Mois d'octobre 2002 (1ere partie)
 
 
Dégoûté
 
 
Mardi 1 octobre
 
 
Je suis très en colère (façon de parler). J'avais écrit un vachement long texte et il a disparu après je ne sais pas quelle manip que j'ai même pas compris ce qui s'est passé.
 
Pfuuu, je suis dégoûté...
 
Question: c'est quoi le plus important? L'avoir écrit ou le mettre en ligne? Je ne sais pas, mais je me rends compte que la mise en ligne, ou au moins en archive fait partie de l'acte d'écrire. Ce n'est pas seulement une mise en mot, mais aussi une mise en mémoire, et une expression publique.
 
Mais tout réécrire? Pffffff...
 
 

 
 
Pôles opposés
 
Mercredi 2 octobre 
 
 
Bon, j'ai lu que ma mésaventure (p'tain, j'ai trop l'démon...) d'évaporation subite de ma précieuse pensée oranisée sous forme d'un assemblage de mots cohérents et signifiants avait été partagée par Sophie et euh... je sais plus qui.
 
Ça ne change rien, mais ça partage quand même un peu la douleur.
 
Lu aussi sur la semaine de Vani un lien qui renvoie vesr une déclaration de guerre entre diaristes. Vu de loin, ça paraît assez insignifiant, surtout si on ne connaît pas les protagonistes. Mais on retrouve quand même une tendance lourde: se croire autorisé à juger que l'autre, celui qu'on ne comprend pas (et ne se donne surtout mas la peine de comprendre...) est un con. Bon, faut croire que ça défoule, même si ça n'apporte rien.
 
Hier, j'écrivais un peu un texte là dessus, inspiré par le regain d'activité du forum Underground. Boaf, je sais déjà plus ce que je disais. Et puis ça a changé depuis hier. On atteint des sommets dans la bassesse (oui, ça veut rien dire, je sais). C'est fou ce que l'anonymat suscite de vocations d'orateurs frustrés. Lamentable de voir des gens déverser leurs insanités simplement parce qu'on ne les reconnaîtra pas. Ridicule de voir l'une d'elle changer régulièrement de pseudo mais se trahir en quelques phrases tout en jouant sur le mensonge en disant «mais c'est pas moi».
 
Bref, on s'en fout, tout cela n'a pas beaucoup d'importance. Si ce n'est admirer quelques exemples amusants de comportements humains.
 
C'est fou ce que j'ai pris comme détachement depuis quelques jours... Ma cure digestive lente et ressassante aura été efficace sur ce point.
 
Et puis, point positif, j'aurais découvert de nouvelles personnalités. Un forum un peu animé est très bien pour ça. On repère très vite les gens avec qui on pourrait a priori s'entendre. On repère aussi très vite les faux-culs au double langage (nan, je dirais pas à qui je fais allusion!), les donneurs de leçons et autres agréables personnages.
 
Ce qui est amusant, c'est que c'est réciproque: je suis aussi perçu comme un donneur de leçons.
 
Je me demande aussi un truc, justement en rapport avec ça: et si les gens avec qui j'avais le plus de problèmes n'étaient pas finalement assez proches de moi, dans leur comportement? Trop proches, tout en étant radicalement opposés dans nos conceptions des relations humaines. En lisant Manu, par exemple, je ne peux m'empêcher de retrouver certaines analogies avec ce que je pourrais écrire. Mais juste à coté, je vais lire des trucs qui sont à l'opposé de ma conception des choses. J'ai aussi constaté ça avec d'autres personnes, sur d'autres forums.
 
Personnellement, et je ne suis pas impartial, j'ai l'impression que ce sont les autres qui ne me supportent pas, parce que je suis trop "sage", ou "gentil". Ça semble les agacer et ils ne peuvent s'empêcher de me rentrer dans le lard. De mon coté, je rentre aussi dans le lard de ceux qui aiment jouer aux "méchants". Apparement, nous sommes commes les deux pôles opposés de mêmes principes. Le respect, la tolérance, la liberté, le jugement d'autrui. Chacun a une conception, mais qui pour une raison qui me reste mystérieuse, heurte violemment l'autre. Je ne dis pas que mes conceptions sont meilleures ou plus justes, mais je ne vois rien dans les leurs qui me convienne. Et inversement, je suppose.
 
