Mois de novembre 2002 (1ere partie)

 
 
Sincères convictions
 
 
Vendredi 1 novembre
 
Lorsque je me livre à des exercices de révélation sur ce journal, comme ces derniers jours, il subsiste le lendemain un petit malaise. Tant que je suis dans la phase d'écriture aucun problème. Et même à la relecture, ça passe plutôt bien (mais déjà, si je me relis, c'est que je sens des doutes s'immiscer...). Par contre, dès que c'est mis en ligne, dès que je donne ces parts de moi, que je les abandonne au jugement potentiel d'autrui, un inconfort plus ou moins durable s'installe. 
 
Parce que ce sont des choses qui sont au fond de moi, mais que je sens confusément «pas bien». Il y a une culpabilité à penser ça. Oh, souvent ce sont quelques mots, voire un seul mot qui déclenche cette culpabilité. Des mots du genre "valeurs". Parce que c'est facilement rattaché à un courant de pensée rétrograde, voire carrément réactionnaire. J'aime pas qu'on puisse penser ça de moi. Mais en même temps, je ne suis pas non plus à l'opposé de cette tendance...
 
Je me sens être quelqu'un qui se situe dans un espace médian. Ni libertaire, ni réactionnaire. Mais un peu des deux. Je prends ce qui me semble bon d'un coté et de l'autre. Et inévitablement je suis catalogué comme étant d'un bord ou de l'autre par des opposants un peu manichéens.
 
En fait, je me suis toujours abstenu de trop dire ce que je pensais pour éviter de faire des vagues. Mais c'est inconfortable. On se sent mal à garder ces demi-mensonges. J'ai désormais envie de savoir, et faire savoir, qui je suis. Quitte à déplaire.
 
C'est bien connu, on ne peut pas plaire à tout le monde. Et à quoi cela servirait-il de plaire en étant pas vraiment soi-même? Moi qui prône toujours la sincérité, je me rends compte que j'ai fait une énorme impasse en ce qui concerne la sincérité de mes convictions.
 
A tel point que, maintenant que je m'autorise à les exprimer, je ne sais pas vraiment ce qu'elles sont. Je les découvre au fil de mes discussions plus ou moins calmes, ou de mes déboires lors des critiques publiques. Ce journal, tout comme les forums, me permet de me révéler à moi-même. Non plus seulement dans le domaine de l'intime, mais aussi dans celui des opinions (ce qui est une forme d'intimité).
 
Mais alors que ce que je disais sur la séduction pouvait avoir quelque chose d'universel, donc risquait peu de choquer (au pire ça pouvait paraître mièvre), l'expression des opinions sur les rapports en société risque de heurter la sensibilité... euh... des cons?
 
Et encore, ce ne serait pas bien grave, si de la surprise pouvait naître un dialogue, une confrontation des opinions. Mais en fait je crains surtout la réaction des grandes gueules, de ceux qui savent comment il faut "bien" penser. J'ai tort. Je devrais me moquer de ces gens qui ne savent pas dialoguer et se contentent de marteler «t'es un con de penser comme ça». Mais ils le font avec une telle conviction, se renforçant entre eux, que j'en oublie mes capacités de discernement. Je doute trop de moi et de mon... intelligence (merci papa!) pour continuer à affirmer ce en quoi je crois. Je me sens destabilisé, puis rejeté. Et je reproduis encore ce schéma de mon enfance: je suis quelqu'un de bête et méprisable. Un nul.
 
Bon. Mois après mois ça s'améliore puisque je réduis le temps de réaction. Je reprends le dessus beaucoup plus rapidement qu'avant. Je descends moins bas.
 
Et surtout je suis lucide sur le peu de pertinence de mes interlocuteurs, sans délai. L'épisode "dénigrement" qui a occupé ce journal le mois dernier aura été, je pense, décisif. Parce que même si j'ai été fortement atteint (et avec le recul ça paraît vraiment disproportionné), j'ai aussi résisté. Je n'ai pas pensé que mes détracteurs avaient raison, malgré la con-viction qu'ils y mettaient. Et finalement ceux qui m'ont le plus irrité (les numéros 2 et 3) sont ceux qui m'ont montré de façon flagrante leurs propres limite à la discussion. Le numéro 1, Manu, ayant pour l'excuser le privilège de la légereté.
 
Bon, ce qui me dérange un peu, c'est que pour me sauver du jugement des autres, j'en arrive à... les juger.
 
Ce que j'espère, c'est que mes jugements ne se basent que sur des faits et non sur des interprétations. Que je juge leurs actes et pas leurs idées.
 
Pas envie de devenir comme eux...
 

 

* * *
 
Vachement brouillon et coq-à-l'âne ce que j'écris, non? C'est comme ça que c'est le plus efficace. Lorsque j'oublie qu'on me lit et que je laisse ma pensée s'exprimer sans contraintes.
 
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Quand la curiosité, au hasard d'un clic curieux, devient perplexité:
 
« Pis la bin ya tute le reste.. tsé ca va top glop... Pis la la prof dordine mexplikais dekoi tentot.... pis jcomprenais a moitier... ca matchais po avec ce quelle disais avant... jai compris un peu... jier dit cetais top glop son affaire mais au fond.... c comme le prof de 2d... qui catchais po mon blanc sur ma toile.. moi je trouvais ca top... pis oui je sais ce quilveut dire mais cetais ca que jaimais :| jai comprendrai jamais... pis c vrai au font que jme censure pt... que jme sent pogner.. mais chepo on dirait que chui po (ou pu) capable dutiliser mon cerveau.... meme quand je parle des fois ca sort a lavaners.. jai pt une maladie... c drole au fond... mais chepo.. jme sent po concentrer pis des fois ca gosse....»
 
Ça doit être du québécois c'te langue... On l'entend presque.
 

 
Questionnements, encore et toujours
 
Lundi 4 novembre
 
En commençant ce journal en ligne, je me lançais, sans trop savoir, pourquoi, dans l'exposition de mes états d'âme. Si j'ignorais les raisons qui m'y poussaient, en revanche j'avais une assez bonne conscience de ce qu'on pouvait en ressentir puisque j'avais bien compris ce phénomène de l'interaction diariste/lecteurs. Je crois que c'est même cette relation à la fois intime et distante qui m'attirait.
 
Mais je pense que j'en avais mal mesuré l'intensité.
 
Il y avait au départ une envie plus ou moins inavouée de séduire. Séduction par la similitude des ressentis davantage que par les mots, puisque je ne recherche pas une qualité littéraire qui irait au delà de la lecture agréable. Séduction aussi, dans le sens plus commun des mots: tenter de plaire, de préférence à un lectorat féminin. Ce n'était pas un but délibérément choisi, mais je ne peux nier que ce désir existait.
 
Au fil des mois mes préoccupations ont évolué. Si la séduction demeure, elle est désormais ancrée dans quelque chose qui s'assimile à l'amitié. J'aime savoir que ce que j'écris plaît. C'est une satisfaction très agréable. Mais j'aime surtout savoir que cela plaît aux personnes avec qui s'est développé une affinité particulière. Hommes et femmes. Et je me rends compte (une fois de plus...) que j'écris surtout en pensant à ces personnes clairement identifiées. En fait, tous ceux et celles qui m'écrivent de temps en temps, ou qui disent me lire.
 
Au point que je me demande si j'écrirais encore si ces personnes venaient à quitter le monde du diarisme. Je crois que je ne pourrais pas écrire à des inconnus. Il me faut sentir cette présence amicale de ceux qui savent d'où je viens, par quels doutes je suis passé. Bref, qui connaissent une bonne part de celui que je suis (ou de celui que je choisis d'être à leurs yeux, pour être plus juste...).
 
Parfois, quand je lis de la part d'une personne que j'apprécie qu'elle se pose des questions sur la pérennité de son journal, je me rends compte à quel point cette interlecture m'est importante. Ces relations virtuelles (qui n'ont de virtuel que l'absence de contact réel) sont devenues quelque chose de très important dans ma vie. Je peux dire qu'un bonne part de mes ami(e)s sont parmi eux.
 
Mais avec toujours cette crainte: notre relation dépend essentiellement de nos échanges. Et nos échanges sont stimulés par notre écriture/lecture. Il suffirait qu'un(e) diariste cesse son journal pour que le lien soit gravement menacé par ce silence. J'ai constaté plusieurs fois ce phénomène: des échanges très soutenus et approfondis que j'entretenais avec des personnes sur Chat ou en parallèle à des forums, il ne subsiste parfois rien que le souvenir. Et je crois que cette distance s'est lentement installée par le seul fait de l'absence de contacts réguliers. Il se passe la même chose dans les contacts "réels", mais j'ai l'impression que le phénomène est accentué lorsqu'on ne se connait qu'à distance.
 
Il me semble que, tant qu'on est en contact via la lecture de l'autre, et même si les échanges privés sont en sommeil, il y a toujours cette "présence" qui fait que tout peut redémarrer à tout moment, par le simple fait que nous aurons une préoccupation commune à un moment donné. Alors que si la lecture de l'autre n'est plus là, ces stimuli potentiels n'existent plus.
 
D'un autre coté, on peut se dire que les relations sont quelque chose d'éphémère. On partage tant qu'on a quelque chose en commun, puis on cesse lorsque ces préoccupations partagées sont épuisées. Ou lorsque l'attrait de la découverte de cette similarité s'efface. A moins que ce ne soit parce que la curiosité de la découverte de cet inconnu(e) s'estompe?
 
Je ne sais pas si c'est sensé, mais il me semble que quelque chose de plus solide existe si on s'est rencontré. Si on a pu donner un corps, une présence physique, une gestuelle, à ceux que l'on ne connaît initialement que sous un pseudonyme ou un prénom.
 
Souvent j'ai ce souhait de rencontrer visuellement ces personnes que je cotoie dans le cyber-monde. Et puis, d'un autre coté, je me dis que ce n'est pas ce qui changera quelque chose à ce qui doit se produire si la présence des uns ou des autres dans cet espace virtuel devait cesser.
 
Le problème principal est d'ordre géographique: notre éloignement fait que les contacts seront forcément espacés. Et que dire des contacts lorsqu'on est séparés par un océan?
 
Tout ça pour dire que les relations que j'ai nouées sont importantes à mes yeux, mais que leur impalpabilité me laisse toujours cette crainte de les voir disparaître dans une distance qui mène à une sorte d'oubli.
 
Or, de mon coté, je n'oublie jamais quelqu'un qui à compté pour moi. Il m'en reste alors comme une tristesse de voir que ce qui était n'est plus.
 
Peut-être est-ce de cette tristesse prévisible que je tente de me préserver en souhaitant rencontrer ceux qui comptent à mes yeux...
 
Mais n'est-ce pas plutôt le souhait de rencontrer celles qui comptent?
 

 

*
 
N'est-ce pas un besoin de toucher de près tous ces possibles, toutes ces «belles passantes» chantées par Brassens? Cette envie de frôler une part de la féminité multiple. Partager des mots, partager une présence, s'approcher au plus près d'un jeu de séduction qui ne s'exercera pas mais dont l'ambiguité non dite donnerait une saveur particulière...
 
Oui, il existe avec quelques une de mes correspondantes, ce désir maintenu à l'état naissant. Quelque chose qui ne se passera jamais mais dont la seule potentialité fait que le plaisir à échanger en est décuplé.
 
C'est peut-être ce qui fait que le passage au réel est toujours redouté. Crainte d'un trop ou d'un pas assez. Envie de maintenir, lors du passage au réel, ce qui existe/n'existe pas dans le monde virtuel.
 
Hmmm, il y a bien longtemps que je ne m'étais plus penché sur les motivations de mes relations virtuelles, mais je suis bien obligé de reconnaître que le jeu de séduction y existe toujours. Au delà de ce dont j'ai directement conscience et qu'un autre niveau relationnel cache. Le partage de ressenti existe bien, mais il est dopé par le fait que ce partage se fasse avec des femmes qui me plaisent...
 
Même si cela n'ira jamais plus loin que ces quelques confidences que je fais là.
 
Il y a toujours un coté mystérieux, d'ailleurs, à évoquer ce coté de certaines relations. Parce que, bien que su, cela n'entraine pas de modifications dans les contacts privilégiés que j'ai. Il existe comme une complicité qui fait que je n'aborde généralement le sujet qu'à distance et qu'aucune précision n'est demandée en retour.
 
