait que trois filles au début. On ne se quittera donc pas comme ça, bêtement. J'attends beaucoup de ces trois jours. J'espère qu'ils nous apportereont beaucoup, même si c'est la dernière, dernière limite que cela se passe. J'espère réécrire bientôt, je souhaite en avoir envie surtout, car cela prend du temps et je n'ai déjà pas assez de temps pour vivre. Et Charlotte là dedans? Je l'aime toujours plus. Je suis très heureux de notre mariage qui, je pense, marche très bien. Il n'y a donc rien à en dire (j'ai mauvaise conscience d'en parler si peu par rapport au reste mais aujourd'hui je suis vraiment très préoccupé par tout ce dont j'ai parlé)
 
A bientôt ( à qui?... à qui est-ce que j'écris...? à moi? à Charlotte? à personne?)»
 
 

Un constat que j'ai fait à plusieurs reprises: ma timidité pouvait disparaître à des moments comme celui décrit, c'est à dire l'extrême fin d'une relation. Comme si je perdais cette peur de m'affirmer... Comme si ma volonté de renforcer in-extremis une relation finissante dominait mon sentiment d'insignifiance. Comme si, dans un sursaut, j'osais montrer qui j'étais. Parce que je n'avais plus rien à perdre (un peu comme j'ai pu terminer mon histoire avec Laura). La randonnée dont il est question s'était finalement faite avec les quatres filles de la classe, et nous étions quatre garçons. C'est moi qui avais organisé ça, alors que j'étais un des deux plus timides de la classe (avant dernier, l'autre étant un vrai timide coincé). Durant le séjour je m'étais senti d'égal à égal avec les autres et j'avais bien pris la place qui était la mienne. L'ambiance avait été excellente et nous avons gardé le contact pour la plupart pendant des années.

 
Quand j'écris «la place qui était la mienne», je me rends compte que cette signifiance allait de soi: j'étais à la fois l'organisateur et celui qui connaissait l'itinéraire. Par ce statut de "chef" je pouvais compenser mon éternel sentiment d'insignifiance.
 
Ah oui: on avait bien rigolé, parce que quand je ne suis plus timide j'aime beaucoup rire.
 
L'oeil perspicace du lecteur attentif aura aussi remarqué que déjà à cette époque je me justifiais sur mes écrits! Expliquant pourquoi je n'avais pas parlé d'autre chose et notamment mon mariage, dont rien n'avait été relaté dans mon journal jusqu'au jour retranscrit ici. Mais comme je le constatais déjà: tout va bien donc il n'y a rien à en dire.
 
Ou pourquoi un journal est très subjectif...
 
Dernière remarque avec cette interrogation sur le destinataire de mes écrits: il semble que j'ai toujours eu l'impression de m'adresser à quelqu'un, non identifié. Sans doute moi au futur. Donc celui que je suis maintenant, par exemple.
 
Mais en me relisant (du moins ce texte là) je n'ai pas l'impression d'être un autre. Je suis bien la continuité de celui que j'étais.
 
Question: est-ce que dans dix ou vingt ans je relirais les lignes que j'écris en ce moment? Est-ce que je retrouverai une continuité dans mes questionnements de quincagénaire?
 
La réponse me sera donnée à ce moment là.
 

 
Détachement du passé
 
 
 
Samedi 27 juillet
 
Je lisais «Le garde mémoire», publication de l'APA qui récapitule régulièrement les «échos de lecture» des textes reçus par l'association. Textes très divers, tant par le contenu, la longueur, l'époque...
 
En lisant quelques uns des plus jeunes diaristes (papier), je ressentais une certaine proximité avec ces écrivants et leurs récits de vie. Une certaine jubilation aussi: envie de faire comme eux en communiquant mon journal.
 
En fait, voilà un bon moment que j'envisage de céder mon propre journal et ses ramifications autobiographiques à l'APA. L'appel lancé récemment par les divers groupes de lecture, apparemment en sous-régime, à réveillé cette interrogation.
 
Je crois que je suis désormais prêt à me séparer de mes premiers écrits. J'ai pu me détacher de cette période lorsque j'ai fait cet immense travail sur l'importance que Laura avait tenu dans ma vie. Voila près de deux ans que le travail est achevé. Il n'y a pas eu de rechute et je sais qu'il n'y en aura plus. J'ai quitté mon adolescence difficile, ai coupé le cordon qui me reliait à mon enfance. Tout cela est du passé, détaché, émotionnellement parlant, du présent.
 