Ça me tracasse cette incompréhension...
 

 
Vaine résistance
 
Jeudi 3 octobre
 
Ah la la, décidément, il me sera bien difficile d'évoquer autre chose que ma vie internautique en ce moment.
 
Voyez plutôt. Sur le forum underground, ou je suis classé comme "sérieux", j'essayais de dire ce qui me faisait rire ou pas. Oui, parce que c'est marrant (ça, ça me fait rire), mais si on demande à être un peu sérieux quelque part, on est immédiatement catalogué comme "coincé". Ah ben oui, c'est comme ça. Faut choisir: rigolo ou coincé, sans demi-mesure possible (amis lecteurs chosissez votre camp...). Donc, je suis forcément dans les coincés. CQFD
 
J'ai beau expliquer que le rire est pour moi quelque chose de vivant et spontané, donc que les blagues "attends, tu vas rire", précisément risquent fort de ne pas déclencher ce plissement caractéristique des yeux qu'accompagne la courbure expressives des lèvres, rien n'y fait, je reste un... attendez que je relise et que je me marre... «Idéaliste n'a pas du rire depuis le stade anal». Ouaaaarf, ça c'est vachement drôle. Non, pas la blague, mais celui ou celle qui l'a écrite. Ou comment passer tout seul pour un con...
 
Bon, mais où voulais-je en venir? Ah oui: "comment parler d'autre chose?". Lisez plutôt. « Et bien donc, Idéaliste , tu ris de ce qui parle de toi et uniquement de toi!!!!!!!Oui......Moi, je ...... a l'humour orienté donc!!!
 
J'ai soumis ton journal à la lecture de toute ma famille........On a bien ri!!!!!!(surtout quand tu t'es comparé aux tours jumelles!)

Ensuite j'ai fait le test avec mes collègues de bureau .

On étaient mortes de rire.

Enfin , je leur ais communiquer l'adresse de ce forum .

Conclusion, en ce moment,on ne ris plus de Vandamme , on ris Idéal et réalité.......

Bientôt on va ouvrir un site fantaisie en Idéal......

Je dis ça pour vous y convier tous, quand il sera en ligne.

Et que l'on ne me sorte pas des droits ou autres choses de ce genre.

Ce site sera une pure fiction .....

à bientôt donc»

 
 
Grandiose, non? Du grand Forum, dans ce qu'il a de meilleur. Et c'est signé... la célèbre inconnue multi-pseudo. Oui, celle qui fait comme si elle ne comprenait pas.
 
Donc je suis lu par des gens qui se marrent de ce que je dis? Ben c'est parfait. Du moment que ça fait gonfler mon compteur, hé hé hé. Et mon égo surdimensionné qui va avec ouaah ha ha ha!!!
 
Non, franchement, je m'en fous.. Tant mieux si des gens se marrent grâce à moi. Au moins ce journal sera utile.
 
Bon, c'est sûr, ça n'arrangera pas mes affaires intimistes. Je ne vais pas pouvoir retrouver ce calme que j'avais quand j'étais lu tranquillement par des gens qui partageaient quelque chose avec moi. En fait, j'ai même l'impression que c'est tous ceux qui appréciaient ce que je disais (et tous ceux qui écrivent d'une façon similaire) qui sont insultés avec moi. Mais bon, vu la personne qui écrit et les gens qui se moquent (dit elle, parce qu'elle n'est plus à un mensonge près cette chère Mo... euh Clo... euh, qui ça déjà? ah oui: "inconnue"), on n'y attachera que l'importance que ça mérite.
 
Tant pis, on patientera encore un peu pour retrouver le ton intimiste. Pour le moment ça risque de continuer un peu dans la découverte des comportements amusants qui égaient les forums...
 
