Mois de décembre 2002
 

 
Dimanche 1 décembre
 
 
Et quand on est déprimé, même sans raison, on le met dans un journal?
 
Rien à en dire, je ne sais même pas pourquoi je suis dans cet état. Ça passera, et je ne saurais même plus ce qui m'est arrivé ce jour là... Mais ça arrive, et pourquoi ne pas en garder une trace?
 

 
Lundi 2 décembre
 

 

Boaf... guère mieux ce soir. J'ai fait mon petit tour coté diaristes. J'ai l'impression qu'il y a de moins en moins de monde. Je sais pas pourquoi. En fait si, je sais: il y a moins de mises à jour parmi les diaristes "anciens". Tout évolue, forcément. Ceux qui étaient fort actifs il y a quelques mois ou années deviennent moins présents. D'autres apparaissent. Mais c'est pas pareil. Je ne les connais pas, je ne sais pas si je les connaîtrai (dans le sens de "correspondre avec") un jour...

La durée de vie sur internet est éphémère.
 
C'est la même chose sur les forums, c'est encore plus flagrant sur les chats.
 
Un jour ceux que j'ai connu ne seront plus là. Un jour je ne serai plus là.
 
 

 
Désillusions
 
 
Mardi 3 décembre
 
Bizarre comme en ce moment je me sens de plus en plus étranger à ce qu'est le diarisme en ligne. Si peu, proportionnellement, dont la démarche me plaît ou m'intéresse...
 
C'est depuis longtemps le cas, mais j'ai l'impression que le phénomène s'accentue. Ou alors c'est ma vision des choses qui change. Tant de journaux qui ne m'intéressent pas, que je trouve sans saveur, sans originalité. Et puis cette tendance à se répondre les uns les autres, mais sur le ton du "private joke", ce petit cinéma qui existe entre copains...
 
Je suis râleur, hein? Non, chacun fait bien comme il l'entend, je n'ai pas à critiquer. Mais bon, ces tendances ne me procurent rien. En fait, ça m'indiffère. Or à mes débuts je m'exaltais.
 
J'aimais lire ces pensées diverses, à la fois si similaires aux miennes, mais tellement inattendues. Je m'enrichissais de la lecture des autres, de leurs réflexions. Et surtout, j'avais envie de partager.
 
J'aime toujours lire... mais il me manque ce coté découverte, si stimulant. Et pourtant, il existe plusieurs journaux que j'apprécie beaucoup. Mais...
 
... mais je crois qu'il me manque une certaine convivialité. C'est un peu trop du «chacun dans son coin». Je sais qu'il y a des échanges, mais il se font généralement en privé. Je crois que l'idée de "communauté" me manque.
 
J'aimerais... je sais pas... un truc comme écrire un journal à plusieurs. Ou créer un forum sympathique. Ou je ne sais quoi qui ferait que puisse de recréer une idée de groupe informel, réuni autour d'une façon commune de percevoir un certain nombre de choses.
 
La CEV est devenue trop grande, trop disparate pour moi. Je ne m'y sens plus à l'aise. Il y existe un passif avec certains membres.
 
Une chose m'intéresse: l'intériorité des gens, et leur capacité à douter d'eux-mêmes, à se remettre en question et à s'ouvrir aux autres. La volonté de progresser vers un meilleur de soi-même, mais en relation avec les autres. J'en ai marre des gens qui veulent imposer leurs idées et qui bouffent l'espace des autres.
 
Dans la CEV (et ailleurs sur des forums) je ne me sens plus libre de m'exprimer. Je sais que théoriquement je le suis, mais je sais aussi que le seul fait de lire mon pseudo déclenche un a priori défavorable chez certains. J'ai une étiquette sur le front, et parfois je ne me reconnais pas sous cette étiquette inadaptée mais indécollable.
 
C'est très chiant.
 
* * *
 
J'ai reçu cet après-midi un message particulièrement inquiétant. Pour tout dire, vraiment ahurissant. Il venait de la part de mon frère qui annonçait un changement de vie radical, partant à l'autre bout du monde vers des dangers réels. Pour ainsi dire, il n'en reviendrait pas.
 
J'ai vraiment eu peur. C'était à la fois délirant, et pas forcément impossible compte tenu de sa personnalité. Mais vraiment le projet dingue.
 
Et puis à la fin, une photo... totalement déstabilisante. Genre grosse plaisanterie, ce qui détonnait totalement avec le coté très sérieux de ce qui précédait. Je ne savais plus quoi penser, me demandant si c'était une blague ou quelque chose de sérieux. Un appel rapide à mes parents absents ne m'a pas rassuré. Un appel chez lui avec le téléphone occupé n'a pas non plus pu lever mes doutes. Au contraire, tout cela semblait confirmer la gravité de la situation. Je ne savais plus que faire, vraiment perplexe, avec une inquiétude grandissante.
 
Ce n'est que lorsque ma belle-soeur m'a finalement répondu, l'air détendu, que je me suis dit que je m'étais fait avoir... Mais j'étais tellement mal, avec la sensation d'être en hyperventilation (engourdissement facial) que j'ai à peine entendu ce qu'elle me disait ensuite.
 
Bon. J'ai bien rigolé de ma bévue, mais un peu jaune quand même. C'est une blague à la con qui joue sur les sentiments qu'on porte à quelqu'un. C'est pas drôle en fait. C'est un jeu cruel. Même si je me doute bien que ce n'était pas le but.
 
Pendant le moment d'inquiétude, je me demandais si je devais encourager mon frère à aller vers une nouvelle vie, aussi dangereuse soit-elle, ou tenter de le dissuader. Je me disais aussi que je n'avais pas su l'écouter, le comprendre. Je regrettais déjà le silence que j'avais laissé s'installer entre nous...
 
Pfff, et tout ça pour une stupide blague.
 

 

* * *
 
Une nouvelle fois, je demande aux personnes qui m'ont écrit récemment de m'excuser. Je ne parviens pas à me mettre devant un courrier pour y répondre. Trop centré sur moi-même, sur un mal-être intérieur dont j'ignore vraiment l'origine. Mais rien de grave. Juste un mauvais passage.
 
Peut-être bien lié à une certaine désillusion vis à vis de mes semblables? Du moins d'une certaine part d'entre eux... C'est sans doute le contrecoup de ma lucidité toute neuve sur les relations humaines. Déçu? Oui, certainement.
 
Beuh, un peu sinistre ce que j'écris en ce moment, non?
 

 
En mutation?
 

 

Dimanche 8 décembre
 
Pas vraiment envie de m'exprimer ici en ce moment. Je passe beaucoup de temps sur des forums, comme d'habitude. Je me passionne pour des discussions.
 
Et puis je prends du temps pour faire autre chose. Lire un peu, rester à coté de Charlotte ou des enfants. J'ai tenté aussi d'aller dans une chorale, mais qui m'a moins enthousiasmée que celle où j'allais il y a sept ans. C'est une toute petite chorale, et il y manque le "souffle" que pouvaient procurer les 80 personnes de la précédente. Beaucoup moins de précision aussi, ce qui nuit à la qualité de l'ensemble. J'ai réécouté le CD que nous avions enregistré et la différence est flagrante. Ah oui, je me remets un peu à écouter de la musique. J'avais preque totalement abandonné depuis des mois.
 
En fait, j'ai l'impression de commencer à sortir de ma léthargie. Non, c'est pas le mot qui convient... Je sors de ma cure d'introspection à haute dose.
 
Je sais pas, mais il a du se passer quelque chose ces derniers temps. Peut-être la prise de conscience que tout n'est que recommencement (je fais allusion aux discussions que je peux avoir, qui finissent par tourner un peu en rond). Je me suis rendu compte aussi que je ne pouvais pas multiplier les relations. Je n'ai plus envie d'investir des relations nouvelles. Je reste volontairement en retrait. Par exemple, je n'écris pas aux diaristes qui me plaisent. Je me contente de les lire. Et récemment, sur un forum, j'ai "tendu la main" à une femme qui exprimait un certain mal-être. Mais pas vraiment à l'aise en le faisant, parce que je supposais qu'elle allait me répondre, et peut-être imaginer une oreille attentive. Or je ne l'étais pas vraiment.
 
Il y a comme un coté déception, après mon enthousiasme vis à vis des relations "virtuelles". Une impression d'impalpable, d'illusions. Presque de fausseté. Comme si on se mentait tous, y compris à nous-même. Surtout à nous-mêmes. Bizarre cette impression.
 
Pourtant, je sais bien qu'il y a beaucoup de sincérité et vraiment l'expression du plus profond de soi.
 
Je ne sais pas pourquoi j'ai cette vision négative.
 
Peut-être que c'est en rapport avec mon regard sur moi. Je me suis beaucoup dévoilé, et pas forcément sous un jour favorable. Je suis certainement plus honnête, mais aussi moins "beau". Et puis, il faut bien le dire, le contrecoup de cet épisode difficile avec les attaques idiotes qui ont suivi la critique de mon journal ont cassé quelque chose.
 
Même si je me fous que des gens puissent me lire en se foutant de ma gueule, ces... ces personnes stupides ont brisé mon innocence à me confier sur le net. Je n'avais pas pris conscience de ce genre de bêtise et je me laissais aller insouciant. C'est fini maintenant. Je crois que je ne retrouverai définitivement plus cet état.
 
J'oublie temporairement, mais au fond de moi je sens ces regards potentiellement moqueurs. Je sais que ça influe sur mon écriture. D'ailleurs, je suppose que ça se sent.
 
Ça m'emmerde, parce qu'une fois de plus c'est la connerie qui gagne. J'emmerdais personne à raconter ma vie, mais il a fallu que des gens veuillent se méler de ma vie. «Pour ton bien» qu'elle disait l'autre trou du cul... pffff. Connasse va!
 
Tout ça fait que ce journal change. J'envisage de changer de titre, de présentation. Je me demande aussi si je ne vais pas suivre mes copines Eva et Lou, qui se sont retirées un peu à l'écart. «Pour vivre heureux, vivons cachés» dit la sagesse populaire. Mouais, ça me tente de plus en plus. Un repli vers ceux avec qui je me sens bien, avec qui on se comprend.
 
Je dis tout ça, mais je ne sais pas encore ce que je vais faire. Je laisse les choses évoluer à leur rythme. Pas de précipitation, je n'agirai que selon mes vrais désirs. Il me faut donc bien être à mon écoute et choisir sans hésitation, quand tout sera bien décanté.
 
Mais tout cela est globalement positif. J'apprends les rapports humains et c'est très bien comme ça.
 

 
Comme un mécanisme

 

Lundi 9 décembre
 
Je m'interroge à voix haute (ça ne veut rien dire ici, mais tant pis, c'est juste pour dire que je le fais devant vous) sur mon rapport avec ce journal, en ce moment.
 
J'ai écrit hier que de sentir des regards potentiellement hostiles perturbait ma liberté d'expression. Mais je n'ai pas envie de "céder" devant cette contrainte dont j'ignore tout. Après tout, ce n'est peut-être qu'un fantasme? Mais ce n'est pas ce que je voulais dire. En fait, je veux n'avoir rien à faire du regard des autres sur moi. Je voudrais être capable d'écouter ce qu'on pense de ce que je suis, être réceptif à tout ce qui peut m'aider à progresser, mais ne prendre que ce qui me concerne. Surtout ne pas accepter la moindre parcelle de ce qui n'appartient qu'à l'autre. Ne pas encaisser ses propres problèmes, ne pas me culpabiliser sur des comportements qui sont les miens et que je ne peux pas changer instantanément.
 
Depuis que j'écris ici, je suis passé par diverses phases, mais il me semble que l'essentiel tourne autour de mes rapports avec autrui, ou des rapports humains dans la société (mais parce que c'est une part de mes relations avec les autres que j'y retrouve). Et dans ces relations, tout est basé sur le regard que chacun porte sur l'autre. Au départ, je parlais fréquemment de la séduction. C'est la forme de relation qui touche à l'intime. Puis j'ai beaucoup parlé des relations diariste/lecteur qui sont une forme de "séduction" plus distanciée. Désir de plaire au lectorat et envie de partager une façon commune de voir les choses. D'un autre coté, j'avais des relations en partie conflictuelles sur des forums. Il y était question de tolérance, de différences, de jugement d'autrui. Donc encore en rapport avec le regard que l'on porte sur l'autre. Et en particulier celui qui était porté sur moi. Plus récemment, j'ai choisi d'exprimer ici des sujets que je gardais à distance, pour ne pas risquer de ternir l'image qu'on pouvait avoir de moi... (oui, je sais, c'est con de se préoccuper ainsi de son image).
 
Le lien entre tout ça, c'est évident: le regard que l'on porte sur moi. Et en filigrane, le regard que JE porte sur moi.
 
Ça pourrait paraître terriblement narcissique d'attacher autant d'importance à ce regard, mais il y a une raison. Toujours la même: le peu d'estime que j'avais de moi, conséquence de l'absence du regard encourageant (aimant?) de mon père.
 
