La Musique pour flûte traversière
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Comparée a la flûte à bec, la flûte
traversière remplit, durant le Moyen age et la Renaissance, un rôle plutôt
secondaire. On ne cite que relativement peu d’exemples de son utilisation dans
le concert pour instruments et voix ou pour instruments seuls. Parmi les
représentations iconographiques les plus connues figure un luthiste exécutant
une chanson (le Maître des demi-figures, vers 1530). L’existence d’ensembles de
flûtes est attestée de manière occasionnelle seulement. Dans l’intermède II de
la musique pour les noces de Côme Ier de Médicis (1539) apparaissent
3 flûtes traversières sans doute de même tessiture, associées à 3 luths dans
l’exécution d’un madrigal. Un air de cour d’henry le jeune (1636) pour quatuor
de flûtes traversières (soprano, alto, ténor, basse) est mentionné par M.
Mersenne, il fait néanmoins figure d’exception comparé au quatuor de flûte à
bec, d’un usage très courant. Une des premières parties de flûte traversière,
indiquée comme telle de la même du compositeur, se trouve dans le psaume 113
de H.Schütz. Dans l’ensemble, le rôle de la flûte traversière, qui prendra une
exceptionnelle importance par la suite, n’est pas encore sensible autour des
années 1600. Sa sonorité douce l’exclut du groupe des instruments employés par
les ménestriers. Après 1650 elle réussit à s’introduire progressivement dans
l’orchestre d’opéra (J.B.Lully en 1677, R. Keiser en 1693). Elle y fera encore
longtemps partie des instruments concertants et sera utilisée surtout comme
instrument obligé dans les airs.
C’est en France, où se produisirent aussi les premiers flûtistes de renom, qu’il faut
chercher les débuts d’une véritable littérature pour flûte. Tous les flûtistes
de l’époque écrivirent pour leur
instrument. M. de La Barre est le représentant d’un style typiquement français
dans ses sonates pour flûte et basse continue et ses duos pour 2
flûtes. J.Hotteterre le romain publia en 1708 la première composition importante pour flûte solo (Ecos)
ainsi que de belles Suites pour flûte et basse continue. Fr. Couperin (Concerts
royaux) et J.Ph. Rameau (Pièces de clavecin en concert) donnent à la
flûte la possibilité de remplacer le violon. Cette même possibilité d’échange
entre flûte et instruments mélodiques se retrouve dans toutes la littérature
« champêtre » ( Sonates avec b.c de Chédeville, de Corrette,
de Caix d’Hervelois). J.M Leclair, pour l’exécution de ses œuvres, indique au
choix la flûte ou le violon (Sonates pour la flûte ou le violon avec
b.c, 2e Récréation en musique pour 2 flûtes ou violon et b.c)
de même que la flûte ou le hautbois (Concerto en do majeur pour flûte ou
hautbois, Cordes et b.c). Cependant, il atteint déjà dans la deuxième
récréation à un style particulièrement
approprié à la flûte. M. Blavet continue à développer cette écriture
spécifique dans ses Sonates avec basse continue, qu’il annota lui même
de respiration en vue de l’édition, et dans le brillant Concerto la
mineur, qui retient l’attention par sa
remarquable utilisation des gammes et par son habile technique des grands
intervalles. Ce sont surtout des particularités d’instrumentation que
représentent les Concerts pour 3 flûtes et b.c de M.Corrette et les
Concerts pour 5 flûtes de J. Bodin de Boismortier. La virtuosité est encore
développée par A.Mahault (Sonates avec b.c), L.G. Guillemain (Sonates
en quatuor ou conversations galantes et amusantes entre une flûte
traversière, un violon, une basse de viole et un violoncelle, 1743, 1756),
A.M. Grétry (Concerto en do majeur), J. Touchemoulin (Concerto en la
majeur) et Fr. Devienne, auteur de Sonates, de Duos, de Trios et
Quatuors avec flûte d’où la beauté mélodique n’est jamais absente.
