Hélène Ségara, Ciné-Télé-revue du 14 au 20 avril 2000 :

 

Elle a été l'émouvante ambassadrice du Télévie, qui a battu tous les records le week-end dernier. Ce samedi 15 avril sur France 2, au cours d'une soirée exceptionnelle, "Tapis Rouge" lui rend hommage avec toute l'équipe de "Notre-Dame de Paris".

Injustement oubliée lors des dernières Victoires de la musique, Hélène Ségara aurait pourtant mérité mille fois d'être couronnée. Pour ses performances de chanteuse (après avoir prêté ses traits à Esméralda dans la comédie musicale de Luc Plamandon et Richard Cocciante, elle fait un carton avec son nouvel album : "Au nom d'une femme"), mais aussi pour son courage, elle qui a bien failli ne plus pouvoir chanter en raison d'un kyste sur une corde vocale. Au mois de février dernier, elle nous avouait combien pénible sa lutte contre la maladie. Mais cette femme cache en elle des trésors de patience et une volonté formidable. Son expérience, qui s'est transformée en victoire, reste un exemple pour tous ceux qui connaissent le même désarroi. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si elle a été l'une des vedettes les plus applaudies de la grande soirée du Télévie, qui, le week-end passé, a permis de récolter une somme considérable pour la recherche. Aujourd'hui, Hélène Ségara n'a pas seulement retrouvé la scène et les plateaux de télévision : elle est redevenue une femme heureuse, qui a redécouvert le grand amour après une douloureuse parenthèse. Avant l'émission spéciale "Tapis Rouge" que Michel Drucker consacre à la troupe de "Notre-Dame de Paris", ce samedi 15 avril à 20h5sur France 2, elle se confie avec beaucoup de sincérité.

-La comédie musicale "Notre-Dame de Paris" vous a apporté beaucoup, mais vous a aussi coûté très cher. Au moment où vous avez coécrit la moitié des chansons qui composent votre dernier album, "Au nom d'une femme", vous traversiez de dures épreuves…

-Oui, c'était une période difficile, mais je n'estime pas que ces chansons soient torturées pour autant. Elles évoquent la lucidité des rapports amoureux, qui peuvent être très positifs ou très destructifs. Lorsque je les ai écrites, j'étais assez seule, et c'est vrai que le bilan était un poil négatif… (Elle se reprend.) Ce n'était pas négatif mais j'avais des regrets, et comme je n'ai jamais vécu avec des regrets, ça m'a fait tout drôle, parce que, pendant cette période de rééducation, j'ai voulu m'isoler. Mais, par exemple, un titre comme "Je te perdrai", que je dédie à mon fils, je ne l'estime pas vraiment négatif. C'est une fatalité, quand on est maman, de se dire qu'un jour, son enfant va mener sa vie tout seul.

-Le succès qui est le vôtre depuis l'année passée ne doit pas, en effet, faire que des heureux…

-Il y a deux aspects que je n'aime pas : d'abord cette façon de s'immiscer dans la vie des artistes, et ensuite, effectivement, dès que l'on commence à grimper les échelons, ce côté rivalité et compétition, que je déteste…

-Après avoir subi votre intervention chirurgicale, vous avez déclaré : "Deux ou trois personnes n'attendaient qu'une chose, que je crève pour prendre ma place…" Des personnes connues ?

-Je ne les citerai pas. Elles vont se reconnaître, je pense, et cela suffira… Mais je sais que des filles qui savaient déjà que j'étais malade auditionnaient ou étaient déjà dans l'équipe et attendaient en disant : "Mais il faudrait qu'elle s'arrête : je le ferai mieux qu'elle !" En fait, j'aurais du cesser de chanter sept mois plus tôt. J'ai voulu continuer, c'était très courageux de ma part, mais cela a failli être suicidaire. Moi, je ne désirais pas abandonner le rôle, parce que, quand j'ai refusé de faire Genève au mois de janvier, les organisateurs se sont retrouvés avec une doublure à ma place et les gens ont été très déçus. Il est évident que j'ai donné tout ce que j'avais, et il m'arrivait de rater une note sur scène. J'entendais des personnes dire : "La pauvre ! Elle ne sait même plus chanter…" Etre malade comme je l'ai été, avec neuf de tension, six kilos en moins en dix jours et un kyste hémorragique énorme et inopérable - j'ai quand même vu le docteur de Céline Dion à New York, qui m'a dit qu'il n'arriverait pas à m'opérer -, et continuer la scène jusqu'à ce qu'il y ait un claquage des muscles du larynx et aphonie totale, je demande à voir combien de personnes le feront à l'avenir. Comme je demande à voir combien d'Esméralda tiendront une année complète, comme je l'ai fait, avec un kyste aux cordes vocales, pas le moindre jour de repos, et la promotion du spectacle ("Notre-dame de Paris"), d'un album solo ("Cœur de verre") et d'un single ("Les vallées d'Irlande") à assurer !

-Estimez-vous être bien récompensée de tous ces efforts ?

-Oui. Les gens croient que j'ai beaucoup reçu avec "Notre-Dame…", mais j'ai aussi beaucoup donné. De toute façon, je n'ai aucun regret : Esméralda m'a comblée, elle m'a appris des choses sur moi-même, et en même temps, c'était une très, très, belle aventure. Ce spectacle et ce rôle était magnifiques, et je ne suis jamais sortie de scène sans avoir pleuré. Je ne me suis lassée de ce rôle merveilleux, que l'on peut faire évoluer chaque soir. C'était une belle page de ma vie, comme mon duo avec Andrea Bocelli, et j'espère qu'un tas d'autres vont venir…

-Il n'y a donc aucune rechute possible ?