Mais je ne m'inquiète pas trop, je ne pense pas que ça puisse m'affecter comme au mois de septembre. Non, ça me galvaniserais plutôt.
 
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Un truc qui me tracasse: jusqu'à quand cette soit-disant inconnue va-t-elle me provoquer? Jusqu'à ce que je me laisse aller à dévoiler son identité? C'est un test de résistance?
 
On pourrait penser qu'on en a rien à faire d'une excitée. Mouais... sauf que celle là elle a un double langage qui me déplaît fortement. Non, je ne parle pas du fait qu'elle se cache sous des pseudos variables. Je parle de ses convictions profondes. Celles qu'elle étalait largement sur son site.
 
Quelqu'un qui se dit à fond "de gauche" mais qui à un comportement de dénonciateur, ça me laisse un peu perplexe. Elle est à fond anti-FN... mais ne vaut pas mieux dans son comportement. A gauche, normalement, on est humaniste. Elle non, elle se régale à faire souffrir (sauf que ça marche plus...). Ça m'interpelle cette incohérence...
 
Et puis vis à vis de ses responsabilités professionnelles. Là ça me dérange beaucoup. Je n'apprécierai pas que mes enfants soient sous sa responsabilité. Je sais bien que le domaine privé et le public sont théoriquement sans liens... ça me dérange quand même.
 
 
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Allez hop, on passe à autre chose.
 
En ce moment je me régale à passer mes journées dehors. Il fait un temps superbe et la température est des plus agréables. Le grand espace qui nous entoure devient de plus en plus beau d'année en année, et l'automne est vraiment une saison appréciable. En ce moment c'est un festival de couleurs qui s'installe. Les arbres de diverses espèces se colorent tour à tour et l'embrasement sera pour dans quelques jours. Déjà certains arbres sont à leur paroxysme. Notamment un superbe érable à sucre, très courant chez les québecois mais rare en France.
 
Il faut avouer que les couleurs d'automne sont chez nous souvent dans des teintes sourdes: bruns et jaunes. Le rouge et l'orange sont rares, le violet encore plus. Mais l'introduction d'espèces américaines nous permet de jouir, dans les jardins ou parcs, de ces colorations inhabituelles.
 
Et j'ai la grande chance d'avoir un jardin dans lequel j'ai planté de ces espèces spectaculaires.
 
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Dans mon texte évaporé, il y a deux jours, je me souviens que j'avais longuement abordé une réflexion induite par un texte de l'incrédule (27/09). Elle disait notamment: « Et depuis longtemps, j'ai abandonné l'idée d'essayer de comprendre ceux qui m'agacent, qui me provoquent ou qui me rendent impatiente. Je déclare plutôt que chacun à droit à son opinion et je passe mon chemin sans anicroche, me servant du prétexte de la tolérance pour éviter des combats potentiels. Je vise ainsi le détachement, mais au fond, c'est aussi une habile mascarade servant à camoufler ma fuite. Je place un bras de distance entre eux et moi. Mais ma main ne se tend pas car, faute d'avoir la certitude d'être bien accueillie, je préfère garder le point serré au fond de ma poche. C'est tellement plus facile ainsi.»
 
Je me suis rendu compte à quel point je différais dans ma façon de réagir. Et c'est nouveau. Parce que depuis toujours j'étais resté tel que le décrit l'incrédule à son sujet.
 
Pourquoi ai-je changé? Je pense que je vivais mal cette dichotomie intérieure, entre ce que je montrais de moi et ce que je ressentais profondément. Or mon but est de vivre mieux, plus sereinement, en harmonie intérieure (oui, je sais, on ne dirait pas vu les situations dans lesquelles je me retrouve...).
 
Pour trouver cette paix intérieure, il faut se connaître soi-même, il faut aussi s'accepter, donc ne pas tricher. C'est la raison pour laquelle, et notamment grâce aux relations internautiques, j'apprends peu à peu à me frotter aux autres. Hum... ça ne se passe pas sans heurts.
 