Les souvenirs restent, mais il ne sont plus souffrance. Il ne s'accrochent plus comme autant de fils élastiques à celui que je suis devenu. Je peux regarder mon passé sans craindre d'être happé par lui, englué dans trop de questionnements, de nostalgie, de regrets.
 
Ces derniers jours j'ai relu certains passages de ce long journal, étalé sur près d'un quart de siècle. Passages picorés autour d'une date symbolique dont je recherchais la trace anniversaire au fil des années. Et je me suis rendu compte qu'une part de ce journal, devenue quasiment historique, est totalement détachée de moi. Alors que dans les années récentes je retrouve les racines de mon cheminement actuel.
 
Si je le cède (je ne cèderai que des copies, gardant le précieux original comme un trésor), je sais, je sens, que je vais écrire pour l'accompagner. Pour présenter l'histoire, me présenter, signifier le contexte et montrer le recul que j'ai pu prendre. Il me semble impensable de donner tel quel ces centaines de pages (450) sans les situer dans mon continuum de vie. Un peu comme je l'ai fait avec l'intro de ce journal en ligne.
 
Parfois je me pose des questions sur ce regard que je pose sur moi, et celui que je voudrais qu'on pose sur moi. Je suis capable de me croire autorisé à m'analyser moi-même, ou faire une critique (subjective!) de mon écriture. Analyser la forme de mon écriture. M'auto-observer, moi au passé devenant sujet d'étude de moi au présent.
 
Je ne sais pas si c'est une attitude égocentriste ou narcissique. Je ne le crois pas. Certes je m'intéresse à moi-même, mais je crois le faire de façon "objective" (subjectivement objective, serait plus juste) parce que ni je m'admire, ni je me dénigre. J'observe, comme détaché de mon sujet d'étude. Une sorte de dédoublement de la personnalité conscient. Par honnêteté avec moi-même. D'ailleurs c'est à mon propre usage que j'ai commencé à observer mes écrits: fréquence, intensité, périodes creuses. Je tirais des ces mesures des indices de préoccupation vis à vis de tel évènement.
 
C'est comme ça que j'ai pu me rendre compte que mon journal avait des épisodes nettement différenciés: Exclusivement Laura à l'origine, puis exclusivement Charlotte lorsque je l'ai rencontrée. Le journal s'est rapidement et durablement éteint quelques mois après que nous nous soyons déclaré notre amour. Douze ans de presque silence, à peine entrecoupé de quelques pages, dont 8 ans de silence total, qui scinde clairement le journal en deux parties. La première est surtout narrative, la seconde introspective.
 
Un renouveau viendra clore cette longue parenthèse, avec une lente montée en puissance de l'écriture auto-analytique, puis avec la mise en ligne quatre ans plus tard.
 
Il peut paraître saugrenu de s'intéresser à sa façon d'écrire. Pour moi c'est un langage complémentaire. La méta-écriture (écrire sur l'écriture), le méta-journal, donnent des indices précieux qui ne transparaissent pas forcément dans une lecture ligne après ligne.
 
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Coupé dans le fil de mes pensées par la recherche des quelques chiffres que je cite, je ne sais plus où je voulais en venir... si ce n'est à me préparer à cette cession de mon journal.
 
 

 
 
 
Petit creux estival
 

 

Dimanche 28 juillet
 
 
 
Les week-end sont généralement frustrants question communication sur internet: peu de mise à jour de diaristes, forums quasiment en panne. Mais c'est encore pire les week-end de vacance. Pffff, je vais presque m'ennuyer si ça continue!
 
J'en ai profité pour parler longuement avec Charlotte ce matin. Un peu de tout autour de la communication entre les gens, du poids de l'enfance. Bref, nos sujets de prédilection.
 
Faudrait que je me lance dans la rédaction d'un article pour Claviers intimes... Le sujet (Les relations entre diaristes et lecteurs) devrait me stimuler. Ben... pas tant que ça finalement. J'sais pas... la période n'est peut-être pas propice. Pas beaucoup de communication en ce moment.
 