Ça existe, mais ça reste comme une sorte de secret. A demi-dévoilé mais non précisé. Comme pour maintenir la part de doute et entretenir cette potentielle ambiguité.
 
Vous avez remarqué comme j'utilise fréquemment la notion d'ambiguité? Comme celles de doute, ou de paradoxe. J'aime bien ces idées floues, ces non-dits, ces choses difficiles à cerner précisément. J'aime beaucoup réfléchir à ce qui ne va pas de soi, aux doubles sens. Tenter de préciser, sans y parvenir totalement comment fonctionne ma pensée. Affiner, sans cesse, mieux me connaître tout en sachant que jamais je ne parviendrais à une connaissance juste et complète.
 
Et justement, c'est grâce à cette interlecture que je peux m'approcher de l'essence de celui que je suis. Tout en me nourrissant des réflexions des autres et, je suppose, en les nourrissant des miennes.
 
J'aime savoir qu'on avance ensemble.
 
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Excellent, la parodie qu'Abe fait de mon journal. Je me suis tout de suite reconnu. Idem pour plusieurs autres, dont le journal de Jérôme Attal que pourtant je ne lis pas (non pas que je refuse de le faire, mais c'est mon ordinateur, ou je ne sais quoi, qui ne peut y accéder).
 
Dans Un journal d'abord (02/11/2002), via Clanclaux (qui à l'oeil sur tout...)
 
Ai-je ce style un peu gonflant et répétitif (dans ses multiples questionnements)? Probablement...
 
Ben... c'est que je ne sais pas être autrement. Pas ma faute si je me pose toujours tout plein de questions existentielles qui ne servent pas à grand chose d'autre qu'à me rassurer provisoirement.
 
Et puis c'est vrai: je me pose toujours des questions sur ce journal, le rapport que j'entretiens avec lui et les rapports qui existent entre le lecteur et moi. Ben oui... je suis comme ça, toujours à me questionner sur ce qui est "bien" ou "mal". Dans le sens de "positif" ou "négatif". Est-ce que ce journal et les échanges qu'il permet est bon pour moi? Jusqu'où puis-je aller dans l'auto-introsepection, dans la sincérité, dans le dévoilement?
 
Je sais, pour les parcourir, que beaucoup ne font pas étalage de leurs réflexions intérieures. Probablement par choix. A moins qu'ils ne se posent infiniment moins de questions que moi sur leur comportement? Je crois que je fais partie de ceux qui allient une ouverture sur eux-même et une ouverture au diarisme. Sans doute sommes-nous relativement peu nombreux dans ce cas. Plusieurs des noms qui me viennent en tête, parmi ceux qui poussent loin leur questionnement intérieur correspondent souvent à des personnes qui ne font pas état de leur rapport au diarisme. Un peu comme s'ils étaient isolés, repliés sur eux mêmes.
 
Allier le personnage public et l'intimité du personnage privé c'est se dévoiler sous plusieurs facettes. Et c'est assurément plus fragilisant. Quand à savoir pourquoi je me montre sous cet aspect... euh bon, on va arrêter les questions hein?
 
Et pourquoi que je veux arrêter là?
 
Est-ce que ça cacherait l'envie d'aller explorer plus en avant? Et est-ce que... Oh, ta gueule!
 

 
 
L'égoïsme du bien-être
 
 
Mardi 5 novembre
 
C'est fou comme on peut s'attacher à des gens, alors même qu'on ne les a jamais vus. Depuis le temps que je lis des diaristes, que je suis leurs réflexions, leurs doutes, leurs avancées, j'ai l'impression de les connaître aussi bien que des amis de longue date (le temps sur internet n'est pas le même que celui de la vie sensorielle).
 
Je m'intéresse à leur quotidien, ou du moins à ce qu'ils délivrent de leur vie quand c'est avec parcimonie. J'attends leurs derniers écrits, je ressens un vrai plaisir quand je constate un avis de mise à jour. Parfois je choisis l'ordre de lecture, selon mes préférences du moment, puis je me jette goulûment sur les dernières nouvelles précieusement offertes à nos regards.
 
Je me dis souvent que je lis trop vite, avec une avidité gourmande telle que je crois perdre une part de l'esprit du texte. Je m'en rends parfois compte lorsque je relis des extraits choisis par d'autres et que je vois avec d'autres yeux que ceux que j'avais eu dans la fébrilité de l'instant. Sans doute parce que je cherche quelque chose sans savoir de quoi il s'agit.
 
Sans doute la part commune des préoccupations que je partage avec celui ou celle qui écrit...
 
A moins que ce ne soit la part de nouveauté, les prémices qui pourraient annoncer un changement dans la vie de celui ou celle qui, pour des raisons multiples, à capté mon attention.
 
Alors aujourd'hui j'ai été ému en lisant quelques mots pudiques qui signifient que certaines choses se passent dans les pensées de quelqu'un...
 
* * *
 
En parallèle, je constate que je ne puis plus vraiment investir des relations privilégiées. Même avec des personnes dont les réflexions me plaisent. C'est comme si la place était comptée. Absurde, non?
 
Par exemple, je lis des diaristes mais ne communique pas. Alors que je sais très bien qu'il y a quelques mois j'aurais écrit pour partager des impressions. Et sans doute aussi, je me dois de l'avouer, capter l'attention. Séduire par mes mots ou mes idées, comme je l'écrivais hier. Tenter d'établir ce genre de liens privilégiés qui me manquaient.
 
Maintenant, je me rends compte que j'ai parfois du mal à écrire des courriels autant que j'aimerais le faire. J'ai peur de décevoir par des silences qui s'éternisent. Je compte sur la patience, ou la confiance, de celles et ceux avec qui nous partageons une certaine... euh... complicité?
 
C'est un peu comme si, rassuré, j'en oubliais à qui je le dois. Je me sens plutôt bien en moi, donc je batifole dans mon territoire personnel, mon egoland, sans me soucier du reste. Je jouis du plaisir de me sentir bien.
 
Sans doute une conséquence du mal-être et des doutes des mois derniers. Je savais que quelque chose avait changé en moi et il est fort probable que je m'adapte intérieurement à ce nouvel état. J'ai trouvé un stade de confiance en moi supérieur à ce qu'il était. Je crois d'ailleurs que je ne me suis jamais senti aussi bien dans mon personnage. Celui que je découvre, celui que je me sens être. Démarche très narcissique qui fait que j'en oublie un peu les autres.
 
Momentanément...
 
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«Je réalise à quel point un journal doit se lire dans son intégralité, afin d'en saisir l'évolution, l'histoire personnelle de l'auteur, ses remises en question. Se limiter aux dernières entrées est un biais distordant qui ne donne qu'une vision parcellaire de la réalité.
 
J'espère que ce paragraphe n'effrayera surtout pas mes lecteurs et ne leur ôtera pas l'envie de communiquer avec moi, ce n'est vraiment pas le but. Ce sont justement ces échanges et ce partage d'expérience qui sont enrichissants et qui sont la raison d'être de ce journal. Sans ces interactions, j'aurais réellement l'impression d'être un hamster courant dans une roue sous les yeux de spectateurs passifs.»
 
Journal sous Prozac (05/11/2002)
 

 

L'écoute égocentriste

 
 
Jeudi 7 novembre
 
J'ai une démarche un peu suicidaire en ce moment, et depuis plusieurs mois. Métaphoriquement parlant.
 
Je veux dire par là qu'en voulant me reconstruire j'en arrive à me nuire. En cherchant à être bien en moi-même, désirant rattraper tant d'années mal vécues, je me plonge sans limites dans une introspection dévorante. Non seulement en temps, mais aussi en volonté. Tant d'énergie est absorbée dans des réflexions égocentrées qu'il m'en reste peu pour ce qui me semble devenu secondaire.
 
Auparavant, et comme pas mal de gens, j'avais mis le travail parmi les préoccupation principales de mon existence. Même si bien d'autres choses faisaient aussi parti de ce "principal", comme ma relation avec Charlotte, ou le désir de m'épanouir. Mais le travail, qu'il soit professionnel ou exercé à titre de loisir, me semblait être, comme une évidence, indispensable. C'est pour cette raison qu'une fois mon activité professionnelle utilitaire accomplie, je passais pas mal de mes soirées à bricoler dans la maison, mes week-ends à jardiner, couper du bois, entretenir ou aménager aussi bien l'intérieur que l'extérieur de notre cadre de vie. C'était simple: je travaillais presque tout le temps. Et pour le reste, nos activités se résumaient (je simplifie) à des promenades dans la campagne alentour, plus rarement en montagne. Le soir, je lisais ou je m'avachissais devant la télé.
 
Les années passant, les enfants ont pris de plus en plus de place dans notre existence et les relations avec eux, leur nécessaire épanouissement m'ont contraint à lever un peu le pied. Charlotte surtout, à dû intervenir pour limiter un peu mes occupations. Au début, ce me fût difficile tant était implantée en moi cette culture du travail utile. Il faut dire aussi que nos revenus étaient des plus modestes et que nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes pour toute amélioration de notre habitat.
 
Je crois que le gros changement s'est produit vers l'âge de 35 ans. Une conjonction de modifications à bousculé ma façon de voir ma vie. Bouleversement intérieur, lorsque j'ai pris conscience de tous ces boulets que je traînais derrière moi. Tout ce passé, qui m'avait conditionné à agir comme je pensais qu'on attendait de moi, alors qu'intérieurement j'étais construit de guinguois. Le travail psychothérapique commença. Et à partir de là tout un processus de recontruction, en suivant cette fois les directives données par ma voix intérieure.
 
Oublier cette éducation transmise de façon standard, formatée. Rejeter toutes les parties qui ne me convenaient décidément pas. Ne garder que ce qui ne contrarie pas mes convictions. Faire le tri.
 
Des années de «travail» pour parvenir à quelque chose qui commence à me convenir. Ou du moins, qui me convient de plus en plus. Qui est de plus en plus à l'image de celui que je me sens confusément être.
 
C'est à 35 ans que j'ai renoncé à Laura (épisode primordial dont seul le souvenir me reste en tête), c'est aussi à ce moment là que nous avons déménagé pour voler de nos propres ailes. Nous nous sommes éloignés géographiquement de nos parents, ce qui nous a donné une indépendance supérieure. Une heure de route est une distance suffisante pour que les visites dans un sens ou dans l'autre soient suffisamment espacées.
 
C'est aussi à 35 ans que mon activité professionnelle est devenue à part entière celle que je souhaitais avoir, débarrassée d'une occupation annexe qui n'était nécessaire que pour combler un manque de revenus. Si depuis trois ans j'étais indépendant, il m'avait fallu quand même me plier à une nécessité de rentabilité qui me pesait.
 
35 ans, c'est tard pour prendre sa vie vraiment en mains. Mais il faut croire que je n'en étais pas capable auparavant. Ou pas suffisamment, puisque j'avais quand même entamé le grand changement (changer de métier pour aller vraiment vers ce à quoi j'aspirais) vers l'âge de 30 ans. Changement en douceur, mûrement réfléchi et préparé. Surtout éviter l'échec, le retour en arrière. Il fallait que ça réussisse et je m'en suis donné les moyens.
 
Ça a réussi. Jusqu'à présent. Mais le changement, désiré, attendu, à tendance à m'échapper un peu depuis quelques temps. Parce que je découvre la liberté de vivre et de penser, et qu'il est bien difficile de se dire «stop, ça suffit, ne vas pas plus loin». Je crois que je suis déjà au delà de ce que je croyais pouvoir atteindre. Au delà de ce dont je me croyais capable. Au delà, en fait, de la liberté dont je soupçonnais l'existence.
 
Je me sens bien. Très bien même. Mieux que je n'ai jamais été. Mais je sais que je peux être encore mieux.
 
Sauf que... je crois que ça commence à me faire peur.
 
Parce que ce bien-être se fait au prix d'une déconnection de la réalité des choses. J'en oublie les «obligations».
 
Par exemple: je suis actuellement en retard pour mon travail. Les clients commencent à se manifester. Oh, bien calmement, bien poliment, parce qu'ils savent que je suis quelqu'un de sérieux et consciencieux. Ils ont confiance en moi.
 
Mais moi je change. Je suis de moins en moins consciencieux. Récemment j'ai carrément oublié des engagements que j'avais pris! Impensable il y a quelques mois seulement. Ben oui, mais à force de se laisser vivre, on en devient insouciant. A force de vouloir prendre le temps, de profiter des choses, le temps finit par manquer.
 