Un tel déficit de confiance en soi, surtout après autant d'années (ce que des plus jeunes ne peuvent peut-être pas comprendre) demande beaucoup d'attention pour retrouver un niveau correct.
 
J'ai commencé par le plus "facile" en osant m'exprimer dans l'intimité des chats. Puis je suis passé au journal intime en ligne, qui n'était qu'un prolongement des conversations privées en tête à tête. Seul le nombre changeait, mais pas vraiment le contenu.
 
C'est lorsque je me suis lancé dans les débats d'idées ou d'opinion que les choses se sont corsées. Autant l'ambiance feutrée des conversations intimes permettait l'expression de soi sans controverse, en toute confiance, autant les forums étaient des arènes où l'on peut être sérieusement rudoyé. C'est là que je me suis fait insulter copieusement (apprenant ainsi les limites d'une tolérance pourtant brandie en étendard), que j'en ai été sérieusement atteint au point de me poser des questions sur les fondements de mes convictions.
 
A grands coups de claques, je me suis fait démolir. J'en ai souffert. Une certaine fragilité déprimante, heureusement toujours restée dans la sphère de ma vie internautique. Un peu comme si j'avais deux vies en parallèle. Il a été rare que la vie internautique perturbe ma vie sensorielle (mais c'est arrivé quand même...)
 
Mais peu à peu, mois après mois, à force de voir mes convictions aussi fortement ébranlées, de me poser des questions sur leur bien-fondé, j'en suis sorti renforcé. En fait, ces secousses m'ont aidé à éclaircir un peu ce que j'étais, ce que je pensais. J'ai appris énormément sur les rapports humains. En positif et en négatif. Je crois que j'en ressors beaucoup plus solide et convaincu.
 
En fait, j'ai appris à dissocier le regard que les autres peuvent porter sur moi de mon propre regard sur moi. Je ne suis pas nécessairement comme on me voit. Comment expliquer que je sois vu de façon plutôt favorable par une majorité de ceux qui me disent ce qu'ils pensent de moi, et défavorablement par quelques personnes qui m'insultent ou m'agressent? Il y a forcément un problème. N'étant pas multiple, c'est donc à moi de faire le tri entre ces divers avis et de me regarder en face pour savoir ce que JE pense de moi.
 
Ne pas me laisser flatter par des impressions trop élogieuses (mais savoir les entendre tout de même!), ni ne me laisser anéantir par des caricatures outrancières, voire dénuées de tout fondement.
 
Bref, être à l'écoute des autres, mais de moi-même aussi.
 
Et surtout, accepter de déplaire. Quelles qu'en soient les raisons, il y aura toujours des gens à qui on déplaît sans toujours savoir pourquoi. Tant pis, il ne sert à rien de chercher à s'expliquer si l'autre ne met aucune bonne volonté pour discuter. Il juge, il rejette, il insulte? C'est son problème, pas le mien.
 
Ça ne paraît peut-être pas, mais c'est toute une démarche pour parvenir à ça. Passer de la méséstime de soi à l'indifférence face au mépris, ça ne se fait pas d'un claquement de doigt.
 
Bon, je suis encore convalescent. A peine guéri de cette longue maladie. Mais je crois que j'ai passé le cap.
 
Ces périodes de silence qui s'insinuent parfois dans mon journal sont des moments où tout se décante. Sans que ce soit une démarche consciente. Je me les représente comme un mécanisme d'horloge qui, tout d'un coup, s'enclenche pour faire sonner les cloches. Tout un cliquetis se met en branle, grince, tourne, des cliquets de libèrent, des ressorts se détendent. Tout était prêt pour ce moment là et le mouvement se fait tout seul, sans effort, anticipé depuis longtemps sans qu'on n'y ai pris garde.
 
Dooooong, dooooong, dooooong
 
Une nouvelle ère commence...
 
 
« On dirait que ces derniers temps je reprends peu à peu contact avec une joie de vivre et une confiance en la vie. Je commence à me sentir vivante à nouveau et c'est maintenant que je mesure l'impact que 2002 aura eu sur moi. Je pourrais dire que je m'en suis prise plein la gueule et pourtant... J'ai le plaisir de découvrir que je suis intacte et même grandie. Je n'ai aucune idée de ce que la vie me réserve pour les prochaines semaines, les prochains mois, les prochaines années mais je sais que je vais vivre à plein, que je vais profiter de chaque minute et que je vais tout regarder en face.»
 
Insomnies chroniques (05/12/2002)
 

 

« Je suis fascinée par l'être humain, par ce qui le distingue et par ce qui le réunit. Toute ma vie jusqu'à maintenant, je me suis émerveillée devant les autres. Je considère que c'est un don que j'ai, un privilège surtout. Et s'il n'avait pas existé cet espace en moi, je n'aurais sans doute pas pu en prendre conscience
 
Insomnies chroniques (06/12/2002)
 

 

«Ne manipulerai-je pas mes lecteurs à mon insu? En effet, étant incapable de décrire le bonheur et les moments heureux (par pudeur ou par manque de talent) j'ai fâcheusement tendance à m'appesantir sur mes doutes, à disséquer mes blessures, à tenter de mettre des mots sur ma souffrance. Et c'est malheureusement ce qui reste sur le papier des milliers de sentiments contradictoires qui me traversent chaque jour.»
 
Journal sous Prozac (06/12/2002)
 

 

Instinct méfiant

 

 

Mardi 10 décembre
 
Petit repas en tête à tête avec Charlotte, comme il nous arrive souvent pour le repas de midi. Moment privilégié qui nous permet régulièrement d'approfondir nos réflexions en commun. Moment consacré de toute façon à communiquer nos états d'âme respectifs. Ce contact régulier est important pour que chacun ne chemine pas seul.
 
On en était au café, pris à coté du poêle à bois qui nous réchauffe en ces jours gris qui s'éternisent. Et je lui racontais ma soif de comprendre l'humain. Le mystère humain, dirais-je. Capable du pire comme du meilleur. J'ai ce besoin de humer les impressions des autres, savoir comment ils réagissent aux évènements, quelles différences il peut exister entre les convictions de chacun.
 
C'est parce que je viens de lire un témoignage d'un des rescapés du 11 septembre que m'est venue cette réflexion. Parce que de cet évènement majeur découle une foule de renseignements sur nos réactions, dans un très large domaine. La mort, la perte, l'absence, la survie, le choc émotionnel, la reconstruction. Le symbole, la médiatisation, la diversité des réactions (émotion ou pragmatisme). Mais aussi la politique mondiale, les rapports nord-sud, la morale, l'économie, l'ingérence. Et puis la folie, la détermination, les valeurs culturelles, le fanatisme, le bellicisme.
 
Dans notre société occidentale, tout le monde a été informé, mais les modes de réaction ont été très divers. C'est ce qui m'intéresse. Et puis comment moi, parmi les autres, j'ai réagi.
 
Je reste très marqué par cet évènement. Il me fascine. Il ébranle mes convictions, marque ma façon de voir notre société.
 
Bref, je racontais un peu tout ça à Charlotte, et elle me disait que généralement elle poussait beaucoup moins loin ses réflexions. Je sais que j'ai tendance à vouloir tout analyser, y compris dans ce journal où je passe une part non négligeable de mes lignes à écrire sur ma façon d'écrire, mon rapport à l'écriture. En fait, je fonctionne toujours comme ça. Réfléchir au pourquoi des choses. Pourquoi est-ce que je réagis de telle façon, pourquoi est-ce que l'autre réagit autrement ? Pourquoi est-ce que je ressens telle chose? Comment l'autre ressent-il les choses pour avoir des réactions si différentes des miennes?
 
Je mefie notamment de toutes mes réactions spontanées, lorsque je suis en situation de blocage, de conflit, de mal-être, d'opposition. Elles sont l'expression de la non-réflexion. De l'animalité, de l'instinct. Instinct de protection face à un phénomène "agressif". Je sais que dans ces moments là, la tendance naturelle est de réagir bêtement. Souvent par le rejet ou l'agressivité.
 
Ces réactions se produisent à toute échelle. Que ce soit avec un de nos enfants qui me casse les pieds, ou qui agissent d'une façon que je désapprouve. Que ce soit Charlotte qui me fasse une remarque qui me dérange. Que ce soit quelqu'un qui me critique ou m'insulte. Ou simplement que l'autre ait une différence qui heurte mes références habituelles: habillement, façon de se comporter, références culturelles, choix de vie. Bref, face à la "différence", ma réaction instinctive est la méfiance et le rejet.
 
Je déteste cette part de moi, cet archaïsme. J'aimerai au contraire avoir une capacité à comprendre toutes les différences et à élargir mon champ d'acceptation. Sortir des références étriquées qui sont dans ma tête. C'est pour cette raison que je suis curieux de comprendre pourquoi l'autre (j'emploie "l'autre" dans le sens ce "celui qui n'est pas moi") pense de telle ou telle façon. J'ai envie de comprendre (ou de tenter de le faire) son système de références, comment, sur quelles bases il s'est contruit. Et pour cela, j'ai besoin de dialogue. Mais d'un dialogue ouvert et "contructif". C'est à dire fondé sur une écoute mutuelle et un respect volontaire (en tentant de se sortir des préjugés et des a priori).
 
Je me rends compte que ce dialogue n'est pas toujours facile. Trop de gens en restent à cette réaction instinctive du rejet des différences. Et surtout sont hermétiques à la remise en question de leurs convictions. Et celà n'a rien à voir avec les choix politiques, contrairement à ce que j'imaginais naïvement. On peut se battre contre l'exclusion... tout en excluant ceux qui n'ont pas la même vision pour en sortir. On peut se battre contre le racisme... tout en faisant preuve d'un honteux "racisme" fondé sur l'appartenance à une religion ou à un statut social .
 
En fait, bien plus que sur les différences, je crois que c'est sur le préjugés qu'il faut être vigilant. La différence est une source d'enrichissement à découvrir, mais les préjugés sont un voile noir que l'on jette par peur de ce que ces découvertes pourraient nous faire perdre. Les préjugés sont une peur. La crainte instinctive de se faire "manger" par la culture de l'autre. C'est la peur de se mettre en situation d'instabilité et ne plus avoir ce confort des habitudes.
 
Lutter contre les préjugés, qui passe par une perpétuelle remise en question, est une situation inconfortable. Mais je crois que c'est la seule qui puisse permettre d'aller vers un "mieux" de soi-même. Donc un mieux collectif.
 
J'espère bien garder très longtemps ma capacité de douter de mes opinions. Mais j'espère tout autant avoir le courage de dire mes convictions et en débattre avec ceux qui ont le même objectif que moi: aller vers le meilleur de soi, donc de nous tous.
 
Oui, je sais, ça fait préchi-précha... Ben tant pis, ce sont mes convictions.
 
Et on peut les discuter.
 
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« je pense que ce qui ne se dit pas se répète à l'infini... Quand on s'explore soit-même, qu'on ressent dans la vie le besoin impératif de s'exprimer, alors un silence peut-être une retraite. Et comme moi je veux, comme Vaquette, être Grand et Beau, donc "no retreat no surrender", puisque l'ennemi est en moi, je ne peux que me battre, je ne peux pas que sur les champs de batailles que je déserte, il installe sa dictature du silence de soi, puisque ces territoires que j'abandonnerai alors sont précisément ma vie.»
 

Narcissite (10/12/2002)

 

 

« La CEV est devenu cet endroit poussiéreux, que le décrassage de Damélie peine à rendre à peine plus propre, embourbé dans ses habitudes, saisi de peur à l'idée de donner une autre image que celle qu'il voudrait donner, à savoir un lieu sérieux, pondéré, lisse, consensuel. Je ne sais pas l'idée que la CEV peut donner de l'extérieur, mais de l'intérieur, en tant que membre, j'ai l'image d'une mère de famille, un peu réac, plus par éducation que par méchanceté. C'est bien triste. Je ne les vois pas venir les "forces vives" qui mettraient un coup de pied dans la fourmillière»
 
Water-prof (10/12/2002)
 
 
 

Le coeur et la raison
 
 

 

Dimanche 15 décembre
 

 

Écrire? Pourquoi écrire ici? Est-ce que j'écris encore pour moi, ou alors en pensant à ceux qui me lisent?
 
Lorsque je me mets devant mon clavier, ces derniers temps, c'est clairement la deuxième option qui est valable. J'écris pour "donner de mes nouvelles" (oui, je sais, personne ne m'a rien demandé...). Mais dès que je suis lancé, c'est le goût d'écrire qui revient et prend le dessus.
 
Je dois bien reconnaître que le coté introspectif n'est plus un stimulant suffisant. Du moins pour le moment. Cette écriture publique, je l'ai dit, ne me convient plus vraiment depuis que j'en ai mesuré les limites. Actuellement (et depuis un moment déjà) je suis davantage préoccupé par les débats d'idées. Pas vraiment en ce qui concerne les idées d'ailleurs, mais surtout pour manifester ce en quoi je crois, ce à quoi je tiens. C'est la découverte, pour moi, de ce que sont mes convictions et de quelle façon je suis capable de les défendre et les affirmer. Je m'imprègne des autres, de leurs divergences, de leurs réflexions et contradictions. Je mesure aussi les miennes, lorsque d'autres pointent le doigt dessus. Et ainsi je renforce ou infirme ce que je croyais la veille.
 
