Mois d'octobre 2002 (2eme partie)
 1ere quinzaine 

 
Mutisme
 

 

Mardi 15 octobre 2002
 

 

Depuis quand n'ai-je pas écrit? Je ne sais pas. Je n'ai pas réouvert mon journal et je me souviens à peine du sujet que j'évoquais sur ma dernière page. Tout me semble si loin...
 

Non seulement j'ai repris un rythme de travail très chargé depuis quelques temps, avec déplacements lointains, mais aussi je crois que je me suis éloigné d'un quelque chose qui ne me convient plus vraiment. Je veux parler de ce "monde virtuel" dans lequel je me glisse parfois si étroitement. La dernière "crise" que j'ai vécue au sein de cette illusoire communauté des diaristes aura été un pas de plus pour prendre du recul.

 
Ce n'est pas la première fois que je me désinvestis de relations auxquelles je croyais, alors même que rien ne m'y avait autorisé. Ma naïveté m'avait poussé à croire qu'une sorte de, allez, j'ose le grand mot, fraternité pouvait exister dans ce monde sans apparences. Flop, une fois de plus je me suis leurré tout seul.
 
La fraternité, ou disons simplement le respect mutuel est une chimère. Inutile de se bercer d'illusions: ça n'existe que pour ceux qui y croient. Bon, heureusement qu'on est quand même une certain nombre dans ce cas! Cette fraternité (que ce mot est devenu cucul!) je l'ai trouvée avec quelques personnes. Nous partageons ce respect de l'autre qui conduit à l'écoute et au partage (autre mots qu'il est de bon ton de considérer comme gnangnan...). Et pour ces personnes là, je n'ai aucun regret de m'être investi dans ce monde de l'invisible. Les rencontres que j'y ai faites sont d'une grande valeur à mes yeux et comptent vraiment dans ma vie terrestre. Ce que je dois apprendre à faire, c'est n'aller que vers ceux et celles avec qui la relation est enrichissante.
 
Inès, celle avec qui j'avais eu une relation poussée de séduction, celle avec qui j'avais partagé un moment le chemin, m'a téléphoné aujourd'hui. Nous avons bavardé un bon moment et je lui disais combien elle continuait à m'inspirer, en songeant à son propre cheminement personnel. Voila une personne avec qui je partageais bien des façons de percevoir les choses, qui a su se distancer de ses soucis pour vivre dans une sereine harmonie intérieure. Elle a su s'écouter, se comprendre, déterminer les situations qui la mettaient en état de malaise et celles qui lui étaient bienfaisantes. Elle en a acquis une forme de sagesse, et un bien-être rayonnant.
 
Je sais que c'est ce vers quoi je veux tendre.
 
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Ces derniers jours, loin du monde virtuel, je pensais à la façon dont j'ai vécu mes déboires de diariste mis sur la sellette. J'en conviens, vu avec quelque recul, j'ai réagi de façon beaucoup trop passionnelle. Mais, je l'ai dit, je n'avais pas de contacts avec le monde extérieur excepté via internet. Pas le moindre interlocuteur, hormis Charlotte et mes enfants, quand ils sont là. Mon environnement communicatif se limitait donc à ce qui se passait dans les cercles que je fréquente sur le net.
 
C'est la conséquence d'un choix (vivre dans un lieu isolé et travailler seul), qui montre là ses limites. Je suis beaucoup plus social (sociable?) que je ne le croyais. Mon enfermement était subi plus que choisi. Je communiquais peu parce que je ne me sentais pas à l'aise avec les autres: peur de déplaire, être jugé, rejeté. Je croyais que j'étais un solitaire parce que c'était la seule situation qui me permettait de me maintenir à l'écart du stress relationnel. Mais je me découvre assoiffé de communication. Mon isolement géographique devient parfois un handicap.
 
Alors qu'auparavant je m'épanouissait (du moins le croyais-je...) en errant seul dans la nature, je me rends compte que je ressens un plaisir non moins intense en communiquant avec des personnes avec qui je partage une certain nombre d'objectifs de vie. Ne serait-ce que partiellement et pour une durée provisoire. Ce sont ces relations que je souhaite privilégier. Et laisser tomber ceux qui ne valent pas la peine qu'on se fatigue à une impossible communication.
 
Cela ne signifie pas que je ne doive plus m'exprimer face à des personnes en désaccord avec moi, ou même carrément hostiles. Mais je dois savoir ne pas m'impliquer au delà de mes capacités. Ne pas attendre quoi que ce soit de la part de ceux qui ne veulent rien donner. Seulement dire ce qui me tient à cœur, écouter le discours d'en face, mais ne pas chercher d'accord avec qui ne souhaite pas se donner les moyens d'y parvenir. Et surtout ne pas chercher à "protéger" l'autre en ne voulant pas le brusquer. Ma liberté je ne l'obtiendrai qu'en étant même, quitte à déplaire.
 
C'est ce que j'applique en ce moment sur cet ancien forum que j'avais délaissé après m'y être fait malmener. Je m'exprime désormais en toute liberté, sans me poser la question de savoir si je risque de déplaire, sans chercher à maintenir un dialogue artificiellement en le payant par les blessures dues à ceux qui ne cherchent pas à respecter l'autre. Je n'attends plus rien et c'est ce qui m'a libéré.
 
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«Il est certain qu'il y a des gens au bout de mon désespoir quand je suis désespérée. Je sais qu'ils sont là. Mais souvent, je ne leur dis rien. Je n'ai pas envie de leur dire que ça ne va pas. Je ne veux pas me plaindre, pleurer sur mon sort et susciter la pitié ou la compassion. Je sais que si je raconte tout ce qui me ronge en moi, j'entendrai "mais non, ne sois pas si dure avec toi-même... tout ne va pas si mal..." ou bien "ne t'inquiète pas comme ça". Je sais que ce que j'entendrai sera juste et légitime. Et je sais que je devrai être pleine de reconnaissance pour ceux qui ont prononcé ces phrases. Pourtant, je ne veux pas les entendre, ces phrases là. Je sais qu'elles ne peuvent rien pour moi.»
 
Regards solitaires, 15 octobre 2002
 

 

 
 
«Je suis persuadée que ma mère a trouvé l'adresse de mon site (pas trop difficile à faire car je lui avais dit que j'appartenais à un groupe de diaristes) et j'ai vraiment du mal à l'accepter. Je ne comprends pas ce qu'elle vient y chercher, je n'admets pas qu'elle n'ait pas la retenue nécessaire pour s'empêcher de me lire. Les gens qui connaissent l'existence de ce journal me disent que je n'ai pas le droit de lui en tenir rigueur puisque j'ai pris le parti de rendre mon intimité publique. Je ne partage pas leur opinion : ce n'est pas parce qu'une strip-teaseuse se met à nu devant des inconnus chaque soir, qu'elle tolérerait la présence de sa mère dans la salle. Cette image peut paraître forte, néanmoins elle retranscrit bien le fait que je me montre ici sans masque et sans les filtres habituels que les gens peuvent avoir à mon encontre. Il n'y a qu'ici que j'ose soulever des questions délicates, que je brandis mes opinions sans la moindre hésitation, que je livre mes pensées de façon non consensuelle. Dans la vie de tous les jours, je me plie lâchement à l'opinion de la masse, j'essaye de faire le moins de vagues possibles afin de me faire accepter ou tout du moins de ne pas me faire rejeter.»
 
Journal sous Prozac, 14 octobre 2002
 

 
Aaaarghhh!
Lundi 21 octobre
 
Il fallait bien que ça m'arrive un jour: ordinateur hors-service. Plus rien. Il refuse même de s'allumer. Kaputt! Je ne sais pas encore si la panne est grave, réparable, et surtout si le disque dur est touché. Je savais bien qu'il fallait sauvegarder sur disquettes plus souvent que je ne le fais...
 

Bon, j'ai bien mon ancien ordinateur pour me secourir, mais pour le moment je ne parviens pas à me connecter à internet. Frustration intense après 5 jours passés loin de mon domicile. D'autant plus que la semaine précédente je n'avais eu que deux minuscules soirées pour me tenir un peu au courant de la vie internautique. Et voila que lorsque je reviens enfin, cet ordinateur choisit de tomber en panne...

 
Ouais, je sais: on peut très bien vivre sans internet. Sauf que là je disparais sans explications, que je n'ai plus le moyen de communiquer avec ceux qui me lisent, que je ne sais même pas si des messages ne sont pas en train de croupir au fond de ma boite à mails.
 
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A l'instant ou j'enregistrais ce début de texte, une micro-coupure à tout éteint. Par chance l'enregistrement a été valide. Déjà ça qui n'aura pas été perdu... bien que l'importance soit des plus limitées.
 
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Je viens donc d'achever la période la plus intense de mon activité annuelle. Deux longs trajets cumulant 2500 km parcourus en une dizaine de jours, plusieurs nuits loin de la famille, des centaines de personnes rencontrées. Voila qui me change de mon activité normale solitaire et sédentaire. J'ai peu pensé au monde d'internet. Il ne me manquait pas. Seuls peuvent me manquer les contacts privilégiés que j'ai avec certaines personnes qui comptent.
 
Pourtant, notamment lors des trajets assez ennuyeux, je pensais à diverses choses en rapport avec les relations virtuelles. Je songeais aussi à mes réactions, ma sensibilité sur ce que l'on peut dire de moi. Je réfléchissais aussi à ce recul que j'ai pris récemment, et ce ton que je ne sais plus laisser s'épancher...
 
D'ailleurs, écoutant une émission radio, j'ai été amusé d'entendre un artiste dire qu'il avait été très perturbé de savoir que ses spectateurs n'avaient pas perçu sa musique telle que lui l'avait imaginée. Il en avait perdu ses repères et ne savait plus comment écrire ses textes. Sans être un artiste, je me dis qu'il existe quand même une certaine similarité entre celui qui donne de lui dans les textes de ses chansons pour un large public, et nous, obscurs diaristes lus par un public très restreint, mais cependant très attentif.
 
A ce propos (je saute d'un sujet à l'autre), j'ai eu à la fois le plaisir et la surprise que l'on me dise que chaque jour ma prose était guettée. Je savais bien que j'étais suivi à chaque mise à jour, mais je ne pensais pas que, quotidiennement, des lecteurs pouvaient venir voir ce que j'avais pu laisser de moi. C'est une personne bien particulière qui me l'a dit, puisqu'il s'agit d'une de celles qui me connnaît le mieux à travers les divers cercles internautiques auxquels je participe.
 

