TROPICALES
EQUATEUR - COLOMBIE
Le Pérou. Ravagé par le terrorisme, la corruption,
l’inflation, la dette, la cocaïne, la pauvreté absolue...Il ne leur manquait
plus que le choléra et les seïsmes pour “parfaire” le tableau. Mais qu’ont fait
les Péruviens, ces gens si chaleureux, si hospitaliers, si généreux pour le
voyageur venu de loin, pour mériter un tel sort ?
CÔNES GLACES
Je suis passé en Equateur
un peu avant que ne se déclenche cette catastrophe humaine aux conséquences encore
incalculables. Quel contraste, lorsqu’on franchit la frontière entre les deux
pays : d’un côté, le désert de sable, des maisons miséreuses, à peine bâties,
un ciel en permanence brûmeux, des routes défoncées ; de l’autre, une abondante
verdure, des habitations coquettes, un ciel bleu, un bon bitume. Et pourtant,
cette différence n’apparait pas, si l’on se contente de consulter les fameux
indicateurs économiques...
Oui, la verdure, que
j’avais oubliée depuis six mois, traversant la glaciale puna argentine,
l’aride altiplano boliviano-péruvien, la désertique côte Pacifique. Un coin de
Bourgogne ! Ou de Suisse, en approchant la Chaîne des Volcans, dont les cônes,
à 5 000 - 6 000 m d’altitude, sont
couverts de neige. Ce sont les symboles de la Sierra équatorienne, au point que
les départements ont pris le nom du volcan qu’ils hébergent.
Rupture donc pour les
paysages, mais continuité pour la “indianidad”. Celle-ci a même plus de
force en Equateur, où le mouvement indien, fort de 4 millions de personnes (40%
de la population), se constitue actuellement en force politique, afin de
réclamer le respect de leurs droits, bafoués depuis la conquête espagnole. Les
Indiens ont gardé, sauvegardé l’essentiel de leurs coutumes, de leurs tenues,
différentes d’un village à l’autre, et tentent de conserver leur langue : le quichua,
celle...que les Incas ont réussi à imposer à tout leur Empire, à de rares
exceptions près.
DESCENTE AUX ENFERS SUR
PILOTIS
J’ai souffert, sur
l’altiplano équatorien, qu’ici on dénomme paramo : incessant jeu de
montées-descentes. Me voilà pris dans un yoyo, au gré des vallées descendant
depuis la ligne de crête, soit vers le Pacifique, soit pour un voyage plus long
vers le Bassin de l’Amazonie. Ces montées n’ont rien à envier au Tourmalet ou
au Galibier. Au surplus, à 3 000 - 4 000 m, voire, pour l’accès au refuge du
Chimborazo, à 4 800 m ! Quand on vient du niveau de la mer, cela correspond à
un joli dénivelé, vous me l’accorderez.
Mon idée première était de
traverser en coup de vent ce pays, dont l’accueil, au demeurant, me semblait
moins enchanteur qu’au Pérou. Il faut dire que l’Equateur est une oasis de
tranquillité entre ces deux hauts lieux de violence que sont le Pérou et la
Colombie, et que la seule peur des Equatoriens est que celle-ci ne devienne
produit d’importation dans leur pays. Alors, on se méfie de tous, encore plus
de ce type bizarre, un peu vagabond, juchant un curieux deux-roues rempli à
ras-bords de sacoches. Et en plus, il prétend qu’il n’a pas de moteur ! Alors,
que vient-il faire là, si ce n’est pour voler les vaches ? C’est ce que pense
ce “brave” paysan, un matin que je plie ma tente, qui veut fouiller mes
sacoches, des fois qu’il dépasserait une corne...Un autre me poursuivra,
machette à la main, avant de m’inviter à dormir et me gaver de bananes : il
croyait au départ que je venais voler sa récolte de cacao !
Je commets une première
entorse à mon idée d’aller au plus vite, en descendant une première fois sur la
côte, afin de connaître GUAYAQUIL, le grand port et la première ville du pays.
Un port sera toujours un port, avec son agitation et son insécurité, et j’y
découvre toutes les caractéristiques d’un climat tropical, presque inconnu de
moi depuis le temps que je roulais en permanence au-dessus de 3 000 m : chaleur
humide, moustiques et toutes sortes d’insectes ravageurs, nuits pesantes...