Mais... ce n'est pas vraiment le ton de ce journal. Ou pas encore. Ou pas sous cette forme. Et puis la forme journal ne correspond pas vraiment au besoin de dialogue que je ressens... Il me faudrait une forme d'interactivité, similaire à ce que je trouve sur les forums. En fait, le journal n'est qu'un long monologue et convient très bien à l'égocentrisme (qui n'est un défaut que lorsque il est exclusif), mais est inadapté pour l'échange. Même si les mails spontanés peuvent pallier un peu en instituant des fragments de dialogue.
 
Ce que je constate, c'est que les messages que je reçois sont beaucoup plus nombreux lorsque je suis dans l'intime et cessent presque totalement dès que j'aborde des sujets plus élargis.
 
Reste toujours la possibilité de créer cette petite fenêtre de dialogue qui existe sur les blogs. Mais d'après ce que je lis, ça ne suscite pas vraiment le dialogue. Reste le forum... mais c'est tellement triste et decevant un forum qui ne vit pas.
 
Bref, pour le moment je suis dans un entre deux qui ne me convient pas vraiment. Et revient vers cette tentation de me départager (oui, il y a quelques mois je voulais au contraire réunir les différents personnages que je suis sur internet...). Garder l'intime ici (mais ai-je encore quelque chose à partager?) et mettre le coté opinions ailleurs. L'intime coté confiance, pour ne plus craindre les commentaires desagréables, et l'extime coté détaché, sans sentimentalité affichée, afin de rester non-vulnérable.
 
Le coeur d'un coté, la raison de l'autre.
 
Même si le coeur sans raison ne me correspond pas.
 
Même si la raison sans coeur ne me ressemble pas.
 
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De plus en plus fermement je me dis qu'un jour j'écrirai davantage. Une écriture destinée à être lue. Non parce que j'estime que j'ai des choses à dire (quoique...), mais parce que j'ai envie de les dire. Pas envie de garder pour moi, dans des révoltes ou des enthouisames intérieurs, ce que je ressens.
 
Le comportement de pas mal de mes contemporains m'agace. Je supporte leur mauvaise humeur, leurs petites révoltes éphémères, leur esprit grincheux grognon depuis longtemps. Et je trouve qu'on entend trop ce coté là. La démagogie du discours, en opposition avec celle du comportement, m'irrite de plus en plus.
 
Pour le moment j'observe, j'emmagasine, j'assemble... mais viendra un moment où j'aurais l'impression d'avoir suffisamment de lucidité et d'arguments pour tenir tête à ces beaux parleurs. Non que je veuiille imposer mes idées ou ma vision des choses, mais parce que j'ai envie d'opposer un contrepoint à des choses affirmées un peu facilement. Nous sommes tous faillibles et je n'apprécie guère ce ton de suffisance de ceux qui veulent donner des leçons sans se remettre eux-même en question.
 
Oui, c'est ça: la capacité de se remettre en question, en permanence. C'est ce qui me semble le plus important à mes yeux. La sincérité vis à vis de soi-même. Le refus de la tromperie à l'égard des autres et de soi.
 
Et ça, c'est indépendant des opinions et courants d'idée. C'est une composante de l'humain, pas de ses idées.
 
(mais c'est que je deviendrais de plus en plus sûr de moi pour écrire des trucs pareils!)
 
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« Écrire, enfin, écrire sur soi, c'est recentrer le débat, se dire une bonne fois pour toutes : l'important, c'est moi. Ce qui est important, ce n'est pas ce qui m'arrive, c'est ce que ça me fait. Ce n'est pas ce que les autres pensent qui compte, c'est l'effet que ça a sur moi.»
 
Ultraorange (02/12/2002)
 
 
Ça date de plusieurs jours, mais c'est intemporel...
 
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« Diarisme sans âme et sans passion pour une CEV sans âme et sans passion.»
 
Manu, dans le descriptif de son journal.
 
 
 

 
Bonheur
 
 
Lundi 16 décembre
 

 

Le bonheur est quelque chose de précieux, parce que suffisamment rare. Mais pas rare au point d'être un mythe inaccessible, fort heureusement. Je le croise régulièrement sur mon chemin, souvent lorsque je ne m'y attends pas.
 
Il y a les bonheurs simples et apaisants que l'on peut ressentir en un lieu, avec une ambiance particulière, un calme serein. Peut-être méritent-ils davantage les qualificatif de moments de bien-être. En montagne, ou dans des grands espaces de nature, je ressens souvent ces instants de plénitude. Je les apprécie et prends le temps de les vivre intensément. Parfois la magnificence d'un lieu extraordinaire peut me mettre dans un état quasi extatique. Silencieux, tout entier pénétré de l'esprit du lieu, des parfums, du murmure inaudible, des souffles d'air. Je pense en particulier avec nostalgie à des moments de solitude face aux paysages grandioses de l'ouest américain. Mon quotidien m'offre aussi, et bien plus souvent, des moments de sérénité plus accessibles, quoique moins intenses.
 
Mais il est d'autres bonheurs, qui déclenchent chez moi l'émotion pure. Sans que je ne sache vraiment pourquoi. Par exemple les jeunes enfants, en je ne sais quelle circonstance, m'émeuvent aux larmes. Si je me pose la question, je me rends compte que c'est généralement les enfants en groupe. J'ignore si c'est une réminiscence inaccessible à ma conscience, la douleur de moments définitivement perdus... mais je crois savoir que ce qui me bouleverse est l'harmonie qui règne entre ces tout jeunes enfants. De les voir se donner la main, s'attendre, s'aider. Pleins de sollicitude les uns envers les autres. Il y a là une idée de paradis perdu. De moments d'innocence qui n'existent que rarement chez l'adulte.
 
Cette harmonie, je la recherche avec mes contemporains. Je suis ce qu'on appelle avec parfois beaucoup de condescendance un "gentil". J'aime que les gens s'aiment. Je déploie parfois beaucoup d'énergie pour faire en sorte que des gens puissent se comprendre. Et moi même ne suis jamais avare d'explications très longues si j'estime qu'une incompréhension existe et que je la suppose résolvable.
 
Mais ce qui m'apporte incontestablement un immense bonheur, ce sont les moments d'entente parfaite qui peuvent exister entre deux êtres. Rien ne peut davantage me combler que ces moments là. Ils sont rares. J'en ai eu souvent avec Charlotte, à nos débuts. Moins avec le temps qui passe, ou moins durables, mais toujours présents.
 
Je n'en avais jamais eu avec des amis. Peut-être est-ce pour cette raison que je ne me sentais pas avoir d'amis, d'ailleurs. Je n'avais ressenti ces instants de félicité qu'avec des femmes, très rarement, et les interprétant comme des élans amoureux tant ce bonheur à communiquer en osmose ressemblait à ce qu'on peut imaginer de l'amour. Et j'avais été assez perturbé de des attirances aussi soudaines, alors que je ne cherchais rien.
 
Il aura fallu que je découvre les relations internautiques, et la liberté de parole qu'elles permettent, pour retrouver ces temps de partage intense. Tout d'abord dépassé par ma première expérience de Chat, puis stupéfait de constater avec quelle facilité le dialogue pouvait s'installer entre de parfais inconnus, il m'a fallu un certain temps pour comprendre et maîtriser ces moments de partage fondés sur deux attentes qui se retrouvaient soudainement mises en phase.
 
J'ai vite su que ce n'était pas ce que je cherchais... Non, je ne voulais pas d'une illusion basée sur des manques. Je me suis donc orienté vers des conversations plus approfondies, au long cours. Le temps de se connaître, s'apprécier vraiment pour la personnalité de chacun. Ces relations ont duré longtemps et m'ont apporté de vrais moments de bonheur. Le plaisir du partage d'impression, de façons de penser très proches.
 
Et puis je me suis peu à peu éloigné du Chat, qui était peut-être trop prenant, et aussi pour éviter le coté régulier qui faisait inévitablement naître une culpabilité dès que quelques jours sans contact étaient passés. En fait, c'était trop "dense" pour moi, et empiétait sur une liberté à laquelle je tiens par dessus tout.
 
Depuis que je tiens ce journal, des contacts privilégiés se sont noués. Certains on disparu, d'autres se sont intensifiés. Relations au long cours, avec une connaissance de plus en plus poussée. Et... toujours... ces moments de bonheur lorsque des idées sont mutuellement partagées. Dans le genre de ces petites choses à peine sussurées, effleurées de la point des mots, mais trouvant un écho parfait de la part de ces personnes à qui je tiens.
 
Oh, ils sont peu fréquents ces moments, mais au détour d'une phrase, quand je lis de la part de ces personnes quelque chose exprimé en adéquation parfaite avec ce que je ressens... et bien je souris. Ou je ris. Et à ces moments là je suis parfaitement bien. Je me sens vivre intensément un moment de partage de pensées. Il y a quelque chose de l'amour universel qui, en un éclair, illumine cet instant hors du temps.
 
C'est ça qui me donne le plus de bonheur: le partage de pensées communes. La réponse parfaite à l'attente informulée que l'on peut avoir. Une pensée exprimée par l'autre au moment où l'on allait l'avoir soi-même.
 
J'appelle ça "osmose", sans être certain que ce soit le terme le plus adéquat.
 
Ce soir, j'ai reçu un courriel qui m'a procuré plusieurs fois cette joie. Ce soir, je suis heureux. Encore plus que je ne le suis habituellement.
 
 
J'ai la chance d'être apte au bonheur...
 
Mais peut-être que cette sensibilité voit sa contrepartie dans la souffrance que je ressens dans la mésentente... L'osmose, diamétralement opposée au rejet, dont j'ai souvent parlé ici. Je crois que je ressens avec une égale intensité ces deux pôles des relations humaines. Je souffre autant de l'un que je m'extasie de l'autre.
 
Je me sais sensible, mais je suis heureux de pouvoir vivre pleinement mes émotions.
 
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« J'ai toujours considéré mon hypersensibilité comme une richesse, comme ce qui faisait de moi quelqu'un d'attachant. Je me rends compte aujourd'hui que penser un peu plus à soi ne fait de mal à personne, surtout pas à moi.»
 
Journal sous prozac (15/12/2002)
 
* * *
 
« Une rencontre est un moment de bonheur intense, un moment de vie où nous comprenons mieux à la fois le monde et nous-même, où nous percevons que l'autre nous aide à suivre la juste voie. Il n'y a pourtant pas identité de vue entre deux amis, ni même une mentalité semblable. Il est du reste nécessaire que l'autre soit différent de nous.»
 
Francesco Alberoni, cité par Cassandra (16/12/2002)
 
 

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Actualité du diarisme
 
Le numéro 4 de Claviers intimes est sorti, avec pour thématique "l'autocensure"
 
* * *
 
Le forum de la CEV, fermé depuis le mois d'août réouvre enfin. Normalement, on devrait pouvoir échanger sereinement. Sur le diarisme pour ceux que ça intéresse. Sur des bêtises, pour ceux qui apprécient. Et sur d'autres sujets variés. Il y a le choix.
 
Le bon coté de la chose, c'est que les salons sont séparés et qu'il ne devrait pas y avoir d'interférences. Tout le monde devrait être content.
 
Le mauvais coté, c'est que dès l'ouverture les anti-modération s'installent partout pour mettre le bazar... Je suppose que c'est pour tester le modérateur.
 
 
 
 
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« J'ai fait bataille pour un forum sans modération, ce n'est un secret pour personne qui s'intéressait au débat (au moins trois personnes). Ce n'est pas la solution qui a été retenu. Je le regrette. J'attends de voir ce que ça va donner mais je n'ai que des craintes. En plus, je me sens bridé. Dès que je veux poster quelque chose sur le forum, je me demande si ça ne va pas contrarier le modérateur.»
 
Manu (16/12/2002)
 
Eh oui, pas facile de se sentir bridé parce qu'on craint la désapprobation exprimée par autrui... Moi aussi j'aurais aimé pouvoir écrire librement sur mon journal, sans être "modéré" par des regards possiblement hostiles.
 
« Je trouve que les forumistes sont plus sages et plus responsables quand il n'y a pas de barrières que quand on leur en impose.»
 
Point de vue intéressant. C'est tout un état d'esprit, en fait.
 
 

 
Pas de regrets?
 
 
Mardi 17 décembre
 
 
Toujours difficile de se laisser aller. Ce que j'ai écrit hier concernant mes moments de bonheur était finalement extrêmement impudique. On ne dit pas ces choses là en public. Ce sont des choses précieuses à ne pas montrer à qui ne saurait en saisir la valeur. Et comme je ne sais pas qui me lit...
 