Pour autant, je ne renonce pas. Parce que je sais que c'est le chemin obligé pour aller vers l'essence de moi-même. Alors quand je me retrouve pris dans des "combats", puisque j'ai choisi de ne plus les éviter, je tente de résister. Plus ou moins efficacement...
 
Je crois que je ne pouvais pas vraiment m'aimer tant que je ne me sentais pas capable de dire clairement ce que je pensais. Comme le dit Incrédule « faute d'avoir la certitude d'être bien accueillie, je préfère garder le point serré au fond de ma poche.» Oui, j'étais tellement en attente de reconnaissance que je me pliais aux attentes (supposées) de ceux avec qui je me trouvais. Ah ça, pour être conciliant, je l'étais! Pas râleur du tout, toujours d'accord.
 
C'était évidemment une illusion et Charlotte s'en est aperçue, puisque je perdais cette conciliance peu à peu, dès que je savais que l'affection m'était acquise.
 
J'ai ressenti le problème en particulier avec mes clients indécis. Ils attendaient de moi que je les guide (en fait que je décide pour eux) et je me trouvais dans l'incapacité de le faire, puisque ne sachant pas comment leur plaire. Il est bien plus facile d'encourager un client dans le sens qu'il attend...
 
Malheureusement (ou heureusement!) je suis honnête et je ne peux pas tricher pour plaire aux desiderata des clients tout en sachant que ça ne conviendra pas. il a donc fallu que j'apprenne à manifester mes avis. Sur le plan professionnel, c'est plus facile puisqu'on est protégé par des arguments techniques.
 
Mais sur le plan personnel, il m'aura encore fallu quelques années avant que je n'ose affirmer ce que je crois. Et d'autant plus que parfois ce que je crois n'est pas partagé très largement... ou du moins pas affirmé.
 
Par exemple je me retrouve face à un paradoxe: affirmer ma vulnérabilité et ma fragilité. C'est pas un truc courant, parce que la fragilité, habituellement, ça se cache. Et puis ça surprend, parce que si on est fragile, alors on se doit d'être discret, timoré, donc ne pas résister.
 
Et bien non! Je me sais vulnérable et je le dis. Sans honte (enfin presque...). Voila pourquoi je me moque bien que des imbéciles puissent rire de ce que j'écris ici. Il en serait autrement si cela venait de la part de personnes que j'estime.
 
Autre motif de résistance, et donc de combat que je ne fuis plus: affirmer les valeurs qui me semblent fondamentales et indispensables pour établir des rapports humains corrects. C'est ce qui me pousse à intervenir dès que je vois un manque de respect, une intolérance notoire, et surtout du mépris ou de la condescendance (marrant, d'ailleurs, qu'on m'attribue parfois ce dernier qualificatif...). C'est plus fort que moi, je ne peux pas rester silencieux. Et puis je ne pourrais pas me regarder en face dans une glace si je voyais ce genre de comportement sans réagir.
 
Apparemment, c'est ce qui agace certains de mes contradicteurs. Je suis certain que c'est aussi ce qui m'a fait désigner comme "moralisateur", donc celui qu'il faut combattre. Parce qu'on n'aime pas la morale, qui rappelle des limites. Comme on n'aime pas les flics ou toute forme d'autorité. Parce que ce sont ceux qui empêchent d'agir en toute liberté, et surtout la liberté individuelle de se comporter comme bon nous semble. Toujours la même chose: on préfère casser celui qui montre la limite plutôt que de se limiter tout seul. Or justement, la limite ne s'exerce que parce qu'on l'a franchie...
 
J'aime pas ce genre de comportements, quand ils nuisent à autrui. Chacun fait ce qu'il veut en ce qui le concerne, mais dès lors que d'autres sont concernés, alors là on doit suivre des règles de vie communes.
 
C'est d'ailleurs bien l'objet du débat sur la liberté d'expression sur les forums...
 
Je supporte de moins en moins ces gens qui, au nom de leur propre liberté, bafouent celle des autres. Ça va du chauffard qui roule à 200 km/h en disant qu'il est libre de rouler comme il le sent, au fumeur qui impose son tabac aux autres pour le même prétexte... ou au forumeur qui se donne le droit de dire du mal des autres parce qu'il en a envie. C'est la liberté pervertie.
 
