LE MODÈLE INDUSTIEL DE DÉVELOPPEMENT MUNICIPAL:

CELUI DES COLLARD IRLANDAIS D'ALMA, AU LAC-SAINT-JEAN


Par Carl Beaulieu,M.A.
Historien et éditeur
Les Éditions du patrimoine inc.

Des précurseurs: l'alliance issue d'artisans irlandais et de navigateurs français


L'origine des Collard almatois est établie avec le mariage de Malvina Gauthier au cultivateur Louis Collard.
Ce mariage scellait l'union entre l'Irlande et la France.
L'épouse Gauthier s'avère la petite-fille d'un artisan-cordonnier, Nicolas Sheehy, venu se fixer en Charlevoix vers 1831 sur le site de la ville de Clermont, laquelle fut fusionnée en l'an 2001, à la ville de La Malbaie. Natif du comté de Cork, situé au centre-sud de l'Irlande, la famine de la pomme de terre l'avait incité, lui et ses frères James et Edward, à venir s'expatrier dans cette nouvelle contrée charlevoisienne. Ce nouveau pays s'avérait porteur d'avenir dans la mesure où Charlevoix, dans le secteur de La Malbaie, se trouvait sous la gestion d'une famille alliée des Irlandais, la famille Nairn d'Écosse, depuis 70 ans.

Du côté de l'époux Collard , ses ascendants venaient de Honfleur, en France. L'ancêtre Joseph, époux de Catherine L'Espagnol, arrivé à Québec en 1755, est identifié en tant que navigateur et capitaine de postes.

Des visionnaires de développement industriel


L'alliance franco-irlandaise que l'on retrouve avec des membres de la cinquième et de la sixième génération de la famille Collard à Alma, au Lac-Saint-Jean, présente des traits visionnaires selon l'approche entrepreneuriale suivante.
L'Odyssée de Joseph Collard, fils de Malvina Gauthier et de Louis Collard, témoigne du dynamisme de cette alliance. Car, de cette alliance, émerge un personnage profondément ancré dans son milieu et qui par le fait même lui insuffle un second souffle.

Né en 1886, ce fils d'Alma que fut Joseph Collard se révèle à l'instar de son père un industriel et un personage engagé dans sa communauté. L'industriel Collard a modelé ses entreprises de sciage et de cardage à son image. Établies à proximité de la Petite Décharge au moment de son mariage à Emma Harvey en 1921, celles-ci sont aussi influencées par les initiatives de son épouse.
Car cette dernière se trouve sa parente puisqu'elle aussi est d'ascendance irlandaise par sa grand'mère maternelle Clara Sheehy, fille de James Sheehy. Ce dernier est le frère de l'arrière-grand-père de son époux Joseph Collard. L'expérience acquise au sein de ses entreprises se traduisit lorsque Joseph Collard mit à contibution sa vision du développement pendant l'administration qu'il fit d'Alma durant ses dix ans (1932 à 1938, 1940 à 1944).

Le déclenchement du deuxième conflit mondial en 1939 s'avère un élément majeur de l'implantation d'une aluminerie quatre ans après. Aussi, les pressions exercées par le conseil municipal dirigé par le maire Collard eurent un impact significatif auprès du gérant général A.J. Whitaker, de l'Aluminum Company of Canada, en vue d'un tel établissement. Mais ce n'était pas l'industrie de guerre qui pressa Joseph Collard et son administration d'en arriver à une telle implantation. Elle origine plutôt du chômage chronique almatois provoqué par la fermeture de l'usine de la compagnie Price à Riverbend en 1933. Le gérant général Whitaker répondit positivement à la demande pressante de l'administration Collard. Toutefois, cette aluminerie, qui devait être en activité de façon "temporaire" afin de répondre à l'effort de guerre, connut plutôt un succès retentissant dès les premières salles de cuves aménagées en août 1943, apportant une production de 145 466 livres de métal dès leur mise en opération. Au bout de 25 années d'opération, 230 millions de métal primaire sont produits par les quatre salles de cuves installées: la 403 en 1943, la 404 en 1951, la 405 l'année suivante et la 406 en 1956. Ces activités généraient 500 000 dollars annuellement en salaires au cours des premières années. Ce chiffre s'élevait à 8 millions de dollars en 1967. En ce sens, l'action énergétique du maire Collard et de son équipe porta à long terme des fruits plus imposants. À l'aube de l'an 2000, cette usine fut remplacée par l'aménagement de la plus importante réalisation industrielle privée de ce siècle au Québec; l'érection de l'Aluminerie Alma de la Société Alcan au coût de 2,2 milliards qui sera agrandie par la suite pour accroitre son coût jusqu'à 3 milliards, permet la production de 400 000 tonnes métriques où 675 personnes sont actuellement employées.