* * *
 
Reçu un petit commentaire concernant mes remarques d'hier envers celui qui a critiqué publiquement mon journal. Avec une question "Est-ce le goût de la polémique?". Non, pas du tout. Cette polémique a eu suffisamment d'écho et elle est stérile. Mais ça ne m'empêche pas de remarquer que celui qui ne s'est pas rendu compte de l'effet de ses propos perçoit bien ce qui se passe quand lui même se sent "bridé" par un regard extérieur.
 
Je l'ai déjà écrit plusieurs fois: j'ai perdu la confiance (naïve, c'est certain) que j'avais dans un lectorat que je supposais bienveillant. Mes écrits sont désormais marqués par des regards que je sais pouvoir être moqueurs. Et ça nuit à ma spontanéité. Je me sens privé d'une liberté que je peinais à atteindre auparavant.
 
Ça me pèse. C'est lourd. Je me sens englué dans un truc qui m'empêche d'avancer comme je l'aurais souhaité. Je passe beaucoup de temps à me démener pour tenter d'échapper à ça. Il me faudra certainement très longtemps pour oublier cet épisode... si toutefois j'y parviens.
 
L'envie de fuir les regards non-invités est souvent présente. Si je ne le fais pas, c'est parce que... pfff... c'était parce que je me disais que dans mes écrits quelqu'un de passage pouvait trouver quelque chose qui lui fait du bien. Mais maintenant, vu le nombre de journaux, il me semble qu'il y a de quoi trouver. Le mien n'en est qu'un parmi d'autres... Quelle importance?
 
Je suis tenté de rester parce que le phénomène du diarisme dans lequel je m'insère m'intéresse. J'ai envie de savoir comment tout cela vit et évolue. Or si je me mets dans mon coin, je m'extrairait de tout ça et perdrais le contact. Je pense que je n'y suis pas encore prêt.
 
Bref, je me pose des questions.
 
 
 
T'en as pas marre de toujours répéter les mêmes choses? Tu essaies de convaincre qui là?
 
Je sais pas... Peut-être que j'attends qu'une solution m'apparaisse via les mots que je laisse couler.
 
Ça, pour couler, ils coulent. Mais à part ça, ils ne mènent nulle part.
 
Je sais bien, ils ne font que traduire mon flottement. C'est vraiment le malaise avec ce journal en ce moment.
 
Ben si c'est le malaise, laisse le tomber.
 
Pas si facile.
 
Et pourtant peut-être nécessaire.
 
Oui, c'est bien possible. Prendre de la distance, laisser passer le temps. Voir s'il peut durer sous cette forme ou évoluer vers autre chose. Peut-être que je suis arrivé à la fin d'une étape.
 
Tu as du mal à te détacher de ce que tu as créé? Un attachement à quelque chose qui est devenu bien rodé?
 
Certainement. J'ai du mal à faire les transitions, toujours. Abandonner quelque chose qui a été bien pour aller vers quelque chose d'inconnu. Mais je sens que quelque chose ne va plus. Je tourne en rond.
 
Reste plus qu'à trouver une nouvelle direction.
 
C'est ça. Mais je n'ai que des pistes, rien qui ne se dessine clairement. Ce qui est sûr, c'est que je ne veux pas cesser d'écrire.
 

 

* * *
 

 

A quoi ça rime ce genre de pseudo-dialogues?
 
C'est une façon de s'interroger soi-même. Et puis ça change un peu de la forme monologue.
 
Mais à quoi ça rime de s'interroger publiquement alors que ce sont vraiment les impressions personnelles d'un ressenti personnel?
 
Euh?
 
Ça n'intéresse personne les questions que tu te poses sur la suite à donner à ton journal.
 
Ah oui, ça c'est bien possible...
 
Juste histoire d'attirer l'attention sur toi.
 
Ben... peut-être oui.
 
C'est ce que tu veux?
 
Non, pas du tout. Du moins pas volontairement. Au contraire, j'ai envie de me faire discret. Mais il faut croire qu'une partie de moi veut exister...
 
Peuh! "exister"! Mais ça veut dire quoi ça; "exister"?
 
Ben... envie de ne pas être un anonyme dans la communauté du diarisme.
 
Quoi? Communauté? Ha ha ha, elle est bien bonne celle-là! Mais elle n'existe pas cette communauté. C'est une chimère. Un assemblage hétéroclite d'égos qui...
 
Ah non, pas d'accord. Au milieu de ce conglomérat, il y a quand même des micro-communauté qui existent.
 
Oui, et alors, tu veux "exister" dans chacune de ces micro-communautés?
 
Ben non.
 
Alors pourquoi est-ce que tu te préoccupes de ceux ne font manifestement pas partie de ceux dont tu te sens proche?
 
Alors ça... j'en sais rien.
 
Envie de briller un peu plus?
 
Euh... non, je ne crois pas. Je ne voudrais pas.
 
Mais briller quand même?
 
Briller n'est pas le mot juste. Disons... apporter une certaine expérience...
 
Pfff, mais la plupart s'en foutent de ton expérience et de tes analyses. Elles ne les concernent pas. Ils ne pratiquent pas le même diarisme que toi et celui de ceux que tu apprécies.
 
Ouais, je sais bien que c'est le problème. Je reste trop idéaliste en pensant qu'on pourrait faire quelque chose de commun...
 
Mais arrête! Ceux qui ont envie de faire quelque chose le font, les autres font ce qu'ils veulent.
 
Je sais...
 
Et?
 
Ben je n'ai encore pas accepté cette évidence. J'ai du mal à renoncer.
 
Ouais, ben y faudra bien le faire un jour.
 
C'est bien pour ça que mes réflexions sur mon journal et mes attentes vis à vis du diarisme me préoccupent. Je ne vais pas indéfiniment me laisser porter. C'est nul de se laisser aller comme ça sans se décider pour rien.
 
Ben décide-toi alors.
 
J'sais pas... Pas prêt encore. Aucune évidence ne m'est apparue. Je veux qu'une voie s'ouvre devant moi et que je la prenne sans hésiter.
 
Ça peut être long...
 
Ça prendra le temps qu'il faudra. Rien ne presse.
 
L'essentiel est de ne pas regretter le choix qui sera fait.
 
Exactement!
 
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« Et j'ai pris la décision de ne pas me mêler de tout ça. Presque volontairement je me suis dit " ce ne sont pas mes affaires, je n'ai pas à m'en occuper ". Pourtant c'était bien mes affaires, à moi aussi. Et j'aurais mieux fait de m'en occuper. Ca n'aurait rien changé pour ma sœur, mais moi ça m'aurait aidée, ne serait-ce que d'en parler autour de moi, sans forcément chercher une solution, juste en parler à ceux qui auraient bien voulu m'entendre. Au lieu de ça j'ai fermé les yeux sur la situation. Et depuis ce jour où j'ai promis à ma sœur de ne rien dire, je n'ai jamais parlé de ça à qui que ce soit. J'ai tout gardé pour moi.»
 
Aglaia (17/12/2002)
 

 

« le polyamour, c'est l'inverse de la monogamie. C'est dire que l'amour est multiple dans ses formes, pratiques, apparitions. Qu'on peut aimer des années une personne d'amour profond, et désirer un soir une autre, jusqu'à consommation, et avoir quelques simples baisers volés un soir de douceur avec une une compagne de bar dans une ville dont le nom importe peu, et dormir la main dans la main avec une amie intime, et tout ce qu'ouvre la vie en société.»
 
Narcissite (17/12/2002)
 
 
 

 
Liberté coupable

 

Mercredi 18 décembre

 
Ce qui est marrant quand j'exprime mes doutes par rapport à ce journal, c'est que bien souvent ça relance le processus d'écriture. Comme si de dire mes difficultés à écrire sous vos regards me faisaient les oublier. Tandis que je vous parle de ce problème, j'en oublie mes réticences et me livre sans y penser.
 
Bon, je vous laisse réfléchir deux minutes devant ce truc que moi-même je ne comprends pas bien en l'écrivant...
 
Dans le même ordre d'idées, j'expliquais à Charlotte ce matin un paradoxe à tendance spiraloïde (oui, c'est un nouveau concept...). Voila le truc: j'ai un travail solitaire, donc la totale liberté d'organisation de mon emploi du temps, y compris dans la durée que je consacre à ce travail. C'est un avantage considérable.
 
D'un autre coté je suis un humain du genre normal, donc pas forcément enclin à travailler outre mesure. J'aurais même un peu tendance à choisir de faire ce qui me fait plaisir et m'apporte des satisfactions.
 
En ce moment, mon plus grand plaisir est de communiquer. Ici, par maiul, ou sur forum. Et euh... j'ai tendance à en abuser. Enfin, faut s'entendre sur la notion d'abus. A partir de quand est-ce de l'abus?
 
Bref, ce que je veux dire c'est que je me fais vraiment du bien en communiquant. C'est devenu une passion tendance boulimique: toujours davantage.
 
Le paradoxe spiraloïde commence avec la culpabilité de me faire du bien. Explication: plus je communique, mieux je suis. Mais plus je communique, plus je culpabilise par rapport au temps que j'y passe. Donc en fait, plus je me fais du bien... et plus je culpabilise. Ou comment l'augmentation du bien être augmente aussi le mal-être. Bizarre, non?
 
Non pas parce que je culpabilise à me faire plaisir, mais parce que je passe trop de temps à profiter de mes avantages de liberté. Et pourtant, c'est bien mon but dans la vie: profiter au maximum de ce qui est bien.
 
Et j'en arrive à cette conclusion: une grande liberté peut devenir pesante parce qu'elle contraint à s'auto-priver de liberté. Parce qu'on est obligé de quand même travailler, mais que cette obligation ne dépend que de soi. Il faut choisir de s'extraire de quelque chose de bien, volontairement, pour éviter que ce bien ne devienne culpabilisant.
 
Bon, je ne sais pas bien comment l'expliquer, et je me demande si c'est compréhensible par ceux qui ne vivent pas ça.
 
Et puis d'abord c'était vachement plus clair ce matin...
 
Ce qui est certain, c'est que si je me laissais aller j'écrirai encore plus que je ne le fais. Et après seulement, j'aurais envie d'aller travailler. Parce que quand même j'aime bien mon travail. Mais c'est devenu quelque chose d'accessoire. Ma passion est ailleurs maintenant.
 
 
* * *
 
Un jour, je parviendrai à écrire ici (ou ailleurs...) autre chose que mes éternelles tergiversations sur ce que je suis. Un jour, j'écrirai ce que je pense, mais sur d'autres sujets que moi.
 
Un jour, je me laisserai aller à rêver. M'ouvrir à des pensées autres, qui sont là, mais que je ne prends pas le temps d'écouter. Aller chercher en moi ce que j'ai appris, vu, vécu, ressenti, depuis ces décennies que j'existe. Non plus seulement hésiter sur mon moi, mais transmettre ce qui de mon moi est ouvert au monde.
 
J'aime lire les diaristes qui ont atteint ce niveau de sérénité.
 

 
Eprouver la résistance
 

 

 
Vendredi 20 décembre
 

 

J'apprécie toujours les impressions que les lecteurs peuvent me donner au vu de mes épanchements. Oui, oui, j'aime beaucoup ce type de critique, que je qualifie de "constructive", parce que c'est une proposition de lecture, pas une affirmation. Et libre à moi d'en saisir la portée.
 
Donc, hier, je reçois un message dont voici les extraits qui m'ont le plus poussé à m'interroger. Le lecteur me disait que mes réactions «donnent l'impression que tu plaçais sur le même plan tes interventions sur ton site que celles que tu ferais sur un forum (...) tu es en réaction immédiate dans les deux cas, comme si la vie intime et introspective et la vie publique devaient être assumées exactement de la même façon ». Hmmm, c'est pas faux, ça... Il est vrai que je mélange allègrement les deux champs d'expression, sans aller jusqu'à les confondre. Ici j'évoque fréquemment mes déboires sur forum (débats d'idées), alors que sur les forums je fais souvent mention des mes états d'âme (ressenti personnel).
 
C'est que je suis, il me semble, quelqu'un d'assez "entier". Je n'aime pas tricher avec ce que je suis. Mes émotions accompagnent mes idées, et inversement. Ou peut-être que mes idées sont toujours guidées par mes émotions? Et donc que j'assimile facilement la contestation de mes idées à la contestation de mes émotions. C'est pas forcément la meilleure chose à faire... mais je pense aussi que c'est ce qui me donne cette capacité de remise en question permanente. Sans mes émotions, je crois que je serais quelqu'un d'extrêmement exigeant.
 
J'étais un redoutable perfectionniste. Maximaliste, m'a t-on même dit un jour. Et mon pseudo n'est pas très éloigné de cette idée...
 
Perfectionniste, rigoureux, précis, méticuleux...tout pour donner quelqu'un de très fiable... mais de potentiellement très chiant aussi. Parce que l'exigence que je m'appliquais (oui, je parle au passé), j'avais bien du mal à ne pas la voir mise en oeuvre par les autres. D'où une certaine jalousie vis à vis de l'insouciance, et une... haine(?) du je-m'en-foutisme.
 