Et là, en ce moment même, alors que le travail m'appelle, moi, tranquillou, je raconte ma vie. Je prends encore le temps de me regarder, de me raconter.
 
Voila le piège. Voila le coté suicidaire de ma démarche: à vouloir être bien dans ma tête, je risque de me sentir mal dans les contingences de tous les jours. Le coté matériel des choses se rappelle à moi.
 
Mais ça m'emmerde le coté matériel. Et c'est bien ça le problème.
 
Bon, je suppose qu'à force de tirer sur la corde, viendra un moment où je sentirai que je dois cesser. De savoir que je vais décevoir des clients, les mécontenter, va sans doute me donner le coup de semonce que j'attends. Je m'avance en fait vers la limite au delà de laquelle ma recherche de bien-être déclenche un mal-être. Je recherche jusqu'où va ma liberté sans qu'elle dérange ceux avec qui je suis en en relation, affectives ou commerciales.
 
Je lisais récemment un rappel de l'histoire du diarisme (papier), avec notamment le cas d'Amiel. Ce diariste connu pour la prolixité de ses écrits en arrivait à se demander s'il ne s'empêchait pas de vivre en écrivant. J'ai parfois aussi ce genre de questions. 
 
Je me demande s'il n'existe pas une boulimie de l'écriture. Mais je me dis que c'est sans doute un passage (qui peut être durable) pour aller vers autre chose. Personnellement, j'ai cette envie irrépressible d'écrire, mais pour le moment je ne peux écrire que sur moi. Extirper tout ce qui m'assaille, ces années de non-formulation de mon ressenti intérieur. Découvrir qui je suis en tant qu'individu, mais aussi en tant qu'humain au sein de la société dans la quelle je vis, voire de l'humanité.
 
Moi, moi, moi. Il n'y a que moi qui m'intéresse. Et chez les autres je recherche ce qui me touche, d'une façon ou d'une autre.
 
Je crois que la plus belle aventure qui soit, c'est de partir à la découverte de soi. Et se confronter au monde des autres, croiser ces autres aventuriers de l'égo, échanger nos expériences, apprendre mutuellement de chacun de ceux que l'on croise.
 
Ouais, je sais, je suis vachement idéaliste...
 
Gnangnan? Peut-être.
 
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« il faudrait réussir à expliquer aux gens que, justement, se comprendre, c'est tout simplement connaitre et reconnaitre ses zones sombres comme ses zones éclairées. comprendre n'a rien à voir avec juger). Je n'imaginais pas à quel point il lui reste du chemin à faire.» (Ultraorange, 06/11/2002).
 
Elle me plaît cette fille... J'aime son style d'écriture qui ne se prend pas la tête, tout en étant parfaitement compréhensible et bien écrit. J'aime son apparente insouciance... issue d'une réflexion assidue sur elle-même.
 
La lecture de la boite à commentaires de son site m'a amené à la reflexion suivante, que j'ai postée là bas:
 
«Le passé est plus que des souvenirs: c'est aussi ce qui a fait que nous sommes tels que nous sommes, dans le présent que nous vivons. Notre passé conditionne notre présent.
 
Quant à l'avenir, je le vois comme autre chose que de simples suppositions: ce sont aussi nos intentions pour le présent que nous souhaitons vivre ultérieurement, donc conditionné par les moyens que nous mettons en oeuvre au présent pour y parvenir.
 
On ne peut détacher passé, présent et futur. C'est un continuum.
 
Et pour cela je pense qu'il est important de réfléchir sur celui/celle que l'on est, d'où l'on vient, et vers quoi on désire aller.
 
Vivre pleinement son présent, il me semble, ne peut se faire que si on a conscience de son ancrage dans le passé et de la destination que l'on aimerait prendre l'instant d'après.»
 
Bon, c'est pas hautement philosophique, mais ça m'est venu comme ça. Parce qu'il me semble que pas mal de gens s'imaginent ne pouvoir vivre que dans l'instant, en mettant des oeillères pour ne voir ni le passé, ni le futur.
 
Bon, je me cite, mais c'est juste parce que je trouvais que... ben je sais pas, mais ça me plaisait ce que j'avais énoncé là.
 

 

* * *
 
Souvent je me demande comment les gens qui me lisent (vous...), perçoivent mes écrits. C'est quand même généralement vachement Idéalistocentriste...
 
Lisez-vous en détail, de la première à la dernière ligne, ou alors à saute-mouton, en ne parcourant que les paragraphes qui vous intéressent? Il me semble que mes textes sont souvent relativement longs, et peut-être rébarbatifs à suivre. Et puis bien souvent répétitifs, puisque je me sais formuler sous diverses formes le même genre de réflexions. Processus d'appropriation, d'intériorisation, qui m'est nécessaire mais dont le lecteur ne perçoit peut-être pas tout l'intérêt.
 
Je me pose ces questions, mais elles sont sans grand utilité puisque je ne peux changer ma façon de procéder. Si je m'interroge, c'est surtout par rapport à cette éternelle crainte de déplaire, de lasser...
 
Et en fait, toutes mes interrogations sont fondées sur cette unique question: suis-je apprécié?
 
Ou plutôt: existe-je, au yeux des autres? Ai-je enfin une signifiance? Ai-je une place dans ce monde?
 
Questions idiote, je le sais, puisque je connais la réponse. Alors... peut-être que j'ai besoin d'être encore rassuré à ce sujet? A moins que je ne recherche une reconnaissance plus grande?
 
Oh la la, ça dépasse ma capacité de discernement, là...
 
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23h00
 
Intéressante constation faite par Eva, au sujet de l'interaction lecteurs/diariste: « D'abord, il y a les lumières inconnues qui cherchent à m'éclairer. Celles qui ne me connaissent pas, mais me lisent depuis longtemps. Celles qui sont éclairées par les quinze pouces de leur moniteur et qui pensent pouvoir, à travers les quinze pouces de mon écran à moi, me donner amicalement un peu de leur éclairage pixelisé. Ces lecteurs ne savent rien de toute l'histoire, n'en ont lu que des mots à peine dévoilés dans une pudeur secrète, mais ils me donnent tous en choeur - leur unanimité est touchante - la même exhortation : Vas y, fonce ! Est-ce que ce sont eux que je dois écouter ? Est-ce eux qui ont raison ? Ou bien veulent-ils simplement lire dans mon journal un peu plus d'action, et un peu plus d'action amoureuse en l'occurrence ? »
 
Cela me ramène à cette question récurrente: que cherche t'on dans les mots de l'autre? Pourquoi se sent-on parfois proche de quelqu'un en lisant quelques phrases qui touchent quelque chose de notre intériorité? Quelle est la part de nous même, de nos désirs et aspirations, de nos manques et souffrances que nous transposons chez autrui?
 
Récemment L'insomniaque écrivait « Et lorsque j'ai lus ces mots, ils m'ont transpercée. Il a fallu que je les relise lentement, un à un, pour bien les absorber. Ce sont ses mots. Et je n'en saisis peut-être pas l'exacte signification mais ils touchent un lieu très profond en moi. (...) Pardonne moi Ultraorange si j'ai récupéré une partie de ton propos. J'espère juste ne pas l'avoir trop déformé. Pendant un moment je me suis sentie un peu moins seule. Merci.». Elle mesurait bien la distance qui peut exister entre les mots qui ont été écrits et l'interprétation que l'on en fait. Mais aussi le rapprochement que cela peut créer.
 
Je crois qu'il y a là quelque chose d'essentiel à comprendre dans les rapports humains: à travers l'autre c'est bien souvent soi que l'on regarde. On recherche dans l'autre ce qui éveille quelque chose en nous. Que ce soit dans un sens qui nous convient ou, au contraire, qui nous déplaît.
 
Je sais que ce qui m'attire dans mes lectures de diaristes, par exemple, ce seront les ressemblances avec ma propre façon de penser. Ou alors ce qui correspond à des questions que je me pose, des pistes que j'explore. A moins que ce ne soient des idées qui me font peur, ou des voies que je refuse, ou n'ose pas prendre. Bref, c'est toujours en relation avec quelque chose qui me touche.
 
Ouais, ça paraît évident en fait... (lieux communs?)
 
Ce que je veux dire, c'est que ça va au dela de la simple curiosité. La curiosité c'est froid, lisse, sans conséquences. Alors que ce qui me plaît agit sur moi. De façon infime, mais contribue à me contruire, même si je ne saurais dire par quel détail mon inconscient est touché.
 
En lisant Eva qui tient à garder son indépendance vis à vis des conseils, je ne peux que comprendre sa réaction. Parce que les avis des autres ne sont qu'une extrapolation de leurs propres attentes, transposées, en toute bonne foi, sur des bribes d'histoire interprétées dans un sens qui leur convient. Je crois qu'on fonctionne tous sur ce mode fantasmatique.
 
Pourtant, il arrive que les idées de l'autre aient suffisamment de points de contact avec les notres pour qu'un début de complicité naisse. Les attentes de chacun peuvent être similaires, et du dialogue qui nait peut découler un enrichissement multuel.
 
Mais je crois qu'un dialogue reste bien la fusion de deux égocentrismes.
 
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Bon, c'est vraiment le bazar mes entrées à rallonge écrites à différents moments de la journée... C'est du tâtonnement et du rabachage, de la redécouverte de principes bien connus...
 
Mais c'est comme ça que je les intègre.
 
P'têtre que je devrais me lancer dans de vastes exposés, bien ciblés, plutôt que de picorer dans le désordre. Mais faut croire que pour le moment c'est cette façon de faire qui me convient.
 
Pfff, tout ça c'est vraiment de l'auto-justification! Et ça n'existe que parce que j'écris en ligne et que je me sais lu.
 
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Un p'tit coup d'oeil sur Peau d'ours, par la seule Bédéiste, euh...bédiariste, euh non. Diabédéiste? Pfff... la seule diariste (à ma connaissance) qui se raconte en BD.
 

Boulimie
 
 
Vendredi 8 novembre
 
J'écris trop souvent ici. Tendance boulimique. Il me faut ma dose d'écriture. Mais je me demande ce que j'y cherche...
 
Bien sûr, c'est une recherche sur moi même. Mais c'est aussi bien souvent une réflexion sur mon écriture et mon rapport au journal. Méta-écriture, selon le terme savant. Mais à force, je crains fort de tourner en rond. Et puis il faut dire que ces derniers jours j'ai lu un truc qui me montre que toutes les réflexions que je me fais n'ont rien d'original (ah bon, parce que tu voudrais être original?)
 
Puis le truc qui me dérange (ce n'est pas la première fois...), c'est cette impression d'écrire pour entretenir la relation qui existe avec les lecteurs. C'est le piège du diarisme en ligne. J'en arrive à me demander si ma soif d'écriture est bien la mienne, ou bien si elle ne correspond pas à un devoir de régularité que je m'imposerais.
 
Pour pas qu'on m'oublie.
 
Pfff, c'est vraiment con! Comme si je comptais pour les autres... Pour quelques rares personnes, oui, je pense que j'ai une part d'existence, mais pour la plupart, que suis-je? Un nom sur une liste, une habitude, un clic machinal pour voir la ponte du jour.
 
C'est cet extrait qui m'a orienté sur cette voie:
 
« je lis la plupart de mes diaristes favoris en survolant la liste des dernières mises à jour sur la CEV, mais j'avoue que je ne m'en rends pas toujours compte lorsque l'un ou l'une d'eux n'est plus présent depuis un moment "en haut de la liste", et en le voyant revenir, je suis surprise de l'avoir oublié, et qu'il ne m'ait pas "manqué" plus que ça. Alors comme ça je ne vous ai pas manqué?! ;o)
 
Trêve de bêtise, je sais bien qu'on est peu de chose sur la toile (oui, dans la vie aussi!) : ce qu'elle nous apporte peut être aussi intense qu'éphémère et superficiel»
 
Kiliane (08/11/2002)
 
«aussi intense qu'éphémère et superficiel». Oui, c'est exactement ça. Davantage encore que ce qui se passe dans la vie de tous les jours. On ne compte que tant qu'on partage quelque chose avec d'autres.
 
Ouh la la, je suis en crise de croyance, moi! Voila plusieurs fois que j'évoque ce genre de sujet.
 