A BABAHOYO, les
inondations lors de la saison des pluies sont si dévastatrices que les maisons
de canne et de bambou sont construites sur pilotis. L’égoût est tout trouvé,
juste en-dessous des cases, pas besoin de creuser : les pluies se chargeront
d’évacuer le tout, un jour. Bonjour les odeurs et la salubrité, ils sont en
première ligne pour la propagation du choléra. Pauvre humanité de gens qui se
démènent dans les pires conditions pour survivre, mais oublient cette misère en
pratiquant la politique du sourire...ou de l’enivrement, avec l’aguardiente
(alcool de canne).
DANSE SUR UN VOLCAN
Ouf ! Au prix d’une rude
remontée de 0 à 3 850 m, je me retrouve dans mon élément : fraîcheur, verdure,
eau et nourriture saines. Un semblant d’Europe, parfois, avec des toits en
chaume, de plantureuses vaches. Mais le visage et les tenues des gens viennent
me rappeler que je suis bien en territoire indien, au coeur des Andes. A
RIOBAMBA, c’est un panorama circulaire qui s’offre à mes yeux: de toutes parts,
les cimes enneigées des nevados, ces volcans pour la plupart en léthargie.
Mais gare...QUITO connait
trop bien le danger qui couve, régulièrement secouée par des séïsmes qui un
jour l’engouffreront. Le dernier, en 1985, a endommagé les vieux quartiers, et
au premier rang, ces chefs d’oeuvre d’art colonial que sont les superbes
églises quitenyas. Cette ville est toute en longueur, comme fixée par un
aimant au pied d’une cordillère, alors qu’elle pouvait s’étaler dans la proche
vallée de Los Chillos...Quito est non seulement une belle ville, c’est de
surcroit une ville à la population accueillante : je quittais à peine une
famille qu’une autre voulait m’héberger quelques jours de plus. J’y aurai ainsi
connu cinq logements différents ! De quoi me remettre des rudes efforts
consentis dans ces sierras en dents de scie.
Entre autres, le plus pur
hasard (un article lu dans un journal, chez un cycliste qui m’a rencontré
fortuitement !) m’apprend que Daniel François est en ville. Daniel, c’est ce
journaliste baladeur devant l’éternel, du style 36 métiers, qui, la quarantaine
naissante, s’est dit qu’il lui fallait parcourir l’Amérique Latine, de la
Guyane à l’Argentine en passant par la Floride. Avec Catherine, notre motarde
sympa embarquée dans un lent tour du monde à moto, nous troquons les infos : je
te dis comment ça va au Pérou, tu me rencardes sur la Colombie.
Les gens ont fini par me
convaincre que je devais mieux connaître la côte : je suis donc redescendu y
faire un tour. Par chance, la saison des pluies attendra un peu pour entamer
son oeuvre de pilonnage. Cette côte est à la fois très riche pour les cultures
variées qu’elle permet (café, riz, cacao, maïs, coton, yucca, mangos et surtout
bananes), et très pauvre pour les gens qui y vivent, employés dans ces immenses
bananeraies disposant de pistes d’atterrissage, de routes privées, de gros
comptes en banque à l’étranger...La côte proprement dite est finalement assez
peu envahie par le touriste : au bord d’un Pacifique déversant sur le sable
d’énormes rouleaux à surfer, de petits villages vivent d’une pêche artisanale,
et leurs habitants lancent leurs frêles esquifs, parfois jusqu’à l’orée de la
nuit, afin de profiter de la présence d’un banc de poissons repéré par une
vigie.
C’est le moment du farniente
: les plages me tendent les bras, la baignade aide à supporter la chaleur. Chez
Jorge et Claudine, je me repose du vélo : Jorge, solide gaillard barbu qui ne
ferait pas de mal à une mouche, encore moins à ses trois phénomènes de gosses,
s’est marié à une Belge, qui l’a suivi dans l’épopée de bâtir de rien un relais
pour touristes. Durant deux semaines, je refais la peinture, un peu de
maçonnerie, me retape culinairement à coups de viande de requin et autres
délices préparées par Claudine...et Atena, provisoirement inutile, commence à
rouiller, au contact du sel marin !