Avec Charlotte, nous avons eu, au temps de ma jeunesse ,quelques discussions animées au sujet de mon intransigeance. Bon... ça s'est nettement amélioré. J'ai perdu beaucoup de mon exigence (là, je fais faire rigoler ceux qui me trouvent encore bien trop raide...). J'ai changé ma façon de voir les choses, me simplifiant énormément la vie... et tolérant donc beaucoup plus de laisser-aller de la part de mes semblables.
 
Ouais, ben j'y peux rien si mon père (mes parents) m'a transmis ce genre de choses et que, pour lui plaire, je m'y suis plié avec application. Eh, c'est qu'on ne choisit pas comment on se construit! Par contre, ensuite, on peut modifier cette construction. C'est ce que j'essaie de faire.
 
Mais je digresse... Où en étais-je? Ah oui: opinions et sentiments mêlés.
 
Le rapport entre les deux, c'est que ma façon d'être et de ressentir les choses proviennent en grande partie de cette rigueur: scrupuleusement honnête (on ne rigole pas...), ni hypocrite ni menteur, sincère et prêt à faire confiance... Le tout parfois poussé jusqu'à la candeur la plus naïve.
 
Je suis donc une cible de choix pour ceux qui n'ont pas les mêmes codes de conduite. Et comme j'attends que les autres aient le même comportement, j'ai une vision idéalisée de la société et des rapports qui régissent les humains: je m'attends à ce que les autres soient sincères, respectueux, rigoureux... et ça ne marche pas.
 
Et voila pourquoi je passe tant de temps sur des forums, à la fois pour dire ce en quoi je crois, et pour me frotter à ces différentes façons de concevoir les rapports humains. C'est exactement ce que note mon lecteur: « cette exposition personnelle, en faisant un journal intime en public et en t'engageant profondément dans des discussions où le ton monte, tu la cherches pour t'éprouver... Te sentir toi comme personne, qui était si en retrait dans des années encore récentes.»
 
Observateur, il ajoute juste après: « Je crois que dans cette recherche de s'éprouver, l'absence de resistance te manquerait aujourd'hui. ». Oui, c'est vrai, je recherche cette résistance. Je suis à l'affût de la contestation de mes idées, qui me stimule bien d'avantage que les accords. Bien que ces derniers me donnent la force nécessaire pour persister dans la contestation.
 
En évoquant la contestation, je ne parle évidemment pas de celle à l'encontre de la société, mais envers ceux qui agissent, s'expriment, raisonnent très différemment de moi. Non pas nécessairement parce que je n'admettrais pas leur pensée, mais parce que j'ai du mal à accepter leur manque de rigueur dans le raisonnement, ou le comportement. Le coté contradictoire qu'ils ont en eux-même, et leur aveuglement à ce sujet, sont parmi mes sujets de prédilection pour des débats. Mais en même temps, c'est toujours une remise en question de ce en quoi je crois. Leurs convictions, les discussions qui s'engagent, font forcément vaciller mes doutes. Et je suis bien obligé d'admettre que la rigueur et la précision ne donnent aucune légitimité aux idées. Sans cesse je me heurte aux limites de mes raisonnements. Et je dois toujours aller chercher plus loin vers quelque chose de plus proche d'une mythique vérité. Ou du moins réduire la part d'erreur de ce que je pensais auparavant.
 
Euh... je me demande si ce plaidoyer est bien compréhensible?
 
 

 
L'écrit, dans l'instant et dans le temps
 
 
 
Dimanche 22 décembre
 

J'ai la chance (je condidère que c'en est une) d'avoir l'écriture fluide. Dans le sens que les mots coulent sans aucun effort. Jamais je ne mets devant ces pages en me disant: «Bon, de quoi vais-je parler?». Apparemment, ce n'est pas le cas pour tout le monde. Allusion à une discussion sur le forum de la CEV qui proposait des solutions pour ceux qui seraient en panne d'inspiration.

 
Et récemment je prenais connaissance de diaristes qui écrivent avec certaines règles littéraires (Sophie faisait récemment allusion a: introduction, développement, conclusion), ou interviennent dans l'ordre des paragraphes avec des copié-collé. Du coup, j'en arrive à me demander si ma facilité d'écriture ne serait pas un frein à une certaine qualité littéraire. Parce que je me contente d'ouvrir le robinet, et les mots s'enchaînent tels qu'ils sortent, spontanément. Je crois n'avoir jamais déplacé un paragraphe ni réfléchi à la construction de mes entrées. Sauf pour le paragraphe de fin, ou je me sais orienter les phrases de façon à "conclure". Pour ne pas rester sur une fin de phrase abruptement coupée par un point.
 
Cette aisance dans l'écriture (sans préjuger de la qualité que cela peut donner à la lecture) me fait parfois m'interroger sur sa pérennité. Et si un jour je n'avais plus rien à dire? Si, ayant largement exploré tous les recoins obscurs de mes pensées je perdais cette fluidité? Oh, ce ne sserait pas un drame, et il faudrait que je voie là l'aboutissement d'un processus. Mais je crois que ce serait à regret. Parce que plus j'écris, plus je me sens attiré par ces mots qui me nourrissent de leurs surprises.
 
Et je crois que c'est ce coté surprenant qui me passionne. Que vais-je découvrir de moi ou des autres lorsque je commence un texte? Généralement, je ne sais pas du tout où je vais. Un sujet qui me préoccupe me sert de point de départ, et ensuite ce sont les mots qui me guident. Ou plus précisément mes pensées font surgir des mots et les limites de la signifiance de ceux-ci poussent les suivants, qui viendront compléter, adoucir, renforcer, préciser les précédents. J'aime beaucoup cette aventure renouvellée à chaque fois que je me mets devant cet écran blanc.
 
On me dit, avec suffisamment de régularité, que mon écriture est agréable à lire (ouch, j'en rosis...) pour que je me sois mis à y croire. C'est à l'évidence un encouragement à persévérer. Je pense même que ce genre de commentaires sont des stimulants de l'écriture. Je ne me sens pas limité par les moyens d'expression qui sont à ma disposition, et, au contraire, j'ai envie d'améliorer le style, l'enrichir, le perfectionner. Pourtant, je pense que je n'irai jamais jusqu'à la recherche de l'ésthétique des mots, celle que j'admire chez certaines diaristes (est-ce une particularité féminine?). Je suis souvent stupéfait par cette richesse voluptueuse qui émane de textes réellement beaux. Cependant... c'est rarement dans cette élégance raffinée que je trouve la recherche de vérité qui m'attire. Ce que j'aime, c'est l'expression d'une pensée plus que d'un art. Je peux admirer le résultat, me sentant incapable d'y parvenir, mais souffrir de ne pas y trouver ce "supplément d'âme" qui me fait vibrer dans les écrits du coeur.
 
Rares, bien rares, sont ceux qui parviennent à ouvrir leurs pensées avec suffisamment de transparence pour être facilement compréhensible, tout en l'exprimant avec les mots choisis qui rendent, de surcroît, ces textes beaux.
 
Peut-être est-ce vers cette qualité d'écriture que j'aimerai que mes textes évoluent. Le sens et l'aisance...
 
 
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Je viens de plonger dans le passé déjà lointain d'une diariste. Des pages et des pages d'écriture, qui dorment depuis des années.
 
Qui relit nos écrits, une fois qu'ils ont quitté l'actualité? Combien de relectures alors que nos mots s'enfoncent plus profondément sous la poussière virtuelle des archives? Quel est l'avenir des ces fragments de vie, vaste puzzle qui nous livrent bien plus que nous en avons conscience en écrivant jour après jour?
 
J'ai eu l'impression étrange de lire un passé mort. Quelque chose de très différent de ce qu'écrit la même personne lorsque je la suis au quotidien. Et pourtant, bien des écrits sont intemporels. Mais ce qui fait la différence, c'est cette impression de partager presque simultanément les vies qui nous sont confiées. Et puis la possibilité offerte de communiquer directement en rapport avec ce que vit l'écrivant. Il ne me viendrait pas à l'idée d'écrire à quelqu'un «j'ai lu ce que tu écrivais le 3 février 1999, où tu disais que...». Complètement saugrenu. Parce que la personne qui a écrit ce jour là n'existe peut-être même plus en tant que telle. Elle est d'une certaine façon morte, oubliée par celle qu'elle est devenue au présent. Son présent est né de tous ces jours tués par leur lendemain. Et pourtant, nous ne serions pas les mêmes sans toutes ces étapes par lesquelles nous sommes passés.
 
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Je cite de moins en moins les personnes à qui je fais allusion. Sans doute parce que je ne tiens pas à dévoiler mes préférences, voire les relations que j'entretiens en coulisses.
 
C'est un peu comme s'il existait une vie privée au sein du monde virtuel. Tout comme je ne parle pas de ce journal dans la vie sensorielle, je préfère cacher aux regards qui me lisent ici ma vie privée virtuelle. Parce que l'intimité est malgré tout nécessaire. Et je constate qu'il se crée une vie sociale de groupe, à l'écart des projecteurs et des fenêtres que nous ouvrons sur nos âmes. Des liens se tissent, dont, sans nous être concertés, nous ne parlons presque pas dans nos journaux. Il existe donc un double niveau de lecture, plus ou moins perceptible selon que l'on est proche ou pas d'autres diaristes.
 
J'aime cette complicité...
 
 

 
Sous les feux de la rampe

 

Lundi 23 décembre

 
 
Hier soir, alors que nous étions en conférence de rédaction pour Claviers intimes (ouais, bon, c'était juste un Chat à une dizaine de personnes, et encore, pas tous simultanément...), nous parlions de l'audience de ce magazine. Et puis je ne sais comment, nous avons fait allusion à l'audience des diaristes, la notoriété, voire la célébrité ou le vedettariat! Hé hé, c'est qu'on ne recule devant rien pour satisfaire l'appétit insatiable de nos égos assoifés!
 
Bon, en fait, ce qui n'était que sujet de plaisanterie m'a semblé, à un moment donné, avoir une part de sérieux. J'ai eu l'impression qu'on pouvait penser que certains diaristes recherchaient vraiment le vedettariat... Ce qui m'a plongé dans des abîmes de réflexions. Euh... dans une certaine réflexion, ce sera plus juste.
 
Ça m'a semblé bizarre comme démarche, pour ne pas dire incompatible, avec la pratique du journal intime. Dèja, mettre son intimité en public, ça peut paraître louche. Mais rechercher le vedettariat à partir de son intimité, là, il me semble qu'il y a antinomie complète.
 
 
Evidemment, le fait de mettre son journal en ligne porte en lui les dérives possibles. Je pense qu'on ressent tous le désir d'être lus, pour des raisons peut-être fort diverses. Lus, oui, mais dans quel cadre? Un petit cercle de personnes sensibles à nos mots, ou alors le plus de monde possible, voyant dans cette affluence un miroir fort agréable de notre personnalité forcément passionnante (ou au contraire, ridicule... mais ça on n'y pense pas). Je pense qu'il y a cette dualité, entre le souhait d'une lecture attentive, et d'une certaine audience. L'idéal serait une audience notable ET attentive.
 
Mais, ce n'est pas tout à fait le vedettariat que je décris là. Ce serait plutôt le succès (?) ou la notoriété. Bien que ces mots ne me semblent pas vraiment convenir. Ils ne vont pas avec l'intimité. Je préfererai des expressions comme "large sympathie", ou "largement apprécié par les lecteurs". Ça me semble plus... euh... noble, comme termes.
 
Le vedettariat, cela signifierait à mes yeux une démarche volontaire. Une mise en avant, faire parler de soi. En fait, rechercher l'audience comme un but en soi. Être connu plus par un nom que par ce qu'on est vraiment. Bref, une vedette, c'est surtout une façade. Ou du moins ça peut n'être qu'une façade.
 

- J'peux intervenir?

- Oui

-Et toi, tu te places comment là dedans? Parce que je sais pas, mais on te voit sur le forum de la CEV, on te voit dans Claviers intimes... Tu crois pas que tu te mets en avant?

- Ben... Oui, c'est sûr, je prends la parole, mais c'est pas pour me mettre en avant.

- C'est pour quoi alors? Tu pourrais rester tranquille sur ton petit journal, ne pas faire de vagues, et écrire juste pour toi et ceux qui te lisent.

- Et bien au début, c'est ce qui s'est passé. Et puis peu à peu j'ai ressenti le besoin d'intervenir.

- Mais tu savais bien que c'était une manière de te faire voir, non?

- Ah mais pas du tout! Enfin... pas consciemment. Je veux dire que je savais bien que je me rendais davantage visible, ce qui ne me déplaisait pas, mais je ne l'ai jamais fait dans ce but.

