Patrick Fiori, "Gala" n°306 du 4 au 10 mai 2000 :

 

Depuis sa rupture avec Lara Fabian, il se taisait. Mais pour la sortie de son nouvel album solo, Chrysalide, la révélation de Notre-Dame de Paris fait le point et prouve qu'il est toujours un passionné de la vie.

Un bureau de sa maison de disques, à Paris. La barbe soigneusement taillé, un pull à col roulé noir, Patrick Fiori parle comme toujours : avec fièvre. On pourrait prendre ses envolées pour de l'emphase, mais non : il est littéralement galvanisé par la sortie de son nouvel album. Et pour Gala il n'esquive aucune question...

 

Votre nouveau disque s'appelle Chrysalide. Vous êtes en pleine métamorphose ?

J'ai écrit ce titre le 23 septembre 1999, le jour de mes trente ans. J'étais en studio, en train de refaire une rythmique, quand, vers 3 heures de l'après-midi, toute m'a vie m'est revenue en tête. Je me suis mis à me poser des questions : où en es-tu ? Comment te sens-tu ? Que veux-tu faire ? Jusque-là, je me sentais chrysalide. Aujourd'hui, je me sens papillon. J'ai l'impression d'être sur un arbre en fleur et de regarder le monde autrement.

 

Qu'est-ce qui a changé en vous ?

Je suis devenu un homme... Un peu tard.

 

Qu'est-ce qui vous fait dire que vous ne l'étiez pas tout à fait ?

Plein de choses. Je gueulais pour rien. Je coupais sans cesse la parole aux autres. J'étais moins ouvert au monde. Aujourd'hui, j'ai plus de sagesse. Je suis moins speed, moins enflammé. Je suis Balance ascendant Sagittaire : le Sagittaire, signe de feu, s'est un peu calmé, et la Balance prédomine.

 

Dans une de vos chansons, vous dites : "On m'a déjà brûlé les yeux mais je n'ai plus peur du feu..."

J'en ai toujours peur, bien qu'aujourd'hui je puisse passer mes doigts au-dessus d'une bougie. Au sens propre comme au figuré. J'ai fait confiance à des gens qui ne le méritaient pas. Maintenant, pour me toucher, il faudra viser vraiment très haut. Ma carapace est costaude, ce qui ne m'empêche pas de rester sensible. Mon père m'avait dit : "Fais attention, mon fils." J'ai l'impression d'avoir trop parlé... J'ai toujours été sincère, mais, aujourd'hui, je vais davantage me taire.

 

Une chose a changé dans votre vie : le succès est arrivé, après dix ans de galère. A-t-il des inconvénients ?

On ne pense pas assez à sa vie, on fait trop de concessions, on s'oublie. Entre mon album et Notre-Dame de Paris, je me suis retrouvé dans une spirale infernale. Je ne regrette rien. Il faut toujours répondre présent et je ne crois pas avoir été minable. Maintenant, je vais m'occuper seulement de moi...

 

C'est pour cela que vous avez arrêté Notre-Dame plus tôt que vos partenaires ?

J'aime changer mes habitudes. Notre-Dame, c'était retrouver tous les soirs mes pantoufles. J'ai eu envie de me mettre d'autres coups de pied au fesses.

 

L'aventure anglo-saxonne de Notre-Dame aurait été un autre challenge. Pourquoi n'en faites-vous pas partie?

Ils n'ont pas voulu. Je voulais participer au disque. Je me serais éclaté, j'en suis sûr ! Mais pour moi, il n'était pas question de faire de la scène. Ils m'ont répondu : "Ce n'est pas assez intéressant pour nous." Je leur ai dit : "Si c'est juste une question d'intérêt, je ne le fais pas." D'abord parce que je n'avais pas la moindre envie de vivre pendant six mois en Angleterre. Déjà, Paris, c'est dur pour moi. J'aurais pété les plombs là-bas, je suis trop attaché à la France ! Avec Notre-Dame, j'ai rempli ma mission. La page est tournée. Mais croyez-moi, elle reste dans mon livre de bord.

 

Assisterez-vous le 23 mai à la première londonienne ?

Oui. J'ai déjà prévenu ma maison de disques : "Ce jour-là, vous m'oubliez ! " Je veux voir comment va se débrouiller le nouveau Phoebus. Je ne l'ai jamais vu. On ne me l'a jamais présenté ! Ca m'intrigue car, quelque part, il m'appartient ce rôle.

