CHIRURGIE FONCTIONNELLE DE L'ESTOMAC

GASTROPLASTIE POUR OBESITE MORBIDE

SOUS COELIOSCOPIE AVEC ANNEAU

 

INDICATIONS CHIRURGICALES

La chirurgie de l'obésité a mauvaise réputation. Il s'agit d'interventions dont les risques élevés sont liés aux difficultés opératoires - acces à l'estomac et problèmes techniques liés à la graisse - et à la morbidité post-opératoire - pariétale ou liée à l'immobilisation telle que thrombose veineuse profonde et complication pulmonaire.

La mise en place par coelioscopie d'un anneau gastrique ajustable combine les avantages de cette méthode de gastroplastie - peu invasive en soi car sans atteinte de l'intégrité de la paroi gastrique - avec ceux bien connus de la coelioscopie. Il en résulte une diminution du risque opératoire et de la morbidité ainsi qu'une amélioration du confort du malade. Chez ces patients, fragiles psychologiquement, la réversibilité et lajustement possible du dispositif sont également des avantages.

En octobre 1992 nous avons placé, pour la première fois à notre connaissance, un anneau de Kusmak par coelioscopie . Des modifications techniques se sont avérées nécessaires. Nous décrivons ici la technique mise au point conjointement par les équipes de l'hôpital Saint-Pierre, Université Libre de Bruxelles et de l'Université de Padoue (F. Favretti et E. Lise avec la participation du Docteur Kusmak, inventeur de la prothèse, et des ingénieurs américains de BioEnterics Corporation.

L'obésité morbide est définie par la Metropolitan Life Insurance comme un excès pondéral par rapport au poids idéal (IBW= Ideal Body Weight) de 45 kg ou plus. Plus de 25 % d'excès pondéral entraîne une mortalité accentuée et une morbidité élevée .

L'obésité est actuellement considérée comme une maladie chronique. Aux Etats-Unis plus de 12 millions de personnes souffrent d'obésité morbide et de ses conséquences médicales, psychologiques, sociales et économiques (perte d'emploi, hausse des prîmes d'assurances ...

Tableau 1 : survie en fonction du poids

 

D'après la littérature, la perte de poids à long terme n'est assurée par un régime alimentaire ou une thérapie comportementale que chez 10 % des patients. Les échecs successifs des régimes connus sous le nom de "yoyo syndrom" entraînent des problèmes psychologiques et physiques.

Il est donc nécessaire d'envisager chez ces patients une solution chirurgicale.

Les critères de sélection se réfèrent aux instructions de l'American Society of Bariatric Surgery Consensus:

Indications chirurgicales dans l'obésité morbide :

1. BMI (Body Mass Index = poids (kg)/taille (m)2) supérieur à 40; BMI entre 30-40 lorsqu'il existe une pathologie associée pouvant être améliorée par la perte de poids : HTA, diabète, arthrose radiologiquement prouvee, apnée du sommeil

2. Age compris entre 18 et 50 ans.

3. Obésite stable depuis plus de 5 ans.

4. Echec de régimes alimentaires ou médicamenteux depuis plus d'un an.

5. Absence de pathologie endocrinienne.

6. Compréhension et compliance satisfaisantes du patient.

7. Absence de dépendance à l'alcool ou aux drogues.

8. Risque opératoire acceptable.

TECHNIQUE

INSTALLATION DE L'OPÉRÉ

Le patient, sous anesthésie génerale avec, intubation endotrachéale, est muni d'une sonde gastrique à double courant et installé en position de lithotomie, les cuisses modérément fléchies. La table d'opératlon est en position proclive de 2O ° Le chirurgien se place entre les jambes du patient, le premier assistant à la gauche du malade et le second assistant à sa droite. Le chirurgien, le système optique, la région'à disséquer et le moniteur doivent être les points successifs d'un même axe.

CRÉATION DU PNEUMOPÉRITOINE

Une longue aiguille de Verès est introduite après une incision à environ 6 travers de doigt sous l'appendice xiphoïde, sans tenir compte de la position de l'ombilic qui peut se situer extrêmement bas chez l'obèse. Une pression maximale de 14 mmHg est imposée à un insufflateur capable de débiter jusqu'à 9 litres par minutes.