- Pourtant, tu sens bien que des gens te reprochent cette mise en avant

- Oui, il me semble le sentir parfois. Mais que puis-je y faire? Je n'ai pas le pouvoir de convaincre qui que ce soit que ce n'est pas le cas. En fait, au fil du temps, je me rends compte de ce que m'apporte ce journal, et j'ai envie de défendre mes convictions à ce sujet. Surtout quand je sens que des influences extérieures pourraient entraver ma liberté, ou celle de ceux qui fonctionnent comme moi.

- Tu fais allusion à l'épisode de la critique publique?

- Pas seulement. Je m'exprimais dèjà auparavant. D'ailleurs, et plusieurs personnes me l'ont suggéré, c'est très certainement parce que je m'exprimais, donc que j'avais une certaine "notoriété" que j'ai été pris à partie. Un discret anonyme n'aurait pas eu droit à ce traitement de faveur.

- Ça... dès qu'on se montre un peu, c'est un risque à prendre...

- Je l'ignorais.

- Et maintenant?

- Maintenant je le sais. Et comme on dit: «tout ce qui ne tue pas renforce». Donc, après avoir été pas mal déstabilisé, je suis ressorti de tout ça avec des convictions beaucoup plus affirmées. Donc l'envie de les exprimer davantage.

- Avec le risque d'agacer encore plus...

- Oui, mais comme on me l'a dit aussi, avec le risque de plaire!

- Ouh la!

- C'est là que je me rends compte que la notoriété est en fait donnée par les autres. Je n'ai rien fait (ou pas dans ce but) pour être un diariste "visible", mais le simple fait d'avoir entrepris d'exprimer mes convictions a suscité rejet ou attention. J'aurais préféré n'avoir que l'attention...

- Qui est généralement beaucoup plus discrète

- Oui, donc qui me convient parfaitement. J'étais satisfait d'avoir mon petit nombre de lecteurs, et de voir que ce nombre augmentait tout doucement. Ça m'allait très bien.

- Et qu'est-ce qui a changé?

- Pfff, de m'être trouvé pris dans une polémique, d'avoir résisté, donc déclenché la surenchère, à créé des réactions très diverses, contrastées. J'ai eu beaucoup de soutien, et d'en faire part à encore plus agacé mes contradicteurs. Ce qui a contribué a entretenir la polémique, qui a en fait totalement échappé au contrôle de qui que ce soit. Mais qui a particulièrement médiatisé quelques personnages du petit monde des diaristes.

- Le petit monde qui se médiatise, parce que n'oublions pas que l'immense majorité des membres de la CEV ne s'est pas du tout préoccupée de ça.

- C'est vrai. Et je me suis rendu compte, mais un peu tard, que je n'aurais jamais du surenchérir, et encore moins parler de tout ça dans mon journal. La critique aurait fait un petit flop et serait déjà oubliée, passée inaperçue pour la plupart.

- Ouais, ben ce qui est fait est fait. Et puis il faut voir le bon coté de la chose.

- Le bon coté, c'est justement cette assurance que cela m'a donné. Après cette épreuve, je crains beaucoup moins le jugement de mes pairs.

- Ce qui fait que tu t'exprimes encore davantage...

- Exactement.

- Donc que tu te médiatises davantage

- Corollairement oui, mais là encore, ce n'est pas le but. Je dis ce que je penses, sans craindre de déplaire, sans volonté de plaire.

- Sûr?

- Euh... oui, quand même un peu la volonté de plaire...

- A qui?

- A ceux que j'aime bien, à ceux qui partagent ma vision des choses (souvent les mêmes d'ailleurs). Et puis aussi "plaire" parce que je suis authentique. Et surtout, c'est à moi que je "plais" en étant sincère avec moi même.

- Parce que tu ne l'étais pas auparavant?

- Si, mais moins. Parce que je ne me rendais pas compte des raisons qui me faisaient agir. Par exemple, je n'osais pas trop affirmer mes convictions, par peur... ben de déplaire, justement. En fait, j'étais sincère, mais dans les limites imparties par... l'image que je voulais donner de moi.

- Ah bon, tu veux donner une image de toi?

- Ben oui, je pense qu'on le fait tous, mais sans en avoir conscience. Sans savoir de quelle façon nous influençons le regard porté sur nous

- Et surtout, sans savoir comment ces regards extérieurs nous perçoivent! Parce qu'ils ne sont peut-être pas dupes, eux.

- C'est juste. Et c'est bien ce qui fait toute la dynamique du journal en ligne. Ces regards extérieurs, les commentaires qui nous sont données, font prendre conscience de ce que nous nous cachons.

- Y compris les commentaires négatifs, donc?

- Bien sûr. Je suis toujours attentif à ce qu'on pense de moi. Par exemple quand je lis qu'on trouve que je m'exprime trop sur le forum, que je suis ennuyeux et trop sérieux, j'en tiens compte. Et je modère mes interventions.

- Revenons à la notoriété. Crois tu que tu en as une parmi les diaristes?

- Ouh la la, question difficile. J'en ai une chez ceux qui me la donnent. Je suis probablement totalement inconnu pour une grande majorité. En fait, je ne suis connu que par ceux qui me lisent, et ceux qui participent à la vie communautaire. Une petite proportion en fait. Nombre de diaristes ont une activité solitaire.

- Tu aimes cette notoriété?

- Quand c'est positif, c'est forcément flatteur.

- Et quand c'est négatif?

- Ben, au début ça me désolait. Puis finalement... finalement je me rends compte que peu semblent vraiment agacés par ce que je dis, ou se moquent de moi. Très très peu même. Bien moins que ceux qui disent apprécier mes prises de position, et surtout que tous ceux qui me lisent mais ne disent rien. Et puis, je vois ceux qui sont des interlocuteurs valables, avec qui je peux discuter même si on est en désaccord. Quand aux autres... pfff

- Donc, tu as appris à faire la part des choses.

- Oui, à entendre ce qui vallait la peine d'être écouté, et de laisser pisser pour le reste.

- Parfait!

- Euh... c'est encore fragile.

- Pas grave, le chemin est pris, tu ne feras plus marche arrière maintenant. C'est un apprentissage important des rapports sociaux.

- Je crois, oui.

- Tu as besoin de te sentir exister dans le regard des autres?

- Poliment, je devrais répondre "peut-être", mais sincèrement, je réponds: "oui oui oui". J'ai déjà expliqué pourquoi j'avais ce besoin (le regard de mon père). Un immense vide à combler dans l'estime de moi. Au début je ne cherchais que les regards positifs, ce qui fait que je ne me plaçais jamais en situation qui aurait pu susciter un regard négatif. Résultat, quelqu'un d'assez effacé, presque terne, ne prenant que rarement position. Maintenant, je comprends qu'on ne peut avoir le positif sans une part de négatif parce que, comme on me répète souvent "on ne peut pas plaire à tout le monde".

- Et toi, c'est ce que tu voulais...

- Ben oui.

- C'est con.

- Ben oui. Totalement irréaliste.

- Alors pourquoi?

- Il me fallait quand même avoir un minimum d'estime de moi, donc de regards positifs, sinon, sous le poids des critiques, puisque je n'entendais que le négatif, je me serais flingué.

- Oh, jusque là?

- Non, je ne pense pas, j'aime trop la vie. Mais à une certaine époque j'envisageais sérieusement une vie à l'écart du monde. Ermite, tel était mon désir. C'est gai, non?

- On ne peut pas dire que tu vives actuellement de plain-pied avec la société...

- Exact, je reste quand même assez sauvage. Le monde des apparences et du paraître ne m'attire pas. Je préfère l'intériorité des êtres. Alors j'ai fui la ville et les concentrations de population.

- C'est pas forcément logique pour rencontrer "l'intériorité des être" (pfff, t'as de ces expressions pédantes, toi...)

- Pas logique... si on sait rentrer en contact. Or ce n'était pas mon cas. Justement parce que ma peur de déplaire me rendait trop timide.

- Oui, tout est lié, comme toujours.

- Donc ne sachant comment entrer en contact, j'ai fui les contacts sociaux. Je me suis rendu compte que je fonctionne à l'envers de beaucoup de gens. Il me faut d'abord avoir accès à la profondeur des êtres pour ensuite me sentir bien avec eux. C'est pour ça que le rire ne vient qu'avec la complicité.

- Ah oui, le reproche d'être trop sérieux que l'on te fait sur les forums?

- Exactement ça. Pour moi le rire est un partage issu de la complicité, pas un préalable

- C'est à dire?

- Ben j'ai l'impression que beaucoup de gens peuvent rigoler ensemble alors qu'ils se connaissent à peine. Et que si on ne sait pas rire avec eux, on passe pour un coincé. En fait, c'est pas le même mode de communication.

- Du coup, tu te prives d'une certaine convivialité

- C'est possible, mais je n'y peux rien. Ce n'est pas ma façon de fonctionner. Je suis quelqu'un de l'intime, je n'y peux rien. Le superficiel, l'anecdotique, le bla-bla, ça ne m'intéresse pas.

- Wouf, c’est donc vrai que t’es sérieux!

- Mais non, ça n’a rien à voir. D’abord sérieux, et ensuite on peut rigoler. C’est bien plus marrant de rire quand on se connaît. Enfin, c’est comme ça que ça fonctionne pour moi

- C’est pas le cas de tout le monde

- C’est quand même le cas pour d’autres que moi, puisqu’on a d’abord été dans un registre « sérieux », puis l’humour est venu ensuite. Et ça marche très bien comme ça. Alors que le rire plat, sans connaître la profondeur des gens, je trouve que c’est sans consistance. On rit, et l’instant d’après on a oublié pourquoi on riait. Moi j’aime le rire dans la tête, le rire qui dure, qui met de bonne humeur pour un moment.

- Mouais, c’est vachement théorique…

- Peut-être, mais je ne sais pas l’expliquer autrement.

- Dis plutôt que t’as pas envie de te casser la tête pour l’expliquer

- Exact, je n’ai rien à prouver.

- Tiens, ça aussi c’est nouveau

- Oui, et ça simplifie drôlement les choses. Je n’explique plus que lorsque je sens une volonté de comprendre. Le reste, pffft…

- Ça te plaît ce « pffft »...

- Oui, ça traduit bien la légereté de la chose.

- Bon, alors, tu cherches à être une vedette ou pas?

- Naaaaan!

- T’aimerais bien?

- Naaaaan! Veux pas.

- Être connu et reconnu alors?

- Ça oui, dèjà davantage.

- Tu vas tout faire pour l’être?

- Naaaaan! Je ferai ce qui me correspond. Je m’exprime quand j’ai quelque chose à dire, quand ça me touche. C’est tout.

- Manque d’ambition…

- Quoi? Mais c’est pas de l’ambition ça, c’est du paraître. On s’en fout du paraître. Je veux juste être moi, exprimer ce que je crois ou ce que je ressens. Rien d’autre.

- Vraiment rien?

- Si, toucher les limites, savoir là où je me trompe, et quand je vais trop loin dans mes exigences. Mais pour ça, la seule façon c’est de m’exprimer, puis de voir à partir de quand ça bloque avec d’autres. Et à partir de ce moment là, chercher à comprendre ce qui nous différencie, nous oppose. Point par point, de préférence, ce qui explique pourquoi je paraîs aussi tâtillon.

- Bref, tu espères toujours atteindre une sorte de perfection.

- Probablement, mais plus en rapport avec la réalité. Tenter d’aller vers un meilleur, mais en mesurant mieux les limites. Les miennes et celles des autres.

 
 
* * *
 

 

Je mets ce texte en ligne, bien que ce soit un peu difficile. Faire preuve de sincérité en dévoilant ses pensées face à des gens qui me voient "vivre" (même partiellement et virtuellement) dans le monde du diarisme, ce n'est pas évident.
 
Je ne sais pas pourquoi je fais ça, mais il faut croire que j'en ai besoin, et que ça fait partie du processus de libération des carcans qui m'enserrent encore.
 
 
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A lire: la démarche à la fois originale et émouvante d'Aglaia, qui raconte en six épisodes consécutifs la disparition de sa soeur.
 

 
 
... ah bon? c'était noël?
 

 

Jeudi 26 décembre
 
Je ne devrais pas être là en train d'écrire. Normalement, nous nous étions absentés pour quelques jours, mais la météo en a décidé autrement. Au lieu des quatre jours prévus dans cette vieille ferme du Vercors, théoriquement sous la neige en cette saison, nous ne sommes restés qu'une soirée de noël, le lendemain, puis nous sommes partis ce matin. Pas de neige cette année, une grande douceur, mais sous un temps gris et pluvieux. Pas enthousiasmant...
 
Notre fils aîné voulait rentrer, Charlotte regrettait ce temps triste, et moi... je n'avais pas vraiment de préférences. D'un coté j'étais content de m'être éloigné du monde (oui, encore plus que d'habitude...), mais de l'autre je savais que je saurais m'occuper à la maison. Là-haut, je pensais parfois aux sujets que j'aurais voulu consigner par écrit.
 