 
De tout et de rien
 
Mardi 22 octobre
 
Je viens d'accéder à mon site via mon ordinateur de remplacement. Drôle d'effet que ces caractères écrits dans une police que je ne reconnais pas. Et je prends conscience que mes lecteurs bénéficient sans doute d'une police par défaut qui donne le même effet. Beurk!
 
Tant pis, c'est vraiment quelque chose d'énecdotique et superficiel
 
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Aujourd'hui, je vais faire dans le tout et n'importe quoi. Ce sera ma façon de reprendre contact avec le diarisme. Pourtant, ma dernière entrée n'est pas si ancienne, mais il me semble que je retrouve un lieu que j'avais déserté depuis un certain temps. Comme si j'avais fui ma maison sinistré par une quelconque catastrophe, occupé à parer au plus pressé, protéger ce qui pouvait l'être. Désormais la tempête s'est éloignée, les mauvais plaisants se sont tus, et je réinvestis mon "chez moi".
 
Je l'ai déjà écrit, ce ne sera plus comme avant. Parce que je n'oublierai pas que des yeux inopportuns peuvent me lire. Mais je pense pouvoir en faire abstraction et retrouver cette complicité muette ou dialoguante que j'avais avec ceux qui me lisent en confiance. Ou, pour reprendre un vocable qui me plaît, "en sympathie".
 
Je ne peux quand même m'empêcher de sourire après avoir lu le célèbre Manu, grand pourfendeur de la langue de bois et adepte de la liberté... quand je lis ses entrées sur la jeunesse, les droits et les devoirs, la politesse... Il est marrant ce type quand même. Je pense même qu'il m'aurait plu, s'il ne s'était mis en tête d'exercer son art de la "critique" sans beaucoup de discernement et de sérieux. Et surtout, s'il avait fait preuve d'un peu plus d'esprit d'ouverture. Bon, je suppose qu'avec le temps les choses s'amélioreront.
 
Ah si, quand même: pour les lieux communs et autres balanités qu'il se permettait de stigmatiser à mon encontre (ce que je ne conteste pas totalement), je crois qu'une relecture de ses propres écrits pourrait lui donner pas mal de matière à critiquer... Je doute pourtant qu'il ne se lire à cet exercice d'auto-critique.
 
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Pour le reste, je reprends contact, doucement, avec les écrits de ceux dont le ton me plaît. Je me rends compte que j'investis beaucoup moins dans les tentatives de communication que je ne le faisais auparavant. Je me contente bien souvent de n'être qu'un lecteur "silencieux", sans jamais avoir écrit à la peronne que je lis. J'attends sans doute un déclic, une entrée particulière qui déclenchera ce besoin irrépressible d'établir un contact. Il faut croire que j'ai déjà suffisamment d'échanges avec les quelques personnes qui ont ma préférence.
 
En fait, je me rends compte que ces contacts changent: je m'oriente surtout vers quelques amitiés, renonçant simultanément à établir des contacts plus anecdotiques (mais pas moins intéressants pour autant, hein, je précise bien...). Il me semble que cette découverte des "amitiés virtuelles" à été une des surprises de l'écriture en ligne, et a comblé un manque certain qui existait chez moi. Au départ, je répondais avec empressement, ou commentais moi-même les écrits des autres diaristes. Cela pour remplir un vide en relations privilégiées. Je me souviens avoir écrit à pas mal de diaristes avec qui je n'ai plus eu de contacts ultérieurement. Même si, pour certains d'entre eux, je continue à les lire.
 
Je sais aussi qu'avec quelques personnes il existe une relation "en attente", qui pourrait fort bien se réveiller au hasard d'un point d'intéret commun combiné au moment opportun de la lecture. Mais tant que cette conjonction ne se produira pas, le contact ne se fera pas. J'apprécie pourtant de savoir que ce "possible" existe. Il y a là quelque chose de rassérénant
 
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Un diariste s'excitait récemment parce que 10.000 visiteurs seraient passés sur son site. Ah, ces sacrés compteurs... Pourtant, il me semble évident que 10.000 visites ne sont pas autant de visiteurs. A combien peut-on estimer le nombre de visiteurs? Difficile à dire. S'il y en a 30 un jour, et 30 le lendemain, combien cela représente-t-il de visiteurs au total? 30? 35? Cinq déçus qui ne seront pas revenus, et cinq nouveaux qui ne reviendront peut-être jamais. La seule chose qui me semble significative, c'est le nombre moyen de visiteurs, en supposant que la plupart d'entre eux sont réguliers. Parce que franchement, les gens qui passent et ne reviennent pas, c'est plus un échec qu'une réussite à mon avis. S'extasier devant un cumul de visites (en fait, je ne sais même pas à combien se porte ce cumul sur mon site...) me semble assez surprenant. Et pour tout dire, puéril.

 
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23h30
 
Oila, je viens de faire mon petit tour dans mon environnement internautique habituel. Ah oui, parce que je suis quand même parvenu à me connecter à internet, en rebranchant le vieux modem-qui-fait-du-bruit, en demandant à mon FAI le numéro à composer puisque j'avais changé de formule sur mon nouveau PC. Enfin bref, après quelques heures passées à trépigner interieureuement derrière les grilles que l'informatique avait établies entre le monde virtuel et moi, je suis à nouveau libre de mes clics. Sauf que ça rame un peu, mais c'est un moindre mal.
 
Bref, je retrouve ce qui me manquait: le contact avec le monde.
 
Ouais, parce que c'est pas parce que j'ai passé des jours au milieu d'une foule, ni même parce que j'ai discuté avec des tas de gens que j'ai vraiment été en contact avec leur intériorité. Et finalement, c'est surtout ce qui m'intéresse. Uniquement ça.
 
Exceptions notables: une longue conversation avec ma belle-soeur, étrangement hermétique à trop de remises en questions alors qu'elle en aurait le plus grand besoin. Et surtout... une soirée passée en tête à tête avec une lectrice. Oui, celle que j'évoquais dans mon entrée précédente.
 
L'évènement est notable (à mon échelle, évidemment), parce que l'an dernier à la même date je ne m'étais pas senti capable d'une telle rencontre. J'avais du recourir à une rencontre en trio afin de lever toute ambiguité potentielle. Et je ne parle même pas (si, j'en parle quand même...) de ce qu'il aurait pu en être quelques années plus tôt. Bref, malgré une timidité forcément perceptible (n'est-ce pas R.?) je n'ai pas ressenti de gène à aller à ce rendez-vous. Bon, il faut dire que nous nous rencontrions pour la troisième fois et que ça simplifie les choses.
 
Je dois quand même avouer que c'est elle qui s'est souvenu de mon passage dans sa ville pour me demander si, par hasard, j'avais prévu qu'on se rencontre. Hé hé, bien sûr que j'avais prévu... mais de là à claironner «Hé ho, je vais venir dans ta ville, est-ce qu'on peut se voir?», il y avait un pas que je ne savais pas trop comment franchir. Mais elle me connaît si bien qu'elle a anticipé ce mutisme et s'est manifestée par anticipation.
 
Elle doit se marrer en lisant mon récit...
 
La soirée a été fort agréable, et prolongée, avec discussions inévitables sur le milieu du diarisme, des forums et prolongements sur nos "vraies" vies. Bien que la mienne lui soit déjà très largement connue.
 
Bon, c'est difficile de raconter quelque chose en peu de mots forcément très réducteurs. Parce que là j'écris à la fois pour elle et pour les lecteurs/lectrices. Double niveau d'écriture qui me montre, si besoin était, la subjectivité de l'écriture en fonction de ceux pour qui on écrit.
 
Et d'ailleurs, pourquoi est-ce que j'évoque cette rencontre? Peut-être pour montrer (et me montrer) que j'ai une vie relationnelle normale et qui va au delà du monde virtuel.
 
Pfff... et si j'arretais de me poser des questions, moi?
 
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Dans le même ordre d'idées, j'ai de plus en plus envie de rencontrer des personnes que je lis depuis longtemps. Envie de casser cette barrière de l'invisibilité. On exprime tellement quelque chose de diffférent avec les mots et les expressions du visage, les gestes, le regard...
 
Tiens, au fait, je me rends compte que j'ai toujours une difficulté à soutenir le regard. Je ne sais détacher durablement le mien de la bouche de celui qui me parle. Je sais que ce n'est pas forcément agréable pour celui qui est en face...
 
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Tout autre chose, bien que pas forcément sans rapport avec cette rencontre en tête à tête: j'ai rêvé longuement à Laura. Il y a des mois que ça ne m'était plus arrivé. Rêve d'une rencontre sans soucis, sans gêne, sans rancoeurs. Quelque chose de très simple et apaisé. Une discussion en confiance, sans attente de quoi que ce soit, sans questions de ma part, sans réponses en suspens...
 
Ouais, je sais, ça n'intéresse que moi. Mais bon, faut bien que je note ça quelque part et ce journal est le prolongement de celui que je tenais sur papier et dans lequel j'ai très régulièrement noté les rêves que je faisais autour de Laura, et la façon dont ils évoluaient.
 
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Bon, cette reprise de contact avec l'écriture est plus digne d'un brouillon ou d'un carnet de notes que du journal au sens auquel je l'entends. M'enfin, on va faire avec.
 
Et pas d'inquiétude s'il y a des trucs qui ne fonctionnent pas bien, ça ne serait pas étonnant en repartant d'un ordinateur qui n'a plus été sur internet depuis deux ans. Ce valeureux ancètre qui pédale à 75 mhz de cadence à une mémoire assez limitée et prend un temps fou pour éxécuter les tâches.
 
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«c'est la trouille d'entendre tellement de mal (ou pire encore : tellement de bien) de ce journal que je n'ose plus écrire dedans, c'est la trouille d'être lue par trop de gens, d'avoir tellement de retours sur ce journal que je change ma façon d'y écrire...»

Ultraorange, le 22 octobre 2002
 

 

Et puis allez faire un tour sur cette page qui recèle un joli concentré de réflexions qui se contredisent tout en se complétant. Joli coup, Chien fou...
 

En phase de transition
 
Mercredi 23 octobre
 
13h15
 
Ch'ais pas pourquoi, mais je me sens un peu tristouille. Un soupçon de mélancolie venu de je ne sais où. Peut-être est-ce du à la météo du moment. Un vent persistant, refroidissant, qui s'acharne à faire tomber les feuilles des arbres. Du coup, nous sommes privés de ce superbe automne que nous avions la semaine dernière. Et puis aussi cette pluie qui cingle, hésitante, parfois crachine et parfois violente.
 