 

Dans votre album, vous chantez : "Je marcherai toujours tout autour de la terre quoi qu'il arrive." Il y a chez vous une incroyable détermination. Vous donnez l'impression d'être habité...

Habité, non, mais protégé, oui... Je suis persuadé que quelqu'un de ma famille veille sur moi. Mais ne me demandez pas qui, c'est perso. Quand je fais une connerie, j'ai l'impression qu'on m'aide à retomber sur mes pattes.

 

Etes-vous mystique ?

Je suis chrétien, mais j'ai des croyances qui sortent un peu de l'ordinaire. Je crois en Dieu, j'allume des cierges, j'ai mon chapelet sur moi, je fais ma prière tous les soirs comme les petits garçons.

 

Pratiquant tous les dimanches ?

Non. Mais je suis allé à l'église hier, en fin d'après-midi, à Bonifacio, un endroit rude, minéral, racé. J'ai trempé mon doigt dans le bénitier, j'ai chanté le Salve Regina, l'hymne corse, et j'ai fait une prière pour dire : "Merci mon Dieu, de me protéger autant."

 

Vous semblez sûr de vous.

C'est l'impression que je donne, je sais, mais c'est ma manière de me rassurer...

 

Vous pouvez changer d'avis ?

Si je me suis trompé, oui. Mais il faut me prouver par a+b que j'ai tort.

 

Cette année, vous avez connu un autre grand changement, la fin de votre histoire d'amour avec Lara Fabian. Que s'est-il passé ?

La vie nous réserve des surprises, parfois bonne, parfois mauvaises. Que dire de plus ? Ca arrive à tout le monde. Je n'ai pas l'impression de m'être trompé. Sans doute est-ce ainsi que les choses devaient se dérouler. Je me dis que c'est la fatalité. Il faut garder la tête au-dessus des nuages et se dire qu'on va continuer à avancer.

 

Vous avez tous les deux un caractère entier. Est-ce cela qui a rendu votre amour impossible ?

Mais rien n'est impossible ! C'est juste la vie... Aujourd'hui, c'est du passé, mais je regarde cette période de ma vie avec plaisir. Je me dis que j'ai vécu deux années magnifiques. J'ai beaucoup de respect pour Lara. Je m'incline. C'est une femme très bien.

 

Comment avez-vous réagi quand, dans l'interview où elle annonçait votre rupture, elle n'a pas cité votre nom?

Je ne suis pas la télécommande de sa bouche. Elle est libre de dire ce qu'elle veut. Si elle ne veut pas me citer, ce n'est pas grave...

 

L'amitié est-elle possible après l'amour ?

Complètement ! Pour moi, c'est ce qui serait le plus intelligent. On est nombreux sur la terre, mais un jour l'autre, on se retrouve face-à-face, et ce jour-là, il faut pouvoir se regarder dans les yeux. Notre destin n'était peut-être pas de finir ensemble mais cela ne doit pas nous empêcher de reparler musique ou de rire ensemble.

 

Vous vous êtes reparlé récemment ?

Non. Sacarrière internationale lui prend beaucoup de temps et je lui fais confiance pour la réussir.

 

Dans Il n'y a plus grand chose à dire, vous chantez : "Alors je ne dis rien et c'est un mot de trop." Vos rapports étaient-ils arrivés au point où ne rien dire, c'était déjà un mot de trop ?

Stop ! Il y a des choses que j'ai envie de chanter, et non de dire.

 

Quand on croit autant à une histoire, comment se réveille-t-on ?

Avec la gueule enfarinée.

 

On se dit qu'un jour on retrouvera la femme de sa vie ?

En ce moment, je n'ai pas envie de me poser cette question. Tout ce que je sais, c'est que j'ai trouvé l'enfant de ma vie : cet album.

 

C'est une protection, ça...

Oui. Maintenant, je me protège à mort.

 

On dit que vous êtes amoureux en ce moment ?

Ah bon ? Mais oui, je suis fou amoureux de mon album. J'y ai mis toutes mes tripes. Je n'ai aucun reproche à lui faire. Moi qui suis très perfectionniste... je n'en reviens pas !

 

Bertrand Tessier.

 

Retour au sommaire des articles de Patrick Fiori.