Puis bon, ça me dérange un peu d'intervenir à chaque fois dans ce webzine (oui, je sais, c'est largement moi qui ait voulu qu'il existe). Mais... on dirait que ça intéresse finalement peu de gens. Et ceux que ça intéresse (heureusement, il y en a quand même) sont toujours les mêmes (à moins que ce ne soient toujours les mêmes qui se manifestent?). Peu de renouvellement parmi les auteurs (même s'il y en aura dans ce numéro à venir).
 
Ouais, je vois un peu les choses en noir là...
 
Boaf, je pense que c'est dû à une certaine lassitude. Conséquence de ma prise de conscience récente des rapports que j'entretiens avec mes lecteurs, et avec la "communauté" (heu... existe-t-elle vraiment?) de diaristes.
 
J'suis un gars qu'aimerait bien que tout le monde s'entende bien, tout en sachant que c'est une utopie. Et lorsque je me rends compte des limites vite atteinte, ça me déprime un chouia.
 
Bon, puis c'est la vacances, tout le monde est plus ou moins préoccupé ailleurs... Puis il fait beau et on est davantage dehors... Ouais, y'a plein de raisons à cette distanciation des rapports.
 
Bon allez, je vais écrire cet article, p't'êt bien que l'inspiration reviendra au fil des idées.
 

 
Contorsions
 
 
 
Lundi 29 juillet
 

J'ai un petit penchant nostalgique en ce moment. Un hasard qui n'en était sans doute pas un m'a fait réouvrir mes écrits anciens. Le journal papier il y a quelques jours, des courriels hier et ce matin.

 
J'ai eu envie de reprendre contact avec des personnes avec qui nous avions eu des échanges approfondis il y a quelques mois ou... années (déjà!). Parce que parfois les silences s'éternisent et on ne sait plus pourquoi ni comment les rompre.
 
C'est bien un truc que je fais ça: écrire comme ça, sans autre raison que de dire que je suis là et que je pense toujours à cette personne que j'appréciais. Hier j'ai écrit à une femme que j'admire pour certains cotés. Depuis plus de six mois nous n'avons plus eu d'échanges. J'envisage aussi d'écrire à une autre (Kathryn) dont je n'ai plus ne nouvelles depuis autant de temps, mais avec qui l'échange précédent datait aussi de plusieurs mois. Bizarre comme certaines personnes s'effacent sans explication. D'autant plus que chaque reprise de contact montre bien que le plaisir à avoir des nouvelles est intact. Mais avec elle, il semble que ça vie a changé (sans que j'en sache plus).
 
A l'instant, j'ai eu envie de relire (pourquoi???) quelques bribes des mes courriers adressés à Laura. Juste pour savoir ce que j'y mettais. Et en cherchant je tombe sur un dossier (papier) dans lequel sont archivés mes tout premiers courriers avec... oh, pffff, je peux bien le dire: celle qui m'a donné le goût du diarisme, l'Incrédule. Ma toute première missive vers une diariste, quand je ne savais pas trop comment aborder cette prise de contact. Ses réponses m'avaient enchanté et elle fût la première, ensuite, à lire mes écrits. Avant que je ne m'inscrive à la CEV.
 
Je dois énormément à ce hasard qui m'a mené vers son journal, via l'interview à laquelle elle avait répondu dans le JMag. Ouais... hasard pas tant que ça. Si je lisais le JMag c'est que le diarisme en ligne m'intriguait déjà. Je ne sais plus trop quels journaux j'avais lus à l'époque, mais ce qui est sûr c'est que c'est celui de l'Incrédule qui a été la révélation. Je me souviens l'avoir lu en intégralité, parcourant pendant des heures les jours les uns à la suite des autres. Trop de réflexions étaient proches des miennes pour que je ne sois pas séduit par cette forme d'écriture.
 
Cette "rencontre" aura été un des éléments marquants de ma vie, j'en prends maintenant conscience. Peut-être que sans elle j'aurais trouvé chez un autre diariste le désir d'écrire mon propre journal, mais c'est bien l'Incrédule qui est le point de départ de ma "carrière" de diariste. Et donc de tout ce travail auto-analytique que cela a occasionné.
 
Bon, j'arrête, sinon je vais la gêner...
 