Dernière remontée, la plus
dure de toutes, à 4 000 m, par une piste bien peu connue des Equatoriens
eux-mêmes. Ici, loin de la fureur de la Panaméricaine, on sent un peu mieux
battre le coeur de ce petit pays, auquel j’ai fini par m’attacher, au gré des
rencontres. Mais il me faudra franchir encore de bien redoutables cols, avant
d’entrer en Colombie. Plus que jamais, dans le nord de l’Equateur, puis à
travers le “pays du café”, je comprends pourquoi les grimpeurs, les “trepadores”,
sont si bons par ici : ils ont un excellent terrain d’entraînement le long des
600 km de Quito à Popayan. Ça n’arrête pas de danser entre 1 500 et 3 000 m !
PHOTOS EQUATEUR : cliquez sur les vignettes pour agrandir
CHAUDE CALI
J’arrive vidé à CALI,
première grande ville que je rencontre en Colombie. Cali, ville cuite et recuite
par le soleil, coincée dans une vallée grandement consacrée à la canne à sucre,
que j’aborde crotté jusqu’aux oreilles, après une nuit diluvienne. Cette ville
n’a pas la panoplie intégrale d’une ville-musée, loin s’en faut. Il s’en dégage
pourtant un charme certain. Serait-ce du à la coquetterie des femmes du lieu ?
Il est vrai que le voyageur solitaire, depuis longtemps sur les routes, dans
les montagnes, confronté à la rudesse des pistes et de la météo, ne peut rester
indifférent à une occasion de se gaver de points de vue. Mais chtt, Atena
pourrait m’entendre.
Avec cette ville, j’aborde
le pays où les fruits sont rois: goyaba, maracuya, papaya, mango, platano,
borojo, lulo, fresa, uva, mora, pinya, tomate de arbol...une véritable
symphonie! Un peu plus loin, c’est la région cafetière qui m’attend, une
fourmillière où s’active une population industrieuse, au pied du Nevado del
Ruiz, tristement célèbre...et que les télévisions ont su rendre encore plus
tristement célèbre...Du reste, l’approche en est toujours interdite, le volcan
n’a peut-être pas dit son dernier mot.
Le plat des environs de
Cali aura été de courte durée: me revoilà escaladant des cols à 3 250, 3 600 m.
Bah, les mollets sont rodés, depuis le temps. Ce à quoi je me fais difficilement,
c’est à l’orage d’après-midi, qui peut se transformer en déluge. Petit crochet
sur la Côte Pacifique, rarement accessible en Colombie : BUENAVENTURA, grand
port en relation avec la Californie et l’Asie, peuplé essentiellement de Noirs.
La misère du lieu, tranchant avec l’intérieur du pays, me fait irrésistiblement
penser au Pérou. Autre point commun : la guerrilla, qui essaie d’imposer sa
loi, à coup d’attentats, d’où une forte présence militaire, pas toujours
appréciée.
REGLEMENTS DE COMPTES A OK MEDELLIN
MEDELLIN, c’est plutôt à
Chicago que cela fait penser. 1 200 morts violentes rien qu’en trois mois, des
fortunes s’étalant dans le centre et dans les environs sous forme de luxueuses
demeures : résultat d’un fructueux commerce, le narcotrafic, dont les barons
tiennent entre leurs mains l’économie et le pouvoir politique d’une ville de
plus de 2 millions d’habitants...si ce n’est de toute la Colombie. Leur plus
grand soutien réside dans les milieux populaires, dont les maisons miséreuses
s’accrochent sur les pentes de la montagne encerclant totalement la ville.
C’est dans ces quartiers que s’effectuent les rêglements de compte entre petits
truands, dealers, flics-ripoux...pour le plus grand bénéfice de quelques-uns.
La route de Medellin à
Bogota est une leçon de géographie de la Colombie : depuis Medellin, à 1 500 m,
au climat plutôt chaud, on monte à 2 500 m, pour plonger dans le brûlant Val
Magdalena à seulement 300 m, puis remonter sur la Sabana de Bogota, à 2 700 m,
au climat frais, voire froid. C’est aussi une leçon de politique: à cause de la
guerrilla, le moindre pont, le moindre site stratégique est surveillé par une
nuée de soldats, crevant parfois de chaleur dans leur tenue rêglementaire. Sur
une route momentanément désertique, j'y connaitrais quelques sueurs froides qui me rafraîchiront un temps.