Et puis... et puis j'en ai marre d'écrire en me sachant lu! Ça conditionne trop mes mots. C'est devenu un automatisme maintenant, cette écriture adaptée à un lectorat. C'est bien toujours moi, mais de moins en moins moi face à moi. C'est un moi qui se met en scène (merde, c'est le mot qui m'est sorti...) alors qu'il ne le veut pas. Je veux rester authentiquement moi, mais je sais que j'adapte ce moi. Je lui donne une certaine forme qui correspond à l'image que je souhaite, inconsciemment, donner. Je sais que ça se fait à mon insu. Je veux dire que je ne sais pas comment ça opère, mais je sais que ça opère.
 
Ce n'est même plus une autocensure, c'est un polissage, un calibrage.
 
J'aurais envie de surprendre. De me surprendre. Sortir du cadre qui peu à peu s'est construit. Retrouver mes hésitations des débuts, ma peur de me savoir lu. Et pourtant, elle est toujours là cette peur, mais elle est devenue habituelle, apprivoisée. Bien que parfois elle me surprenne encore, lorsque je vais un peu plus loin que d'habitude.
 
J'ai besoin de me mettre en danger pour me surprendre. Parce que c'est de la surprise que viendra la découverte. Là, j'ai l'impression de repasser toujours un peu au même endroit. Pas dans le même sens, pas dans la même direction, en changeant d'intinéraire... mais je commence à connaître les lieux. Ça manque d'inattendu tout ça...
 
A moins que... ce soit ma personnalité qui me devienne plus familière? Peut-être que j'en suis parvenu à un point où je commence à connaître mes réactions. Du moins par rapport à ce journal.
 
Il faudrait... que quelque chose change. Mais quoi? (là je suis vraiment en mode "écriture automatique", je laisse venir comme ça vient). Automatique, mais toujours avec cette conscience des regards qui se poseront sur ces lignes.
 
Ah oui, parce que je voulais vous dire: (hum, c'est délicat...) euh... vous êtes trop nombreux à me lire. Oui, depuis l'épisode "guéguerre" du mois dernier, il y a un suivi important. C'est à la fois flatteur (parce que je suppose que j'ai "séduit" des nouveaux lecteurs), et... inhibant. Mais qui sont donc ces 30 à 40 lecteurs (environ) qui lisent ce journal? Qu'en pensent-ils donc? (quoi que ça, finalement, ça ne me concerne pas: ils y trouvent quelque chose qui leur plaît, que ce soit en positif ou en négatif).
 
Aaaaah, ce coté "négatif"... c'est sûr que ça me perturbe. Maintenant que je sais que des gens peuvent me lire sans comprendre ma façon de penser, je sais que ça influe sur mon écriture. Pourtant, honnêtement, je crois que je m'en tape. Mais il n'empêche que la présence de ce public potentiellement "hostile" agit sur mes vélléités d'introspection.
 
Mais dans un autre sens, le public favorable influe aussi. Je pense notamment aux personnes auxquelles je n'ai pas envie de déplaire. Forcément, ça joue aussi sur ma liberté d'expression.
 
Alors peut-être que je vais peu à peu m'orienter vers quelque chose de plus détaché. Un peu plus élliptique, flou, esthétique. Prendre un ton moins directement en prise avec mes ressentis devenus calibrés (ouais, j'exagère un peu là...).
 
Bref, j'en sais rien. Et je viens de faire une belle démonstration de blabla sous liberté surveillée.
 
Eeeeh, mais attendez! Je me rends compte qu'en fait je cherche à imiter le style des diaristes qui me fascinent. C'est pas bon du tout ça! Je dois surtout rester moi-même. Continuer à picorer des idées un peu partout, les intégrer, et construire ce qui est conforme à mon style (si au moins je savais lequel c'est...).
 
P'têt que mon style c'est ces entrées vachement longues (oooh, je fais un complexe là dessus moi...), et puis d'interminables questionnements, du rabachage, blanc un jour et noir le lendemain (non: gris un peu clair et gris un peu foncé). Parce que faut pas croire, mais dans quelques jours je suis capable d'écrire que je me sens vachement bien dans ce journal et que je ressens une totale liberté de ton, bien conforme à celui que je me sens être! Tsss, bouffon va!
 
Bon, assez écrit au fil du vent... La prochaine fois j'essaierai d'être un peu plus rigoureux dans le développement de mon sujet. Un seul à la fois, ça serait pas plus mal.
 
Groumph, grouamph, boulimie d'écriture. Encore, encore... Je serais capable d'écrire n'importe quoi en laissant ma pensée suivre les chemins qui lui convienne. Heureusement que le sommeil vient y mettre fin.
 

 
Facilité
 
Samedi 9 novembre
 
Bonne discussion avec mon fiston ce soir, après que nous l'ayons un peu repris sur sa tendance à dénigrer sa soeur cadette. Il est toujours en train de la reprendre, avec souvent des petites remarques désagréables. Pas méchantes, mais pas bien gentilles quand même. Et, forcément, elle n'apprécie pas.
 
Nous lui avons alors réexpliqué qu'il ne pouvait pas avoir avec elle le même genre de comportements qu'avec ses copains, parce qu'elle n'a pas le même âge, donc pas la même maturité, ni la même capacité à se défendre ou prendre du recul. Il existe de fait un rapport inégalitaire, et il a tendance à s'en servir sans même s'en rendre compte.
 
En fait, il reproche à sa soeur de ne pas être aussi réfléchie que lui. Et elle le vit mal, a tendance à intérioriser, se refermer, ou au contraire exploser. Mais ce sont des révoltes peu efficaces, parce que le frère aîné a toujours cette avance de maturité. Donc des réponses plus pertinentes qui "coincent" la plus jeune. Elle est toujours perdante.
 
Nous lui avons expliqué qu'il fallait qu'il accepte de la laisser grandir et passer par les étapes par lesquelles lui-même est passé. Ce n'est pas en la rabaissant parce qu'elle le déçoit qu'elle évitera des étapes de sa contruction.
 
Il a conscience de tout ça, notre grand fiston... mais il a du mal à mettre en adaquation la théorie et ses actes. Il nous répondait «mais elle n'a qu'à me le dire si elle me trouve agressif!». Oui fiston... encore faut-il qu'elle sache s'entendre et ose s'affirmer. Face à un frère qui, part son comportement, tend à la maintenir "en bas".
 
Il lui a fallu un moment pour admettre la chose. Que l'expression de soi n'est pas si facile face envers ceux qui ne pensent même pas à l'écouter.
 
* * *
 
Il est en train de prendre une sacrée maturité notre fiston. Il est très à l'écoute des autres, en général. Et, je crois, beaucoup plus sûr de lui que je ne le suis de moi. Peut-être même un chouia trop sûr de lui... Il connaît bien les comportements humains, individuellement ou en groupe. Il se connaît bien aussi. Et du coup, du haut de son intrépide jeunesse, j'ai l'impression qu'il croit déjà tout savoir. Oh, il s'en défend bien sûr, mais je crains que ce ne soit que sur le plan de la théorie. Ses actes montrent un peu plus d'arrogance.
 
Il est certain que si on le compare à l'image traditionnelle des jeunes de son âge, il en est bien loin. Et le groupe d'amis qu'il fréquente semble s'être formé autour d'un esprit de réflexions approfondies. L'enseignement de la philo, cette année, le passionne toujours autant. Je le comprends...
 
* * *
 
Dans le même ordre d'idées, je pensais hier, juste après avoir écrit ici, que j'aurais certainement beaucoup à apprendre de la philo. Parce que je passe mon temps à redécouvrir ce que d'autres ont découvert avant moi.
 
Ce qui m'agace, c'est qu'un de ceux qui m'a le plus enfoncé sur un forum, celui qui à passé son temps à me traiter de con... disait justement qu'il était idiot de passer du temps à réinventer les choses. Ouais... il avait raison le bougre! Sauf que je n'étais pas encore prêt à l'entendre à ce moment là. Je n'avais pas fait assez de chemin. Depuis, et notamment grâce à nos prises de bec violentes, j'ai beaucoup réfléchi aux rapports en société. Et je me rends compte que les découvertes que je fais laborieusement sont universelles. Ben oui, mais il faut d'abord connaître un peu la problématique avant de se sentir vraiment intéressé. C'est comme cet été: c'est en découvrant Florence que je me suis passionné pour cette ville. Avant, ce n'était qu'une ville abstraite et je ne pouvais pas saisir par des textes ou des images l'esprit de cette cité. Pareil pour les comportements (ceux des autres et les miens) que je découvre: il m'a fallu être plongé dedans pour comprendre l'ntérêt qu'il y avait à en approfondir la connaissance.
 
Je sais que j'ai une bonne connaissance des rapports humains d'être à être, parce que j'ai beaucoup lu à ce sujet afin de comprendre la complexité des relations de couple, par exemple. J'ai aussi une bonne approche des relations familiales, parentales, filiales, fraternelles. Une certaine connaissance des relations professionnelles. Mais pour ce qui concerne les relations de groupe, là, c'était proche du néant. Bizarre d'ailleurs. A croire que je les ai toujours évitées... Mon coté solitaire était probablement davantage une fuite qu'un vrai choix. J'en ai d'ailleurs gardé une certaine réserve: il me faut d'abord me lier d'affection pour me libérer ensuite. Je ne rigole pas avec des gens avec qui je n'ai pas établi préalablement une relation. Ce qui, pour des esprits un peu hâtifs dans leurs jugements, peut me faire passer pour un "pisse-froid".
 

 

* * *
 
Tiens je suis content, je me laisse bien aller aujourd'hui...
 
 
 
Abordons maintenant... le sujet développé par Manu ce soir. Ben oui, il parle de moi, je ne vais pas faire comme si je n'avais pas lu.
 
Très intéressant d'ailleurs, ce qu'il écrit. Je le découvre ce bonhomme, et je le lis avec assiduité maintenant.
 
Bon, l'histoire est retombée, tout s'est apaisé. Des deux cotés apparemment. Pour moi ça reste un épisode instructif. A la fois sur moi et la façon dont je suis perçu (ce qui occasionne forcément une remise en question), dont s'est déroulée cette guéguerre, et sur le personnage de Manu, représentant une part de ces gens que je je comprends pas (et c'est réciproque) mais avec qui il existe un quelque chose qui fait que nous nous opposons souvent. Parce que ce n'est pas la première fois que je me trouve en face de personnes avec qui les étincelles sont nombreuses, mais chez qui je retrouve quand même une certaine similitude de pensée. Notamment une certaine rigueur (même si elle s'exerce dans un sens opposé).
 
Manu ne dit pas autre chose d'ailleurs: « Car je pense (...) que I. est le diariste dont je suis le plus proche. Par la forme du journal, par son style d'écriture et même par certaines de ses interrogations. Tout ce que je lui reproche, je pourrais me le reprocher.» Effectivement, depuis que je le lis, je me suis souvent fait cette remarque: il a une façon assez semblable d'aborder certains problèmes.
 
Paradoxal, non? Ça me rappelle un gars, en classe de seconde, que je détestais. Comme ça, pour rien. Finalement, au fil du temps, je m'étais rendu compte que ce gars me ressemblait par certains cotés. Et probablement des cotés que je n'acceptais pas chez moi. En le rejetant (mentalement), c'est ma part moche que je rejetais.
 
J'ai eu le même problème avec mon fils, quand je me suis rendu compte que ce qui m'horripilait le plus chez lui étaient des comportements que je détestais chez moi. Et récemment, je me souviens avoir écrit ici que ceux qui me rejetaient le faisaient probablement pour la part de moi qui représentait quelque chose qu'ils refusaient en eux.
 
D'ailleurs Manu poursuit avec « Donc en le lisant, j'ai l'impression de me lire. Et comme ce n'est pas moi qui écris, je vois bien mieux les défauts. Et ça m'ennuie, car je sais que j'ai les même.»
 
Bon, s'il avait dit ça dès le départ, ça aurait simplifié les choses...
 
Immédiatement, il s'empresse de dénombrer nos différences (hé hé, comme pour bien marquer la distance?). Ça me fait sourire, parce que pour plusieurs des choses qu'il cite, je ne me sens pas bien éloigné. Et, ce que j'avais découvert avec surprise lors de l'échaufourrée, c'est que beaucoup des personnes qui me lisaient, lisaient aussi Manu! Et semblaient apprécier les deux. J'avais noté le même phénomène bizarre sur le forum-maudit (non, pas celui de la CEV), où un de mes plus virulents adversaires était l'ami des deux personnes dont j'étais le plus proche. Il faut croire que nous avions des ressemblances, bien qu'il ait toujours refusé avec la dernière énergie de ressembler à un type aussi méprisable que moi.
 