Il y a aussi mes problèmes informatiques. Un ordinateur qui prend un temps fou pour agir, l'autre qui, sans compter l'actuelle panne est sans doute aussi contaminé par un virus assez gênant.
 
Et puis le boulot qui, même si je peux souffler quelque peu, m'attend et va continuer à m'accaparer pendant plusieurs semaines. Rien que ce téléphone qui sonne souvent me rappelle que les clients sont là et que je dois rester disponible.
 
Tout ça n'est pas très folichon ni enthousiasmant.
 
Heureusement que les vacances scolaires commencent dès maintenant. Je vais pouvoir un peu vivre avec nos grands enfants de moins en moins présents. Tout à l'heure ma fille va rentrer. Je ne l'ai pas revue depuis presque 3 semaines. Seulement entendue au téléphone ou lue dans ses messages fantaisistes. En voila une qui sait rigoler et prendre la vie du bon coté.
 
Tiens, d'ailleurs c'est une façon de voir les choses dont ont hérité (est-ce un hasard?) nos trois enfants. Pas du genre à se lamenter sur leur sort. Pas du genre à dire que tout est de la faute des autres. J'aime savoir qu'ils n'ont pas cette mentalité de râleurs contre tout et rien, qu'ils aient conscience que leur vie est conforme à ce qu'ils en font.
 
* * *
 
17h00
 
Pfff, je ne peux même pas travailler comme je le voudrais sur mon ancien ordinateur. Il ne lit pas tous les fichiers des versions plus récentes du même logiciel. Me voila donc avec des disquettes inopérantes.
 
J'ai porté mon appareil chez un réparateur. J'espère qu'il n'y en aura pas pour trop longtemps. Ce qui me dérange, c'est que je ne peux même pas répondre aux mails que j'avais en attente sur ma boite Outlook. Ils sont stockés sur le disque dur de l'ordinateur défaillant. Et pis cette panne va me mettre vachement en retard pour des travaux que j'avais à faire et que je dois porter chez l'imprimeur avant diffusion aux clients.
 
Y'a des moments comme ça où les choses ne tombent pas au bon moment. Oui, je sais, c'est jamais le "bon" moment, mais il y a quand même des périodes moins préjudiciables que d'autres.
 
Par contre, comme vous pouvez le constater, pas de problèmes pour mettre ces pages en ligne. Je n'avais jamais testé le rapatriement des pages en ligne sur mon logiciel de mise en page, mais ça fonctionne parfaitement. Au moins ça qui ne sera pas perdu parce que stocké je ne sais où sur des ordinateurs gigantesques qui gobent sans broncher les milliers de pages quotidiennes que des olibrius dans mon genre estiment nécessaire de publier à la face du monde.
 
Bon, c'était mon petit chapitre technico-factuel...
 
* * *
 
01h30
 
Oui, je sais, on est le lendemain. Je viens de faire un tour sur la liste des mise à jour de la CEV. Je ne manque évidemment jamais mon pote Manu. Il semble que ce soit réciproque. Le voila qui est tout content parce que je parle de lui. Il me répond même directement dans son journal. Quel honneur...
 
Manu est le seul diariste que je m'autorise à critiquer, en juste réciprocité du procédé qu'il m'a appliqué. Je ne m'en prive donc pas. Bon, je ne sais même plus vraiment ce qu'il disait, mais je me suis marré en le voyant réagir au retrait des favoris de Vanicaramel. En représailles (évidemment expliquées autrement...), il se désabonne de leur mise à jour.
 
J'ai rigolé aussi en voyant ses explications sur mon comportement, sur un message qu'il m'aurait envoyé et que je n'aurais pas bien lu, sur son droit à critiquer les autres même si lui mérite les mêmes critiques... Un peu tiré par les cheveux tout ça, non?
 
Au fait Manu, et la suite des critiques alors? On les aura quand, histoire de rigoler un peu?
 
Passons...
 
On finira bien par s'oublier tous les deux. Ou, qui sait... à se plaire?
 
* * *
 
Conséquence ou pas de la crise post-dénigrement, je me rends compte que je me suis renfermé sur moi-même depuis quelques temps. Je n'ai pas répondu à tous les mails que j'avais en attente, ce qui est, il me semble, bien rare de ma part.
 
Je me contente de lire les diaristes mais sans leur écrire. Je néglige même mon rôle de rédacteur pour un article dans Claviers intimes (pas inspiré, pas la tête à ça...). Je... hum... je laisse même passer du temps avant de répondre aux mails des personnes qui me sont chères.
 
J'ai largement modifié mes habitudes de participation aux forums, en abandonnant certains, revenant sur d'autres. Parfois un peu piquant avec les emmerdeurs, j'ai (provisoirement?) renoncé à ce rôle d'apaiseur de tensions que j'essaie parfois d'avoir.
 
Je ne sais pas trop pourquoi je suis dans cet état. Beaucoup de travail, c'est un fait, mais aussi une modifications de mes rapports dans le cyber-monde. Besoin de retrouver de nouvelles marques, un personnage plus fidèle à ce que je suis réellement. Je tiens à rester tolérant et respectueux avec ceux qui appliquent ces principes, mais utiliser un langage plus énergique avec les excités qui pratiquent volontiers le rejet et l'exclusion de ceux qui sont différents, ou pensent différemment.
 
Bon, hop, tout ça évolue et il est fort possible que ce soit caduc dans quelques jours. Phase de transition.
 

 


 
Convalescence
 
Jeudi 24 octobre
 
 
09h50
 
Je ne peux dénier à Manu-le-critique une certaine honnêteté. Il se rend compte assez facilement de ses incohérences, et il ne le cache pas. J'apprécie cette franchise. Passé le coté frondeur et têtu, je dois dire que je découvre un personnage qui, une fois la médiatisation retombée, a une certaine lucidité sur lui-même. Du coup, j'en deviens beaucoup plus indulgent.
 
Pas envie de faire du mal pour le plaisir. C'est pas mon truc.
 
Je crois que je vais en rester à ma première interprétation: Manu a fait preuve de légèreté initiale, d'immaturité, de manque de réflexion, d'impulsivité. C'est compréhensible et excusable. Le fait qu'il semble en prendre doucement conscience le rend pardonnable.
 
 
* * *
 

 

Quand je lis des diaristes au talent narratif et littéraire certain, je me sens bien gauche. J'admire le talent d'évocation et d'appel à l'imagination dont ils font preuve.
 
Je n'ai pas ce talent. Je me contente d'essayer d'avoir un langage correct, si possible pas trop répétitif, relativement aisé à suivre dans son déroulement. Mais de talent artistique, point. Je le regrette, mais je pense que nous avons chacun nos domaines de prédilection de l'expression. Pour moi ce sera la recherche de sincérité (quand je suis en période favorable...), la confiance qui conduit à une forme de "don de soi". Oh, un don qui... j'allais dire «qui ne me coûte pas cher»... mais je sais désormais que ce n'est pas vrai. Disons que ça ne me coûtait pas cher tant que j'avais confiance dans la sympathie des lecteurs qui m'étaient devenus fidèles. Je dois bien convenir qu'il n'en est plus de même depuis quelques temps.
 
Actuellement je ne peux pas dire que ça me coûte quoi que ce soit, mais je sais aussi que je ne donne plus rien. Je me contente de relater assez platement des impressions sans grande portée. Je ne suis plus en état d'introspection. Coupé net. Le repli sur moi que j'évoquais hier en est sans doute une des conséquences parasites.
 
Je n'aime plus ce que j'écris. C'est comme "mort". Il n'y a plus cette flamme que j'avais, ce besoin/désir de communiquer. Je suis rentré dans une phase de méfiance circonspecte vis-à-vis de l'humain. Oh, je sais bien que ce n'est pas l'évènement de cette fin d'été qui en est la seule cause. Depuis longtemps déjà je m'interrogeais sur les comportements de certains de mes semblables, mais ce journal restait un lieu à part, protégé, dans lequel je me laissais aller à exprimer mes questionnement. Ça reste le cas, mais il y a quelque chose de cassé.
 
Mauvais hasard, et je n'en veux à personne. Je sais que c'est le récepteur qui crée l'évènement, non les fauteurs de trouble. Eux ils sont inconscients, encore plus que leur victime, du mal qu'ils peuvent faire. Et en l'occurrence, le "mal" qui m'a été fait est sans doute un bien parce que je deviens plus lucide. N'empêche que j'aurais aimé garder cette innocence (je préfère ce mot à celui de "naïf" que j'utilise à mauvais escient) et cette confiance naturelle que j'avais. Mais il fallait bien que ça finisse un jour. La démarche de ce journal, «se frotter aux autres», était certainement de me confronter à une réalité que j'appréhendais mal.
 
Maintenant il faut vraiment que j'arrive à faire la part des choses. Donner et recevoir la confiance de ceux qui le méritent (entendre: de ceux avec qui le courant passe), et rester solide devant ceux qui ne comprennent rien et expriment cette faiblesse en dénigrant les différences.
 
Mon Dieu qu'il y a de l'intolérance en ce bas monde...
 
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10h30
 
Je reviens sur l'entrée de Manu (on va bientôt faire un journal en dialogue, si ça continue) qui envoie quelques piques à Vanicaramel. Il s'étonne des méthodes utilisées, à savoir parler d'un diariste sans lui en faire part, alors que ce fait lui avait été signalé. Et je me souviens qu'il s'étonnait de même que j'utilise les mêmes comportements que ceux que je lui reprochais.
 
Il y a quand même une différence: il y a eu un initiateur. Celui qui a un comportement préjudiciable n'a pas, à mon avis, à s'étonner que ses victimes en fassent usage à leur tour. Qui pourrait se targuer d'être une sorte de Jésus et de tendre la joue droite après avoir reçu une claque sur la gauche? Certes ce pourrait être une façon de désamorcer l'agressivité initiale... mais ce n'est même pas certain. Alors, très humainement, on répond de la même façon: une claque en retour.
 
Manu m'a critiqué en public, alors j'ai fait de même, bien qu'ayant désapprouvé cette façon de faire. Je suppose qu'il en aura été de même pour Vani, largement critiquée par Manu.
 