BOGOTA FAIT LA BOMBE
Bogota, capitale de 6
millions d’habitants, étendue sur 40 km de long au pied d’une austère chaîne de
montagne. Cette ville immense ne dispose même pas d’un métro ou d’un réseau de
tramways. Les avenues sont embouteillées de bus, jusqu’à trois de front dans
chaque sens ! Vue la nervosité des conducteurs, le cyclo se sent écrasé par cette circulation
démentielle, et ce n’est pas qu’une image.
Tout comme à Medellin,
tous les édifices publics, tous les immeubles commerciaux sont surveillés par
des vigiles, mitraillette au moing, les rues sont sillonnées par des policiers
prêts à dégainer; le moindre objet un peu suspect, y compris un vélo, fait
l’objet d’un branle-bas d’uniformes pour voir s’il n’y aurait pas un risque
d’attentat sous roche. C’est que cette ville sort d’une période noire de “coche-bombas”
(voitures piégées) et dynamitages divers, et les esprits sont encore loin
d’être calmés.
Cette ville-champignon, à
moitié rasée lors des émeutes de 1948, ne conserve que peu de souvenirs de
l’époque coloniale, si ce n’est le quartier de la Candelaria, où des amis
Belges m’hébergent. Les petites villes des alentours, à la place centrale bien
typique de l’époque des Espagnols, sont plus agréables à parcourir. J’y
retrouve Thierry Lahrer, autre cyclo-voyageur, un bon copain que je connaissais
depuis Paris, comme membre de Cyclo-Camping International, bande de copains
cyclo-baladeurs. Il était parti deux mois avant moi, en sens inverse, depuis
Los Angeles, et nous devions nous croiser quelque part vers le Pérou. A force
de traîner l’un comme l’autre, nous aurons mis 17 et 15 mois pour nous croiser
!
C’est aussi à Bogota que
je rencontre les Hervé : Claude, Françoise et Manon. Chez Philippe, notre
ébeniste d’art Belge marié à Marta, nous fêtons mes quinze mois de voyage...et
leurs onze ans de promenade! Pour Manon, “seulement” deux ans et demi,
puisqu’elle est née en cours de route, en Nouvelle Zélande. Elle a un gros
avantage sur ses parents : elle ne pédale pas, se contentant de regarder le
paysage (ou de dormir) depuis la carriole qui a été spécialement aménagée pour
elle, tractée par maman (plus de 100 kg en tout, bravo madame). Quand on sait
qu’ils viennent de traverser la Jungle du Darien, on reste époustouflé. Autant
dire que la semaine passé en leur compagnie sera un intense échange d’impressions
de voyage.
Dire que les Colombiens
m’accueillent à bras ouverts serait beaucoup dire : dans de nombreuses régions,
secouées par la guerrilla, par le narco-trafic, par la délinquence “normale”,
la méfiance semble de rêgle. Mais le vélo reste un passeport original, surtout
ici où Hinault reste une célébrité. Cela souvent abaisse les dernières
préventions des gens : un cyclo ne saurait être mauvais ! Et ce sont, dans les
villes, les attroupements autour de mon équipage, des gens qui m’offrent qui un
soda, qui un repas...Ce sont aussi les chauffeurs de taxi rageurs, à qui ce
gêneur fait perdre au moins cinq secondes avant le prochain feu rouge, ou le
vol du porte-monnaie, puis celui d’un petit appareil photo. C’est cela, la
Colombie, le meilleur et le pire se côtoient sans cesse.
Au-delà de Bogota, ma
route me conduit sur la Côte des Caraïbes, c’est-à-dire l’Atlantique et
Cartagène : premier point d’ancrage des Conquistadores dans leur conquête de
l’Ouest, et pour moi, point de départ vers l’Amérique Centrale. Quand on
regarde un atlas géographique, à l’échelle forcément gigantissime, on a
l’impression qu’au nord de Bogota commence la plaine. Ah oui ? Allez dire ça à
mon vélo, il s’en bat les côtes. Des côtes, je vais m’en taper jusqu’à BUCARAMANGA,
sur plus de 400 km encore.
