A l'Humble avis de Beigbeder

                            Attention, ce type est culte ! Co-fondateur du Caca's club, nightclubber branché,
                            publicitaire, auteur de "Nouvelles sous ecstasy" (Gallimard / L'Infini), Frédéric
                            Beigbeder est aussi critique littéraire à Lire, Le Figaro, Le Masque et la Plume et…
                            Voici ! Evoquons avec lui les best sellers de l'été. Et pas les meilleurs Ou plutôt si :
                            les pires. 

                            "Manuella" - Phlippe Labro (Gallimard)

                            "Labro en a eu marre de parler de lui-même. Alors, il s'est mis dans la peau de sa
                            fille. Et c'est un échec pour deux raisons : la vie de Philippe Labro n'est déjà pas
                            intéressante, et en plus il s'est pris pour Salinger. Or, sa prose est indigne d'un
                            enfant de quatre ans. Il ne suffit pas d'écrire "glauque" pour savoir faire parler une
                            jeune fille de dix-sept ans." 

                            "La Demi-Pensionnaire" - Didier Van Cauwelaert (Albin Michel)

                            "Je me souviens d'un garçon prometteur, qui écrivait des livres plutôt tendres, drôles.
                            C'est alors qu'une bande de dangereux vieillards serial killers lui ont donné un prix de
                            façon prématurée. Et le garçon en est mort, comme tous les Prix Goncourt - excepté
                            Modiano!"

                            "Hasard / Angoli Mala" - JMG Le Clézio (Gallimard)

                            "Le Clézio est une chose incompréhensible depuis bien des années. Chaque fois, il
                            nous sert la même quête initiatique de jeunes filles de 13-14 ans en pagne, qui
                            quittent la civilisation pour aller dans le désert ou sur l'océan… On pourrait faire une
                            liste de tout ce qu'il n'y a pas chez Le Clézio : du style, de l'humour, des
                            personnages, du suspense. L'écriture, c'est autre chose que de raconter le temps
                            qu'il fait. Le Clézio : le Alain Gillot-Pétré de la littérature française."

                            "Tombouctou" - Paul Auster (Actes Sud)

                            "Dans ma chronique pour Voici, je l'ai surnommé Paulo Austero, comme l'auteur de
                            "L'Alchimiste", Paulo Coelho. Ici, on a un chien dans Baltimore à la recherche de
                            Tombouctou, l'endroit où son maître est parti après sa mort. Disons-le : Paulo
                            Austero est un imposteur depuis des décennies, un gourou qui vante la sagesse, la
                            vertu, etc.."

                            "Relation publique" - Christine Deviers-Joncours (Pauvert)

                            "C'est à force de publier des choses comme ça qu'on assassine le livre. On sert aux
                            gens le roman à l'eau de rose d'une arriviste pathétique qui fait l'éloge de la
                            corruption, avec gros havane dans un beau château… Très nauséabond."

                            "Vous n'êtes pas obligés de me croire !" - Jean Amadou (Laffont)

                            "Ah, Jean Amadou, il est tellement has been qu'il en devient sympa ! On ne peut
                            plus avoir peur de ça. Laurent Ruquier, les Guignols, Laurent Gerra : en voilà des
                            ringards, des beaufs, des dangereux ! Mais Jean Amadou… Habillez-le en travelo en
                            emmenez-le au Queen's. Il ferait fureur ! "

                            "Ma vie pour une étoile" - Aimé Jacquet (Laffont/Plon)

                            "C'est un mélange de plein de choses, avec un côté France profonde qui gagne, et la
                            quintessence de la "Bon ben les gars faut s'réveiller" attitude ! Cette victoire, de
                            toutes façons, n'a été qu'un gros coup de bol… Enfin, "Ma vie pour une étoile" doit
                            sûrement être le bouquin préféré de Jacques Chirac !"

                            "Ma vérité" - Richard Virenque (Rocher)

                            "Il n'y a pas du dopage que chez les cyclistes. Chez les écrivains, c'est pire. Voyez
                            André Malraux, opiomane notoire, entré au Panthéon ! A sa place mieux vaudrait
                            Paul Guth ou Maurice Genevoix, de bons exemples pour la jeunesse (rires). Aussi,
                            je propose qu'on fasse un test pour les dix de la dernière liste du Goncourt. Ou
                            même mieux : des prises de sang à l'Académie française, pour y dénicher les
                            alcooliques et les drogués ! "

                            Propos recueillis par Baptiste Liger
Source : l'excellent site Livresse.com

"Berroyer revient"

                     Jackie Berroyer est-il un dilettante ou un honnête homme ? Critique musical, philosophe,
                     écrivain soucieux, scénariste de cinéma d'auteur, acteur de cinéma d'auteur, auteur
                     d'animateur de télévision de philosophie, ce VRP multicartes sème son talent à tous les
                     vents.
                     Mais son dernier livre : "Mon Cancer, ma Jaguar" montre que Berroyer n'a pas renié ses
                     premières amours : les mots. Comme dans "Je vieillis bien" et "Je suis décevant",
                     l'ex-standardiste de Canal + se lance dans une autobiographie fragmentée et humoristique
                     plus profonde qu'elle n'en a l'air. Il n'a ni cancer ni Jaguar, mais il a 50 balais et craint la
                     mort. Il rate son permis de conduire, évoque sa célébrité fauchée avec un ton de clown
                     triste et désabusé. Parfois on ne voit pas trop où il veut en venir, ça sent un peu le
                     meublage, et puis on est frappé par une notation discrète, une observation fine, une page
                     de silence et d'effroi, et une bourgeoise qui meurt étranglée par une coquille Saint Jacques
                     dans un cocktail friqué. 