Bref, en relisant des passages de nos premiers courriers, je retrouve des idées qui n'ont pas pris une ride (bon, oui, deux ans c'est pas vieux pour avoir des rides...), alors que ma façon de me percevoir à bien changé. J'ai beaucoup plus d'assurance, c'est flagrant. Et ses préoccupations et constats de diariste qui passait ses deux ans d'existence sont finalement bien proches de celles que j'ai, après la même durée d'écriture.
 
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Bon, finalement je suis quand même allé lire ce que je "cherchais", à propos de Laura. J'ai repris le gros dossier qui contient tous les brouillons de ce que je lui ai écrit (4 ou 5 lettres, je ne sais plus) et surtout celles que je n'ai pas écrites (une soixantaine... hééééé oui!). Je suis tombé sur celle qui était en haut du dossier: la dernière écrite, il y a deux ans. Et bien elle était très bien cette lettre. Claire, sans attente, ni agressive ni plaintive. Elle montrait ma solidité et ma sérénité, un an après avoir renoncé à cette folie.
 
Juste après j'ai retrouvé les 20 pages d'auto-analyse de cette histoire abracadabrante. Puis j'ai refermé mon dossier. Il n'y a rien à réouvrir finalement, tout est bien terminé.
 
C'est peut-être ce que je cherchais à confirmer?
 
En voyant ces montagnes de mots, je me rends compte à quel point l'écriture a pu être libératrice. Oh oui, j'en ai écrit des pages et des pages. Elles ne me servent plus à rien désormais, mais elles ont permis de sortir tout cette souffrance qui était en moi. Maintenant elles ne sont qu'une trace, un cimetière d'impressions, de doutes et de questions. La vie a continué en ne laissant que ces cadavres de lettres. Leur épaisseur montre à quel point le combat fût pénible et long, mais je ne crois pas que je retrournerai souvent voir ce champ de bataille.
 
 
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Dans le genre sinistre, réflexion sur soi-même et lucidité, je vous conseille la lecture d'Anomalie: Esthétique du mal. Mais seulement si vous avez la pêche...
 
C'est un style d'écriture que j'aurais pu avoir à des périodes bien sombres, mais que je ne me suis jamais autorisé à laisser sortir.
 

 

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Dans un tout autre genre, philosophie de vie et spiritualité, la page du jour d'Ultraorange
 
 
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Bon, je me trouve beaucoup concentré sur moi-même en ce moment. Pas forcément passionnant pour vous qui me lisez...
 
Oui, mais on avait bien dit (hein quoi, pas vous?) que je m'exprimais sans souci du lecteur. Alors voila, ça donne parfois ce genre de choses.
 
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Hasard ou convergence? Alors que j'avais vaguement (l'hésitation étant due à l'heure tardive) l'idée d'écrire sur un sujet qui avait fait "tilt", voilà que je reçois un message... qui évoque justement ce sujet!
 
Pas vraiment hasard puisque le message en question commentait un des miens, dans lequel je parlais des positions médianes. Un thème qui m'est cher...
 
J'avais oublié qu'il en était question dans mon message, mais apparemment quelque chose dans mon inconscient travaillait encore sur le sujet. Voilà pourquoi je ne pense pas qu'il s'agisse d'un hasard. De plus en plus je vois ces "hasards" comme des rencontres de circonstances orientées. On se met en position de favoriser les hasards, sans même en avoir conscience.
 
Bon, il y aurait de quoi réfléchir plus loin, mais ce n'était pas mon sujet de ce soir.
 

 

Voila ce qui a suscité mon envie de consigner mes réflexions ici: « il est très difficile de se soustraire de nos préjugés. Mais si on en a conscience et qu'on essaie de s'en extraire, c'est déjà une bonne piste. Pour ça que je préfère toujours les propos médians (qui réfléchissent en stéréo) par rapport aux extrêmes (bien que ces derniers poussent les médians à la réflexion!).
 
Mouais... en fait il faut des extrêmes pour titiller les médians et des médians pour modérer les extrêmes. Le seul truc qui ne marche pas c'est extrême d'un coté contre extrême de l'autre» (vous permettez que je cite sans vergogne mon message posté sur un forum?).
 
Réfléchissons...
 
Je passe des heures à discuter avec des gens qui ont les avis aussi divers que leur façons de les exprimer. Il y a les plus modérés, qui argumentent, écoutent, discutent, acquièscent... ou resistent. Il y a aussi les extrêmistes de tout poil, sûrs d'eux-même et généralement (pas toujours) agressifs, dénigrant leurs adversaires, quand ce n'est pas méprisant ou insultant. Charmants personnages... Et il y a bien sûr toutes les positions intermédiaires.
 
