Patrick Fiori, "Ciné Télé Revue" du 21 au 27 avril 2000.

 

Avec Lara Fabian, il formait un couple envié. Mais depuis leur rupture, les déclarations sont vives et incendiaires. Après l'émouvant "Tapis Rouge", le Phoebus de "Notre-Dame de Paris" se confie enfin. Son nouvel album raconte ses blessures. Des mots pour celle qu'il a aimée ? Ou bien un appel à la paix…

On entendait peu parler de Patrick Fiori, ces derniers temps, et pour cause : L'auteur-compositeur-interprète peaufinait son nouvel album, "Chrysalide", dont il a écrit la plage titulaire le jour de ses 30 ans. Le chanteur corse a mûri : la métamorphose est réelle, et il la revendique. Dans "Chrysalide", il chante beaucoup l'amour, même si, aujourd'hui, il semble consacrer exclusivement la passion qui l'anime à son métier. Celui quia si bien incarné Phoebus dans "Notre-Dame de Paris" s'engage aussi avec "Laissez-moi partir", une chanson qui s'insurge contre les erreurs de la justice, avec "Dieu pourra", un hommage à Mère Térésa, et avec "Encore", aux paroles autobiographiques. Mais il y a aussi, sur de belles mélodies, des phrases très fortes, comme dans "Juste une raison" et "Que tu reviennes", qui font immanquablement penser à la femme qu'il a aimée. Il y a un an, Patrick Fiori parlait avec facilité de sa vie, de ses amours. Actuellement, on a le sentiment de converser avec un homme dont la sensibilité est à fleur de peau. "J'ai été trahi", dit-il. Les médias sont-ils pour quelque chose dans sa rupture d'avec Lara Fabian ? La question restera sans réponse. Mais en lisant entre les lignes, on en apprend beaucoup sur le mal-être qui a succédé à une tendre passion.

Ce nouvel album correspond t'il bien à ce que vous êtes maintenant, c'est-à-dire un mélange de jeunesse et d'épanouissement ?

- Complètement. J'ai passé ma trentaine, j'ai fait ma petite crise. Elle a été bénéfique pour moi, puisque, aujourd'hui, tout est différent. Je m'en aperçois tous les jours : je sors de mon lit et il se passe plein de choses nouvelles…

C'était quoi, cette petite crise ?

- Le résultat d'une série d'accumulations, d'énormément de travail. C'est le passage de l'adolescence à l'âge adulte, tout simplement. Chaque homme connaît ça.

Ca s'est manifesté comment ? Vous avez cassé des voitures ?

- (Rires) Je ne suis pas du genre qui agresse. Jamais. Chez moi, tout se manifeste dans la musique, quoi qu'il arrive. Mes sentiments comme mes émotions passent par là. C'est ma manière. Je n'utilise pas de punching-ball : la musique adoucit les mœurs.

Vous êtes donc un homme tout neuf ?

- Et tout propre. Je me suis lavé. Il était 8h15…

Pour un artiste, vous vous levez tôt !

- Pour le tournage du clip, en Arizona, j'étais toujours debout à 5h du matin. Ca ne me gêne pas, la vie appartient à ceux qui se lèvent tôt. Le seul problème, c'est que je n'arrête plus. Il faudrait que je me calme, parce que cela m'empêche de dormir.

Il y a dans votre album pas mal de chansons mélancoliques et une vision assez pessimistes de l'amour. Cela correspond t'il à votre état d'esprit actuel ?

- On se retrouve toujours au travers d'un texte, d'une chanson, mais mélancolique, non. Dans "Tout le monde sait parler d'amour mais pourquoi faut-il toujours qu'on reste sourd ?", il y a un côté très positif. Parce que c'est vrai qu'on n'avoue pas et qu'on a une fâcheuse tendance à penser que parler d'amour est démodé. On a l'impression qu'oser dire les choses est mal vu.

Dans "Juste une raison", vous parlez pourtant de l'amour qui tourne à la haine. Avez-vous connu ce renversement de situation ?

- Pas du tout. Une histoire d'amour ne s'oublie jamais. C'est comme une naissance : elle reste ancrée à la vie. L'être humain est parfait dans ce domaine, il arrive à tout retenir.

Quand on aime, la page n'est jamais tournée ?

- Jamais, mais attention de ne pas détourner le sens de ma phrase. Je veux juste dire qu'on n'oublie pas les gens.

Que l'amour puisse se transformer en haine vous semble étrange ?

- Je ne trouve pas ça bien. Quand on a aimé, on doit rester sur les bonnes impressions qu'on a eues. Nous ne sommes pas sur terre pour nous haïr.

Vous rendez aussi hommage à Mère Térésa. Que représente-t-elle pour vous ?

- La passion, la compassion, la vérité, l'aide, l'entraide et, surtout, le dévouement. J'ai trouvé magique cette association avec la princesse Diana. Je pense à tout ce qu'elle a fait pour Calcutta, pour ces gens qui, malheureusement, terminent dans des mouroirs, avec ce courage de les accompagner jusqu'à la lumière.