-Ecoutez, vous savez à quoi était du ce kyste hémorragique ? Au fait que je n'ai jamais utilisé la respiration abdominale pour chanter : je ne savais pas chanter "techniquement". Je me suis improvisée chanteuse à 14 ans, et ça fait quatorze ans que j'ai chanté d'instinct. Moralité : je n'utilisais que ma gorge, et non mon souffle. Le fait de forcer durant des années et de me produire dans des endroits enfumés n'a évidemment rien arrangé, et encore moins le rôle d'Esméralda, pour lequel on doit interpréter des chansons tantôt très basses, tantôt très hautes. Au début du spectacle, une petite veine, appelée "micro varice", est apparue sur la corde vocale et m'a donné un léger voile sur la voix. Je suis allée consulter un médecin et il m'a prescrite un traitement circulatoire tout en me conseillant de ne pas trop chanter. J'avais signé pour "Notre-Dame de paris", j'étais obligée de chanter et j'ai continué à le faire. La veine s'est agrandie. Un soir, elle a éclaté, formant un petit kyste. Celui-ci, au lieu de s'en aller avec le traitement, a évolué et a pris en sept mois près de neuf fois son volume initial. Ca veut dire que j'avais les trois quarts de la corde vocale qui était empâtés par ce kyste. Ce qui a été important après mon opération, c'était la rééducation qui a suivi, et ce professeur, aux Etats-Unis, m'a montré comment ne plus jamais "tirer" sur mes cordes vocales. Aujourd'hui, quand je regarde certaines chanteuses à la télé, je vois tout de suite celle qui prennent des risques, celles qui vont à la catastrophe. Je ne citerai pas de noms, mais il y en a qui auront les mêmes problèmes que moi, sauf si elles s'arrêtent tout de suite. Bruno Pelletier a eu des polypes sur la voix et s'est abstenu de chanter pendant sept mois ; il s'est soigné et a pu éviter l'opération. Céline Dion a également évité l'opération, après trois mois de silence et de rééducation. Maintenant, je peux vous dire qu'en France, il y a des gens qui se font opérer et qui ne l'ont pas ébruité. Ca ne s'est pas su parce qu'ils n'étaient pas, comme moi, sur scène tous les soirs. Moi, forcément, j'ai disparu de la scène du jour au lendemain, des gens l'ont appris, et la presse à scandale s'en est emparée : "Elle a perdu sa voix." Il y a des chanteuses à qui c'est arrivé qui n'étaient pas dans un spectacle comme "Notre-Dame de Paris" et qui l'ont caché, qui l'ont passée sous silence comme une maladie honteuse. Or, il faut savoir que 80% des chanteurs rencontrent ce genre de problèmes. On dirait que c'est un tabou, alors qu'on trouve parfaitement normal qu'un sportif connaisse tôt ou tard des problèmes musculaires. Cela fait partie de notre métier et des choses qui nous obligent à avoir une certaine hygiène de vie - ne pas boire, ne pas fumer…- et à avoir un maximum de sommeil et de technique.

-Vous avez également vécu une rupture sentimentale particulièrement douloureuse…

- J'ai vécu trois ans avec quelqu'un, mais quand ma carrière a explosé avec "Notre-dame…", il n'a pas supporté que je ne sois jamais à la maison. Evidemment, quand vous travaillez treize heures par jour, vous rentrez chez vous que pour dormir. Ce sont des choses qui arrivent. Cela s'est passé il y a un an et demi, mais aujourd'hui, heureusement, le soleil est revenu dans ma vie.

- Peut-on dire que votre nouvel album est le reflet du bonheur retrouvé ?

- Cet album est une renaissance pour moi parce que c'est celui de toutes les réponses aux questions que je me suis posées pendant ces mois affreux où je me sentais seule et définitivement exclue de ma passion. Il a répondu à tout en même temps ; mon besoin d'écrire - parce que j'ai beaucoup écrit pendant cette période-, aux questions que je me posais sur ma voix… Il a fait passer des messages à des gens qui m'entouraient : je me suis adressé à mon fils, à l'homme que j'aime, … Il y a beaucoup de mois dans cet album, qui est très, très positif, même s'il peut paraître triste.

- On a l'impression qu' "Il y a trop de gens qui t'aiment" est adressé à votre ancien compagnon…

- A l'époque où l'on m'avait proposé cette chanson, oui, c'était le cas. Quand j'ai connu mon ancien compagnon, j'étais très mal dans ma peau, contrairement à lui. Je vivais à l'ombre de cet équilibre que je n'avais pas, et vice-versa quand les choses se sont inversées. Dans les deux cas, j'ai essayé de me mettre à sa place et d'anticiper ce qu'il pouvait ressentir, mais ça n'a servi à rien, parce qu'on ne peut malheureusement se mettre à la place des gens. L'auteur avait écrit ce texte à ce moment-là parce qu'il avait vu de ses yeux, mais je pense que c'est quelque chose que je peux revivre, car l'homme avec qui je suis aujourd'hui est merveilleux et ne laisse personne indifférent. Lui aussi le ressent parfois, quand je suis fort entourée.

- A la lumière de votre expérience, quel conseil pourriez-vous donner à un couple ?

- Le quotidien est important. Moi, je suis quelqu'un qui rentre très souvent fatigué et des fois très stressé, mais je ne m'en prends jamais à mon ami. Lorsqu'on aime une personne, il faut lui dire quand elle est là, pas quand c'est trop tard. Je pense que dans mon nouveau couple, depuis plus d'un an, j'ai évité cette routine. En tout cas, je vis une relation très, très romantique, comme je l'ai toujours attendue. Ce qu'il y a, c'est que je n'avais pas forcément la personne que j'attendais en retour. Il faut surtout trouver quelqu'un qui soit sur la même longueur d'onde que vous.

Yves Hobin.

 

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