Les Andes ne laissent pas
échapper aussi facilement leur proie : un an que je traînais entre 2 000 et 5
000 m. Et comme pour me faire regretter de quitter ce gigantesque massif aux
dimensions d’un continent, voilà qu’on me vole mon porte-monnaie à TUNJA, puis
mon petit appareil photo à Cartagena ! Cette route étroite, circulante, mais où
paradoxalement les conducteurs des nombreux semi-remorques se...conduisent bien
plus courtoisement que ceux des voitures et camionnettes, me pèse. Au moment où
j’aborde la dernière dent de scie à un petit col, voilà que j’oblique de
nouveau vers la haute montagne, mais par une piste tranquille sinon toujours
bonne, au parcours vertigineux. En un clin d’oeil, me voilà sur les hauteurs, à
près de 4 000 m, replongé dans une ambiance très “Bolivie-Pérou”, jusqu’aux
Indiens encapuchonnée dans leur poncho que je retrouve enfin depuis l’Equateur
C’est à regret que je
quitte cette région, pour gagner les plaines moites du nord de la Colombie. Dès
9-10 h, c’est la fournaise, et il faut attendre le lendemain matin pour que ça
se calme un peu, ou espérer un bon petit orage pour rafraîchir l’atmosphère.
Sinon, côté guerilla, l’ambiance est toujours aussi chaude, et les contrôles
policiers toujours aussi importants. tel ce camion blindé venant à ma
rencontre, dont les occupants contrôlent le contenu de mes sacoches, pour
repartir d’où ils viennent...alors que la prochaine ville est à 50 km ! Est-il
venu spécialement pour moi ? Il faut le croire. Tel ce contrôle un peu stupide
de militaires sur la plage de Cartagena, que je viens de croiser et de saluer,
alors qu’il m’aurait été loisible de les éviter.
Les policiers de la Guarde
Nationale, conscients (et imbus ?) d’être une élite, sont plus aimables dans
leurs contrôles (certains m’offriront à manger!), méprisant ouvertement ces
balourds de militaires. Les gens du pays, eux, se marrent à la vue des
contrôles des bus : hommes fouillés sans ménagement, tandis que les femmes
restent à l’écart. Chacun sait ici que ce sont les femmes qui transportent
l’arsenal sous leurs amples jupons. Mais comme il ne semble pas y avoir de
soldats ou policiers femmes...
L’Atlantique est atteinte
à SANTA MARTA : ville endormie sur son prestigieux passé de station balnéaire,
dont les anciens immeubles bourgeois commencent à être occupés par des familles
de coupeurs de canne à sucre. BARRANQUILLA, le grand port de un million et demi
d’habitants fait frémir : une succession de quartiers miséreux, où l’on patauge
dans la gadoue. Je n’avais pas vu cela depuis Babahoyo, en Equateur, même si
les bidonvilles de Cali, Medellin ou Bogota ne sont pas toujours reluisants non
plus.
CARTAGENE est une ville
superbe : l’une des plus belles d’Amérique Latine, à tiers-chemin entre un
Saint-Malo tropical, une petite Carcassonne et Cannes. Encore plus dépaysant :
sa population noire, comme à Buenaventura sur la côte Pacifique. Nous sommes
sur la côte Caraïbe, plus tournée vers les Antilles que vers les Indiens des
Andes ; l’ambiance le soir s’en ressent, et les boules Quiès ne sont pas
inutiles !
C’est dans une chambre à
l’atmosphère irrespirable, malgré le ventilo placé en commun au-dessus de
plusieurs chambres séparées par une simple cloison, que j’attends l’avion pour
Panama. En effet, entrer dans l’enceinte du port, afin d’essayer de se faire
embarquer clandestinement, nécessite une autorisation qui ne se délivre pas
sans avoir une raison officielle. Quand à la traversée du Darien, n’en parlons
pas. Là encore, oubliez les atlas et les cartes qui vous indiquent une route
entre la Colombie et le Panama : il n’y a et n’aura qu’un vague chemin, sans
cesse à redégager à la machette, avec prise de nombreuses pirogues. Ca revient
guère moins cher que l’avion, plus si vous voulez passer vite (il faut du temps
pour négocier le coût des pirogues), et il est de toutes façons trop tard, la
saison des pluies ayant commencé.
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