«Tant de différences me rassurent» écrit Manu, après les avoir énumérées. Quitte à nous trouver « pas une génération de différence mais pas loin», alors que, si mes calculs sont exacts, nous n'avons que 8 ans d'écart. Plus qu'une génération, c'est probablement une éducation différente qui nous sépare. Je viens d'un milieu bien-pensant tendance catho, alors que lui vient probablement d'un milieu plus contestataire, tendance gauche (supposition de ma part).
 
(Bordel de merde, l'ordi à planté et toute une partie de ce que j'avais écrit est parie en fumée! Ça va être vachement dur de retrouver le fil de mes idées, aussi génialement sorties de ma tête. Le réchauffé aura forcément moins bon goût. Tant pis)
 
Reprenons...
 
Manu écrit: « il faut bien que quelque chose nous distingue et il y en a des tonnes». Mais dans toutes ces différences, ce sont surtout celles qui concernent le coté extérieur, matériel de nos vies (situation matrimoniale, profession, style du journal...) qu'il cite. Et si je regarde ce qui concerne le journal, je crains que ces différences ne soient pas si grandes. Il écrit: «Je suis beaucoup moins à cheval sur la forme.» Oui, c'est possible... C'est d'ailleurs certainement ce qui nous différencie le plus. «Mon journal est plus libre.» Là, je ne sais pas ce qu'il faut entendre par "libre". Parce que je n'ai pas l'impression de ne pas l'être. Je laisse venir les idées comme elles veulent. Tout comme lui, «Je ne m'interdis aucune entorse de style». Mais ne pas me l'interdire ne signifie pas que je vais m'y livrer. Je crois simplement que je laisse venir. Cependant, il a raison, ma liberté est certainement plus bridée, involontairement, que la sienne. Bon, évidemment, je n'ai pas« montré mon cul»... Mais je me demande ce que ça aurait apporté, à moi et aux lecteurs. Pourtant, je trouve que mes fesses sont plus jolies que les siennes, moins grassouillettes. Mais personne ne pourra juger.
 
Pas plus que Manu je n'ai «choisi de me cantonner dans un seul sujet, à savoir l'introspection». Là encore ça s'est fait tout seul. Parce que ça correspond à une phase de ma vie où j'en ai besoin. Mais il n'y a aucune exclusivité sur ce sujet. Et bien souvent j'ai abordé d'autres sujets. L'introspection m'intéresse et je ne lis que des diaristes qui s'y livrent régulièrement. Manu en fait donc partie.
 
Il me semble, en fait, que nous sommes assez semblables. Et pourtant très différents dans nos rapports avec les autres. Manu est impulsif, contestataire, râleur, provocateur. Au contraire je cherche à apaiser les débats, je prends ma part de responsabilité afin de ne pas me plaindre sans cesse, je ne laisse pas éclater mes pulsions.
 
Il y a très certainement de ma part de la jalousie quand je vois des gens qui se laissent aller à une facilité. Parce que j'en suis incapable. Il faut toujours que je cherche à aller vers un "mieux" de moi-même. Je ne peux pas faire autrement sans mal le vivre. Parce que c'est une conviction profonde: l'avenir de l'humain passe par la maîtrise de ses pulsions. Donc j'essaie toujours de ne pas me laisser aller à la facilité de la colère, de l'agressivité, de l'insulte, du rejet.
 
Alors oui, je suis jaloux de ces personnes qui ne s'imposent pas la même exigence. Parce que c'est injuste que des gens fassent des efforts pour huiler le mécanisme des relations humaines alors que d'autres s'en moquent. Je ne peux pas faire autrement, je n'ai pas le choix. J'ai été éduqué comme ça et je ne peux plus m'en défaire. Je ne veux pas.
 
Voila pourquoi j'ai si souvent des problèmes avec ceux qui se permettent de donner leur avis sans se poser davantage de questions. Ou qui refusent carrément de le faire au nom d'une liberté d'expression mal comprise.
 
Je m'interdis aussi (sans y parvenir toujours) de juger les autres. C'est vraiment trop facile, sur une impression, de déduire quelque chose d'erroné. Trop facile de rejeter l'autre parce qu'on n'a pas envie de faire l'effort de chercher à le comprendre.
 
Et pour ça, oui, je me sens loin de Manu.
 
( Ça m'éneeeeerve d'avoir perdu le fil de ce que j'avais écrit et qui a disparu. C'était venu tout seul, comme coulé d'une source, alors que pour la deuxième version c'est pas spontané du tout, pompé laborieusement dans de l'eau de vaisselle usagée. Pourtant, j'avais écrit des trucs importants pour la compréhension de moi même. Ces choses là ne sont pas revenues avec la même harmonie, les mots ne se sont pas assemblés avec naturel...)
 

 

* * *
 
Pour la petite histoire, je dois dire que j'ai été très surpris de lire cette phrase: «Car je pense - même si les fans de I. crieront à l'impudence, à la vanité, à la présomptuosité, à tout ce qu'ils voudront - que I. est le diariste dont je suis le plus proche». Wow! il y aurait de la vanité à se comparer à moi? Allons-donc, aurais-je ce statut particulier dont j'avais entrevu qu'il pouvait être la cause de ma mise au pilori?
 
Non, franchement, et aussi honêtement que je puis en avoir conscience, je ne pense pas qu'on puisse comparer nos journaux . Ils sont différents et aucun n'est supérieur à l'autre. Ils sont le reflet de nos personnalités. J'ai certainement une plus grande exigence avec moi-même que Manu. Plus de rigueur. Mais cela ne joue en rien sur notre "importance" en tant que diaristes. Autant je serais agacé de lire qu'un journal serait "meilleur" que le mien, autant je refuse que l'on en considère d'autres comme "moins bons". Pour moi le seul critère qui compte (de façon toute personnelle et subjective), c'est la capacité du diariste à se poser des questions sur lui-même et à faire preuve d'honnêteté/sincérité.
 
Et je crois que Manu, quels que soient les reproches que j'ai pu lui faire, à tout à fait sa place dans ce type de journaux.
 
Ensuite que certains plaisent plus que d'autres, c'est normal. Ça ne signifie pas que ce choix personnel soit un critère de qualité généralisable.
 
* * *
 
Bon, faudra que je réfléchisse encore sur cette histoire de tonalité «moins libre» de mon journal. Au coté «ampoulé» aussi.
 
Tiens d'ailleurs, coté libéré je fais des progrès. Ce soir je ne devais pas être chez moi, mais en déplacement professionnel. Et bien, grande nouveauté, je n'y suis pas allé!
 
Oui oui oui, je me suis débiné. Lâchement... mais avec volupté. Je devais me taper une demi journée de route, puis autant demain soir, pour arriver crevé vers une heure du matin. Je devais aussi, vu la météo, me geler tout un week-end sous la pluie (ouais, ça fait partie de mon métier...) sans voir beaucoup de clients à cause de ce temps pourri. Donc j'ai déclaré forfait. Alors que je m'étais engagé.
 
C'est pas bien. Les gens qui organisent le truc étaient pas très contents. Des clients que je devais livrer aussi (bah, je ferai un colis). Mais je leur ai expliqué que je ne pouvais m'amuser à faire ce trajet en sachant que je ne gagnerais presque rien (ben oui, bassement matérialiste).
 
Pas bien à l'aise de faire faux-bond comme ça... C'est la première fois que ça m'arrive, depuis neuf ans que je me rends là annuellement.
 
Mais bien content de passer un week-end tranquille au chaud, en famille. J'ai choisi... la facilité, hé hé. Et c'est bon :o)
 
C'est marrant, mais je me laisse de plus en plus aller vers une vie plus facile, alors que je râle contre ceux qui se laissent trop aller à cette facilité. Oui, mais c'est pas pareil! Parce que j'essaie toujours de faire que la facilité que je me donne ne dérange pas autrui. Sauf que je rate mon coup, ces derniers temps, et que je dérange quand même des gens... J'aime pas ça. Je suis mal à l'aise ensuite.
 
Alors je viens ici... et je cède à la facilité: écrire
 
 

 
Coming-out
 
Dimanche 10 novembre
 
Je parcourais, ce matin "Bouquin d'enfer". Un livre complaisant écrit par un certain Thierry Séchan au sujet de son célèbre frère Renaud. C'est ma fifille qui a emprunté ce bouquin je ne sais où.
 
D'abord je me méfie toujours de ces à cotés de la célébrité qui permettent à un obscur inconnu de vendre assurément son livre sous le simple prétexte qui est consacré à quelqu'un qui attire l'attention. Mais quand en plus c'est écrit par "le frère de", alors c'est le succès encore plus assuré. Bon, tant mieux pour lui. Il profite d'un filon et ça peut se comprendre. Même si je suis persuadé qu'il est du genre à dénoncer ce genre de choses chez d'autres (mais comme moi je fais pareil, j'ai rien à dire).
 
Bref, je lisais ce qui était dit sur ce révolté permanent qu'est Renaud. Je me souviens encore de son apparition dans nos vies, 1977 je crois, avec une chanson gentillette et forcément consensuelle: "Laisse béton". Puis la découverte d'une autre, nettement moins consensuelle. En fait d'avantage con que sensuelle, comme il a su en faire plus tard. "Hexagone" que ça s'appellait. Et même que j'avais trouvé ça vachement courageux de traiter tous les Français de con... bien qu'agacé d'être forcément inclus dans le paquet. J'avais mis ça sur le compte de l'exagération, juste pour le plaisir de vomir sur tout le monde. Révolte d'ado contre la "connerie".
 
Puis au fil des années j'ai suivi de loin ce chanteur, au hasard des chansons qui étaient médiatisées. Il m'a longtemps agacé, ce petit rebelle qui se la jouait éternel loubard. Je n'aimais pas son coté iconoclaste anti-bourges, anti-tout, et par conséquent anti-moi. Jusqu'à ce que je découvre des bijoux de tendresse dont je ne le savais pas capable. Alors mon regard à changé (vive le coté remise- en-question-permanente... pour peu qu'il soit sollicité). J'ai vu le coté poête du bonhomme. J'ai aussi apprécié les mélodies plus calmes, plus harmonieuses à mes oreilles.
 

J'ai même été très touché par des chansons comme "Marchand de cailloux", ou "Mistral gagnant". Elles abordaient des choses essentielles à mes yeux. Même si, simultanément, certaines idées auraient pu me déplaire. Mais enrobé dans le tout, ça passait bien. Appréciation mitigée pour des textes tels que "La médaille", dont quelques idées heurtèrent mes chastes oreilles.

 
Récemment, avec son disque "Boucan d'enfer", j'ai été séduit par son Manhattan-Kaboul (et surtout enthousiasmé par la voix hypersensuelle d'Axelle Red). Emu par "Elle a vu le loup". Mais très agacé par "L'entarté" qui s'en prend à un homme qui à le mérite de s'engager pour des causes avec sincérité. Un homme qu'il est de très bon ton de villipender et de traiter de boursouflure égotiste. Ça, ça ne m'a pas plu du tout. Je ne supporte pas qu'on s'en prenne nommément à quelqu'un et qu'on s'amuse à le démolir. L'humiliation et le rire moqueur des enfants dans la cour de récré devant celui qui se prend une dérouillée parce que son attitude de plaît pas, ça me révolte. Grosse déception sur le chanteur Renaud, qui fait preuve là d'une bassesse particulièrement peu reluisante.
 
Bon. Là où je voulais en venir, c'est que si je comprends la révolte contre tout un tas de choses qui ne fonctionnent pas bien dans notre société, et au delà, dans le monde, je suis souvent dubitatif sur la façon de procéder.
 
Je me heurte sans cesse à cette révolte depuis que je parcours des forums. Il y a toujours une certaine proportion de gueulards persuadés d'être des sauveurs par leur refus des choses établies. Des excités prompts à traiter de cons et de "bien-pensants" (oh l'insulte!!!) ceux qui n'ont pas le bon goût de se révolter contre tout et rien, mais préférentiellement les politiques (dans une généralisation systématique), la police, la religion, les patrons. Et puis les "Américains", les médias, et surtout, les "cons". L'immense majorité des cons, dont il va de soi qu'ils ne font pas partie.
 
Le discours qui passe bien c'est de dire qu'on est tous manipulés, et conchier (pour faire plaisir à Renaud) tout ce qui ressemble à... ben des idées qualifiées "de droite", ou "réactionnaires", quand ce n'est pas "fascistes". On a eu même de ces exemples édifiant sur le forum Underground, il y a quelques temps.
 