Quand à l'abandon des "discussions" sur forum, je dois dire que Manu me surprend en étant étonné que des gens aient fui ce lieu: il y avait une telle agressivité gratuite, de telles conneries proférées, une telle obstination têtue, que la seule sagesse était de fuir ce pseudo-forum qui était sans issue. D'ailleurs, beaucoup de personnes sensées, soit ne s'y sont jamais exprimées, soit l'ont déserté. Je ne sais pas où il en est actuellement, mais lors de mes derniers passages ce forum était mort. Tué par quelques excités intolérants et prétentieux, incapables de s'exprimer dans un respect mutuel. Et je ne parle pas là de Manu, qui s'était assagi peu à peu.
 
Bel exemple d'une tentative qui avait mis toutes les chances de son coté pour ne pas fonctionner...
 
Bon, je vois qu'il suffit de peu de choses pour que cette histoire revienne dans mes préoccupations. Mais de façon bien détachée, ne vous inquiétez pas.
 
* * *
 
23h00
 
Retour de mon ordinateur. Dans une nouvelle carrosserie beaucoup plus grosse qu’auparavant. Fallait changer un truc qui ne rentrait pas dans l’ancien boîtier. Bon, tant pis. Ça fait plaisir de retrouver un peu de puissance, et donc de rapidité de travail. On n’a jamais assez de temps pour en perdre avec un engin qui met un temps fou à exécuter la moindre tâche qui lui est demandée.
 
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Pour ceux que la distinction entre journal et blog intéresse (et justement parce que ce n'est pas aussi simple que ça), un petit tour chez Ultraorange s'impose. Elle en donne sa vision qui se trouve aussi être la mienne (24/10/2002)
 

 

« Au fil des ans, j'ai fait beaucoup d'efforts pour tenter de trouver ma propre voie et pour cesser de me conformer à l'idéal des autres... Et j'ai cru, bien naïvement, qu'en faisant ces choix, j'allais mériter le respect de Monsieur/Madame Tout-le-monde... C'était une tentative de valorisation mal orientée, car en fait, en faisant ces choix, je n'allais que me distancer un peu plus de la masse et des normes. Je n'ai pas pensé du tout au fait que j'allais souvent provoquer de l'incompréhension. Mais, parce que je cherche toujours à combler ces deux besoins conflictuels, je passe mon temps à me justifier pour tenter de convaincre tout un chacun que mes choix sont valables.»
 
Apologies inutiles et petites lubies sans façons - 24/10/2002
 
 
 

Ne garder que le positif
 
 
Vendredi 25 octobre
 
01h30
 
Hum... j'ai pas pu m'empêcher de finalement aller faire un tour sur le forum Underground. Non, je n'y ai pas participé. Je me sens personna non grata sur ce truc. Bon, il semble s'être un peu réveillé depuis quelques jours.
 
Qu'en dire... Ben que c'est toujours un peu du même genre. Et on retrouve le ton agressif d'un Manu râleur et polémiste, alors que son journal montre qu'il peut être différent. Il fait d'ailleurs une analyse intéressante de sa façon de s'exprimer et des incompréhensions qu'elle peut susciter.
 
Je ne peux que faire le rapprochement avec quelques uns de mes contradicteurs sur des forums hors-diarisme. C'est quand même étonnant cette façon de se comporter qui consiste à tout envoyer ballader, piquer sa petite colère de gamin. L'art (?) de la contestation pour contester. Quel que soit le prétexte, toujours trouver un moyen de rouspéter.
 
Je dois avouer que je ne comprends pas bien ce comportement, que je vois pourtant comme assez répandu. Je ne vois pas trop à quoi ça mène hormis une satisfaction bien personnelle. Je trouve de plus en plus ce genre d'attitude égoïste et puérile.
 
Bon, à l'inverse, l'attitude des conciliants et modérés est considérée comme de la mollesse, comme quelque chose de fade et lisse. Question de goûts et de couleurs. On peut aimer la cuisine épicée ou celle qui est toute en rondeurs, moelleuse, douce. Euh... pareil pour les corps féminins par exemple, ou masculins. On peut aimer l'aquarelle ou l'art des tags. On peut préférer la sculpture du bois, douce et polie, ou celle du métal brut, agressif et froid. Même opposition en musique, en architecture, en mobilier... Il n'y a pas de "bon" ou de "mauvais" là dedans. Juste des préférences que, je suppose, nous ne dominons pas.
 
Je précise, si besoin était, que je préfère la cuisine non épicée, l'aquarelle et le bois poli. Tant que ça ne va pas dans le mièvre (ce qui est aussi une notion subjective). Et je refuse à quiconque de me dire que mes goûts sont nul. Qu'on le pense... c'est autre chose. Je pense bien souvent que je ne comprends pas les goûts aux antipodes des miens. D'ici à dire que c'est nul, il y a un fossé que je me garderai de franchir.
 
On peut appeler ça hypocrisie. Je préfère le voir comme un moyen d'éviter d'inutiles oppositions. Parce que juger les goûts des autres, c'est se placer en position de supériorité, en estimant que l'on a hérité du "bon goût".
 
Bon, allez bref, tout ça on le sait très bien...
 
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22h30
 
Il m'arrive un truc bizarre en ce moment. Ce n'est pas la première fois, mais là ça dure depuis un bon moment: j'ai envie d'écrire, mais je n'ai rien à dire. Oh, pas que les mots ne viennent pas, mais plutôt que ces mots me semblent insipides. J'ai l'impression de soliloquer, parler dans une sale vide, écrire sur des feuilles qui s'envolent avec le vent
 
Il doit se passer un truc dans ma tête... Avec toutes ces remises en question, ces découvertes que je fais depuis un moment, forcément, ça bouleverse mon petit équilibre intérieur. Alors en attendant, c'est un peu le chaos intérieurement. Je ne suis plus le même, mais pas encore un autre.
 
Bon, ce sont des formules pour faire joli ça. Parce que bien évidemment je serais toujours le même, mais il se sera produit une évolution. Je sais que je deviens plus indépendant du regard des autres. Mes expériences plus ou moins douloureuses m'apprennent à prendre de la distance avec les situations génératrices de stress. Je marque plus fermement mes limites de protection, je me laisse moins atteindre par les personnes qui pourraient avoir un effet nocif sur moi. Ou du moins je réagis plus rapidement qu'auparavant.
 
J'ai l'impression de devenir plus lucide sur des comportements d'autrui que je ne comprenais pas. Du coup, il me semble mieux percevoir les dysfonctionnements de personnalités perturbées. Même si je sais qu'on l'est tous plus ou moins, en fonction de situations précises. Moi même il m'arrive de ne plus maîtriser mes réactions lorsque je me sens dénigré. Alors quand je sens qu'un autre réagit de façon bizarre, disproportionnée, incohérente, je me dis qu'il se trouve dans une situation qui lui fait perdre son discernement. Et je n'ai donc pas à me remettre, moi, en question outre mesure. Je n'ai pas à gérer le mal-être que quelqu'un m'envoie à la figure.
 
Je dis ça à froid, mais c'est nettement moins clair quand la situation se présente... Toutefois, avoir conscience de ce genre de mécanisme me prépare à réagir plus vite, et de façon adaptée.
 
Par exemple, une vieille connaissance (celui qui me traite de con depuis deux ans), sur un forum, ne peut s'empêcher d'intervenir dans les conversations que j'essaie d'avoir avec d'autres. Ce personnage bizarroïde passe un temps fou à écrire des messages tendant à prouver que je suis le dernier des cons. Extrait du dernier « Il n'y a jamais rien eu à attendre de toi.
Quant à ton image...auprès des autres sois sûr que ça me passionne.
 
Quand je vois un con, je lui dis qu'il est un con. Qu'un con fasse illusion auprès de naïfs n'est pas nouveau.
 
Enfin relativement, tout ce qui fait le charme des relations sociales est le camouflage de son sentiment réel. Ainsi des gens comme toi qui font assaut de mondanités peuvent converser à l'infini et tout le monde fera semblant (avec plus ou moins de conviction) d'avoir beaucoup d'estime pour la qualité des discussions et l'interlocuteur.
 
Sans compter que tu peux échanger des joyeusetés avec tes semblables(L'identique imbécile pontifiant) dans l'harmonie, le bonheur, le respect, et le mutuel machin .
 
Tout cela est courant, commun et décrit à l'envi par tout un tas de gens.
 
Les tartuffes et les faux-cul sont légions et font recette. Le besoin perpétuel de répeter que tu as des amis qui t'apprécient devrait te mettre la puce à l'oreille. Mais il n'y a rien à attendre de toi.
 
Il fallait que quelqu'un te le dise. Je me suis dévoué.
Non ne me remercie pas.»
 
Charmant, non? Et ce n'est qu'un extrait! Le monsieur n'a rien de plus intéressant à faire que d'écrire des messages à rallonge pour en arriver à cette inévitable et répétitive conclusion: Idéaliste est un con.
 
Au début, ça m'a sérieusement perturbé. Parce que le gars en question (appelons-le "Pervers-pépère") est loin de l'être, con. Ce type a une grande culture historico-socio-politique. Il est de plus très à l'aise avec l'écriture et n'est pas dénué d'un certain humour. D'une certaine façon, il impressionne. Donc quand un type comme lui démontre longuement que ce que l'autre dit fait de lui un être méprisable... ça déstabilise.
 
Moi, gros naïf, j'ai longtemps tenté de discuter, argumenter, expliquer. Mais rien à faire, tout ce que je disais était systématiquement retourné contre moi. Un véritable piège dont je ne pouvais pas me sortir. D'autant moins que l'effet de groupe jouant autour d'un tel "leader", c'étaient deux, trois, quatre personnes qui se jetaient à bras raccourcis sur moi. Tordant ce que je disais, l'interprétant abusivement, faisant des contresens. Et plus je tentais d'expliquer, plus on m'enfonçais. Avec un certain sadisme d'ailleurs, avec auto-émulation du groupe.
 
Je suis parvenu à me rendre compte de la perversité du bonhomme, et, finalement, de sa malhonneteté intellectuelle. Et récemment je me suis rendu compte que j'étais pour lui une sorte de bouc émissaire, un souffre-douleur docile de premier choix (ben oui, parce qu'en plus je ne dissimulais pas que j'en souffrais...) et, finalement, un fantasme sur lequel il transposait tout ce qu'il déteste le plus.
 