En
Italie apparaît également une abondante littérature pour la flûte. Les 6
Sonates pour flûte, cordes et b.c d’A. Scarlatti appartiennent encore aux
œuvres qui ne sont pas spécifiquement écrites pour la flûte.
Par contre, A.Vivaldi a apporté à la
musique pour flûte des éléments nouveaux dans sa compositions pour diverses
formations de musique de chambre et dans ses concertos. Dans de nombreux cas,
il rejette l’emploi stéréotypé de figures mélodiques issues d’un doigté commode
et introduit les tonalités bémolisées, qui exigeaient du flûtiste de son temps
une remarquable habilité (Concertos pour flûte de l’opus 10, « Il
gardellino »). N. Porpora et G.B Pergolèse vont plus loin encore dans leurs concertos
en y introduisant aussi bien des gammes
que des motifs caractéristiques et en mettant l’accent sur la beauté du son.
Parmi les auteurs de sonates avec basse continue, citons G.B. Bononcini, P.A.
Locatelli, C.Tessarini et Fr. M. Veracini. On doit à G.M. Cambini, N.Jommelli,
A. Lotti, G.B Sammartini et Giovanni Schiatti des sonates en trio pour 2 flûtes
(ou flûte et violon, ou flûte et hautbois) et b.c. Il faut rattacher au style
italien les œuvres de J. Loeillet (de Londres), qui vécut en Angleterre, ainsi
que celles de J.Stanley. Plus rares
sont les quatuors avec flûte, cordes et b.c.(Fr. Mancini, G.B. Sammartini).
Mentionnons en particulier la forme du quatuor avec flûte sans basse continue,
qui prend naissance dans les premières années du classicisme et qui est
illustrée par des œuvres de L.Boccherini, T.Giordani et G. Paisiello.
Alors que les 6 sonates pour flûte de G.Fr.Haendel (trois
de l’opus 1 et les 3 Sonates « de Halle ») se cantonnent
encore dans les limites techniques traditionnelles, les œuvres de J.S. Bach
s’engagent sur des voies nouvelles et représentent un sommet de la littérature
pour flûte. Ont été conservées : les sonates avec clavecin obligé (en
si mineur BWV 1030, et en la majeur BWV 1032 ; les sonates
en sol mineur et en mi b majeur ne sont sans doute pas de Bach), les
sonates avec basse continue (en mi mineur BWV 1034 et en mi majeur
BWV 1035 ; la sonate en do
majeur est également d’attribution douteuse), la Partita pour flûte
seule en la mineur (BWV 1013), les sonates en trio avec violon (en do
mineur, de l’Offrande musicale, BWV 1079, et en sol majeur, cette dernière
d’attribution douteuse), une Sonate en trio pour 2 flûtes et b.c (en
sol majeur BWV 1039). La flûte apparaît comme instrument soliste
avec un ensemble de cordes dans la suite en si mineur (BWV 1067,
Badinerie), dans le trio du 5e
concerto brandebourgeois (BWV 1050) ainsi que le triple Concerto
en la mineur (BWV 1044).En dehors de œuvres, Bach a attribué à la flûte de
belles parties obligées dans sa musique d’église. La cantate Non sà che sia
dolore (BWV 209) constitue un joyau de la musique baroque pour flûte avec sa
sinfonia semblable à un concerto et ses deux grands airs avec flûte obligée. Bach exigé de la flûte
traversière baroque une haute performance technique et expressive sans jamais
dépasser pour autant les limite de l’instrument. Font exception la partita pour
flûte seule, qui pose de sérieux problème de souffle, ainsi que la sonate en
trio de l’offrande musicale, écrite, pour le flûtiste de cette époque, dans
une tonalité extrêmement défavorable.