De l'autre coté, il y a des glands dans mon genre qui essaient de relativiser les choses, qui appellent sans cesse à la tolérance et au respect des différences, qui cherchent à expliquer le complexe des choses... et qui s'y cassent les dents. Ce sont les deux bords opposés, qui ne cessent de s'affronter dans des débats dont l'issue est certaine: ils cesseront faute de combattants ayant fui une agressivité stérile. D'un coté le «ll y a trop de cons ici, je me casse», de l'autre «lI y a trop d'agressivité ici, je m'en vais». Et au milieu une petite foule d'observateurs, soit prudents, soit hésitants, soit goguenards. Ou encore sereins, qui regardent tranquillement les échanges se faire, puis interviennent ponctuellement avec un discours médian. Je pense notamment à des gens comme Chien fou qui est un remarquable arbitre.
 
Et puis, bien évidemment, il y a tous ceux qui n'entrent pas dans ces tendances comportementales que j'essaie maladroitement de catégoriser.
 
Je sais que j'aimerais volontiers me situer dans cet axe médian, mais que je me suis souvent laissé aller à radicaliser ma position. Parce que je ne suis sans doute pas assez médian, mais marqué par un coté docile. Pas assez révolté. Alors les plus extrêmistes me rejettent dans le camp adverse, ce dont j'essaie de me défendre, mais sans succès.
 
C'est vrai, je ne suis pas un révolté bruyant. Mes révoltes sont intérieures, et teintées de résignation. Peut-être parce que je me dis, non pas que le combat est perdu d'avance, mais qu'il sera extrêmemnt complexe. Je me méfie toujours des solutions simplistes, des "yaka" et des "faut qu'on". J'ai été éduqué de façon à regarder dans tous les sens. Regarder l'actuel, le passé, le futur. Regarder à droite et à gauche. Et au centre. Mais il est impossible de tout appréhender. Notre savoir est forcément parcellaire, et bien souvent orienté.
 
Alors je me réfugie dans un attentisme, faute de savoir vers quoi aller. Pourtant, je sais aussi m'engager lorsque je sens un chemin évident. Mais ce chemin est rarement radical. Je ne me sens jamais bien avec des personnes radicales, de quelque bord qu'elles soient et en quelque domaine que ce soit.
 
(Je suis peut-être lassant avec mes histoires, mais je me cherche. Pas étonnant que je rabache, hein...).
 
En fait, je sais très bien ce que j'accepte ou refuse, mais le problème survient quand il faut décider sur quoi, et comment agir. Et généralement les solutions "simples" me paraissent irréfléchies. Mais l'attentisme n'est pas une solution non plus, c'est évident. Faute de compétences, je me borne donc à observer et donner mon avis lorsque je l'estime nécessaire. En fait, je me sens très bien dans le rôle de contre-pouvoir. Mais pas dans celui d'opposant.
 
Voila pourquoi bien souvent je me retrouve au milieu de débats avec une position inconfortable de modéré. Inconfortable parce que forcément en opposition avec les positions extrêmes.
 
L'avantage, c'est que de cette position je suis très bien placé pour entendre les arguments pertinents venant d'un coté ou de l'autre. Ce qui sera bien plus difficile (impossible?) pour quelqu'un de radical. Voila pourquoi je n'apprécie pas les gens bornés, sûrs de leur fait, et persuadés que celui qui a un avis contraire est un con.
 
Ceci dit... je ne suis pas pour autant à l'abri de positions excessives, parce qu'insuffisamment conscient de toute la complexité d'un problème. Je ne suis pas non plus à l'abri des dérapages et des "conneries" (beaucoup ont été témoins de mon pêtage de plombs lorsque j'ai été dénigré publiquement...). Mais je crois que j'ai une certaine capacité à me remettre en question, et j'ai su m'enrichir de cette situation, au cours de laquelle j'ai beaucoup appris. Je ne suis pas sûr qu'il en aurait été de même si j'avais été un radical dans mes positions.
 
Euh... je ne sais plus trop où je voulais en venir en débutant ce baratin. Surtout dire que je me méfiais des contestataires perpétuels. Je ne les envie pas (mais ils n'ont sans doute pas choisi d'être nés comme ça). Je préfère ma vie sereine, en jouir pleinement, plutôt que de la passer à contester. Mais je dois reconnaître que le mérite des contestataires et de pointer le doigt sur les choses qui ne vont pas. Leur rôle d'aiguillon est indispensable, obligeant à se poser des questions plutôt que de s'endormir dans son train-train.
 
Il se trouve aussi que je n'ai jamais été confronté à des injustices flagrantes, à des situations désespérées. Je me dis parfois que je vis dans un monde anormal, parce que sur-protégé. Pourtant mon monde est tout ce qu'il y a de plus normal. Il est simplement différent de celui qu'on nous montre dans les médias.
 
Devrais-je me taire sous prétexte que je ne me sens pas inclus dans ces généralisations qu'on lit si souvent? Quand on dit "les français", "les jeunes", "les gens", et que je ne me reconnais absolument pas dans ces descriptions, devrais-je taire cette différence?
 
Je suis peut-être un cas particulier, mais j'existe. Et je ne suis pas le seul dans ce cas là (d'ailleurs, nous sommes tous des cas particuliers).
 
En quoi je me sens "différent" de ce qui semble être considéré comme "normal"?
 
D'abors, je ne suis pas Parisien! C'est déjà énorme tant il semble que notre capitale serve de référence au microcosme médiatique français. Je ne suis pas citadin. Donc pas de train à prendre, pas de foule anonyme à croiser, pas d'embouteillages. Notre famille n'est ni recomposée ni divorcée. Notre mariage est une réussite et ne bat pas de l'aile. Nous n'avons pas de relation adultérine. Nous ne travaillons pas pour des multinationales et ne sommes pas menacés par le chômage. Je ne regarde presque pas la télé, ni le journal de 20 heures, ni les émissions télé-con. Ce n'est pas pour autant que je crache sur Loft story et autre Star académy. Je ne vomis pas non plus sur Delarue et Mireille Dumas, et je les regarde parfois. Je regarde (proportionnellement) souvent Arte. Je ne regarde pas de films porno. Je ne lis pas de journaux, exepté Télérama (bien que ne me considérant pas comme "gauche-caviar"). Je feuillette "Dossiers et documents" du journal Le monde. Mais j'ai du mal à m'y tenir. J'ai reboncé à "Courrier international" et "Le monde diplomatique". Ils sont passionnants, mais je n'ai pas assez de temps à y consacrer. Je me sens écologiste, mais ne suis pas anti-nucléaire (pour le moment). Je ne hais pas le FN, parce que je ne hais personne. Je ne hais pas plus les trotskystes ou autres partis d'extrême-gauche. Je ne hais que la violence, l'intolérance, le mépris. Je déteste aussi les généralisations.
 
Je n'ai pas peur de l'insécurité (mais je n'aime pas la montée des "incivilités"). Je ne fantasme pas sur des désirs inaccessibles et hors de portée de nos ressources limitées.
 
Quoi d'autre? Je ne vais pas faire mes courses le samedi. Je ne me sens pas otage de la société de consommation. Ni victime d'un système. Je me sens responsable de mes choix. Je ne demande pas à la collectivité de m'assister (même si je l'apprécie), je ne rejette pas ma part de responsabilité individuelle sur la société. J'estime que la société est la somme de nos engagements individuels. Ce que je ne suis pas capable de faire, je ne demande pas à la société de le faire à ma place. Je me sens individu libre, au sein d'une somme d'individus libres de leurs choix (oui, là c'est un peu utopiste...°.
 
Nos enfants ne sont pas agressifs, ne se rebellent pas contre nous. Ils sont bien dans leur peau, ont de bons résultats scolaires. Ils ne traînent pas dans les rues, n'insultent pas les profs. On ne se sent pas dépassés par eux. Ils ne se sont pas mis à fumer.
 
Et chez nous personne ne fume.
 
Ben avec tout ça, j'ai souvent bien du mal à me reconnaître dans ce que seraient "les français".
 
Je vis à la campagne, loin de la société tel qu'on nous la décrit, et pourtant je me passionne pour ce qu'elle est. Pour ces différences, justement, avec le monde dans lequel je vis.
 
Voila, ça ressemble un peu à ça mon monde. Sauf que je n'ai pas parlé des couleurs d'automne, du brouillard, de la rosée du matin, des chouettes chevêches, des chevreuils bondissants. Du sol détrempé, des sources qui jaillissent un peu trop fort et inondent le chemin. De cette eau qu'il faut canaliser, de la rigole à entretenir. De l'eau que je regarde passer... c'est magique, c'est beau, c'est vivant, c'est sonore.
 
Pas parlé non plus du bac à eaux usées qu'il faut que je nettoie (beark!). Des poubelles pour le tri sélectif (4 différentes, sans compter le verre) qu'il faut faire rouler sur un chemin de pierres, sur 200 mètres de long. Du bois qu'il faut couper pour l'hiver, débiter, ranger. Puis du feu qu'il faut alimenter ensuite.
 
C'est ça ma vie. Et c'est bien différent de la vie de beaucoup de monde. Et bien semblable à la vie de beaucoup d'autres, qui ont le désavantage de ne pas correspondre à un modèle dont on pourrait croire qu'il est général.
 
Et pour ces différences, pour ces spécificités, je n'ai pas envie de me taire. Et si d'autres on envie de contester, qu'ils le fassent. Mais qu'ils n'oublient pas que leur monde n'est pas celui de tous.
 
Euh... j'ai pas été trop long là?
 
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Remarque vachement intéressante de la part d'un lecteur (je sais jamais si je dois nommer ou pas...). Reçue juste après la rédaction de ce qui précède (sacrés hasards...). « Par contre, je sais pas si tu avais noté, mais quand tu écris, tu fais presque toujours un résumé de ceux des épisodes précédents qui sont liés à l'action ou la reflexion en cours. Tu remets dans le contexte... C'est un souci par rapport au lecteur ? ou alors tu ne te rappelles pas avoir décrit le contexte les jours avant ? parce que généralement, moi, je m'en souviens de ce que tu as écrit. (...) Tu reprends tes idées comme si rien n'était acquis dans ce que tu as accumulé. Comme si tu repartais de zéro dans chaque entrée, ou comme si tu écrivais pour un lecteur idéal/innocent qui te lirait pour la première fois... »
 
Fichtre bigre diantre! Je ne m'en étais jamais rendu compte. Mais c'est tout à fait exact. Je crois en fait que je m'adresse au lecteur inconnu qui débarquerait sur mon journal. Parce que je trouve toujours bizarre, quand moi même j'en découvre un, de lire la suite d'une situation à laquelle je ne comprends rien. Alors je fais ce rapide résumé, juste pour expliquer un peu la situation.
 
Mais effectivement, pour ceux qui suivent le feuilleton que j'écris jour après jour, c'est inutile.
 
Je crois que ça tient à la forme de mon journal: c'est clairement une introspection, une auto-analyse en continu. Et fréquemment une entrée fait suite à la précédente. Elles ne sont pas détachées les unes par rapport aux autres.
 
Ouais, ben justement, pourquoi faire une remise dans le contexte? Ben je ne sais pas trop...
 
« On t'as souvent reproché de te justifier. C'est pas tout à fait ça, puisqu'il n'y a pas de crime. A mon avis, si ta façon d'écrire est toujours aussi "je dis tout pour que vous ayez tout en main, les faits, mes réactions, ce que je pense de mes réactions", c'est effectivement un rapport au jugement de l'autre, au jugement moral. Parfois si fort qu'on a presque l'impression que tu oublies qu'il n'y a ni mal, ni provocation à n'être que soi. Mais le terme "justifier", c'est oublier une partie du problème : la part de toi qui assume déjà ce que tu fais ; c'est oublier la ligne que tu franchis souvent en laissant exploser le doute, la joie, le plaisir d'écrire, la colère... »
 
Oui oui oui... il y a toujours cette idée de jugement. C'est une crainte terrible chez moi. Ça conditionne toutes mes actions quand elles ont un rapport à l'altérité (Manu dirait que cette expression est pompeuse et il aurait raison. Mais j'aime bien me faire plaisir avec les mots, au détour d'une phrase). Mais justement, je crois que, au delà de la découverte de moi-même que je fais en votre compagnie, sous vos yeux éblouis, c'est l'apprentissage de l'expression de moi. Je me découvre, à mon usage personnel, et je me montre, pour confronter ma personnalité à la vision d'autrui.
 