L'hydroélectricité source de prospérité industrielle et municipale: une mission adoptée de père en fils


L'industriel Joseph Collard agit en gestionnaire responsable et ingénieux.Visionnaire au même titre que ses entreprises et de l'implantation de l'usine d'Isle-Maligne de la société Alcan en 1943, le maire Collard avait réalisé le redressement de la situation financière de sa ville. Effectivement, Alma se trouvait en position précaire sur le plan financier puisqu'elle avait contribué à l'implantation des compagnies Price (Riverbend) et Alcan (Isle-Maligne). Il s'assura ainsi d'obtenir l'amendement de lois établissant ces villes dites de compagnie en 1935 afin d'obtenir compensation pendant 30 ans. Ces versements monétaires guarantirent ainsi le paiement entier des dettes de la ville d'Alma.
Dans cette perspective où la crise sévissait et se traduisait alors à Alma par un chômage endémique, le premier magistrat Collard travailla de concert avec l'administration de ces villes-compagnies à réunir leurs intérêts avec ceux de la ville d'Alma. Malheureusement, il ne vit pas ce rêve se réaliser. Il décédait subitement le 24 janvier 1946, à l'âge de 60 ans. Toutefois, son neveu Lucien Collard, d'allégeance libérale, convainquit le gouvernement Lesage de fusionner Alma avec Riverbend et Isle-Maligne ainsi que Naudville en 1962 par une loi adoptée à l'Assemblée Légistative du Québec.

La municipalisation de l'hydroélectricité : le rendez-vous historique manqué à Alma ou l'erreur du siècle!



À l'instar de son père Joseph Collard qui se fit le pilier du développement industriel et municipal almatois, Jules Collard, qui avait pris en charge les entreprises de son père conjointement avec le concours de sa mère lors du décès de celui-ci en 1946, se révéla un visionnaire façonné à l'image du paternel. D'ailleurs, c'est lui, qui en tant qu'échevin de la ville d'Alma 1962 à 1965, préconisait l'assainissement des finances municipales avec l'acquisition en 1964 des réseaux hydroélectriques des anciennes villes de Naudville et d'Isle-Maligne au coût de 250 000 dollars. Cette proposition, qui avait l'appui du ministre des Richesses naturelles du Québec René Lévesque, qui avait assuré la deuxième phase de la nationnalisation de l'électricité en 1962, fut renversée par l'administration du maire Léonce Desmeules deux ans plus tard.
À ce chapitre, l'industriel Collard s'affirme énergiquement en faveur de la saine gestion des finances municipales par l'accroissement de la production énergétique de la Ville d'Alma. De ce fait il préconise toujours ,depuis cet événement de 1964, qu'il qualifie d'erreur du siècle, l'intégration du réseau hydroélectrique des anciennes villes de Naudville et d'Isle-Maligne (Compagnie électrique du Saguenay). Il appuie sa proposition sur le fait qu'actuellement la municipalisation du réseau hydroélectrique de la ville d'Alma génère un bénéfice net de 2 millions annuellement.
En somme, il y a un manque à gagner depuis 40 ans qui résulte de la non-intégration des réseaux hydro électriques de ces villes à celui d'Alma. Cela aurait généré des bénéfices nets (sur une période cumulative de 40 ans) d'environ 100 millions de dollars.Le combat des industriels Collard demeure toujours un défi prometteur pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui, à l'heure d'un redéploiement industriel massif, pourrait renforcer la situation financière de ses villes avec la municipalisation de l'hydroélectricité qui lui apporterait des ressources financières considérables en vue, d'une part, d'assurer leur bonne gestion (élimination de la dette), mais aussi de développer des projets qui favorisent l'amélioration de la qualité de vie (loisirs, culture) de ses citoyens tout en leur assurant des coûts de taxes minimes.


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