Hier, nous étions en famille, avec mes parents et la famille de ma soeur qui étaient venus nous rejoindre. Bonne journée dans cette vieille maison au coin du feu (toujours plus de charme dans des vieux murs...), nous avons à plusieurs reprises discuté. Je suis satisfait de constater que j'ose de plus en plus prendre la parole et dire ce en quoi je crois, sans me préoccuper de savoir si c'est dans un sens qui convient à mes interlocuteurs. Je ne crains plus de m'affirmer tel que je suis. Et ça se passe très bien. Parce que je le fais sereinement, sans véhémence. Et ainsi je participe, et entretiens le débat d'idées.
 
C'est étonnant que je me sois privé pendant autant d'années d'une façon d'être qui finalement correspond tout à fait à cet insatiable questionneur que je suis.
 
A ce sujet, je feuilletais un livre offert à ma fille par sa grand-mère. Ce genre de bouquins censés répondre à toutes les questions des ados. Très bien fait ce bouquin d'ailleurs, pas du tout culpabilisant, et répondant toujours sur un ton optimiste aux questions que peuvent se poser des jeunes. Je suis "tombé" (hum hum, par hasard?) sur des chapitres tels que "timidité", mais aussi "tolérance". Ceux qui sont dans le genre du premier m'ont fait prendre conscience une nouvelle fois que je ne sors que maintenant de mon adolescence. Alors que ceux dans le genre du second m'ont montré que beaucoup de gens n'en étaient pas sortis...
 
Bon, c'est normal, on est pas tous finis pareil. Mais finalement, je me demande s'il y a beaucoup de gens qui ont suivi une évolution vers l'âge adulte sans oublier quelques zones d'ombre. Je me le demande vraiment.
 
Entre ceux qui doutent d'eux mêmes et ceux qui sont trop sûrs d'eux mêmes, combien se situent dans un juste milieu, dans tous leurs comportements?
 
 
* * *
 
 
Quoi que j'ai eu comme cadeaux?
 
De bons chocolats (donc noir, ça va de soi) de la part de ma fille. Des petits fruits en pâte d'amande, de la part de mon plus jeune fils. Gourmand, moi? Non, pas vraiment, mais j'ai quelques pêchés mignons... Un gros pull style euh... "nature", tendance écolo, par ma soeur.
 
Et puis un énorme bouquin, assez particulier, que j'avais suggéré à Charlotte. Dans le genre pas vraiment gai. Mais un truc qui me prend aux tripes, qui me fait réflechir, ressentir, plonger à l'intérieur de moi. Purement émotionnel.
 
Le livre s'appelle "Here is New York", et le site dédié vous donnera une idée de quoi il est question.
 
C'est comme ça. J'en ai déjà parlé plusieurs fois. Quelque chose à changé dans ma tête depuis ce jour là. J'en reparlerai certainement.
 
Ce genre d'image, ou celle-là, ou encore celle-ci, je les ressens à l'intérieur de moi comme si j'y étais. Je ne sais pas pourquoi, c'est viscéral, ça me tord le ventre. Même si je sais que c'est infiniment moindre que si j'y avais vraiment été ce jour là. Sans doute parce qu'un jour j'étais dans ces rues là. Parce qu'un jour je suis allé au pied de ces tours qui n'existent plus, que je suis entré dans le hall de l'une d'entre-elles. Que je me souviens de leur immensité, inimaginable par qui ne les a pas vues. Que je me souviens de la vie qui régnait en ce lieu.
 
C'est une immense incompréhension qui s'ouvre devant moi. Et une réelle émotion.
 
Je sais que chaque jour dans le monde il meurt 8000 personnes du sida, je sais que la famine et la guerre en tuent sans doute autant. Mais... tout cela est loin de mon univers. Je ne sais pas me transposer dans ces pays si différents de celui dans lequel je vis. Et puis il y a sans doute une sorte de fatalisme, du à une forme de renoncement (coupable, j'en conviens...). Alors que ce qui s'est passé le 11 septembre m'était directement adressé. C'est moi (et vous) qui étais visé, en tant qu'occidental, par des gens qui ne m'aiment pas, qui refusent mon style de vie. Même si je n'étais pas parmi les victimes, je sais que j'aurais aussi bien pu y être. Il y avait une volonté de tuer quelque chose de notre société. Faire un exemple. Faire mal, volontairement.
 
Forcément, je suis interpellé. Mais la violence du choc est telle que c'est d'abord par mes émotions que je réagis. La raison ne vient que dans un second temps. Mes émotions font que je ne sais plus où j'en suis. Alors que je suis si loin de tout ça... J'imagine la non-capacité de discernement que peuvent avoir ceux qui ont été directement témoins (et à qui je m'identifie avec une étonnante conviction involontaire), et, pire encore, les victimes ou proches des victimes.
 
Et je me désole de voir que des émotions similaires à celles que je ressens sont sans doute, pour une part, un des éléments qui encouragent un conflit qui se prépare... Si ce n'est le moteur principal, du moins une caution qui amalgame un peut tout et n'importe quoi.
 
Mais là, ça dépasse ma capacité de réflexion parce que je ne mesure pas les enjeux de telles actions.
 
* * *
 
Bon, je suis vachement gai ce soir...
 
En plus, en écrivant tout ça, je pense que j'agace un certain nombre de personnes qui ont une réaction sans doute beaucoup moins émotionnelle. Je suppose qu'une part ne me comprend pas.
 
Je ne suis pas là pour être compris, mais pour me comprendre. Et souvent ça passe par du rabachage. Répeter ce que j'ai dit auparavant, mais avec des nuances, dit d'une autre façon, avec d'autres mots. C'est ma façon de m'approprier ma pensée, la cerner sous tous les angles, l'éclaircir sous tous les jours. Parcourir ce labyrinthe afin de savoir comment il s'ordonne, comment il fonctionne. C'est très important pour moi.
 

 

* * *
 
De temps en temps je vais faire un tour du coté des blogs. Je ne parle pas de l'outil blog, mais de la formule: entrées courtes et fréquentes, avec commentaires attachés.
 
Ce qui est amusant, c'est qu'entre les diaristes à entrées courtes et les bloggueurs à entrées parfois longues, il n'y a pas vraiment de différence.
 
Pourtant, les deux mondes s'entrecroisent assez peu, il me semble. Je vois ça aux liens cités. Dans le monde des blogs, les gens s'entre-citent, s'entre-lisent, et s'entre-lient, tout comme dans le monde des diaristes. Mais il semble exister une ligne de partage entre les deux. Pas rigoureusement étanche, mais assez hermétiquement marquée quand même. Bizarre, non?
 

 

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« Parce que je n'écris plus pour mes lecteurs, j'écris pour moi et mon public, une entité collective et immatérielle qui peut ou non exister, comme Dieu et Santa, ce n'est pas important. Que Dieu existe ou non, on lui envoie nos prières ; que le public existe ou non, les blogueurs lui envoient leurs textes. C'est comme ça que ça fonctionne, il s'agit avant tout de se parler à soi-même. Après tout, qui peut mieux m'entendre et me comprendre que moi ?»
 
Garoo, (via Canclaux)
 

 

« Cela vous est sûrement déjà arrivé, vous vivez une situation dans votre présent et celle-ci vous relie par des détails infimes, à une situation antérieure non digérée (comprendre mal gérée, voire pas gérée du tout...). Vous en gardez une douleur, une culpabilité, un boulet quoi . Ce boulet de votre passé est réactivé et c'est en fait à lui que vous réagissez, vous rejouez la pièce. Inutile de préciser que puisque vos réactions n'ont rien à voir avec le présent, elles sont inadaptées et très émotionnelles. La situation devient cahotique, cafouilleuse, et perturbante pour tout le monde, surtout pour la personne qui rejoue avec vous sans le savoir, une pièce à laquelle elle participe pour la première fois.»
 
Cassandra (21/12/2002)
 
 
 
 
 

 
 
Avant d'aller plus loin
 

 

Samedi 28 décembre
 
Période de fêtes traditionnellement occupée par diverses rencontre familiales. Nous sommes à peine à la maison, de passage épisodiquement. Déconnection de fait du monde internautique, qui est d'ailleurs au ralenti.
 
J'aurais envie de commenter un peu ce que je laissé ici lors de ma dernière intervention. Réflexe idiot d'une certaine urgence, pour vite corriger l'image que je laisse. Cette bête naïveté, ces émotions impudiques sur des sujets qui me dépassent totalement. Je me dis que je dois passer pour un triste ahuri aveuglé, avec mes pauvres révoltes stériles contre "le mal"...
 
C'est pas forcément aussi simple, parce qu'ici j'exprime surtout un ressenti. Mes opinions n'éclatent que de temps en temps, de façon maldroite. Ce n'est pas le style de ce journal, ce ne sont pas mes préoccupations du moment.
 
Et puis, bien souvent, je ne sais pas quelles sont mes opinions. Elles ne me préoccupent pas vraiment, quoique de plus en plus. J'avais trop a faire avec ma vie et mes interrogations égotistes pour avoir le temps d'avoir des opinions.
 
Et puis... la vie a fait que je n'avais pas d'opinions à avoir.
 
Mais le sujet mérite un autre développement que les quelques lignes que j'écris maintenant. Il faudra que j'y revienne. Je me dois de réfléchir un peu à ce qui sépare ma capacité de révolte de ma capacité d'acceptation. Quand je vois l'esprit rebelle de certains que je cotoie, je me demande jusqu'où va mon conformisme.
 

 
Indépendance

 

 

Dimanche 29 décembre
 
Je remarque que lorsque je rencontre des gens, que j'ai des contacts, je suis beaucoup moins dépendant de ce journal. Je ne ressens pas le besoin, sitôt rentré à la maison, de me jeter sur l'ordinateur pour lire d'éventuels courriers, ou les derniers débats en cours sur des forums, ou même les dernières aventures de mes collègues diaristes.
 
Non, rien de tout ça. Alors qu'à certaines périodes c'est avec avidité que je suis tous les mouvements du petit monde internautique dans lequel je me suis fait une place.
 
Il y a donc très certainement une corrélation entre le manque d'ouverture sur l'extérieur de ma vie sensorielle, et ce besoin de communiquer via internet. Je pense que c'est rassurant de le constater. Ça confirme ce que je pensais.
 
Il y a quelques heures, je suis revenu d'une grande réunion familiale. Plus de cinquante personnes, avec des conversations très variées. Des visages, de la présence. Du vrai contact humain. Et bien en rentrant, je me suis tranquillement installé à coté de Charlotte, et nous avons échangé nos points de vue. Juste comme ça, pour le plaisir, en regardant le feu qui redémarrait dans le poële ouvert. Puis on s'est tus, vaguement assoupis dans la douce chaleur qui s'installait. Aucune urgence pour aller lire ma boitamail, ni pour venir écrire ces mots. Si je l'ai fait, c'est précisément pour garder la trace de ce moment, qui contraste avec cette "dépendance" que je ressens parfois vis à vis du monde virtuel
 
 
* * *
 

 

De plus en plus fréquemment, je constate que je reviens de diverses rencontres en groupe sans cette habituelle frustration que je ressentais il y a encore quelques années. Je crois que, même si je ne m'exprime pas autant que je le souhaiterai à cause de cette fichue timidité (quoique... est-ce vraiment le mot qui convient?), je parviens néanmoins à sortir quelque chose de moi et à partager. Même si c'est souvent l'autre qui doit faire un pas vers moi, je réponds assez facilement à la sollicitation. Et puis, si on vient vers moi sans réticences, c'est que je dois être relativement abordable...
 

 

* * *
 

 

Un truc que je constate aussi: on ne se voit pas vieillir. Il y avait beaucoup de personnes que je n'avais pas revues depuis plusieurs années. Pour certains, les ans commencent à se marquer sur les visages. Mais de façon inégalitaire. Pour le même âge, on donnerait parfois facilement dix ans d'écart. Et la façon de se vêtir accroît aussi cette différence. Ce que j'ignore, c'est ce qu'il en est pour moi...
 
En fait, nous nous sommes retrouvés une grande bande de quadragénaires. Disons entre 40 et 50 ans. Mais ce qui était marrant, c'est que tous ces gens se revoient comme lorsqu'ils avaient vingt ans. Même ambiance rigolarde, même blagues. Mais les sujets de conversation ont changé. Souvent il y est question de la génération suivante:nos enfants, parfois déjà jeunes adultes. Les métiers, et la crise de questions qui accompagne le mi-parcours de vie, sont fréquemment abordés.
 
Et finalement, je trouve que nous nous sommes pas mal débrouillés avec Charlotte. Même si on rame encore un peu coté confiance en soi, notre équilibre intérieur et notre style de vie, choisi, apprécié, sont incontestablement des facteurs de bien-être. Même si je ne me sens pas avoir l'aisance en société de personnes plus "visibles", plus exubérantes, je me sens intérieurement très bien. Mon seul problème est ce rapport aux autres, que je ne parviens pas à avoir dans le registre qui me plairait. J'aimerai pouvoir aller plus loin dans des échanges approfondis, mais je bute toujours sur un passage par des à-cotés plus superficiels qui ne me convient pas. Je voudrais aller à l'essentiel sans passer par la case "bla-bla" d'approche.
 