                                                              Frédéric Beigbeder 

" Grand prix RTL-LIRE 2000 "

                     Excellente nouvelle que ce prix populaire (élu par un panel d'auditeurs de RTL) décerné à
                     Anna Gavalda, que nous défendons depuis la sortie de son merveilleux recueil de nouvelles
                     en septembre dernier. 
                     "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part" ? Le souhait de Miss Gavalda est plus
                     qu'exaucé, puisque 100.000 exemplaires de son petit opus ont déjà été vendus. Un succès
                     justifié par l'éclosion d'un réel talent, un regard perfide et triste, teinté de drôlerie
                     mélancolique et surtout d'une grande variété de styles : on passe de l'humour déjanté (un
                     sanglier détruit une Jaguar) à la tendresse déçue (un type pleure en revoyant une ex),
                     l'ennui conjugal (un couple qui ne se parle plus), voire la douleur à l'état brut (une femme
                     enceinte perd son enfant).
                     Entre Françoise Sagan et Marie Desplechin, il faut désormais compter avec Anna Gavalda
                     et sa douce amertume. 

                                                              Frédéric Beigbeder 

                      "Chronique d'un bide annoncé". (A propos de Ravalec)

                     Le sanibroyeur Vincent Ravalec recycle tout, y compris ses malheurs, ses échecs, ses
                     déceptions. Chez lui, rien ne se perd, tout se crée. Son nouveau livre est un récit désopilant
                     de son expérience cinématographique : en 1998, il réalisa lui-même l'adaptation à l'écran
                     de son roman "Cantique de la Racaille" (Prix de Flore 1994). Il narre ici par le menu toutes
                     les étapes de son chemin de croix : la recherche du financement, le tournage
                     cauchemardesque, le lancement catastrophique au Festival de Cannes, le bide
                     commercial… Illustré par les excellents Dupuy et Berberian, ce roman rocambolesque fait
                     mouche par son ton et son humour dignes du meilleur Bukowski (lequel publia également
                     un livre sur le tournage de "Barfly", intitulé "Hollywood"). On se demandait à quoi servait le
                     cinéma ? À écrire de bons livres ! 

                                                              Frédéric Beigbeder
                     "Résister à de Gaulle ?" (A propos de S. Zagdanski)

                     Quand un jeune écrivain ne parvient pas à convaincre par ses romans, que fait-il ? Il
                     s'attaque à plus grand que lui. Sartre avait pissé sur la tombe de Chateaubriand à Saint
                     Malo ; voici que Zagdanski crache sur celle du Général de Gaulle. Et réussit son meilleur
                     livre : à la fois essai, journal intime, roman, pamphlet d'une rare liberté.
                     "Pauvre de Gaulle ! " réveille ce printemps maussade, par sa virulence et sa sincérité :
                     "antibiographie sarcastique" de 600 pages, c'est surtout un livre contre la France, une œuvre
                     d'écrivain en butte à la société, un fourre-tout parfois exaspérant mais globalement enlevé
                     et énergique. De Gaulle n'est finalement qu'un prétexte, un képi à molester pour exister.
                     Cette figure emblématique qui fait de l'ombre à notre pays depuis 60 ans n'aura pas de mal
                     à survivre à ce traitement qui permet à Stéphane Zagdanski de se placer parmi les auteurs
                     de tout premier plan chez nous. 

                                                              Frédéric Beigbeder

 
               A propos de Nicolas Rey.

" Nous sommes dans un anti-sitcom, un épisode de Friends rédigé par un exégète de Charles Bukowski, une version parisienne de Petits meurtres entre amis, dont l'énergie hésite entre le désespoir "trash" de Virginie Despentes et le cynisme glacé de Bret Easton Ellis. Nicolas Rey transpose dans les années 90 le "qu'est-ce que je peux faire, j'sais pas quoi faire" d'Anna Karina : ses personnages de chômeurs fêtent chaque nuit la Fin du Travail. Pour eux, l'horreur économique, ça s'arrose. C'est pourquoi ils sortent tous les soirs exercer leur humour de têtes à claques. (...) Tant pis pour les grincheux : Paris est une fête qui dure treize minutes dans la chambre d'une belle au bois dormant. Voilà le bref roman joyeusement amoral que nous attendions depuis si longtemps. " 

Frédéric Beigbeder, Voici
                     "Le géant Nabe" (A propos de kamikaze)

                     Chaque nouveau tome du journal intime de Marc-Édouard Nabe surprend par sa force, sa
                     touffeur et sa puissance. L'entreprise se poursuit ici avec un tome 4 consacré aux années
                     1988-1990 : 1300 pages de nombrilisme mégalomane, certes, mais qu'il convient de
                     picorer jour après jour pour y découvrir des portraits bouleversants, des aphorismes brillants
                     (par exemple quand il évoque un couple "dont le mariage bat de l'aile sans parvenir à
                     s'envoler"), et l'aventure d'une vie ordinaire fascinée par l'art (jazz, littérature, peinture,
                     cinéma…)
                     Nabe a vieilli, donc mûri : la tête à claques se transforme en vieux singe qui grimace. C'est
                     aussi le récit d'un fils qui devient père et d'un écrivain qui se fait dévorer par son journal.
                     Un grand livre, pas seulement par le nombre de pages ! 

                                                              Frédéric Beigbeder