Après plusieurs rechutes, retombant fréquemment dans ses pièges permanents, j'ai décidé de m'extraire de cette situation stressante. Plusieurs mois hors de ce forum. Pervers-pépère m'a traqué sur un autre forum, sous des doubles ou triples pseudonymes (pour ça, Clotilde-l'inconnue n'a donc rien inventé...), mais j'ai su rester relativement distant. Récemment, je suis retourné sur le forum que j'avais abandonné, en évitant absolument de répondre à ces répétitives et lancinantes attaques. Mais pervers-pépère ne renonce pas. Il profite des tentatives de discussion que j'ai avec un type agressif, assez puant de prétention, mais avec qui je sens que la discussion serait possible, et pour le moins intéressante. C'est une sorte de jumeau de Manu, pour situer. Agressif, provocateur, râleur, incohérent et contradictoire. Et ce sont justement ces dernieres caractéristiques qui sont intriguantes pour moi.
 
Bref, tout ça pour dire que j'essaie de prendre chez ces gens-là le bon coté (ce refus des choses établies, ce coté "sale gosse" qui veut tout foutre en l'air), sans endosser leur mal-être (agressivité et gesticulations désordonnées). Par contre, chez quelqu'un comme Pervers-pépère, il n'y a que très peu à prendre. C'est un personnage très toxique, à mon avis limite pathologique. Son savoir et son éloquence cachent cette faiblesse qu'il utilise comme une arme redoutable. Je fuis désormais ce personnage (même si lui me traque) et m'efforce soit de ne pas répondre, soit de le remballer en essayant d'être à la hauteur de son talent dans le dénigrement d'autrui. C'est pour moi un apprentissage.
 
A coté d'un tel personnage, les quelques détracteurs que j'ai eu sur le forum Underground ne sont que de petits amateurs sans envergure. C'est le nombre, et la lâcheté des attaques sur mes écrits intimes dévoilés qui m'ont déstabilisé, pas leur pertinence.
 
Pourquoi est-ce que je raconte tout ça? Ben comme d'hab', parce que c'est mon journal. Mais surtout parce que j'ai lu quelque chose qui m'a replongé dans ces réflexions et m'a un peu éclairé sur le mode de fonctionnement de certaines personnes. J'ai trouvé ça très intéressant.
 
« J'écris comme je parle quand je débats avec quelqu'un: agressivement. Je le sais par les autres car sur le moment je ne m'en rends pas compte. Ce qui est paradoxal, c'est que même si j'emploie des mots excessifs, ou que je monte tout de suite sur mes grands chevaux, je ne suis pas particulièrement dans cet état d'esprit intérieurement. En fait, j'agis dans les débats écris ou oraux comme quelqu'un qui parlerait à un étranger. Vous savez, quand quelqu'un ne comprends pas ce que vous dites parce qu'il parle mal votre langue et que vous, pour lui faire comprendre, vous haussez le ton plutôt que de parler plus distinctement et plus lentement. Et bien j'agis exactement de la même manière. Je n'ai pas encore compris, et je ne sais pas si je comprendrai un jour que ce n'est pas le fait d'être plus agressif dans mes propos qui facilitera la compréhension de mon interlocuteur. Le pire est que je le sais et que je peine vraiment à me corriger. Parce que même si tout le monde me dit le contraire, j'ai toujours l'impression que hausser le ton, exagérer un fait pour le rendre plus explicite, rendra ma pensée plus claire à autrui. C'est souvent le contraire qui se produit. Sauf qu'heureusement mes détracteurs (les plus intelligents) ne s'arrêtent pas à la première impression, et apprennent à me connaître. Sinon, cela fait longtemps que je ne connaîtrais plus personne. Ca, plus mon goût prononcé pour la provocation et le cynisme font que je ne suis pas toujours quelqu'un avec qui il est agréable de débattre sans une certaine habitude.»
 
C'est signé Manu, qui a plus d'honneteté sur lui-même que les gugusses qui m'agressent ailleurs.
 
Booooon, vous constatez que je ne me suis pas encore sorti de l'épisode de fin aôut. Deux mois que ça occupe une grande part de mes écrits. Ouais, mais c'est quand même plus serein maintenant, hein? C'est la phase post-traumatique, l'analyse du pourquoi et du comment. Bref, la positivation d'un évènement négatif. Retirer les enseignements pour devenir plus expérimenté, lucide, solide.
 
J'espère simplement que ça ne vous agace pas trop que j'en parle autant.
 
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« Je crois qu'il faut que je fasse une thérapie de désensibilisation. Il me faut adopter ce je-m'en-foutisme qui rend les gens heureux. Je suis mal faite. Trop sensible, trop exigeante, trop tout. J'ai l'impression de ne pas savoir comment vivre. Existe-t-il un lieu, une école pour apprendre à mieux gérer sa vie ?»
 
Ophélie, dans l'Instant-clic (18/10/2002)
 

 

 

Et puis ce texte, lu sur un forum:
 
« La jeunesse n’est pas une période de la vie. Elle est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.
 
On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années : on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau, renoncer à son idéal ride l’âme. Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort.
 
Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande, comme l’enfant insatiable : « Et après ? ». Il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie. Vous êtes aussi jeune que votre foi. Aussi vieux que votre abattement. Vous resterez jeune, tant que vous resterez réceptif.
 
Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini. Si, un jour, votre cœur allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard.»
 
Texte écrit par le général Mac Arthur en 1945
 

 
Deux ou trois mots...
 
 
Samedi 26 octobre
 

 

Pourquoi est-ce que j'écris toujours des entrées longues? Cette habitude fait que je n'ose pas mettre en ligne lorsque j'ai un tout petit truc à mettre (en l'occurrence le texte qui fermera cette chronique).
 
Tant que je suis là, je vais quand même écrire deux ou trois trucs...
 
D'abord, je me dis que... non, je corrige: j'aurais tendance à me dire que mes lecteurs sont peut-être désorientés par l'écriture que j'ai actuellement. Je crois qu'elle a pas mal changé depuis quelques temps. Mais en même temps je sais que ça peut aussi intéresser par le suivi de mon cheminement. Et puis, honnêtement, je ne peux pas écrire autrement. Ce serait tricher et me forcer à aborder des sujets qui ne sont pas dans mes préoccupations du moment. Ou alors faire silence et "tricher" en ne racontant pas ce que je ressens.
 
Donc je continue comme ça.
 
De temps en temps je pense à des gens qui seraient de passage ici, tombés par hasard en suivant un lien. Je ne pense pas que mes écrits les accrocheront. Il me semble que ç'aurait pu être davantage le cas lorsque j'étais à fond dans l'introspection (quoique là je sois aussi dans une forme introspective...). Pourtant, lorsque je fais un tour sur mes statistiques, je remarque que le nombre aurait plutôt tendance à augmenter doucement. C'est probablement la conséquence du développement du diarisme/blog.
 
Bon, et puis y'a un truc qui m'agace: je ne parviens pas à écrire en oubliant que je suis lu. J'ai l'impression de m'éloigner de plus en plus du journal personnel et d'aller vers une sorte de chronique/billet d'humeur, tendance nombril. Cette mise en avant de soi, quoique elle corresponde certainement à un besoin refoulé, me dérange.
 
Il est certain que la focalisation éphémère des projecteurs de la polémique a agravé le phénomène. Je me sais m'adresser à un double lectorat et je crains de perdre en densité en cherchant à ne pas... euh, je ne sais même pas ce que je cherche. Mais je sais que de supposer la présence d'yeux critiques me perturbe. D'ailleurs c'est pas la première fois que j'écris ça.
 
Pour quelqu'un qui n'aime pas faire de remous (quoique... est vraiment mon cas?) la situation est plutôt inhibante. Je n'ose plus me laisser aller comme avnt. Il y a une retenue. Je pèse mes mots, je choisis davantage les idées que je développe. J'ai perdu énormément en spontanéité dans le déroulement des idées. L'autocensure me miantien dans un créneau étroit qui n'est pas le mien. Je choisis une voie médiane entre ce qui est moi coté intimiste et moi coté public. Bref, j'y perds ma personnalité.
 
Pourtant, je suis certain que de tout cela sortira quelque chose. Je trouverai la bonne voie.
 
Ce que j'apprends là, c'est l'autonomie vis à vis de l'opinion d'autrui.
 
 
 
Bon, finalement j'avais bien deux ou trois lignes à écrire... Même si ça sent un peu le rabachage. Pfff, encore une fois un truc qui risque de vous lasser.
 
 
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Ça date déjà de quelque jour, mais c'est pas grave, vu le sujet.
 
« L'effet blog
 
C'est très mystérieux l'effet blog.
 
Un jour j'en visite un, par hasard. J'ai suivi un lien en pensant "les amis de mes amis", ou j'ai été intriguée par un commentaire croisé, pas vraiment par hasard. Et insensiblement, jour après jour, j'y retourne. Puis le rendez-vous devient quotidien et je ressens un réél désir de savoir comment il/elle va, quelles réflexions vont naître de ma lecture, ou quelles découvertes il/elle va me permettre.
Je me demande par quelle mystérieuse alchimie l'écrivain devient si familier au lecteur. Comment cesse-t-il/elle d'être un inconnu ? Et s'il/elle n'est plus un inconnu, qu'est-il/elle ?
J'imagine déjà les esprits chagrins parler de voyeurisme. De nos jours, si nous nous montrons, alors nous nous exhibons et si nous regardons, nous sommes des voyeurs. Société sans demi-mesure, qui, à l'ére des communications, encourage la méfiance et le repli sur soi. Mais le voyeur ne ressent aucune tendresse, sympathie ou intérêt pour celui qu'il épie. Le plaisir du voyeur nait de la transgression, du vol des instants observés.
Quand je lis un blog, mon plaisir nait de la découverte d'un Autre, avec ses joies, ses peines et son univers, parfois très différent du mien. Et si j'y retourne, c'est qu'il/elle a su toucher quelque chose en moi, qui a fait de lui un inconnu familier.
Tiens je vais créer un nouveau mot, après tout je fais ce que je veux ici...
 
AMINCONNU(E) (n.) Personne avec qui on entre en relation, sans toutefois la connaître. A noter : l'aminconnu(e) peut ignorer jusqu'à votre existence, ce qui en fait la seule relation à sens unique qu'on ne souhaite pas oublier.
Synonyme familier : blogueur linké. »
 
 
Sur Secret(s) partagé(s)
 
Transmis par mon amie R. suite à notre rencontre de la semaine dernière. Je crois que je devrais plus souvent aller faire un tour du coté des blogs...
 

