Commentaire de Jérôme Jaffré, Directeur du Centre d'études et de connaissances sur l'opinion publique :

UNE DEMANDE DE RECONNAISSANCE

Au second tour le l'élection présidentielle de 1995, le vote blanc et nul a frôlé les deux millions de suffrages et recueilli 4.8% des électeurs inscrits, 6% des votants. Pourtant, l'électeur "blanc" reste un inconnu dans notre système politique. Il ne figure ni parmi les abstentionnistes dont il se distingue soigneusement, ni parmi les suffrages exprimés.

Dans l'opinion publique, la demande en faveur de sa reconnaissance est forte, comme le montre le sondage réalisé à l'initiative du PARTI RADICAL en vue du colloque qui se tiendra à l'Assemblée nationale le 23 avril. L'enquête, conçue avec le CECOP, a été réalisée par l'IFOP les 9 et 10 avril, auprès d'un échantillon de 954 personnes. Elle révèle qu'une nette majorité des personnes interrogées souhaite que le vote blanc soit comptabilisé parmi les suffrages exprimés et même que les électeurs trouvent à leur disposition dans les bureaux de vote un bulletin blanc à côté des bulletins libellés au nom des différents candidats.

Tout semble aujourd'hui se conjuguer en ce sens : le désir naturel des électeurs d'élargir la palette des choix possibles et reconnus et le climat de critique aiguë envers la politique qui règne dans le pays.

7% des Français, ce qui représente environ trois millions de personnes, déclarent avoir souvent voté blanc ou nul, 13% quelquefois, et 16% très rarement. Les motivations de vote de l'électeur "blanc", qui le distinguent des abstentionnistes, ne sont ni le désintérêt ni le manque d'information mais avant tout le refus des candidats en présence et l'hostilité à la politique - qui est même la raison principale avancée par ceux qui recourent souvent à ce mode d'expression.

Reconnaître le vote blanc rencontre la faveur d'environ 60% des personnes interrogées par l'IFOP contre 40% d'avis contraire. Ce sont surtout les jeunes électeurs qui se prononcent en ce sens (à 75% chez les moins de 35 ans). 86% des cadres supérieurs et professions libérales s'y déclarent favorables. Enfin, quelle que soit l'orientation politique des interviewés, une majorité se prononce en ce sens, à gauche, à droite ou à l'extrême droite. Les plus réticents se trouvent au RPR (51% d'avis favorables, 47% hostiles). Mais ceux qui déclarent ne jamais voter nul ou blanc l'acceptent (à 52% contre 46%).

Cependant les interviewés se montrent très partagés sur les effets d'une telle réforme. Seuls 55% pensent que la reconnaissance du vote blanc permettrait de réduire l'abstention, contre 43% qui ne le croient pas. Preuve sans doute que l'usage du vote blanc est avant tout protestataire. L'argument contre le vote blanc selon lequel il desservirait la démocratie en rendant plus difficile l'élection des candidats recueille l'approbation de 46% des personnes interrogées. Ce qui tend à montrer que le débat public, s'il s'engage, sera plus ouvert que ne le laisseraient croire les chiffres globaux de l'enquête.

L'usage d'un bulletin blanc à la disposition des électeurs le jour du vote modifierait-il les résultats des élections ? On a cherché à le savoir en faisant revoter les sondés au deuxième tour de la présidentielle comme aux régionales en incluant dans les choix possibles le vote blanc. Environ un quart des personnes interrogées (23% à la présidentielle, 27% aux régionales), y aurait eu recours - proportion absolument énorme mais probablement exagérée par la facilité ainsi donnée aux abstentionnistes de transformer leur non-vote en comportement plus civique. Toutefois parmi ceux qui sont allés voter, les proportions restent importantes : 14% des électeurs du second tour de la présidentielle auraient voté blanc et 12% pour les élections régionales.

L'effet sur les résultats serait considérable. Certes il n'y aurait pas d'inversion des vainqueurs. Mais Jacques Chirac au lieu de l'emporter par près de 53% des suffrages exprimés aurait gagné avec 40% des voix contre 37% à Lionel Jospin - de quoi affaiblir la légitimité de tout président élu. Aux élections régionales, toutes les formations politiques auraient pâti de la reconnaissance du vote blanc. C'est, relativement aux autres forces politiques, le Front National qui aurait été le plus touché puisque son score serait tombé de 15.3% des suffrages exprimés à 8% des voix, soit une diminution de près de la moitié de son influence, contre environ le quart pour la gauche et pour la droite modérée.

Au total, ce sondage sur le vote blanc constitue un bon révélateur du malaise politique français. La progression des suffrages blancs et nuls ces dernières années, la demande de reconnaissance du vote blanc par l'opinion publique traduisent la montée des attitudes contestataires y compris dans le domaine électoral. La question qui se pose est de savoir s'il vaut mieux reconnaître le vote blanc comme exutoire civique ou attendre que la protestation emprunte des chemins qui pourraient se révéler plus dangereux.

Jérôme Jaffré

 

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MAIS AUX PRESIDENTIELLESS DE 2002
S'IL A SES CINQ CENTS SIGNATURES
ENVISAGEZ AU MOINS DE VOTER PIERRE RAHBI

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