Euh... c'est pas clair ça.... Disons qu'il y a, entre autres, deux aspects à ce journal: me connaître, faire venir par le biais des mots des idées, des attitudes, qui sont enfouies et masquées par un surmoi un peu trop exigeant. Et l'autre aspect, c'est de me dévoiler (coming-out, justement), faire mon strip-tease devant vous, et... attendre de voir quelles réactions cela suscite. Pendant longtemps les "spectateurs" semblaient satisfaits. Non pas qu'ils applaudissaient bêtement, mais parce qu'ils venaient me voir dans ma loge ensuite pour que nous partagions. Et puis comme il s'agissait souvent de strip-teaseuses, on s'entraidait, on s'auto-félicitait, on partageait nos expériences et impressions. Mais ça ne suffisait pas à me rassurer pleinement, parce qu'à l'extérieur on me renvoyait souvent une image négative, qui me ramenait sans cesse à ma propre image négative, dont j'ai déjà bien du mal à me défaire.
 
Bon, tout à changé quand dans la salle quelques olibrius on commencé à siffler le strip-tease, à ramener leurs potes pour en rire, et rameuter le public dans la rue pour se foutre d'un aussi pitoyable spectacle.
 
Euh... oui oui, vous le savez tout ça, je sais...
 
Besoin de le dire et redire. Besoin de comprendre mes réactions.
 
Bref, oui, je suis extrêmement sensible à tous les jugements. Ceux qu'on porte sur moi et, par identification, ceux que l'on porte sur les autres. A mon avis, ça remonte au mépris dont je me suis senti l'objet pendant mon adolescence. Au moment où je construisais ma personnalité. Et je crains, hélas, que toute ma vie je traine ce handicap. Mais comme j'en ai conscience, je devrais pouvoir lutter contre. Donc m'en détacher peu à peu.
 
Hier, par exemple, oser courir le risque de me faire mal juger en n'allant pas là où j'étais attendu, c'est pour moi un acte de délinquance inimaginable il y a quelques temps. J'apprends à être moi-même, quitte à me faire mal voir (par ceux qui ne comprendront pas mes excellentes raisons). Je m'affirme, j'affirme mes désirs, mes choix, mes goûts. Et le "coming-out" (bien gentil, je vous l'accorde), avec son titre faussement racoleur, fait précisément partie de cette démarche.
 
En fait, je crois que je reprends le processus de dévoilement entamé cet été, et brutalement interrompu par quelques parasites émotionnels...
 
Fonce, l'Idéaliste, c'est le bon chemin!!!
 
 

 
Coupables angoisses
 

 

Lundi 11 novembre
 
Ce n'est pas parce qu'on partage la vie de quelqu'un depuis plus de vingt ans qu'on est à l'abri des surprises. Non, non, Charlotte ne me trompe pas, mais j'ai découvert aujourd'hui, ou plus exactement mieux mesuré, l'ampleur de quelque chose qui conditionne beaucoup de ses actes.
 
Tout est parti d'une petite remarque que je faisais, au sujet de mon travail (qui commence à me peser parfois). J'ai ponctué par un «j'ai envie de rien faire» ou «j'ai rien envie de faire». Un truc de ce genre. Pour moi, c'était juste un état dont je lui faisais part. Elle a immédiatement rétorqué «Je ne suis pas d'accord». Sur le moment, je n'ai rien dit, parce que je sentais un sujet sensible se profiler. Mais je n'ai pas aimé ce blocage ferme. Je l'ai senti comme une barrière envers mes possibles. Je n'aime pas sentir qu'un chemin m'est interdit, même si jamais je ne devais le prendre. C'est à moi de décider du chemin que je prends ou pas.
 
Ce matin, avec du recul, je lui ai fait part de la gêne que cette remarque avait occasionné pour moi. Elle m'a alors expliqué qu'elle avait eu peur que je ne veuille plus travailler. Il faut dire qu'elle regarde avec quelque inquiétude mon évolution, et s'inquiète parfois quand je lui dis que j'envisage de changer, un jour, de métier. Et puis il y avait quelque chose de rassurant à me voir travailler beaucoup auparavant, même si d'un autre coté cela créait d'autres frustrations pour elle.
 
Maintenant que je vais beaucoup mieux, que je suis disponible pour la famille, que je m'épanouis, elle bénéficie de ce bien-être... mais ressent une inquiétude: jusqu'où va-t-il aller dans le "décrochage"?
 
D'où son inquiétude immédiate d'hier soir, et sa remarque ferme. J'ai tenté de la rassurer, un peu agacé quand même qu'elle puisse imaginer que je laisserais tout tomber. Je l'ai perçu comme un manque de confiance dans ma capacité de discernement et mes responsabilités.
 
On a discuté pendant un long moment, puis elle à fini par me parler de ses angoisses. Une angoisse, chez elle, c'est un souci qui l'inquiète à un point tel qu'elle ne maîtrise plus vraiment ses réactions. Ça, je le savais. Et on a souvent parlé de ces angoisses. J'essaie toujours d'être à son écoute, de la laisser parler. C'est d'ailleurs ce que je ne comprenais pas de sa part: pourquoi ne m'avait-elle pas demandé des précisions avant de partir sur une fausse piste?
 
«Angoisse», me répondit-elle. Oui, je comprends bien, mais justement, avant que l'angoisse ne se déclenche, pourquoi ne pas demander des précisions, et éviter une angoisse infondée?
 
On en était là, à chercher le point de départ, le petit truc qui a fait qu'on est partis sur des chemins divergents (je recherche toujours le point initial, ce qui déclenche à un moment donné une réaction inappropriée, afin de comprendre l'origine du problème). Pour moi, je ne voyais rien avant cette interprétation erronnée, qui aurait pu être évitée avec quelques mots d'explication. Des mots qui l'auraient rassurée.
 
Mais, justement, il y avait quelque chose que j'ignorais. Et qu'elle même ne mesure que depuis très peu de temps: non seulement elle est angoissée, ce qui est déjà difficile à vivre, mais en plus elle se sent coupable d'être angoissée. Ce qui, inévitablement, fait qu'elle n'ose pas en parler. CQFD
 
Alors j'ai beau lui dire «mais n'hésites pas à me dire tes angoisses, j'essaierai de te rassurer», je tape à coté. Parce qu'elle n'osera pas me les dire, parce que «c'est pas bien d'être angoissée». Bigre... le problème devient complexe!
 
Elle se culpabilise énormément (se sent "nulle") d'avoir en permanence ces angoisses. Et les jours où elle m'en parle, moi, tout à fait bêtement, je ne réponds pas comme il faudrait. Quand elle parle de nos problèmes, là je me mets en mode "écoute". Je suis attentif, j'essaie de bien prendre en compte tout ce qu'elle me dit, de lui expliquer aussi comment moi je perçois les choses. Et, pour une bonne part, il me semble qu'on parvient bien à apaiser nos doutes réciproques. Mais il est d'autres situations à coté desquelles je suis passé totalement à coté de la plaque. Notamment quand elle évoque des situations qui ne nous concernent pas au sein du couple (relations avec sa famille, ses collègues), mais surtout qui ne la concernent même pas elle! Du genre: collègues de travail entre elles, ou membres de sa famille entre eux, ou sa belle-mère (ma mère) avec des tierces personnes, etc... Dans ces cas là, pensant la rassurer, ou du moins empêcher qu'elle ne s'implique, je lui répondais par un «mais on s'en fout de ces gens là, c'est pas notre vie, on ne va pas se prendre la tête avec les difficultés des autres alors qu'on en a déjà suffisamment nous mêmes et que ces gens-là n'ont même pas conscience de leurs problèmes». Il me semblait que c'était de nature à lui faire dire «tu as raison...», et qu'elle décroche de ce problème. D'ailleurs, puisqu'elle cessait d'en parler, je pensais l'avoir convaincue...
 
Paf, tout faux! Son silence traduisait un enfouissement du problème. En fait, elle se disait « j'ai tort de m'angoisser pour ça, je suis nulle avec mes angoisses, j'embête tout le monde avec ça». Et l'angoisse, quoique muselée, restait bien là, vaguement enfouie, mais toujours distillant son poison.
 
Et bien de tout ça, je n'avais aucune conscience! Je n'avais rien compris. Pourtant, je crois que je suis vraiment (j'essaie d'être...) à l'écoute des gens. Ce n'est pas du tout de mon genre de dire «ne te prends pas la tête avec tout ça»... et pourtant c'est ce que j'ai fait. Je n'ai pas compris que les problèmes des autres pouvaient aussi être ses problèmes à elle. Ou du moins éveiller chez elle, par analogie, des problèmes qui la concernent vraiment. Par réveil de souvenirs douloureux, souvenirs d'enfances d'attitudes extrêmement marquantes. Et pourtant, je sais ce dont elle à souffert. Une très grande violence morale dont elle à toutes les peines du monde à se défaire. Bien pire que ce dont moi j'ai souffert. Mais j'ai beau le savoir, tenter d'en mesurer l'importance, je ne peux en mesurer les effets. Parce qu'elle même ne les découvre que doucement, depuis douze ans qu'elle a entrepris sa psychothérapie par intermittences.
 
C'est marrant (si on peut dire...) parce que c'est moi qui lui disais, dans les mois qui avaient suivi notre rencontre, qu'elle devrait aller voir un psychologue. J'avais pressenti que quelque chose de très profond rendait certaines de ses attitudes parfaitement incohérentes. Source de souffrance pour elle et pour moi. Il lui a fallu une dizaine d'années pour franchir le pas, quand je lui ai dit que je ne pouvais plus l'aider. Que ses problèmes dépassaient mes capacité d'écoute et mes possibilités d'aide.
 
Depuis, elle va de mieux en mieux. Mais en fait, et je crois que c'est le cheminement normal, elle à commencé avec les problèmes les moins graves. Et à chaque nouveau cycle de séances, elle descend un peu plus profondément au sein de ses souffrances secrètes. Maintenant, depuis quelques mois, elles est au niveau du socle. Les fondements de ce qui a constrit sa personnalité.
 
Voila pourquoi chaque situation qui lui évoque sa propre enfance, ou les rapports qui existaient au sein de sa famille, très perturbés, ravive des angoisses... qu'elle n'ose pas laisser venir. L'explication étant donnée par les rapports qui existaient entre ses parents. Son père reprochant à sa mère d'être folle, il n'est pas étonnant que Charlotte aie quelques difficultés à exprimer à son mari ce qu'elle perçoit elle même comme "pas bien". Je reste simple, parce que c'est sa vie et qu'elle ne fait pas partie de mon processus d'écriture dans ce journal. Mais il est... désolant de constater que du comportements de ses parents dépende à ce point nos propres rapports. Et si on remonte plus loin, on comprend aussi que ses parents ont eux-mêmes leurs propres explications dans le comportement de la génération antérieure.
 
Je n'ai jamais été autant persuadé de la nécessité impérative de réfléchir sur soi, sur notre passé, sur les raisons de chacun de nos actes.
 
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Une tentation bizarre. Désagréable. J'ai lu la dernière entrée de Manu, mon double antinomique. Drôle d'impression en lisant ses lignes sur la guerre de 14/18. D'abord parce que... Non, je n'en dis rien. Mais j'aurais pu écrire un truc dans ce genre.
 
Ensuite son texte sur les relations privilégiées qui peuvent s'établir avec une lectrice, j'aurais trouvé ça bien. Intéressant, parce que confirmant ce que moi j'ai pu ressentir. Mais avec lui, c'est pas pareil.
 
C'est si facile de se moquer de quelqu'un d'autre... Je n'ai jamais eu cette tentation avec aucun diariste (et pourtant, il y a des journaux qui, vraiment, ne cassent pas grand chose...). Mais là, c'est pas pareil. Je suis rancunier. Envie de lui renvoyer à la figure ses mots, ceux qui m'ont fait mal. Je ne les rappelle pas, ils sont accessibles pour ceux qui n'auraient pas ma mémoire sensibilisée. Je suis rancunier. Très rancunier envers qui ne s'excuse pas, ne regrette pas ce qu'il a fait, ne me le signifie pas. Je peux excuser, je peux comprendre, je fais comme si j'oubliais, mais je ne pardonne pas. Pas tout seul.
 
