Une fascination
Abandonné des hommes, le restaurant de la résidence universitaire d'Antony a rejoint, dans une détresse commune, les nombreux et divers lieux mis à l'écart. Seuls, ils existent en reclus de la société qui décidera un jour de les achever ou peut-être, qui sait, de les ramener à la mémoire.
Le tour de clef donné après l'ultime récupération de matériel, ainsi que la coupure définitive des circuits électrique et calorifique, a définitivement bouleversé le devenir du lieu. Le voilà plongé dorénavant dans une sorte de dimension irréelle où des odeurs de froid pèsent dans l'air et où les bruits sont devenus tellement sourds qu'ils en sont muets. Au milieu de cette atmosphère singulière le temps semble arrêté. Il est là, flottant au dessus de toute l'étendue du lieu sur laquelle il ne cesse de tamiser lentement une fine poussière. Par son action inéluctable il défraîchit minutieusement et de manière homogène un nappage de superficialité. L'altération de cette fausseté dévoile une sincérité, une profondeur insoupçonnée jusqu'à présent : l'âme du lieu nous apparaît.
Le temps s'immobilise comme prostré en admiration devant la franchise d'un tel lieu, authenticité qui transparaît à travers une plastique d'une force extraordinaire. Alors, les plasticiens que nous sommes ne peuvent que s'accorder avec ces amas d'heures et faire tout pour communiquer une telle richesse et la figer à tout jamais dans les souvenirs du plus grand nombre.
Un dernier hommage
Enfouis sous des kilos et des kilos de papier, cachés au fin fond d'archives, des chiffres nous ont révélés l'ancienne activité extrêmement riche d'un des lieux centraux de la Résidence Universitaire d'Antony : le restaurant. Une si importante fréquentation n'a cependant pu empêcher sa chute vertigineuse vers l'oubli qui le conduira, dans un futur proche, à sa destruction. Alors, à notre façon, avant qu'il ne soit trop tard, nous souhaitons rendre un dernier hommage à ce lieu.
Plus qu'un hommage éphémère, le médium photographique nous offre le pouvoir d'immortaliser à tout jamais. Il est l'outil du souvenir par excellence.
L'immensité du lieu ainsi que son importante fréquentation passée nous poussent à regrouper un certain nombre d'artistes afin d'avoir une variété de regards sur le lieu, tout comme chaque client (maintenant fantôme) pouvait y poser un regard personnel.