La musique G.Ph Telemann se révèle remarquablement adaptée aux
possibilités de la flûte. Le compositeur non seulement use de dessins
mélodiques d’exécution aisée et d’une technique des grands intervalles éprouvée
mais sait tirer parti du caractère affectueux et «insinuant » (Eisel,1732)
de la sonorité de la flûte dans des pièces intitulées « ondeggiando », « cunando »
ou « con tenerezza » (sonates méthodiques pour flûte et
b.c). Ses œuvres vont des fantaisies pour flûte seule aux Concertos pour
une ou deux flûte, au double Concerto pour flûte à bec et flûte
traversière, au triple Concerto pour flûte traversière, hautbois d’amour
et viole d’amour, en passant par les sonates pour une et deux flûte avec
ou sans basse continue, les sonates en trio de formation variée, les
quatuors (Quatuors parisiens pour flûte, violon, viole de gambe ou
violoncelle et b.c), et les parties obligées dans les cantates (Harmonischer
Gottesdienst).
Parmi les fils de Bach, ce sont essentiellement Wilhelm
Friedemann, avec audacieux Duos pour 2 flûtes et une sonate en trio (2
flûte et b.c.), et Carl Philipp Emanuel (sonates avec b.c. et clavecin
obligé, Sonate en trio, quatuor, quintette) qui développent le
style de leur illustre père et l’élargissent sur le plan technique. J.Chr.
Friedrich Bach et J.Chr. Bach se situent au seuil du classicisme avec des
sonates pour flûte et clavecin obligé aussi plaisantes qu’expressives et des
quatuors, voire des quintettes, avec flûte. Des sonates et œuvres de
musique de chambre sont dues d’autre part à Fr. Benda, J.A. Hasse ,J. Matheson,
J.L Krebs, J.Ph. Kirnberger, J.J Quantz, Frédéric II de Prusse. Le genre du
concerto s’enrichit d’œuvres de J.Fr. Fasch (Double concertos pour flûte et hautbois), J.J Quantz, J.A
Hasse, Frédéric II. Le style nouveau prend forme peu à peu a travers les concertos
de C.Fr. Abel, L. Boccherini, D. Cimarosa (2 flûtes et orchestre), Chr.W.
Gluck, M. Haydn, L. Hofmann (son Concerto
en ré majeur fut longtemps attribué à J. Haydn) et A. Salieri (flûte,
hautbois, et orchestre).
Les œuvres de Mozart
forment le sommet de la littérature classique pour flûte (Concertos en sol
majeur KV 313 et en ré majeur KV
314 ; Concerto pour flûte et harpe en do
majeur KV 299 ; Andante en do majeur KV 315 et Rondo en ré majeur KV 184 Anhang). Malgré la
prétendue aversion du maître pour la flûte, il a tiré, là comme dans les
quatuors avec flûte (en ré majeur KV 285 ; en sol majeur KV 285
a ; en do majeur KV 171 Anhang ; en la majeur KV 298), le plus
grand parti des multiples possibilités de l’instrument. Ses sonate pour
clavecin obligé avec accompagnement de violon ou de flûte (KV 10 à 15)
sont de touchants exemples des dons d’un enfant prodige (écrites en 1764).
La sonate en sol majeur de J. Haydn comporte
deux mouvements de virtuosité et un mouvement central expressif.
La sonate en si b majeur de Beethoven
présente tous les caractères d’une œuvre de jeunesse : on y pressent le
grand compositeur mais certaines longueurs ne peuvent être niées. Par contre la
sérénade opus 25 (flûte, violon, alto) est une œuvre de maturité dont on
possède également une version pour flûte et piano (opus 41). On doit
encore à ce formidable compositeur un
trio en sol majeur (flûte, basson et b.c.) ainsi que 2 séries de variations,
opus 105 et 107, pour flûte et piano.
L’Introduction, Thème et Variations de Schubert sur « Trockne Blumen » pour
flûte et piano (opus 160) est encore de nos jours le cheval de bataille
de tous les flûtistes. Du même compositeur citons également un beau quatuor en sol majeur, D.96 (flûte, alto, violoncelle et guitare) inspiré d’un trio de
W. Matiegka (Flûte, alto et guitare).
Dans l’ensemble, le champ d’action de la flûte traversière au XIXe
siècle va de l’instrument soliste à l’instrument d’orchestre.