Je me suis rendu compte que je discutais assez peu avec les modérés, me contentant de les lire et apprécier la justesse de leur point de vue. Au contraire, je suis irrésistiblement attiré vers les propos orientés, comme si je cherchais la discussion afin de modérer leurs excès. Par contre je renonce vite lorsque je constate que mes interlocuteurs sont bornés et, finalement, forcément limités dans leur ouverture aux idées des autres.
 
En fait, j'ai longtemps critiqué les gens trop extrêmistes en disant qu'on ne pouvait pas discuter avec eux puisqu'ils ne changeaient pas d'avis. Et inversement, les extrêmistes radicaux ne supportent pas la neutralité qu'ils semblent considérer comme un manque de caractère. Le "consensus mou" m'a t'on rétorqué un jour.
 
Et là, je me rends compte que ces oppositions sont complémentaires. S'il n'y avait que des positions neutres, on s'ennuierait peut-être vite. S'il n'y avait que des extrêmes, ce serait une lutte permanente et aucun consensus ne serait jamais possible. Me considérant comme médian, relativement neutre, je me trouve donc en position d'interlocuteur privilégié. Je peux tenter la conversation avec des tendances fortes d'un coté comme de l'autre d'une opinion. Position inconfortable qui vaut d'être souvent catalogué comme "opposant"... des deux cotés. mais position enrichissante parce que bénéficiant de cette écoute "en stéréo" des points de vue des deux cotés. Et je pense aussi que cette capacité à dialoguer montre à des esprits partisans qu'on n'est pas nécessairement du coté opposé et qu'il existe, justement, une voie médiane.
 
Du coup... ben je ne sais plus si la neutralité est LA solution. Les médians ont un rôle qui ne prend sa saveur qu'en présence d'opinions plus marquées.
 
Ce qui est certain, et là je n'en démords pas, c'est que cette position médiane, fondée sur la capacité à douter, est beaucoup plus inconfortable que celle qui consiste à être sûr d'avoir raison. Parce qu'une fois qu'on a choisi son camp, il n'y a rien d'autre à faire que de suivre la ligne continue. Simple et carré!
 
Par contre, ce goût pour la nuance, cette faculté de remettre en cause ses impressions me semblent être un excellent chemin pour l'épanouissement personnel.
 
Je me rends compte, à l'instant, que les deux formes de dialogue qui m'absorbent correspondent à deux sphères d'échange. Autour de ce journal c'est tout ce qui est de l'ordre de l'intime, du ressenti. Les échanges se font en douceur, en sympathie. Nulle agressivité, nul extrêmisme. Je suis en relation avec des gens qui sont relativement "comme moi".
 
A l'inverse, sur les forums, j'échange dans une autre sphère, celle des opinions, en laissant de coté le partage de similarités. Je ne cherche pas à y établir de contacts plus personnels. Au contraire je préfère garder une certaine distance en me dévoilant le moins possible (mais on ne se refait pas et je me "lâche" de temps en temps).
 
Je crois que cette dichotomie entre les deux sphères communicantes tend à s'atténuer. Je dois apprendre à élargir les deux champs d'action, dans le but d'être davantage moi-même, à l'aise plus facilement, plus fréquemment.
 
Bon... j'ai librement dérivé de mon sujet, là...
 
Ce que je voulais signifier, c'est que dans les deux sphères je pense être modéré, mais dans l'une je m'épanouis en partageant en douceur alors que dans l'autre je "milite" pour la modération, espérant (vainement?) aider au dialogue entre les gens, donc à l'enrichissement mutuel.
 
Mouais... c'est peut-être ça mon problème: me sentir avoir un rôle à jouer (minime) pour favoriser la communication entre les gens. Parce que je crois vachement au pouvoir des mots. Ceux que j'écris ici pour moi, ceux que j'échange dans des relations privilégiées d'épanouissement mutuel, ou ceux des échanges d'opinion qui pourraient (devraient) participer à l'amélioration du monde.
 
Oui, je crois que j'ai mon tout petit rôle à jouer. Je m'en voudrais de ne pas le faire.
 
 
 
 

Ce que j'écrivais il y a un an...

 

 

 

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