Frédéric Beigbeder est l'auteur, chez Grasset, de deux romans, vacances dans le coma (1994) et L'Amour dure trois ans (1997), et d'un recueil de nouvelles chez Gallimard, Nouvelles sous ecstasy (1999). Critique à Rive droite, Rive gauche sur Paris-Première, au Masque et la Plume, sur France Inter, et à Voici, il est également salarié d'une agence de publicité. Le restera-t-il après la publication de 99 francs ?

                                             1. 
 

                Tout est provisoire : l'amour, l'art, la planète Terre, vous, moi. La
                 mort est tellement inéluctable qu'elle prend tout le monde par
                 surprise. Comment savoir si cette journée n'est pas la dernière ?
                 On croit qu'on a le temps. Et puis, tout d'un coup, ça y est, on se noie, fin du
                 temps réglementaire. La mort est le seul rendez-vous qui ne soit pas noté
                 dans votre organizer.

                 Tout s'achète : l'amour, l'art, la planète Terre, vous, moi. J'écris ce livre pour
                 me faire virer. Si je démissionnais, je ne toucherais pas d'indemnités. Il me
                 faut scier la branche sur laquelle mon confort est assis. Ma liberté s'appelle
                 assurance chômage. Je préfère être licencié par une entreprise que par la vie.
                 CAR J'AI PEUR. Autour de moi, les collègues tombent comme des
                 mouches : hydrocution dans la piscine, overdose de cocaïne maquillée en
                 infarctus du myocarde, crash de jet privé, cabrioles en cabriolet. Or cette
                 nuit, j'ai rêvé que je me noyais. Je me suis vu couler, caresser les raies manta,
                 les poumons remplis d'eau. Au loin, sur la plage, une jolie dame m'appelait.
                 Je ne pouvais lui répondre car j'avais la bouche pleine d'eau salée. Je me
                 noyais mais ne criais pas au secours. Et tout le monde faisait pareil dans la
                 mer. Tous les nageurs coulaient sans appeler à l'aide. Je crois qu'il est temps
                 que je quitte tout parce que je ne sais plus flotter.

                 Tout est provisoire et tout s'achète. L'homme est un produit comme les
                 autres, avec une date limite de vente. Voilà pourquoi j'ai décidé de prendre
                 ma retraite à 33 ans. C'est, paraît-il, l'âge idéal pour ressuscite

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