Le fait qu’à la même
époque musique symphonique (Beethoven, Mendelssohn,
Berlioz, Bruckner, Brahms, Dvoràk) et musique d’opéra (Weber, Donizetti, Bizet)
ont offert à la flûte de belles possibilités de s’exprimer est venu
contrebalancer l’indigence en œuvres de musique de chambre et en concertos. Parmi
les compositeurs de valeur ayant écrit pour la flûte, il faut citer A. Reicha (sonates,
quatuors, quintettes), J.M Hummel (Sonates), Fr. Kuhlau (sonates, fantaisies), C.M. von Weber
(trio pour flûte, violoncelle et piano opus 63 ; Romance et sicilienne
avec orchestre, opus 47 ; une sonate en ut majeur), G. Rossini (Quatuor
pour instrument à vent), C. Reinecke (sonates, concerto), G. Fauré (Fantaisie
pour flûte et piano, opus 79), M. Reger (sérénades pour flûte, violon,
alto, opus 77 a et 141 a), C. Saint-Saëns (Romance opus 37 ;
Odelette avec orchestre, opus 162), Charles-Marie Widor (Suite pour flûte et piano, Opus 34 ). Il convient aussi de
mentionner l’apparition d’une littérature originale d’études parmi lesquels les
pièces de A.B. Fürstenau ont une valeur musicale certaine (cf. également L.
Drouet, A. Hugot, Kaspar Kummer, J.L Tulou).
Dans la musique moderne et contemporaine, l’importance de la flûte et
par la même du nombre d’œuvres solistes pour cet instrument, s’est rapidement
accrue. Son répertoire va de l’œuvre pour flûte seule (Debussy, syrinx ; A.Honegger, Danse de la chèvre ;
J. Ibert, Pièce pour flûte seule ;
E.Varèse, Density 21.5 ; Ch.Koechlin, 3 Sonatines ;
G.Migot, 1re suite, 2e suite «Eve et le
serpent », Le mariage des oiseaux ; A.Jolivet, 5
incantations, Pour que l’image devienne symbole, Ascèses ;
P.Hindemith, 8 Stücke ; E.Krenek, Flötenstück neunphasig ;
J.N. David, sonate opus 31/1) aux œuvres de musique de chambre de
formation très éclectique (en partie avec flûte piccolo ou flûte alto), en
passant par des œuvres avec piano (Ch. Koechlin, A. Roussel, D.Milhaud, Fr.
Poulenc, G. Migot, A. Jolivet, F. Busoni, W. Fortner). Ont écrit pour flûte et
orchestre J. Ibert, A. Jolivet, Fr. Martin, E. Krenek, G. Bialas, Diether de la
Motte, Gunther Schuller, G. Petrassi ,M. Flothuis, T. Baird, A. Copland.
La sonatine pour flûte
et piano de Pierre Boulez (1946) est à l’origine d’un style qui
fait appel à des sonorités inhabituelles et requiert, en même temps qu’une
absolue maîtrise technique de l’instrument, des dons pour l’improvisation et
une imagination développée des couleurs sonores. Ce langage nouveau est le matériau
dont se servent Kl. Huber, K.H. Stockhausen, Silvano Bussotti, Wlodzimierz
Kotonsky, Br. Maderna et Y. Matsudaira.
Inspirées pour la plupart par
de célèbres virtuoses, les études contemporaines pour flûte sont dues,
entre autres, à Marcel Bitsh, H. Gagnebin, G. Bialas et H. Genzmer. Parmi les
méthodes de flûte traversière les plus appréciées de nos jours, citons : Enseignement
complet de la flûte de Marcel Moyse, la Méthode de flûte de
Taffanel-Gaubert et la Flötenlehre de H.P. Schmitz.