Fierté non dissimulée
 
 
 
Lundi 28 octobre
 
L'inconvénient des périodes de vacances, c'est que je ne travaille pas beaucoup. Oui, parce que moi je ne suis pas en vacances, mais ma petite famille l'est. Du coup, je prends plus de temps. P'tit dèj' prolongé, p'tite papote du matin, visite de cousins... Et comme ma devise est de prendre le temps quand il se présente, ben je ne résiste pas trop. En plus, si vous voyiez le temps qu'il fait... un ciel d'un bleu...
 
Donc, ce matin, petite altercation avec mon fils aîné, à qui je reproche souvent son manque de considération vis à vis des préoccupations des autres. Ou en plus court: son manque de respect des autres.
 
Comme je connais sa sensibilté aux remarques de ma part, j'ai anticipé et je lui ai juste dit un truc, sans reproches. Je ne voulais pas qu'il se sente agressé. Mais j'ai mal anticipé ma réaction. Et comme il s'est immédiatement senti agressé (prévu) il a réagi en se défendant (imprévu). Ce qui a eu pour conséquence immédiate de déclencher ce que je voualis éviter: les reproches. Paf, et c'est parti pour un crescendo vers la dispute. Il n'accepte pas que je fasse preuve d'autorité, et je n'accepte pas qu'il s'oppose. Je lui demande de respecter un peu plus les autres, il me répond que lui n'a pas les mêmes exigences. Il juge, il se rebelle, il se défend. Il est fier et ne veut pas s'excuser de des maladresses ou erreurs, qu'il ne veut pas reconnaître. J'insiste... et tout cela est sans issue.
 
Sauf que justement il y a une issue: expliquer un peu plus précisément ce que j'attends. Et surtout casser cette spirale d'une autorité refusée/affirmée.
 
Tout d'un coup, on en est arrivé à se parler d'égal à égal, comme ce qui se passe avec ses copains avec qui il me dit ne pas avoir de problèmes pour des cas similaires.
 
Je ne sais pas trop comment ça s'est fait, mais, sincérité de part et d'autre, reconnaissance de nos propres faiblesses, on est est arrivés à parler de façon très détendue. Et finalement on se comprenait très bien.
 
On s'est expliqué ce qui se passait dans nos têtes respectives quand la situation se bloquait. Lui qui ne supporte pas l'autorité imposée... que j'ai reconnu utiliser parfois de façon abusive, lorsque j'étais à bout d'arguments. Lui qui craint toujours que je le juge défavorablement et se met en position défensive. Et moi qui suis hyper-allergique au manque de respect des différences, que j'assimile vite à de l'intolérance... ce qui me rend agressif avec lui.
 
C'est parce que c'est nouveau pour moi, depuis quelques mois que je rencontre au quotidien ce manque de respect pour les particularités qui nous sont étrangères. Je découvre sans cesse les marques d'intolérance, ce jugement des différences. Alors quand je remarque que mon fils suit cette tendance, je réagis fortement. Je lui ai expliqué tout ça, et il a compris. Nous nous sommes même trouvés une façon de voir le monde et les rapports entre les gens très semblable. Etonnant de nous retrouver alors que nous nous opposions peu de temps auparavant.
 
Je lui ai expliqué (ou réexpliqué) ce combat que je mène contre la reproduction à son encontre de ce dont j'ai souffert de la part de mon père. Je lui ai dit que, malgré ce travail sur moi entrepris depuis dix ans, je ne parviens pas à être suffisamment en avance pour anticiper. En fait je le suis (du verbe suivre). Il me précède toujours et je ne peux que m'adapter, corriger, mais après que je me sois rendu compte des problèmes qui existent entre nous. Il a semblé être (il a été, j'en suis certain), très content de ces confidences que je lui ai faites sur mes difficultés de père... qui découvre son rôle au fur et a mesure qu'il chemine. Qui accepte son imperfection et reconnait les erreurs qu'il fait. Nous nous sommes vraiment parlé d'adulte à adulte.
 
Je lui ai dit qu'il avait une énorme avance sur moi puisqu'il découvre en même temps que moi certaines choses sur les rapports humains. Et de ce décalage, je suis très fier. Parce que ça signifie que, malgré nos petits heurts, j'ai su lui transmettre des valeurs qui me semblent essentielles (même si envers moi précisément ça ne fonctionne pas vraiment). Je crois que c'est un gars bien mon fils...
 
Je suis content d'avoir pu casser le phénomène reproductif du mal-être dont j'avais souffert. Je pense que la génération suivante n'aura pas trop hérité des difficultés de celle qui me précédait. Mon père m'aura transmis quelques chose de son mal-être, mais suffisamment de "bon fond" aussi pour me permettre d'évoluer et me débarasser de ce mal-être. J'en aurais chié, c'est certain, mais ça ne me semble avoir que très peu d'importance si j'arrive à trouver un équilibre assez serein, un véritable bien-être (même si ce n'est qu'après 35 ans), et surtout à ne pas le transmettre à mon tour. J'aurais été assez fort pour le bloquer. Prendre le problème à bras le corps et ne pas le refiler à mes enfants.
 
Ouais ouais, de ça je suis fier. C'est rare que je sois fier de moi, mais là je n'hésite pas. Et puis je crois qu'il n'y a pas d'enjeu supérieur que de permettre à ses enfants de devenir des adultes sains dans leur tête et épanouis, heureux de vivre. Si je devais choisir la chose qui compte le plus dans ma vie, ce serait sans conteste celle là.
 
Et mon fils est bien dans sa tête. Il raisonne très sainement. A 17 ans il sait déjà que la vulnérabilité ne peut s'exposer que devant ceux en qui on peut avoir confiance. Qu'il faut rester dur et solide devant ceux qui se montrent sous ce jour, mais tendre avec ceux qui sont capable d'apprécier cette sensibilité, émotivité. Il sait être franc et sincère avec qui le mérite, mais sait aussi se protéger des cassants, de ceux qui pour exister ont besoin de rapports de rivalité. Je pense qu'il saurait mieux se défendre que moi dans les divers lieux ou j'ai été vilipendé.
 
Et quand je vois le chemin que prennent mes enfants plus jeunes que lui, je pense que je n'ai pas trop d'inquiétude à avoir: ils ont aussi l'air d'être bien dans leur tête. Quand je vois avec quel plaisir ils rient, plaisantent, me charrient.
 
C'est un vrai plaisir.
 
J'écris tout ça comme si j'étais seul acteur de cette réussite, mais c'est évidemment grâce à la présence de Charlotte que nous sommes parvenus à cette réussite. Chacun dans nos domaines de prédilection. C'est une réussite collective, entre eux et nous, puisqu'ils nous ont aussi aidés à grandir.
 

 

L'empreinte éducative

 
 
 
Mercredi 30 octobre
 
Juste après avoir posté mon dernier euh... "billet"? "post"? Bref, juste après avoir écrit ma dernière entrée (je crois que c'est le terme officiel pour un journal), j'ai lu celle de Chien fou.
 
J'allais pas me mettre à réécrire, mais j'ai gardé l'idée dans un coin de ma tête, d'autant plus qu'il sollicitait ses lecteurs. Outre des soucis familiaux auxquels j'ai la chance de ne pas être soumis, il évoquait, une fois de plus, sa flemme devant le travail qu'il devrait faire. Il écrivait « Parce que les autre jours, avec ce boulot, je me serai levé. Et je serai allé au turbin.
Il y a un côté caprice de bourge qui ne comprend pas sa chance... Dites vous que pour un individu, ne jamais avoir été mis devant ses reponsabilités peut être aussi dévastateur que l'injustice et le conflit.». C'est une réflexion que je me fais souvent, lorsque je constate que je cède souvent, et de plus en plus, à la facilité du non-travail.
 
Sans aller jusqu'à dire que c'est une chance d'être obligé d'aller bosser, je trouve quand même que la liberté à un coté piège que l'on ne soupçonne sans doute pas vraiment. Un employé ne se pose pas de questions le matin. C'est boulot et un point c'est tout. Envie ou pas envie, c'est pareil, il faut y aller. Et le fait que la question ne se pose pas est un confort (même s'il est désagréable). Je le constate lorsque je suis obligé de travailler beaucoup (comme en ce moment).
 
Mais bien souvent rien ne me contraint à travailler à un moment donné. J'ai une certaine charge de travail, mais souvent peu d'échéances précises. Je peux donc m'organiser comme je veux, faire tel part de mon travail un jour et un autre le lendemain. Je peux même prendre mon temps, voire discuter pendant une heure, ou carrément aller me ballader toute la journée. Bref, j'ai la totale liberté de mon emploi du temps. Une chance? Assurément, et je l'apprécie avec une honteuse volupté.
 
En fait, tout irait bien si cette infâme chose qu'est la culpabilité n'éxistait pas. Parce que ça me conviendrait très bien de ne travailler que lorsque j'en ai envie, ou lorsque c'est nécessaire. Mais je me sens coupable parce que je pourrais gagner davantage de sous. Non que l'argent m'intéresse (c'est plutôt le contraire), mais parce que je me dois de participer aux dépenses familiales, comme le fait Charlotte. Et c'est là qu'il y a un problème: Charlotte est la principale pourvoyeuse de nos fonds. Elles est salariée et ramène régulièrement sa part. La plus grosse part.
 
De mon coté je suis indépendant et mes revenus sont très variables. Certains mois je ramène le triple de son salaire, mais d'autres mois c'est zéro. Pour le zéro, c'est indépendant de mon efficacité dans le travail: c'est une donnée incontournable de ma profession et tous ceux qui l'exercent ont ces mois vides.
 
Donc, en gros, mon travail est indépendant de mes revenus. Ou plutôt: mes revenus sont généralement décalés dans le temps par rapport à ma charge de travail. Et c'est ce décalage qui est la source de mes angoisses de travailleur trop libre. Il n'y a pas vraiment de corrélation entre un travail et les rentrées d'argent que cela occasionnera. D'où ma tentation, parfois, de profiter de ma liberté. Un peu trop...
 
Sans oublier que, travaillant à domicile, j'ai toute facilité pour passer du "loisir" au "travail", d'un instant à l'autre. D'un clic de souris quand je suis devant mon ordinateur, ou en prenant une revue qui traîne, un livre. Ou encore en levant le nez quand je suis dehors et que je prends le temps de révâsser. C'est trop facile, trop tentant, trop agréable. Oui, je sais, j'ai vachement de chance...
 
