L e  D i n e r  d e  C o n


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FRANCIS VEBER

Bruxelles. Passer deux heures à table avec Francis Veber est un plaisir. Certes, les questions fusent, les réponses sont décousues et les conversations s’envolent pour n’aboutir, parfois, qu’à des considérations disparates. Afin de facilité votre lecture et d’être le plus complet possible, nous avons regroupé toutes les déclarations du sieur Francis sous des mots clés. L’ensemble tourne bien évidemment autour de son dernier film:LE DINER DE CONS. Bon appétit!

LES PERSONNAGES: Ils doivent toujours avoir une faille, s’ils n’ont pas de faille, ils sont creux, vides. Les vrais héros ont toujours un problème. Sauf dans le cas des fables comme MONSIEUR SMITH VA AU SENAT où le personnage est un pur total. On peut tracer un parallèle entre celui-là et les personnages d’UN INDIEN DANS LA VILLE, LES VISITEURS ou ceux de TARZAN A NEW YORK : ce sont des idéalistes joyeux, des découvreurs de monde pour lesquels celui-ci représente une agression.

LE DINER DE CONS: Il a réellement existé. Je connais des gens qui y ont participé. Jacques Martin avait été convié chez Castel pour un de ces dîners. Il avait son con mais, le type est tombé malade. Jacques a appelé son hôte complètement affolé en lui demandant s’il n’avait pas un con de rechange. Castel lui a indiqué une réalisateur de télé, dont je tairai le nom, qui est incroyablement bête. Martin l’appelle, mais il s’est avéré que le mec était déjà pris par un des autres invités (rires). Claude Brasseur qui a joué la pièce m’a dit avoir été invité à un dîner de cons. Ces copains lui ont avoué après. C’était à l’époque où il faisait le Paris-Dakar, il suffisait de le brancher dessus, il ne décollait plus du sujet.

LES CONS: Thierry et moi, on était dans une voiture dernièrement et le chauffeur désire nous poser une question sur le cinéma. Il nous demande la différence entre un réalisateur et un metteur en scène? On lui explique que c’est la même chose. Ce sont deux rôles différents mais accompli par la même personne. Le mec interpellé par notre réponse nous déclare fièrement qu’alors le réalisateur est l’assistant du metteur en scène (rires) et il renchérit en passant sur la différence entre le comédien et l’acteur.(...) Il y a une catégorie redoutable, c’est le con qui veut rendre service, c’est le plus dangereux (...)La seule chose rassurante concernant les cons, c’est qu’on est toujours le con de quelqu’un.(...) Les gens vous surprennent plus par leur connerie que par leur intelligence.

LE RIRE ET LA COMEDIE: Le burlesque est destructeur. Vous entrez dans une maison avec Laurel et Hardy, quand ils en ressortent, il ne reste plus rien.(...) D’ailleurs Spielberg s’est planté avec son 1941 mais son film n’était que destruction. Les situations sont toujours grotesques.(...) Le rire est une défense. C’est la politesse du désespoir.(...)Le moteur du rire est presque toujours un ressort dramatique. Pour avoir le rire, il faut avoir ce danger.

L’ECRITURE: C’est mon film le plus épuré, le plus dégraissé. Je me suis toujours battu contre l’ennui au cinéma. La pièce faisait près de deux heures et demies, j’aurai pu garder tout. J’ai des souvenirs de rires durant toute la pièce. J’ai adopté un principe de mise en urgence qui est très difficile à adapter. Je ne sais pas si je pourrai le refaire. J’ai juste rajouté les scènes du début du film. Jean Poiret a fait une dépression nerveuse des suites de son adaptation de LA CAGE AUX FOLLES au cinéma. Il était sous médicament. D’ailleurs, le producteur m’a appelé pour demander de faire l’adaptation car il n’y arrivait pas. Je comprends pourquoi. J’ai eu le même problème lors de l’adaptation de ma propre pièce L’EMMERDEUR. Entre le théâtre et le cinéma, il y a un monde de différence. Le cinéma colle plus à la réalité. Ce qui marche au théâtre ne peut pas fonctionner au cinéma. J’ai mis trois semaines à résoudre mon cas. Même Simone Signoret m’a dit que je n’y arriverais pas.(...) Dans la pièce, il n’y même pas l’ébauche du dîner que l’on voit dans le film. Je n’ai jamais envisagé d’écrire réellement le déroulement d’un dîner. Cela aurait été très fastidieux de montrer des types racontant des bêtises et d’autres qui en riraient.