Quelles sont vos croyances ?

- Je suis chrétien et orthodoxe par mon père, qui est d'origine arménienne. Je me balade toujours avec mon chapelet. Je crois sincèrement qu'il y a un bon Dieu. Je suis pratiquant.

Auriez-vous aimé rencontrer Mère Térésa ?

- C'est un peu comme si je l'avais fait : j'ai la chance d'avoir en ma possession une médaille bénite de ses mains. Elle m'a été donnée par Tony Cointreau, pour qui j'avais composé à l'époque "Un rayon de lumière".

On a l'impression que vous revendiquez vos 30 ans. Avez-vous le sentiment que vus êtes mieux dans votre peau aujourd'hui qu'hier ?

- Pas spécialement mieux, mais plus sage un peu moins fougueux.

On vous décrit à la fois fort et fragile…

- C'est le cas. C'est vrai que suis très sensible, peut-être un petit peu trop, et, malheureusement, certaines personnes en abusent. Je suis tellement obligé de me blinder… Et en même temps, je ne veux pas perdre cette part d'innocence et cette spontanéité qui viennent de mon éducation. Mais aujourd'hui, je me dis qu'il va peut-être falloir changer un peu les données, parce que je suis trahi. Je vais devoir me taire. Les grands discours passeront à travers mes chansons.

Est-ce votre dernière interview ?

- Non, mais c'est clair que je ferai très attention.

Faites-vous allusion à la rançon de la gloire, à des gens qui viennent vers vous uniquement parce que vous êtes sous les projecteurs ?

- Non, mais certains ont pour unique but d'essayer de vous déstabiliser, de vous faire parler, de vous toucher à fleur de peau, de vous piéger.

Vous parlez des médias ?

- Oui, et j'en ai encore eu la preuve. Récemment, un journaliste s'est présenté comme appartenant à un magazine. C'était faux. Il m'a prêté des propos odieux. Je ne ferai plus jamais confiance à ce canard-là et à ce journaliste, qu'on a pas encore identifié. Pour le moment, c'est monsieur Personne. Il s'est tout de même retrouvé en face de moi, avec pour résultat une interview déformée.

Vous portez la barbe. Est-ce une protection supplémentaire ?

- Oui.

Celai plaît aux femmes ?

- Cela me donne un côté plus viril.

Vous avez envie de piquer un peu ?

- Parfois, je l'avoue ! (Rires.)

Vous chantez "Terra umana" en corse, en hommage à l'île de Beauté. Pensez-vous que, dans un avenir proche, tout y sera paisible ?

- Mais la vie y est paisible ! Il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qu'on raconte. Ne pensez-vous pas qu'il soit plus important de se soucier des enfants qui marchent sur les mines antipersonnel ? Nous sommes en l'an 2000, et des innocents se font encore éclater la tronche. Sans oublier celui qui est dans la rue et à qui on devrait offrir un hamburger - c'est la plus grande des catastrophes. La Corse est un problème, mais pas majeur. Un être humain qui tombe, c'est beaucoup plus important qu'un immeuble.

Laetitia Casta incarne-t-elle votre idéal féminin ?

- Je l'adore, et elle représente cet idéal pour beaucoup d'hommes. Je la trouve charmante et j'apprécie énormément son travail. Je connais son père, je la connais et j'aime beaucoup cette manière de mettre la Corse à l'honneur.

"Que tu reviennes" est-il un cri que vous lancez à Lara Fabian ?

- Ah non, pas du tout ! C'est un cri d'amour qui s'adresse à tout le monde.

Vous chantez "Et du passé qui s'endort, il n'y a plus rien à retenir". C'est une phrase terrible. Etes-vous du genre à ne pas vous retourner ?

- Je me retourne toujours sur mon passé, pour voir ce que je n'ai pas vu. J'essaie d'y faire très attention, comme à mon futur.

La mère de vos enfants, vous l'imaginez comment ?

- Pour l'instant, je ne l'imagine pas.

De toute façon, quand on est beau mec et chanteur à succès, la vie de célibataire ne doit pas être un enfer…

- Mais ma vie n'a jamais été un enfer. Au contraire, je trouve enrichissant d'être seul. Je vis dans mon petit appartement, en tête-à-tête avec mon piano, je converse avec lui. Cela me permet de travailler beaucoup plus, et, finalement, cela me rend heureux.

"Il n'y a plus grand chose à dire", cela signifie-t-il qu'en amour, vous baissez les bras ?

- Non, mais je peux reconnaître mes erreurs et demander pardon. Je peux dire et me dire que je me suis trompé et quelque part, m'asseoir et confesser : "Je suis désolé, je ne voulais pas te blesser, je te demande de me pardonner."

Propos recueillis par Bernard Ales.

 

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