UNE AMERIQUE DE TRANSITION

 

MEXIQUE - ARIZONA

L’ENTREE AU YUCATAN

 

            L’image du Mexique est celle d’un pays montagneux : le YUCATAN est plat comme la paume de la main. Et chaud comme les tropiques. Ennui garanti, à vélo, et je m’endors même une fois sur le vélo pour me retrouver dans le fossé ! Ce qui justifie le parcours de cette région, ce sont là aussi les ruines mayas : Tulum,  Coba, et surtout Chichen Itza, Uxmal et Palenque. Le tout, entre les habituels moustiques, les fourmis rouges qui nous assiègent une nuit durant, les abeilles, les...Les insectes sont souvent plus dangereux que les animaux dits sauvages!

            Au-delà de Palenque commence une longue litanie de montées et de descentes qui ne s’arrêtera guère qu’au nord de Mexico, soit après 1 000 km. Nous traversons des régions à peuplement indigène, tel San Cristobal et Oaxaca. Mais le Mexicain le plus souvent rejette  son passé lointain, pour lui préférer celui plus récent des Conquistadores, ou le futur que lui fait miroiter (aux alouettes ?) son puissant voisin du nord. Nous sommes loin de la fierté des Indiens du Guatemala ou de l’Equateur, et plus proche d’une société où les chauffards sont rois. Ici, les automobilistes ne sont pas particulièrement fins, et afin de calmer leurs ardeurs, les pouvoirs publics ont installé, tout le long des routes, des cassis (gendarmes couchés) qu’il faut franchir à une lenteur désespérante, y compris à vélo.

            De ce passé indien si renié, il subsiste cependant de curieux phénomènes : telle la Fête des Morts, pas très catholique. En cette période de l’année (octobre-novembre), on a chez soi des squelettes en carton-pâte, on offre à ses amis des crânes en sucre à leur nom, on mange le pan de muerte (pain de mort) ; bref, c’est une fête qui n’a rien de compassé.

 

MEXICO ANTI - VELO

 

            Après 3 600 km depuis Guatemala Ciudad, après être passé par l’une des plus petites capitales au monde (Belmopan, capitale du Belize avec 5 000 habitants), nous arrivons à Mexico Ciudad, la plus grande capitale au monde avec ses 20 millions d’habitants. Le temps de dire le chiffre, et vous pouvez déjà rajouter une unité ! Cette mégalopole gagne en effet chaque année un ou deux millions supplémentaires...Quand on sait que le pays, vaste et riche de terres cultivables, est un véritable désert en dehors des grandes villes (Le Mexique, outre Mexico, compte 6 villes millionnaires), on se demande ce qui pousse les Mexicains à s’entasser dans ces centres urbains archi-pollués, bruyants et violents. Ou plutôt, on se demande comment faire pour qu’il n’en soit plus ainsi.

            Mexico polluée ? Lors de notre séjour, l’indice de contaminacion atteindra allègrement la côte 320, quand l’alerte est déclenchée à 100 ! Certains jours, les yeux piquent, la gorge brûle : la ville est un immense quadrilatère de grandes avenues où la voiture est reine, et où le cycliste ou le piéton n’ont strictement aucun droit. Ici, on n’a que faire de ces reliquats du passé, on est moderne. Et c’est finalement la trop grande facilité donnée à la voiture d’accéder au centre de la ville qui est une des causes de l’engorgement du vieux centre, et de l’irrespirabilité de l’air.

            Par chance, un métro moderne, de conception visiblement française, plus proche du R.E.R. que de notre bon vieux métro parisien, permet d'écouler un trafic important. Mais le défi des années à venir semble être, lui, trop important pour des autorités incapables de (ou ne voulant pas) prévoir, trop occupées à engranger les bénéfices politiques et économiques de la voiture reine. Telle une pieuvre, et comme la plupart des grandes villes du Tiers-Monde, Mexico pompe toutes les forces et richesses du pays, aggravant les déséquilibres.

            Nous restons pourtant près d’un mois dans cette méga-ville ; une bonne raison, chacun de nous est bien hébergé : Damien chez une amie dont...une amie lui a donné les coordonnées, et moi chez Michel Joly et Monica Flores, encore d’autres cyclistes reconverties dans les joies du mariage et du sédentarisme, mais qui continuent à accueillir les cyclo-baladins de passage. Michel a surout parcouru l’Afrique, mais avec Monica, il connait bien l’Amérique Latine. J’arrive au bon moment: Cintia est née cet été, et les parents redoublent d’attentions pour ce petit bout de chou. Qu’il est doux d’être bébé.