Mais inversement il y a des périodes ou je travaille intensément, week-ends compris. C'est à la fois désagréable... et mentalement satisafaisant parce que je n'ai pas cette culpabilité qui me titille. J'ai alors la satisfation de bosser pleinement, de donner l'impression que je suis un gros travailleur, et généralement de gagner des sous simultanément.
 
En fait, des années durant j'ai été un travailleur acharné. Je m'y serais épuisé si Charlotte n'avait pas mis le holà. Elle voulait, avec raison, que je participe davantage à la vie de famille. Elle avait envie de me voir plus présent (c'est qu'elle m'aime cette femme là...). Au début, ce me fût difficile de renoncer au travail. J'avais l'impression que plus rien n'avançait. Et surtout que c'était "pas bien" de trop rester oisif. Mais je dois bien reconnaître que j'ai peu à peu lâché prise... et trouvé bien des avantages à me laisser vivre.
 
Cette culpabilité résiduelle, ce n'est pas trop face à Charlotte qu'elle s'exerce, puisqu'elle connaît ma situation et qu'elle y trouve des avantages (je suis nettement plus détendu qu'avant). C'est plus par rapport à l'image qu'on à de moi. On me dit souvent «Quel travail que ce métier, vous ne devez pas chômer...» ou encore « Vous avez du courage pour avoir fait tout ça», à moins que ce ne soit « Vous êtes tout seul et vous arrivez à vous occuper de tout ça?» (avec des yeux ronds d'incédulité admirative). Donc il semble que je donne l'image d'un sacré bosseur. Mais moi, sans être une grosse feignasse, je me dis que je pourrais en faire beaucoup plus.
 
Enfin... je me le dis de moins en moins puisqu'il semble que tout le monde y trouve son compte. Moi parce que je trouve que ma vie est cool (bien plus qu'avant), Charlotte parce que je suis détendu, les enfants parce que je passe du temps avec eux, les clients ou nos amis parce qu'ils sont admiratifs devant tout ce que je fais.
 
En fait, c'est juste cette sale culpabilité qui fait que je me dis que j'ai de la chance de faire ce qui me plaît alors que d'autres en bavent. Scories de cette éducation qui valorise le travail avant le loisir...
 
C'est long pour se débarasser de ce genre de principes.
 
 
* * *
 
 
Dans le même ordre d'idées, Chien fou à cité le texte que j'avais trouvé sur un forum, en l'assaisonnant de ce petit commentaire: «Un peu scout youkaïdi aïda». Ma foi... il n'a sans doute pas tort. C'est vrai que j'ai un peu (beaucoup?) l'esprit scout-bien-gentil-dis-bonjour-à-la-dame. Ouais ouais, j'assume.
 
C'est pas forcément cucul-la-praline et béni-oui-oui, même si, effecitivement, ça l'est parfois aussi. Bon, et puis on ne renie pas ses origines comme ça.
 
Y'a des choses con dans cet esprit, mais il y en a des bonnes. Comme partout. J'espère que je suis parvenu à faire le tri, que j'ai gardé à la fois un esprit suffisamment critique mais aussi quelques "valeurs" (top ringard, ce mot) en ce qui concerne le respect d'autrui. Et quand je constate ce qu'apporte l'absence de cette valeur, je ne regrette pas mon esprit "scout".
 
Soumission, acceptation béate, ce sont les mauvais travers de cet esprit. Mais solidarité, entraide, voire fratenité, ça ne me semble pas être de mauvaises choses.
 
En fait, ça m'agace un peu quand on se fout de cet esprit parce qu'on le caricature en se basant sur des clichés éculés. Et puis, bizarrement, tout ce qui peut ressembler à du "gentil" est volontiers honni depuis quelques décennies. Alors qu'on nous rebat les oreilles avec des trucs de solidarité... mais uniquement à l'encontre des plus démunis ou des malades. En fait ceux que l'on cotoie peu dans sa vie. C'est plus facile de donner des leçons de solidarité envers les sans-papiers, les sdf, les malades du sida ou les affamés du tiers-monde, en s'en tenant aux déclarations d'intention, que de faire preuve de cet esprit de fraternité avec les gens qu'on cotoie dans la rue, au boulot, ou dans le quartier.
 
L'esprit d'écoute, de tolérance et de respect des différences c'est souvent bon de loin, mais en pratique, au quotidien, c'est vite oublié.
 
Bon, je sens que je vais encore faire rigoler avec mon prêchi-prêcha... Mouais, c'est plus facile de rire que de se poser des questions.
 
Bah, un jour j'assumerai totalement ce coté ringard du bien-gentil et je n'aurais plus cette gêne à dire ce que je pense sans avoir la crainte d'être immédiatement taxé de réac' par quelques esprits en révolte. Il me faut encore un peu d'observation de leurs comportements faux-cul et aveugles sur eux-mêmes pour me sentir suffisamment solide et tenir tête avec des arguments etayés.
 
Hé hé, je me marre en écrivant ça, en pensant que des gens pourront s'en offusquer. C'est tellement pas dans le discours habituel. Du moins dans les lieux virtuels que je fréquente...
 
Bon, assez monologué. La suite au prochain épisode, si vous êtes bien sages.
 
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« Il est quand même étrange qu'un lecteur demande à un diariste de ne pas dévoiler dans son journal quelque chose qu'il lui aura confié alors que s'il est là, c'est qu'il a apprécié de lire les secrets que le diariste a écrit. Donc, le lecteur désire à la fois partager avec le diariste - et que ce qu'il partage reste secret - et continuer à lire le journal. Mais ce que le lecteur oublie, ou ne veut pas savoir, c'est qu'en arrivant à ce genre de relation avec le diariste, il fait maintenant partie de la vie de celui-ci. Donc, le diariste devra taire une partie de sa vie, pour respecter son lecteur. Assez paradoxal.»
 
Toilette intime (28/10/2002)
 
Mais c'est qu'il finirait par se poser des questions intéressantes, le Manu...
 
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« l'engagement de sincérité pour la rédaction d'un journal est entre moi et moi, pas entre moi et le lecteur. le lecteur, c'est quoi le lecteur, une instance aussi peu existante que l'est mon personnage virtuel. je me dois d'être sincère avec mes amis, avec le potentiel psychanalyste qui va décortiquer mes névroses, avec moi, mais avec le lecteur... quelle idée.... et comment ledit lecteur peut diagnostiquer la sincérité ou l'insincérité d'un journal?
 
(...)
il y avait une entrée d'O qui disait tout à fait ce rapport au journal, elle écrivait quelque chose comme "je ne suis pas ce journal" et "je ne raconte pas la moitié de ce que je vis dans ce journal", c'est tout à fait ça. les mots en ligne, les mots en général ne peuvent donner comme ça, toute la vérité d'un être, toute sa complexité et sa spécificité. c'est valable pour O, c'est valable pour moi et pour tous les autres journaux aussi. rédiger une entrée d'un journal ne peut être dire toute une journée entière, rédiger un journal ne peut être dire un être dans son entier, surtout pas sur internet. les mots ne disent pas tout, les mots ne peuvent tout dire, ce qui est livré sera forcément réduit transformé par le langage, puis par la lecture. les mots sont affreusement réducteurs, même si l'on s'applique à chercher le mot juste pour chaque chose, le mot juste pour soi sera lu différemment par autrui et ne voudra déjà plus dire la même chose. »
 
Je parle trop (13/10/2002)
 
 
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Mise à jour de ma page de liens...
 

Mange tes carottes!!!
 
 
Jeudi 31 octobre
 
Comme souvent lorsque j'ai écrit des trucs qui pourraient permettre de porter un jugement négatif sur moi, j'ai le lendemain une vague appréhension. Quelques regrets de m'être laissé aller. Et puis finalement je me dis que c'est ce que je pense et que je n'ai pas à le cacher. Et puis tant pis si ça devait déplaire au point que l'on me rejette.
 
C'e matin, en prenant mon p'tit dèj', je lisais un article de Télérama qui évoquait un documentaire sur une petite école rurale, passant actuellement au cinéma. L'école est toujours un sujet sensible pour moi. Je veux dire: qui me met dans un état de sensibilité. Et ça n'a pas manqué. Il a suffi que je voie la photo d'un petit groupe d'élèves accompagnés de leur maître qui marchent sur le bord d'une route de campagne pour me faire monter les larmes aux yeux. Ensuite c'est en lisant certaines phrases que cette émotion m'a à nouveau envahi.
 
Pourquoi? Tout simplement parce que cela me replonge dans un passé bienheureux, mais hélas révolu. Celui d'une certaine insouciance et d'une harmonie intérieure. Celui d'un monde basé sur le respect et la tolérance. Parce qu'à l'époque, il n'était pas question qu'un élève soit brocardé par les autres, que les insultes fusent: la maîtresse était là et veillait à ce que le groupe cohabite tranquillement. Personne n'était laissé pour compte ou isolé et ceux qui laissaient échapper un rire de moquerie lorsqu'un élève se trompait étaient immédiatement regardés avec des gros yeux.
 
Aucune tyrannie de la part de la maîtresse, aucune autorité abusive. Seulement une désapprobation, voire une sanction symbolique lorsqu'un élève allait trop loin et perturbait le groupe. Sanctions qui étaient acceptées comme justes.
 
Quand je vois comment ça se passe actuellement, j'ai l'impression d'avoir vécu ça il y a un siècle...
 
J'ai déjà raconté la petite école communale dans laquelle j'avais fait ma scolarité. Deux classes seulement pour couvrir le cursus de la maternelle au primaire. Une ambiance de village, avec sorties dans la campagne (d'où ma réaction en voyant la photo) durant lesquelles on étudiait la géographie du lieu, son histoire. On observait les plantes et les insectes, l'environnement dans lequel nous vivions. Notre maîtresse nous apprenait le monde tel qu'elle le connaissait, en abordant toutes les disciplines.
 
Dans mes souvenirs, ces années-là sont empreintes de nostalgie et, j'ose le mot, de bonheur.
 
J'en parlais avec Charlotte, en évoquant cette brutale rupture lorsque je suis entré au collège, beaucoup plus conforme à la réalité du monde: le respect n'est pas un acquis mais doit se conquérir. A moins que l'on choisisse la discrétion et l'effacement. Devenir invisible pour ne pas attirer la potentielle agressivité ou le mépris d'autrui. C'est la solution qui s'est imposée à moi. Il faut croire que c'était ma nature profonde, vu le mal que j'ai à accepter encore aujourd'hui ces non-règles de la vie en société.
 