L’AUTO-SATISFACTION: J’ai horreur de ce que je fais. C’est pénible de taper une cassette d’un de ses propres films et de voir les défauts. Le seul moyen d’y arriver, c’est d’attendre qu’il passe à la télé et de se dire qu’il y a peut-être des millions de téléspectateurs qui regardent ce que vous avez fait.

LES PRISES: Mon record? J’ai fait 45 prises avec Gérard Depardieu. Il n’y arrivait pas. Il déteste se vanter. Dans Les Compères, il devait dire à son fils “viens, tu vas voir un journaliste au travail!”. Il en était incapable.

LE JEU D’ACTEUR: Quand on écrit, on entend ce qu’on écrit. C’est toujours une bagarre d’obliger un acteur à dire le texte de la manière dont vous l’avez écrit. Le comédien croit être dans le juste et vous devez l’amener sur un terrain qu’il ne croit pas juste alors que vous, l’auteur, savez parfaitement où vous devez et voulez l’amener.

LE CASTING: Il y a toujours un miracle sur un tournage. Un film, c’est tellement fragile que ça tourne très facilement. Si on n’a pas le casting, on est perdu. Ici, j’ai trouvé Francis Huster qui excelle dans le fou rire.(...) Thierry, lui, a eu une fameuse évolution dans son jeu. Il est parti d’un jeu parodique très facile à faire comme le célèbre “C’est-c’là, oui!” à un jeu dépouillé qui consiste carrément à se mettre à poil. Pour moi, il y est arrivé dans mon film; il n’a pas pu compter sur des effets.(...) Quant à Jacques Villeret, il a joué la pièce. La seule différence pour lui était d’intérioriser ce qu’il devait porter sur scène.(...) Ce qui était drôle dans le scénario a été magnifié par les acteurs. Villeret et Lhermitte forment un duo parfait. Il était impossible de reprendre Depardieu et Pierre Richard. D’ailleurs, Gérard m’a dit qu’il n’avait rien à foutre là-dedans.

LA CRITIQUE: Ce qui me fait le plus horreur dans les critiques, c’est quand je lis par exemple : ‘Qu’est-ce qu’a été faire Michel Serrault dans cette galère?’ Oh, oh ... mais prendre du pognon, comme tous les acteurs.

SUITE ET REMAKE: THE THREE FUGITIVES, c’est un accident. Le patron de Disney, Katzenberg à l’époque, m’a demandé si je n’avais pas un sujet pour lui parce qu’il avait vu LA CAGE AUX FOLLES. Ce n’était pas intéressant, je pensais que la deuxième version équivaudrait au propre du brouillon donc du premier. On a perdu les défauts et le charme du premier.(...) Bien sûr, on m’a demandé La chèvre 2 puisque les deux personnages partent sur le fleuve, mais je ne veux pas toucher à cela. Si au départ de l’histoire nous avons à faire à un héros récurant, là d’accord. La grande force du PARRAIN 2, c’est d’être situé dans le temps avant le premier. Les suites? Le plus souvent c’est un remake mal fait. JAWS 2, honnêtement comme est-ce possible que dans une bourgade où il y a eu tellement d’accidents avec un requin on réussit à ramener un autre requin? Qu’ils arrêtent leurs conneries! Dans LE JUSTICIER DANS LA VILLE, la femme et la fille de Bronson sont violées. Et quoi? dans les suites, c’est sa cousine et puis chaque fois qu’il sort de chez lui, on lui annonce qu’une autre membre de sa famille y est passé. Et lui, il repart avec son flingue. Bref, les suites sont toujours ridicules.

Propos recueillis avec gourmandise par Olivier Guéret, CINOPSIS'