            Le 3 novembre enfin, nous parvenons à nous extraire de la nasse de Mexico, empruntant tout simplement l’autoroute. L’idéal : il y a une large bande de sécurité, où les chauffards ne viendront pas nous chercher - encore que...Damien ayant utilisé son temps à Mexico à visiter en charmante compagnie les environs, nous nous séparons à 200 km au nord de la ville, chacun reprenant sa route, avec un hypothétique rendez-vous à Zacatecas, à 3 jours de route de là.

            J’ai toujours roulé seul, sauf de rares et passagers accompagnements. Mais, cette fois, après près de 2 mois de vie commune, il me faut reprendre les habitudes ; ça ne se fait pas si mal, mais il manque un petit quelque chose. En fait, dès Mexico, je songeait fortement à tout laisser tomber, voire à rentrer en france : pour la première fois du voyage, le moral était à zéro, et seule la locomotive Damien me permettait encore d’avancer, avec un minimum de bonne humeur.

            Cela dit, je ne boudais pas mon plaisir de découvrir Guanajuato : ancienne ville minière, très Far West mexicain, son site est superbe, une route de corniche la bouclant. Zacatecas est également une très belle ville, plutôt cette fois sur les hauteurs, à l’entrée des grands espaces nord-américains. Là pour moi commence l’Amérique du Nord. L’Alliance Française de la ville est minuscule. Point de Damien : il vient de partir la veille. Les jours suivants, j’apprendrais que je le talonne, jusqu’à tomber sur lui dans une descente, alors qu’il est en grande conversation avec un autre cycliste, un Anglais d’une soixantaine d’années, assez bohême.

            Pieds nus, très “bio” (no kill, no cook, no dairy : le végétalien pur et dur), nous offrant des figues de barbarie même pas épluchées (bonjour les mains), des emballages de plastique en guise de sacoches, il s’étonne avoir eu des problèmes à la frontière Canada - USA. Pourtant, chacun sait bien que les Américains sont parmi les gens les moins tolérants qui soit, la Californie ne devant pas faire illusion. Son exploit, avec un vélo sans vitesse qu’il doit pousser dans la moindre côte, nous laisse pantois, et relativise notre propre “aventure”.

            Ainsi donc la paire réunie, nous continuons la route vers le nord. Changement de temps, la pluie glacée, le vent et le froid seront désormais au rendez-vous. Tour à tour, chacun de nous part devant, sème l'autre durant une journée, puis le retrouve le lendemain. Les nuits deviennent de plus en plus froides, et les paysages de plus en plus américains.  

 

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WELCOME TO ARIZONA

 

            On suppose la frontière mexicano-américaine comme l’une des plus surveillées du monde : mur vers San Diego, caméras, hélicoptères, etc...Eh bien, dans le fouillis de la frontière de Douglas - Agua Prieta, nous arrivons en toute innocence devant le poste américain, sans avoir subi de contrôle côté mexicain ! Les fonctionnaires nous dévisagent, suspicieux : ils ont face à eux de redoutables individus qui ont déjoué une partie du système de défense du territoire de la Grande Amérique, rien de moins. Nous n’en menons pas large, mais obtenons cependant l’autorisation de poser les pieds dans le Pays de la Liberté (et vous avez l’esprit mal tourné si vous voyez de l’ironie là-dedans).

            Désormais, Los Angeles n’est plus bien loin. Il nous faut traverser des déserts, vent puissant de côté ; emprunter le “shoulder” (bande d’arrêt d’urgence) des autoroutes sur lesquelles, faute d’autres axes, les cyclos sont contraints de rouler hors agglomération. Le long de ces autoroutes, nous en profitons pour remettre à neuf notre garde-robe : les abords de l’autoroute regorgent d’affaires presque neuves, soit tombées d’un véhicule, soit jetées. Un non-sens pour nous, qui roulons depuis si longtemps dans des pays où la moindre chose est récupérée.

           A Los Angeles, chacun reprend son chemin : Damien vers San Francisco, d’où il repartira en France...se marier avec une Péruvienne rencontrée à Lima, et moi vers la Nouvelle Zélande. Au terme de 705 jours et 47 153 km de parcourus. Adios, Latina America !

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