Et je crois que c'est mon combat don-quichottesque: perdu d'avance, mais pourtant nécessaire. Je me résignerai sans doute un jour, ayant admis que rien ne changera, mais pour le moment je résiste.
 
Et si on était beaucoup à résister, ça mettrait peut-être un peu plus mal à l'aise ceux qui abusent de leur liberté individuelle.
 
Merde, on va encore dire que je fais la morale. Euh... oui, peut-être.
 
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« Aujourd'hui, j'apprends à goûter et à savourer ce qui est bon pour moi. J'apprends à considérer que j'ai le droit d'être heureuse et le devoir de tout faire pour le devenir. J'ai le devoir de m'accorder ce bonheur et la responsabilité d'écarter de mon chemin tout ce qui risque d'y faire entrave. Je suis l'artisan de ma vie, celle qui tisse les liens et qui coupe les fils, celle qui sait rapiécer et raccommoder ce qui vaut la peine de l'être. Je suis assez forte pour tomber et me relever, aussi souvent qu'il le faudra, pour aller là où je dois aller.»
 
Ophélie, sur L'instant-clic, 2 octobre 2002
 

 
 
L'impossible dualité
 

 

Vendredi 4 octobre
 
 
 
Je suis rentré dans le monde du diarisme sur la pointe des pieds, comme la plupart d'entre nous. Je lisais déjà des journaux et j'ai découvert peu à peu ce milieu, puis son histoire (encore récente). J'ai pris très doucement une petite assurance, notamment grâce aux échanges que j'ai eu avec des lecteurs et lectrices.
 
De ce coté, j'ai pris peu à peu ma place parmi les autres diaristes, toujours hésitant sur mon style, les sujets que j'abordais, et très soucieux de la perception que l'on pouvait avoir de moi. Mais je suivais tranquillement mon chemin de découverte. Tout allait plutôt bien.
 
D'un autre coté je me sentais faire partie d'une communauté de personnes partageant les même goût pour l'écriture introspective. J'ai eu envie de m'y investir un peu, parce que pour moi une communanuté ne vit que de l'implication de ses membres. Je crois que c'est par le biais du Jmag que j'ai commencé à prendre la parole "publiquement" (je fais une différence entre les lieux "publics" que sont les forums et magazines, et le lieu "privé" qu'est mon journal). Il me semble que j'avais écrit deux ou trois fois. Peu à peu, je me suis mis aussi à participer au forum de la CEV. Je n'osais pas trop prendre la parole, doutant de l'utilité de ce que je pouvais dire.
 
Jusque là, aucun problème entre ces deux domaines d'expression n'était apparu.
 
Et puis un jour, j'ai senti que je devais choisir de m'impliquer un peu plus dans les discussions si je voulais être cohérent avec moi-même. Il fallait bien que je défende un peu les idées auxquelles je croyais, émettre des opinions publiquement. J'ai été hésitant à ce moment là, parce que je savais, par expérience, que les forums sont des lieux de tensions exacerbées. Je ne voulais pas méler mon personnage de "l'idéaliste", celui qui écrit sur un journal, avec un personnage plus public, s'exprimant sur un forum. Je craignais le mélange des genres.
 
Finalement, ne sachant pas trop comment faire, je me suis lancé. C'était à l'occasion d'un débat sur la critique des journaux (déjà... et une fois de plus). Ensuite, il y a eu d'autres débats, notamment lorsqu'il a été question de relancer le Jmag, qui finalement ne pût supporter ce trop lourd héritage (son créateur avait lui aussi été très controversé), mais servit de point de départ pour la nouvelle formule de Claviers intimes. Je crois que c'est à partir de ce moment là que j'ai été associé, pour quelques uns, à une certaine image qui, depuis, me suit: celle du type "sérieux" (comme si c'était une tare) et hautain, ou condescendant, ou prétentieux... bref, un truc dans ce genre.
 