En fait, c'est comme le problème que j'ai avec le rire: je ressens le besoin de sentir la confiance pour aller plus loin. Mais la confiance, ou la sympathie mutuelle, ont du mal à s'exprimer spontanément sans un apprivoisement. En fait, les choses se font souvent au feeling, mélange de méfiance et de confiance sans autre garantie qu'une sorte de "sixième sens" qui fait que ça se fait tout seul. Il faut une sorte d'attirance réciproque qui fait qu'aucun n'aie besoin de se dévoiler sans risques.
 
Et généralement... l'attirance en question est soutenue par une différence de sexe. Du moins pour ce qui me concerne.
 

 
Pas si mal
 
 
Mardi 31 décembre
 
 
Je ne me souviens pas m'être livré à un bilan ici, depuis que j'écris ce journal. En cette date symbolique, l'occasion est bonne de le faire.
 
Ce que je retiens, à brûle pourpoint, et sans réflexion approfondie.
 
Dans le monde, ma mémoire égocentriste d'occidental repus se souvient de:
 
Les suites du 11 septembre, avec cette sourde inquiétude qui plane. Ces craintes accentuées de voir l'avenir nous réserver des surprises désagréables. Une guerre qui semble se profiler, dont l'issue pourrait être inquiétante pour nous, mais qui le sera assurément pour les victimes.
 
La prise en compte toujours aussi timorée de l'avenir de la planète humaine, puisqu'on continue allègrement à détruire, consommer, polluer.
 
La poursuite de l'opression Israelienne sur un peuple apauvri et désespéré.
 
De vagues conflits auxquels je ne comprends pas grand chose, faute d'un intérêt suffisant de ma part: Tchétchénie, Kosovo, divers pays d'Afrique que je discerne mal...
 
Ma vision du monde est bien lointaine. Plus près du monde occidental, je me souviens vaguement d'un assaut sans pitié ordonné par un chef de gouvernement Russe, à qui personne n'a rien reproché officiellement.
 
Quelques guignoleries d'un président Etasunien qui manipule le bien, le mal, et Dieu avec une dextérité autant naïve qu'habilement avantageuse.
 
Une ouverture de l'Europe vers des pays qu'il nous faudra aider à atteindre notre niveau de confort. Donc il faudra partager un peu. C'est très bien. Je crois que ça va dans un bon sens.
 
Un peu plus nombiliste, mon beau pays de France, celui qui se prend parfois pour un peu plus qu'il n'est. Celui qui se regarde complaisamment le nombril, mais aussi celui qui se crache sur lui-même. Tiens, ces voix discordantes et contradictoires, on dirait un peu quelqu'un qui se dispute entre son moi, son surmoi et son ça. C'est presque aussi compliqué qu'un être humain, un pays.
 
Qu'est-ce qui s'est passé chez nous, cette année?
 
Pas grand chose de nouveau. Toujours de la misère, toujours des difficultés avec l'immigration de ceux qui sont attirés par nos jolies lumières que nous avons du mal à partager avec eux.
 
Et puis toujours une insatisfaction générale, parfois très justifiée, parfois beaucoup moins. La France est un pays de râleurs. Mais du genre râleurs qui attendent que la solution vienne d'ailleurs. D'en haut. De cet "en-haut" qu'on villipende sans cesse pour son incompétence... sans se poser beaucoup de questions sur la résistance au changement que nous lui offrons.
 
Mais en fait, même si tout ne va pas pour le mieux, il n'y a vraiment pas de quoi se plaindre de vivre dans un pays comme le notre, pour la plupart des gens. Caprices d'enfants gâtés qui sont jaloux parce que d'autres sont plus gâtés qu'eux...
 
On a quand même eu un peu chaud quand une partie de ces râleurs frustrés on voté pour un gars qui leur promettait qu'on cesserait de partager avec les moins bien lotis en les renvoyant d'où ils venaient. Tandis que beaucoup ne votaient même pas, tout en continuant de râler. Heureusement que d'autres se sont exprimés pour la diversité et d'autres façons de voir la société. Pas de bol, àa n'aura servi à rien d'autre qu'une satisfaction morale.
 
Résultat, on se retrouve dans un pays qui change de bord. Finie l'aventure socialiste, retour à un peu de rigueur. Ça ne me derange pas vraiment, même si ce mouvement de balancier peut faire craindre un certain recul. Pourtant, je n'y crois pas trop. Je ne suis pas un défaitiste et je ne vois pas les grands principes humanistes vraiment en danger. Le gouvernement précédent avait un peu trop laissé aller les choses, en laissant trop de liberté. Je ne vois pas d'un mauvais oeil ce retour à certaines valeurs, notamment vis à vis du respect d'autrui. Je ne pense pas qu'on aille vers la caricature que certains craignent. Et puis je sais que dans quelques années nous votons à nouveau, et que nous pourrons inverser la tendance... si toutefois une majorité refuse cette tendance. Mais ce sont les lois de la démocratie.
 
En fait, je me suis bien amusé à voir cette effervescence autour de la période éléctorale, alors qu'en fait si peu de choses changeront...
 
Je suis du genre à penser que les gens au pouvoir essayent de faire pour le mieux, défendant leurs convictions. Je sais aussi que le pouvoir endort certains, en corromp d'autres. Je sais aussi que ce n'est pas forcément la compétence qui permet l'accès au pouvoir, mais bon, il en est ainsi depuis que le monde est monde. Fataliste je suis. Vigilant seulement quand je sens qu'il est nécessaire et lorsque de bas instincts pourraient trouver un espace pour s'épancher.
 
Donc la France est redevenue à droite et... je m'en fous un peu.
 
Le reste. Des scandales, comme cet ancien collaborateur du régime de Vichy libéré du fait de son grand âge, alors qu'il n'a jamais exprimé le moindre regret. D'autres plus agés que lui meurent en prison. Scandale aussi qu'un militant de l'anti-mondialisme se retrouve derrière les barreaux pour avoir défendu ses convictions. Si les actes sont effectivement répréhensibles, d'autres qui le sont infiniment plus devraient aussi être sanctionnés. C'est révoltant... mais ça ne révolte guère.
 
Des débats, plus intéressants en eux-même que le sujet qu'ils abordent: le porno à la télé, la "télé-réalité", la légalisation du cannabis... Débats d'une époque qui feront sourire dans quelques temps vu le peu d'enjeu qu'ils représentent. On ne lutte pas contre les attentes du peuple.
 
Quoi d'autre? Catastrophes climatiques à répétition. Les crues centennales ont une fâcheuse tendance à se répéter à intervalles très courts. La faute à qui? On ne sait pas. Un peut tout, et personne à la fois. On ne sait pas vraiment comment le climat se modifie, ni s'il se modifie, mais on constate quand même des phénomènes bizarres. La faute aux constructions dans le lit des torrents, mais pas que ça puisque lesdits torrents sortent de leur lit à cause de pluies démentielles. Conjonction de phénomènes naturels et de négligences humaines. Ni tout l'un, ni tout l'autre.
 
A part ça... boaf, pas vraiment d'évènement marquants. Du moins rien qui ne me vienne à l'esprit sur l'instant.
 
Coté famille, un détachement marqué de l'influence de mes parents, concrétisé par une déception coté maternel. Mais bienfaisante, puisque ramenant à une échelle pus juste celle qui avait beaucoup marqué et conditionné ma personnalité. En quelque sorte, ce micro-évènement, datant exactement d'un an, aura été le déclic nécessaire pour que je me detache et puisse prendre mon envol de façon vraiment autonome.
 
Beaucoup de remises en question aussi dans mon rôle de père, avec des grands ados qui eux aussi ont besoin de s'émanciper. Peu de frictions, puisque je pense avoir autant qu'eux la capacité de me remettre en question. Le sens critique que je leur inculque les fait fréquemment retourner vers moi les sages conseils que je leur donne... C'est salutaire.
 
Finalement, nos grands ados ne nous donnent pas de difficultés et leur épanouissement va de pair avec leur prise d'autonomie. Je pense que dans quelques années ce seront des adultes tout à fait responsables et capables de se débrouiller dans la vie. Je suis content de voir ce qu'ils deviennent. Je crois que j'aurais pas trop mal réussi la mission que nous nous étions donnée avec Charlotte (sans vraiment en avoir conscience...) en leur donnant la vie.
 
Avec Charlotte, c'est la poursuite d'une très bonne entente, faite de respect de la personnalité de l'autre, de liberté individuelle, d'écoute, donc d'entraide. Rares auront été les moments d'incompréhension. De plus en plus rares. Quand je constate ce qui est dit du mariage et de sa fragilité, je ne peux qu'être satisfait de ce que nous avons réussi jusqu'à ce jour.
 
En fait, je crois que globalement je n'ai à me plaindre de rien. Je suis satisfait de mon sort, de notre vie, que nous nous sommes donnés les moyens d'avoir. Un peu de chance aura sans doute fait le reste...
 
Depuis quelques années je me dis que j'ai déjà réussi ma vie. Tout ce qui peut m'arriver désormais est un bonus. Je n'ai pas de gros souci, pas de secret caché, par de rancoeurs ni de jalousies. Je suis bien. Je pourrai mourir là que ça serait déjà pas mal. C'est sans doute pour ça que je ne crains pas vraiment la mort (peut-être aussi parce que je l'imagine lointaine?). Ce que je craindrais plus, c'est la perte de ce qui fait mon bonheur: le bien-être de mes plus proches.
 
Plus nombriliste encore, autour de mon petit égo rien qu'à moi. Cette année aura été la poursuite d'une grande remise en question personnelle afin d'aller vers celui que je pourrais être. L'année des changements perceptibles. J'ose de plus en plus m'affirmer, en assumant mieux le risque de déplaire. Dans le petit monde virtuel, j'ai pris un certain détachement, j'ai davantage pris position. L'évènement marquant aura été ma critique publique, mais je crois que j'ai finalement su en tirer tous les avantages. J'en suis sorti renforcé.
 
Pas mal de questions sur l'avenir de la pratique du journal en ligne. La mienne, et plus généralement l'évolution vers laquelle cette écriture collectivo-individuelle va aller. Je suppose qu'il y aura une différenciation entre le journal à tendance introspective et celui à tendance spectacle. Cela a toujours été, mais il me semble qu'avec le nombre les deux tendances prennent chacune une autonomie et pourraient se scinder un jour. Quoi qu'il en soit, l'évolution est naturelle, et d'autres tendances pourraient voir le jour.
 
Coté forums, je me détache de plus en plus, me concentrant sur les sujets qui me touchent vraiment. Je me contente de lire le reste, voire de zapper quand je n'y trouve aucun intérêt. Bon, en pratique il m'arrive parfois de me laisser prendre encore, notamment lors de la réouverture du forum de la CEV...
 
Ce journal aura évolué aussi (comme depuis qu'il a commencé en fait...). J'y aborde beaucoup plus le coté opinions, j'élargis mon cercle d'introspection à mes relations avec la société, et plus seulement les gens que je cotoie de près. J'évoque beaucoup moins les rapports privilégiés, qui retrouvent la place de l'intimité, donc hors-champ du déballage public. Je comprends mieux le besoin d'intimité par rapport à un environnement particulier. Le monde d'internet comporte aussi une part d'intime, quand bien même je peux évoquer de ce qui m'est plus personnel mais ne concerne que moi ou des inconnus pour les gens qui me lisent.
 
En fait, coté vie internautique, et notamment avec ce journal, 2002 aura été celle de l'exploration de mes rapports avec les autres, au sens large. C'est un coté de ma personnalité que je ne connaissais pas vraiment. C'est un autre moi que je découvre au fil des mois. Mon alter ego. Mais c'est aussi les autres et moi. Alter et ego.
 
Pas mal comme bilan de fin d'année, non?
 
En route pour de nouvelles aventures...
 
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« En commençant ma psychanalyse, je n'avais pas peur qu'elle me change. Je n'y ai même pas pensé. Je souffrais, j'avais besoin d'aide pour réparer ce qui semblait cassé ; l'aide se proposait sous cette forme et cette forme m'avait toujours tentée. Six ans plus tard, je mesure le chemin parcouru. La psychanalyse ne vous change pas, elle vous révèle. Elle vous replace au centre de votre vie. Je ne suis pas devenue une autre, je suis devenue moi. L'étrangère c'était l'autre, celle qui a habité mon corps pendant tant d'années.
 
Se découvrir soi-même donne de vraies certitudes. Je découvre ce que j'aime, ce que je n'aime pas, ce qui me rend heureuse, ce qui me rend malheureuse. Il devient facile de décider ce qui est bon pour moi et ce qui ne l'est pas. Ma vie change parce que je le veux...
 
Si tout est vraiment bien, je ne devrais plus m'intéresser qu'à des hommes bons pour moi et ça, ce sera un vrai changement»
 
Secrets partagés (27/12/2002)
 

 

 
 
 
 

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