Pourtant, je ne lui en veux plus. Mais je ne pardonne pas pour autant. Je n'oublie pas.
 
Il demeurera un contentieux entre nous, tant que rien ne viendra de celui qui a brisé un échange potentiel avant même qu'il n'existe.
 
Je vois maintenant Manu tel que lui me voyait. C'est pas flatteur. En fait, je crois que je lui en veux de m'avoir ouvert les yeux sur moi-même, sans aucun ménagement. C'est bénéfique pour moi, incontestablement. Mais ça aurait pu l'être tout autant par un partage d'impressions. Et cet égoïsme de celui qui se vide sans penser aux conséquences sur un autre, ça me révolte.
 
Je lui en veux pour tous ces enfoirés qui salissent les autres avec légereté, pour se faire plaisir, pour épater la galerie. Tous ceux qui croient se grandir en abaissant un autre. Comportement détestable.
 
Et moi, en écrivant ces lignes, ne suis-je pas en train de "salir" quelqu'un? Je ne le pense pas. Parce que ceux qui nous lisent ont suivi les épisodes et peuvent très bien se faire leur opinion tout seuls. J'espère, sincèrement, ne pas blesser celui dont je parle. Mais lui ouvrir un peu les yeux, oui. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, j'ai de l'estime pour lui. Parce qu'il agit dans le microcosme diariste, parce qu'il se cherche. Je trouve cependant dommage qu'il aie agi sans réfléchir aux conséquences possibles de ses actes (sur le forum de la CEV, ou avec sa critique ouverte). Dommage aussi qu'il aie l'ambition (et la naïveté?) de vouloir changer les choses tout seul.
 
 
Voila, il fallait bien que je le dise...
 
Et je n'oublie pas qu'il m'a dit que je n'étais pas sincère. Ce qui pourrait enlever toute portée à ce que je viens d'écrire. Il semble qu'il se soit un peu ravisé ultérieurement...
 

 
En passant...
 
 
Mercredi 13 novembre
 
Brusque arrêt dans l'écriture. Oh, deux ou trois jours, c'est pas encore grand chose. Mais la différences pour moi, c'est que je ne ressens pas le besoin d'écrire (on dirait pas, hein?). Non non, j'écris juste comme ça, pour donner un peu des nouvelles. Mais en ce qui me concerne, nul besoin. Je pense que j'ai pas mal donné de moi ces derniers jours.
 
Faut dire aussi que j'ai beaucoup de travail et que je suis obligé de réduire un peu mes distractions. Le temps de lire quelques journaux, parcourir quelques forums habituels et éventuellement y glisser un commentaire, et la soirée est vite passée.
 
Surtout que je l'ai commencée en m'endormant. Ben oui, Charlotte s'est gentiment proposée pour me faire un massage du dos et l'effet apaisant se propage vite à mon cerveau. Je ne sais pas trop ce qu'elle m'a fait, mais il semble que cela a été efficace. J'avais un blocage torticolitique qui, partant de l'épaule, descend jusqu'au milieu du dos. Chiant...
 
A part ça, il souffle un vent terrible en ce moment. Contraste avec la journée qui a été superbement ensoleillée et douce. C'est typique de l'automne ce genre de changements.
 
Passionnant tout ça, hein?
 
__________
 
 
«parce qu'un journal qui n'est plus mis à jour perd rapidement sa visibilité sur le net. or, il est toujours un journal, avec sa cohérence, avec la personnalité de son auteur, les émotions qu'il ou elle a su créer.
 
il y a ceux qui ont pensé à laisser un petit mot avant de partir, ceux qui ont prévenu longtemps à l'avance, et ceux dont on perd toute trace, tout à coup. or, lire un journal en ligne, c'est d'abord et avant tout s'attacher à son auteur. au début, le lecteur revient, pour voir, pour se souvenir, pour relire tel ou tel passage. et puis... les visites s'espacent, et le jour où on voudrait bien revenir... on a perdu l'adresse, ou le lien est brisé.
 
c'est pour cela, que e-phemer(id)es se propose d'éditer une liste de journaux intimes clos ou abandonnés, et aussi d'héberger les archives de celles ou ceux qui le souhaiteront, et ce, tant que nous le pourrons.
 
la première initiative de ce genre était l'Orphelinat des Journaux Intimes, créé par Mongolo»
 
e - phemer(id)es - Collection de journaux clos ou à l'abandon
 

 

* * *
 
«Même si je n'ai pas tapé sur le clavier, j'ai beaucoup écrit dans ma tête. Je n'avais peut-être pas assez d'énergie ou de temps pour aller plus loin, pour démarrer la machine et entamer le processus d'écriture qui fait maintenant partie de ma vie depuis un an. Je fonctionne actuellement sur le mode " économie d'énergie " et je crois que ce sera mon rythme pour les prochaines semaines. Je sais pourtant que l'écriture, à cause de la réflexion qu'elle amène et du sens qu'elle donne à ma vie, est devenue essentielle. Je ne me permettrai pas de l'abandonner maintenant. Je sais que je commettrais une grave erreur si je me laissais aller à la paresse jusqu'au point de cesser d'écrire. Il ne faut pas, ce n'est pas le moment.»
 
Ophélie, l'instant-Clic (10/11/2002)
 
 
 
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Additif
 
Ecrire juste après ma mise à jour (donc encore mercredi), en lisant celles de Chien fou et l'Incrédule. Frissons qui me parcourent, émotion qui m'envahit. La mort frappe. Les mots pour le dire sont forcéments réducteurs. Beaux, pudiques, émouvants, silencieux... Des moments qui ne se partagent que par une infime présence.
 
Depuis que je lis des diaristes, il a plusieurs fois été question de la disparition d'êtres très proches. Il y a un mélange de gêne à être là, comme témoin d'une souffrance qui ne se dira pas (au delà de l'autocensure, la pudeur), et un plaisir à être là et de pouvoir, peut-être, par une présence discrète apporter un tout petit peu de réconfort. Quelques instants seulement.
 
Et puis, inévitablement, des réflexions tournées vers soi: quel est mon rapport à la mort, à celle de mes proches?
 
Ma mort ne me préoccupe pas, celle de ceux que j'aime, oui. De plus en plus. Parce que mes parents s'en approchent, statistiquement et physiologiquement. Dans quelques jours, nous préparerons leur disparition. C'est un souhait de leur part. Ils choisissent de nous donner, nous, leurs enfants, une grande part de leurs biens. Surtout pour des raisons fiscales, il faut en convenir. Les droits de successions sont assez énormes et il leur parraissait plus utiles que leurs enfants soient à l'abri de ce souci le moment venu.
 
Je pense peu à leur mort, mais ça revient de plus en plus fréquemment. Au départ, c'était en pensant à ce que je voudrais leur dire "avant". Maintenant, et depuis peu, c'est en pensant au vide qui se créera. Je pense notamment à ma mère, qui a été la plus proche. Même si maintenant je suis autonome et très largement sorti de leur emprise, je sais que mes parents restent comme des piliers sur lesquels je pourrais, en dernier recours, m'appuyer. Je n'ai pas ce vide devant moi que ressentent probablement ceux qui n'ont plus leurs parents. C'est un confort que de savoir cette présence, même si elle n'est pas nécessaire en temps normal.
 
Je pense aussi que les parents nous rattachent à notre propre enfance, avec des souvenirs et une vie commune. Cet ancrage dans le passé donne une solidité pour le présent (ça peut aussi être un boulet...).
 
Parfois, par flash, j'imagine si leur mort survenait sans prévenir. Je sens alors une sorte de peur m'envahir... que je bloque immédiatement en fuyant ces pensées. Trop de choses restent à dire. Elles se disent peu à peu, comptant sur le temps qui rendra ces confidences plus faciles. C'est un risque, un pari sur une longévité dont personne ne sait rien. C'est une facilité idiote.
 
En fait, j'aimerai pouvoir montrer à me sparents que je vais bien, qu'ils ont réussi ce qu'ils souhaitaient à mon égard. Leur dire (je leur dit de temps en temps...) que je suis heureux, et satisfait de ce qu'ils ont fait de moi. J'aimerai qu'ils puissent apprécier, après une phase de reproches fréquents, de voir que leur fils est devenu un homme qui se sent bien, qui vit bien. Je sais que leurs enfants ont été quelque chose de capital, bien au delà de tout le reste. Et je pense qu'ils seraient sereins sur ce coté des choses s'ils pouvaient avoir confirmation de cette réussite avant leur mort. Bien avant, de préférence.
 
Je ne sais pas si ceux qui me lisent mais n'ont pas d'enfants peuvent mesurer la place que ceux-ci tiennent pour leurs parents. Je crois qu'on mesure mieux cette place lorsqu'on devient nous-mêmes parents. Et maintenant que mes enfants s'approchent de leur émancipation, j'entrevois ce que peut-être cette séparation, et la satisfaction que l'on ressent en voyant ces petits hommes/femmes partir d'un pas assuré, que l'on sait armés pour devenir des adultes épanouis, ouverts, solides et bien dans leur tête. Aptes à vivre avec les autres.
 
Comme l'écrit l'incrédule: la vie, l'amour, la mort. Tout ce qui est important est là.
 
 
 

 
 
Dans le bain
 
 
Jeudi 14 novembre
 

Sur l'un de forums auxquels je participe, il se détache parfois des personnalités dont la capacité de réflexion me séduit. Des gens qui combinent esprit critique, faculté de remise en question, volonté de savoir, respect de l'interlocuteur mais fermeté dans les convictions tant qu'elles ne sont pas contrecarrées de façon sensée. Bref, des gens qui m'impressionnent, intéressants, avec qui on apprend quelque chose.

 
C'est quand même rare... Combien de ceux-ci pour une tripotée de grandes geules? Et combien de personnes qui ne sont là que pour s'amuser et parasiter des discussions dans lesquelles ils ne s'impliquent pas? Combien de propos lancés sans réflexion, martelés parce qu'entendus ici ou là? Cette différence dans la pertinence des interlocuteurs est d'ailleurs un problème puisqu'il est difficile de s'adresser à un "auditoire" aussi disparate sans se faire traiter de "prétentieux donneur de leçons" d'un coté, et de "propos de café du commerce de l'autre". Je parle d'expérience...
 
Euh, non, je ne vise pas particulièrement le forum Underground, bien qu'il n'en soit pas exclu.
 
J'admire ces gens qui savent dispenser leur savoir ou leurs convictions, sans craindre que d'autres soient en désaccord en le manifestant bruyamment. Savoir surmonter ses propres doutes et ne pas céder à la crainte d'être dans l'erreur parce qu'un olibrius assène une vérité contraire qu'il tient pour seule valable. Savoir aussi surmonter ce rejet des imbéciles qui ne supportent pas les idées différentes des leurs. Je crois que c'est là dessus que j'ai le plus de progrès à faire (et j'en ai déjà fait!). Savoir n'écouter que les propos qui en valent la peine, qui font avancer quelque chose, qui proposent une vision décalée mais réfléchie.
 
Il est difficile de vouloir être ouvert à tout avis et simultanément faire le tri des idées valables et des âneries. Bien plus facile de n'écouter que ce qui va dans un sens prédéterminé et jamais remis en question.
 
D'ailleurs... je remarque que lorsque je me trouve face à des interlocuteurs compétents, je m'efface. Je n'ai rien à commenter face à ceux qui "font autorité", comme on dit. Inversement plus je me trouve face à des idées toutes faites et plus j'essaie d'ouvrir le débat à d'autres visions. Et c'est justement là que ça coince. Avec ceux qui devraient avoir les capacités de se remettre en question mais ne le font pas. Parce que les vraiment obtus, les arrogants, les emmerdeurs, je ne cherche pas (plus?) à les sortir de leur aveuglement. Ce serait peine perdue.
 
Je ne sais pas trop pourquoi je me place dans cette zone de conflits, entre les vrais cons incurables (je vais finir par accepter l'idée que ça existe) et ceux qui dominent les débats par leur hauteur de vue, ne s'abaissant même pas à participer à des polémiques stériles. Je me situe dans cette immense zone des moyens et j'essaie de relever cette moyenne vers ce que je crois être quelque chose de mieux. Combat Donquichottesque assez inutile, sauf pour me permettre de mieux appréhender ce genre d'oppositions. Immersion dans un bain chaud/froid qui devrait me permettre, à terme de savoir dans quel genre de bain j'aurais envie d'évoluer.
 

 
Suite de novembre 2002 - 2eme quinzaine
 
 

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