Je me pose donc une question: est-il possible de méler un personnage intime, se dévoilant au fil des ses pages, et un personnage public qui fait état de ses opinions? Théoriquement on devrait pouvoir séparer les deux, ou du moins, ne pas faire intervenir le public dans le privé et inversement. Or c'est ce qui s'est passé récemment. Plus ou moins maladroitement au départ, avec cette critique publique d'un journal privé.. à cause de la participation publique de son auteur(ce qui n'était pas précisé, mais me semble de plus en plus évident). Confusion des genres dans laquelle je me suis jeté tête baissée, en commentant en privé une critique publique.
 
Et comment faire autrement, dès lors que la frontière entre les deux avait été violée? J'aurais du faire abstraction totale dans mon journal de ce déballage public inconvenant. Oui... mais mon journal relate mes états d'âme et comme je ne suis qu'une seule personne, était-ce possible?
 
La frontière que moi je maintenais volontairement assez hermétique, un autre avait décidé de l'abolir. J'aurais du la refermer immédiatement, mais d'autres se sont engouffrés dans la brêche et ont surenchéri. Et moi aussi, sans mesurer vers quelle impasse je me dirigeais.
 
Depuis, je dois faire avec cette frontière déglingué. Je dois la rebâtir doucement, mais en sachant qu'elle peut être démolie à tout moment, dépendant du bon plaisir de ceux à qui je déplais.
 
Et c'est là le point de faiblesse entre le personnage public et le personnage privé. Parce que ceux qui ne veulent pas voir cette frontière puisent allègrement dans le privé pour l'étaler en public. Et quoi que je fasse, je ne peux rien faire pour l'empêcher. Je me mets à nu chez moi et des personnes peu scupuleuses en font étalage public. Comme des papparazzi qui volent l'intimité des gens chez eux et l'étalent devant le public. Je n'aime pas cette façon de faire.
 
J'en arrive donc à la conclusion qu'on ne peut pas avoir ce double rôle. D'autres avant moi en ont fait les frais: MöngôlO, Strophe, sans doute d'autres encore. Et Damélie qui reprend courageusement les rênes de la CEV devra être prudente là dessus.
 
A quoi est-ce dû? Je pense qu'il y a la une part de jalousie envers quiconque à une position un peu plus en vue. Il y a aussi une volonté de briller en s'attaquant à ces personnes, parce qu'on sait que ce sera largement propagé, voire suivi par une meute friande de spectacle. On se constitue donc une notoriété facilement, bonne ou mauvaise, peu importe. Manu est devenu "célèbre" en quelques jours, avec seulement quelques lignes de critique facile. Il n'a eu ensuite qu'a assurer en défendant ses idées, mérite que je ne peux pas lui retirer.
 
Le problème c'est que dans la foulée, excités par les projecteurs, d'autres suivent le pas. Et parfois de façon lamentable.
 
Bref, en s'exposant en public le risque est grand de se faire attaquer un jour. Et d'autant plus si on est un peu reconnu parce qu'on a choisi de s'investir dans un rôle pour la communauté. Je suppose que bien des hommes politiques de base, dirigeants d'associations, responsables d'entreprises, ont fait les frais de ce genre de mesquines jalousies... Il est des gens qui ne supportent pas que d'autres choisissent de prendre des responsabilités, en considérant qu'il s'agit d'une prise de pouvoir abusive. Meme si ces "critiques" (mais uniquement dans un sens négatif) ne prennent eux memes aucune résponsabilité...
 
Triste réalité.
 
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J'ai plusieurs réponses de mail en retard... Normalement je devrais répondre à ceux qui m'ont écrit prochainement. Mes excuses pour ce délai.
 
 


 
Idéalisation et fantasmes
 
 
Mercredi 9 octobre
 

 

Lors de ma mise en cause par diverses personnes, j'ai pu lire ce qui m'était reproché. J'ai aussi reçu des messages donnant le point de vue des lecteurs. Sur le moment, je n'ai pas pris conscience d'un point commun qui existait parfois.
 
