TALKING HEADS
(Moulins à paroles)
de
Alan BENNETT
Traduction de Jean-Marie Besset

Elevé dans la province anglaise dans les années quarante et cinquante, on apprenait bientôt cette leçon inestimable que la vie,c'est généralement quelque chose qui se passe ailleurs.

Alan BENNETT

PRÉSENTATION

UN LIT PARMI LES LENTILLES
avec Nicole LAMER

UNE FRITE DANS LE SUCRE
avec Jean-Luc PARUSZENSKI

Mise en scène
Bertrand SAINT

Scénographie
Alexandre MOSCA

Lumières
Francis DECHENAUD

 

 

 

 

Si Bennett atteint à l'excellence avec Moulins à paroles c'est que sa parfaite familiarité avec l'Angleterre (présente et passée) et son oreille comique se sont ici mises à l'unisson d'une recherche plus intùne de quelque chose d'enfoui, de savoureux et de douloureux, du côté de cette province du nord, le Yorkshire où il a passé ses jeunes années.

Entre le rire des petits faits vrais qu'on se risque à raconter et les larmes des tragédies qu'on parvient à peine à couvrir, nos pauvres mots pour tout cache-misère, Bennett dessine les horizons fermés, la douleur et la tentation d'exister.

Jean-Marie BESSET .

On pourrait faire la litanie des expressions courantes enfermant leur germe de violence sociale." Des gens comme il faut " contiendrait à elle seule toute l'absurdité de rites sociaux pratiqués pour eux mêmes, vidés ainsi de leur sens. Peu importe " les gens l'essentiel est qu'ils soient " comme il faut

" Comme il faut quoi " :Quoi ? serait-on tentés de répondre.Et si un silence hébété ne suit pas la question, on pourrait décliner en une sorte d'inventaire à la Prévert les principes de la vie Itcomme il faut ".Vaste programme! Ici Suzanne et Graham, loin de se révolter, essaient de se plier à ces préceptes.Ils sentent sans le savoir qu'il n'y a pas de vie exemplaire.Il n'y a que des aspirations exemplaires.Mais la tâche est au dessus de leurs forces.Ils sont comme des enfants tentant de marcher avec les chaussures de leurs parents.

" Il y a eu une époque où je savais ce que j'allais faire de ma vie (... ) J'avais imaginé qu'à partir de cinquante ans je deviendrais une femme hors pair. Femme de médecin,femme d'architecte,présidente du conseil paroissial,pilier des réunions Tupperware (... ) Si ça avait été ça mon ambition, j'aurais fait en sorte de cultiver les talents nécessaires." nous dit Suzanne.

" Le café où nous avons l'habitude d'aller Maman et moi, est un peu au dessus du café ordinaire,siinple mais chic, pas de nappes.Les consommations sont servies sur une petite ardoise, et les serveuses s'habillent comme elles veulent.Elles ont l'air d'être là par plaisir " nous dit Graham.Quand ils s'aperçoivent que ce jeu social suppose nombre d'entorses cachées à la règle, le monde s'écroule.

Ils s'excluent eux mêmes car c'est ce qu'on leur demande.Tels ces hommes et ces femmes à la dérive,soliloquant dans le métro,ils entament leur métamorphose en " Têtes Parlantes ", égrènant les détails les plus infimes de ce qui leur semble une vaste tromperie.Et il exagèrent, ils sont injustes, ils décrivent un monde de pantins aux articulations grinçantes ; car réduite à ses rites sociaux, la vie se caricature elle même.Alan Bennett dit de ses personnages: "Ils ne racontent pas toute l'histoire." Entomologistes de leur propre désarroi, ils collectionnent les plus petits faits et gestes étayant la nécessité de leur ricanement.Certes la vie est plus complexe.Mais qui raconte toute l'histoire ? Quelle faille existe au delà de ces visages rencontrés dans l'autobus, ces gens " comme il faut " dont on a tendance à railler le conformisme ?

Suzanne et Graham sont à la fois l'homme ou la femme à la dérive soliloquant dans le métro, et ces visages " comme il faut " rencontrés dans l'autobus.La tentation est grande de ricaner aussi, de s'amuser avec commisération de ces vies trop ordinaires de la province anglaise où Alan Bennett fût é et apprenait bientôt " cette leçon inestimable que la vie c'est généralement quelquechose qui se passe ailleurs ".Mais changerait-on de lieu, de milieu, d'époque, cesserions nous de rire ? La question reste en suspens.

Ce passage du rire à l'effroi, par l'humour implacable et généreux d'Alan Bennett nous rapproche de Suzanne et Graham et de leur question au monde : La tentation d'exister.

Bertrand SAINT

 

 

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