J'ai aussi songé à mes années de petite enfance, avant cette école rurale que j'évoque. Parce qu'avant 8 ans j'étais un petit citadin. Oh, ça se passait bien à l'époque, pendant la fin des années soixante. Pas de problèmes de banlieue, ni d'autorité. Cependant l'élève était déjà dépersonnalisé. Les instits avaient une trentaine d'enfants pour l'année, un programme, et basta, il fallait que la classe fonctionne. Pas vraiment le temps de s'attarder sur ceux qui pouvaient se sentir moins à l'aise. Par chance ce n'était pas mon cas. J'étais un élève standard qui suivait sans se faire remarquer. De ces élèves que l'instit oublie dès que l'année est terminée. Je ne garde pas de souvenir particulier de cette époque, sauf que je n'aimais pas vraiment l'école, que j'acceptais résigné.
 
Il en fut tout autrement dans l'école communale ou j'allais poursuivre, puisque là j'aimais vraiment l'école qui était un lieu de vie toujours diversifié, avec une ambiance particulière, un peu vieillotte, et une attention quasi maternelle de l'institutrice. C'est pour ces raisons que ces quelques années m'ont très profondément marqué. Bon nombre de mes connaissances générales de base datent de mon passage là. Et une bonne part de ma personnalité et de mes valeurs s'y sont forgées.
 
D'ailleurs, je crois que j'y étais apprécié autant par les autres élèves que par mon institutrice, avec qui j'ai longtemps gardé des contacts au sein du village.
 
Je ne suis pas quelqu'un qui s'impose bruyamment. Je crois qu'on m'apprécie davantage pour ma modération, ma bonne humeur, ma volonté de faire en sorte que tout le monde s'entende (ou disons se respecte, à défaut de s'apprécier). J'avais donc tout à fait ma place dans cet environnement protégé où les grandes gueules et les agressifs étaient muselés afin que chacun puisse trouver sa place. Un environnement "contre nature" puisque la liberté de chacun était surveillée afin de ne pas déborder sur celle des autres. Mais ce que l'autorité naturelle (dans le sens de "faire autorité par ses connaissances et son esprit de justice") permettait n'est pas transposable à la réalité de la société. La loi du plus fort est la règle, toujours. Et alors qu'on apprend, actuellement, à se soustraire à celle venue "d'en haut", c'est maintenant celle venue d'en bas, et des cotés, qui s'installe. Je ne crains pas un quelconque rapport de forces venu d'en haut, mais je suis bien souvent confronté à celui venant de mes semblables.
 
Et je dois avouer que j'ai bien du mal à me sentir à l'aise dans ce monde là... Mais j'apprends.
 

 

* * *
 
En réfléchissant à ce rapport à l'autorité, que je n'accepte que librement consentie (l'autorité "naturelle"), se profile toujours la stature de mon père. Je crois que c'est de lui que me viennent beaucoup de mes comportements et l'attitude relativement soumise qui peut me caractériser. Soumission de façade, en fait, puisqu'il est bien difficile de me contraindre à faire ce que je ne veux pas. Je dirais même que c'est presqu'impossible.
 
Je suis donc relativement docile, si j'accepte ce qui m'est proposé. Et c'est là que je suis souvent en opposition avec pas mal de gens qui contestent tout un tas de choses. Je pars du principe qu'on ne peut tout refuser, ni rejeter éternellement les fautes ou les responsabilités sur autrui. Je prends ma part de responsabilité dans notre destin commun, politiquement, socialement. J'essaie aussi de rester cohérent avec moi-même et ne pas reprocher aux autres des attitudes que je sais avoir.
 
Bon, là où je voulais en venir c'est que si je suis docile et peu reventicatif, c'est parce que très tôt on m'a montré que l'autorité ne se contestait pas. Je pense que dès le berceau mon père a voulu me montrer qu'il était le chef et qu'il était inutile que je tente de me rebeller. Je crois que cela est antérieur à mes premiers souvenirs (il faudra que je demande des précisions à mes parents...). Je me souviens en particulier, parce que ma mère en avait été traumatisée
et me l'a souvent racontée, d'une anecdote significative: je devais avoir deux ans, et ne voulais pas manger les carottes qu'on m'avait servi. Mon père décida que je devais manger ces carottes. Buté, je ne voulais pas. Qu'a cela ne tienne, je n'aurais rien d'autre à manger tant que ces carottes ne seraient pas avalées. Les repas suivants les mêmes carottes me furent resservies... jusqu'à ce qu'affamé je doive céder et manger les infâmes carottes (tiens, depuis j'aime bien les carottes...). Tout ça pour dire que même face à un bout-de-chou de deux ans mon père ne cédait pas. Bien? Mal? Je ne saurais dire. Je pense qu'un peu de mesure n'aurait pas nui. Sans céder devant les rebellions d'un enfant, il n'était sans doute pas nécessaire d'aller aussi loin. Sauf si mon père voulait par cette scène montrer qu'il ne cèderait jamais. Je pense que des petits évènements de ce genre se sont répétés et ont eu raison de ma capacité à refuser l'autorité. J'ai en mémoire pas mal d'anectdotes ultérieures montrant l'autorité abusive de mon père.
 
Pourquoi je ne me suis pas rebellé à l'adolescence? Parce que mon père était d'un autre coté un puits de connaissances. C'est un homme brillant, "intelligent" dans le sens classique du terme, avec un esprit vif et pertinent. Il est pratiquement impossible de le prendre en défaut vu ses connaissances et son ouverture d'esprit. Oui, paradoxalement il est extrêment ouvert à tous les courants d'idée.
 
Tout, sauf ce qui concerne l'affectif et l'émotionnel. C'est comme si toute son intelligence s'était concentrée sur le savoir et avait oublié le domaine affectif. Ce qui rend ce personnage paradoxal, attachant et repoussant. Instruit, intéressant, mais extrêmement maladroit dans les relations humaines. Comment se rebeller devant quelqu'un qui a réponse à tout (réponses valides) quand on se sent moins que rien face à lui?
 
Voila pourquoi j'ai longtemps accepté mon sort sans broncher, suivant docilement ce que l'on attendait de moi, incapable de me révolter en exprimant ce dont je n'avais pas conscience (puisque je n'avais jamais été éveillé au coté émotionnel du ressenti).
 
Maintenant que j'ai su entendre ma petite voix intérieure, maintenant que je lui permets d'exprimer à voix haute ma sensibilité, je reste quand même quelqu'un qui ne se lamente pas sans cesse et qui est conscient de sa part de responsabilité dans son sort. Parce que mon père m'a transmis sa capacité de remise en question, sa curiosité insatiable, sa certitude qu'on est faillible. Même si lui paraissait infaillible dans bien des domaines (par autorité abusive), j'ai pu extrapoler de sa faillibilité acceptée dans le savoir, sa faillibilité dans l'être.
 
J'ai découvert la vulnérabilité de mon père et c'est ce qui m'a donné la force de croire en moi.
 
Je découvre sans cesse les failles qui existent chez les autres, dans leurs raisonnements boiteux et leurs révoltes aveugles, et ça me donne d'autant plus de force, de conviction. Je parviens peu à peu à me défaire de ma fragilité au jugements que l'on porte sur moi et m'autorise à regarder celui qui me juge dans toute la faiblesse qu'il exprime par ce jugement. Ce n'est pas celui qui crie le plus fort, qui dénigre l'autre qui à raison. Bien au contraire il se montre faible, manquant d'assurance eu point de rester sûr de lui pour ne pas tout remettre en question de ses fragiles convictions.
 
Sur le long terme, à force d'observer ceux qui me dénigraient, j'ai appris à mieux les connaître. Leur force apparente, leurs convictions martelées et le refus de s'ouvrir aux autres m'est apparu clairement. Quand on est sûr de soi on ne cherche pas à écraser les autres. Quand on se connaît vraiment on a aussi conscience de ses faiblesses et cela interdit tout jugement catégorique. La sagesse, seule autorité acceptable, se fait sans agressivité.
 
Je l'apprends à dose forte, depuis quelques mois. Je fais une auto-analyse au quotidien et, lors d'éclairs de lucidité comme celui qui me traverse en ce moment même, je mesure toute la force qui est en moi. Elle n'attend que davantage de confiance en moi pour s'exprimer. Puisque je connais de mieux en mieux mes faiblesses, je suis de plus en plus fort.
 
C'est souvent sur cet apparent paradoxe que je conclus mes entrées les plus éclairantes pour moi. C'est la lecture de cette idée sur le journal de l'incrédule qui a tout déclenché, je ne l'oublie pas. Et ce n'était certainement pas un hasard...
 
 
* * *
 
Tout ce que j'ai écrit là, je me doute que ça peut faire rire des esprits critiques et râleurs. Je m'en moque. Je me rends compte que je ne cherche à convaincre personne. Tant mieux si ça touche, si ça éveille une réflexion. Tant pis si ça de déclenche rien.
 
Je deviens étonnamment insensible à ce qu'on peut penser de moi, lorsque c'est fait dans le but de dénigrer. En revanche je reste toujours très ouvert à tout ce qui m'est dit dans un but constructif. Je dirais même que je l'attends parce que c'est ce qui peut me permettre de poursuivre mon chemin en sachant quand je me gourre.
 
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«parce qu'un journal qui n'est plus mis à jour perd rapidement sa visibilité sur le net. or, il est toujours un journal, avec sa cohérence, avec la personnalité de son auteur, les émotions qu'il ou elle a su créer.
 
il y a ceux qui ont pensé à laisser un petit mot avant de partir, ceux qui ont prévenu longtemps à l'avance, et ceux dont on perd toute trace, tout à coup. or, lire un journal en ligne, c'est d'abord et avant tout s'attacher à son auteur. au début, le lecteur revient, pour voir, pour se souvenir, pour relire tel ou tel passage. et puis... les visites s'espacent, et le jour où on voudrait bien revenir... on a perdu l'adresse, ou le lien est brisé.
 
c'est pour cela, que e-phemer(id)es se propose d'éditer une liste de journaux intimes clos ou abandonnés, et aussi d'héberger les archives de celles ou ceux qui le souhaiteront, et ce, tant que nous le pourrons.»
 
e-phémér(id)es
 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

   

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