Pourtant, je sentais en moi quelque chose dont je n'étais pas très fier, mais que je ne savais réprimer. Pour simplifier, je "craquais". Non pas émotionnellement, (quoique...), mais en renonçant à nombre de mes convictions concernant le dialogue et à ma volonté de modération. Cela m'a été reproché. Directement avec: «tu te comportes comme tu te plains que nous soyons». De façon détournée avec «tu me déçois». Ou non dit, mais que j'ai quand meme perçu, de la part de ceux qui ne comprenaient pas que j'entre dans la polémique.
 
Et de mon coté je sentais que je n'étais pas en accord avec mes convictions, que je me laissais aller sur des voies que je désapprouvais, tout en sachant que c'était ma façon de résister à la tourmente.
 
Le fil qui relie toutes ces impressions, c'est qu'une sorte de personnage s'est effacé devant la réalité de ce qu'il est vraiment. Je n'étais pas tel qu'on avait pu m'imaginer. On m'avait idéalisé.
 
Chacun à sa façon avait idéalisé un personnage, soit sous un jour plutot favorable, soit l'inverse, mais on me prétait des qualités, une constance, un détachement que je n'avais pas. De ceux qui me considéraient comme «de taille à me défendre» à ceux qui s'imaginaient que je pouvais rester insensible à des attaques aussi stupides que méchantes, chacun s'était créé un personnage incarné sous un seul pseudonyme. Un fantasme.
 
Non, je ne suis pas quelqu'un qui reste détaché de ce qu'on peut dire de lui. Non, je ne sais pas garder mon calme en toute circonstance. Tout cela, se sont des objectifs. Je tends vers cela, je m'y efforce, mais je ne résussis pas.
 
Je me pose alors la question: est-ce que nous imaginons des personnalités faussées en lisant les autres? Nous n'avons comme éléments que ce que le diariste veut bien nous donner de lui. Donc une image idéalisée de ce que l'auteur se sent etre (que ce soit de façon positive ou négative, peu importe). Ensuite, en tant que lecteurs, nous rajoutons notre propre subjectivité, nos fantasmes, sur celui ou celle que nous lisons. Là encore dans un sens positif ou négatif, selon nos attentes ou nos éventuelles répulsions.
 
L'écriture-lecture serait donc la rencontre de deux idéalisations. C'est sans doute ce qui fait que les attachements/rejets sont forts. Le miroir que nous donne l'autre est souvent fascinant, parce qu'à travers lui c'est aussi une part de nous que nous voyons.
 
Il y a quelques temps, je disais que je voulais relier les diférentes facettes de ma personnalité. Parce que j'avais bien conscience de ne pas me montrer en totalité dans ce journal (est-ce possible, meme si on le voulait?) et que ce personnage partiel me pesait.
 
Je ne regrette pas d'avoir "déçu", parce que je crois que la nouvelle image est plus conforme à la réalité de ce que je suis: quelqu'un de tout à fait imparfait, et contradictoire entre ses convictions et ses actes.
 
Souvent on m'a comparé à celui qui voudrait etre "un saint" (ouh la la, quelle prétention!), alors que jamais je n'aurais imaginé qu'on puisse avoir une idée dans ce sens. C'était en fait une image que l'on me collait, afin de la rejeter plus violemment, comme si j'étais un usurpateur. En fait d'usurpation, c'est ce qu'on atendait de moi qui était un leurre.
 
Bref, je pense que des gens attendent trop de moi... ou des autres en général.
 
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«Comment expliquer à quelqu'un qui vit dans le monde extérieur et qui y trouve sa force et sa substance que mon existence à moi est essentiellement intérieure et que c'est dans cette intériorité que je puise ma grandeur et mon plaisir ? Comment faire comprendre à quelqu'un qui évolue dans la solide réalité et qui rencontre des gens et a des rapports avec eux, que rester devant un écran d'ordinateur ce n'est pas pour autant avoir une vie vide et solitaire ?»
 
Regards solitaires, 4 octobre 2002
 
 
   


Octobre 2002 (2eme quinzaine)
Ce que j'écrivais il y a un an...

 

 

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