 

DISPOSITION DES TROCARTS ET DE L'INSTRUMENTATION

Cinq trocarts sont successivement mis en place; [1] un trocart de 10 mm, à 6 travers de doigts en dessous de l'appendice xiphoïde, sur la ligne blanche; [2] un trocart de 10 mm au niveau du rebord sous costal droit, 5cm à droite de la ligne blanche; [3] un trocart de 10 mm sous le rebord costal gauche sur la ligne mamelonnaire; [4] un trocard de 5 mm à mi- chemin des trocarts [1] et [3]; [5] un trocart de F 4 10 mm sous l'appendice xiphoïde à gauche du ligament suspenseur. On introduit successivement le système optique [A] avec vue latérale à 300 (trocart [1]), un endo-retractor [ER] (trocart [5]); unepince à préhension [C] atraumatique fenêtrée (un trocart [3]>; un crochet (D] coagulateur (trocart [4]) et une seconde pinoe à préhension [E] fine (trocart [2]).

EXPOSITION DE L'HIATUS OESOPHAGIEN

L'hiatus oesophagien et la région oeso-cardio-tubérositaire sont exposés, après avoir récliné le lobe gauche au moyen du rétracteur à 3 doigts (ER).

 

CALIBRATION DE LA POCHE SUPÉRIEURE DE L'ESTOMAC

L'anesthésiste introduit la sonde de calibration gastrique fournie avec l'anneau dans l'estomac. Le ballon situé à 1 cm en amont de l'extrémité de cette sonde est insufflé jusqu'à un volume de 25 cc. La sonde est reculée jusqu'à ce que le ballon soit bloqué par la jonction oesogastrique. La voussure du ballon dans l'estomac permet de localiser le long de la petite courbure l'endroit correct du début de la dissection qui correspond à l'équateur de la voussure. Celui-ci est marqué au crochet coagulateur.

 

DISSECTION DE LA PETITE COURBURE

La dissection de la petite courbure débute à cette marque, en général 2 cm en dessous de la jonction oeso-gastrique. Un pince à préhension atraumatique soulève la parois gastrique. Le ligament hépato-gastrique est mis sous tension pas contre-traction de la pince à préhension introduite dans le trocart. Le crochet coagulateur commence alors la dissection entre deux vaisseaux. Cette dissection reste aussi proche que possible de la séreuse gastrique, tout en veillant à ne pas provoquer de dommages par coagulation intempestive et à préserver le nerf de Latarjet. Sous controle visuel constant, le ligamet hépato-gastrique est dissèqué sur toute son épaisseur sur une longueur de 1 cm. La paroi postérieure de l'estomac devient alors apparente. La largeur de la dissection ne doit pas dépasser celle de l'anneau de manière à éviter tout glissement ultérieur.

 

DISSECTION DU LIGAMENT PHRENO-GASTRIQUE

La pince atraumatique introduite attire le haut de la grosse tubérosité vers le bas mettant sous tension le ligament phréno-gastrique. Celui-ci est disséqué à 2cm à gauche du bord gauche de l'oesophage. Cet endroit correspond en général à la mi-distance entre le pôle supérieur de la rate et l'oesophage

TUNNEL RETRO-GASTRIQUE

L'endo-grasp Roticulator introduit est passé par l'ouverture de la petite courbure et guidé sous controle de la vision derrrière l'estomac. L'instrument est alors légèrement courbé et sa pointe devient visible sous les restes du ligament phréno-gastrique. Le crochet coagulateur peu sectionner les voiles restants, permettant le passage d l'endo-grasp. Celui-ci est laissé en place et immobilisé par une prise sur le diaphragme.

INTRODUCTION ET PLACEMENT DE LA PROTHESE

Le trocart est remplacé par un trocart de 18 ou 15 mm par où l'on introduit l'anneau en silicone. L'endo-grasp roticulator saisit son extrémité du côté du tube et la passe en arrière de l'estomac. Ce tube est ensuite engagé dans l'autre extrémité de l'anneau et ce dernier est refermé en boucle autour de l'estomac.

FERMETURE DE L'ANNEAU

L'anesthésiste ré-insuffle le ballon avec 15cc d'aire et recule à nouveau la sonde jusqu'à buter contre la joinction oeso-gastrique. La position du ballon et son insufflation permettent le positionnement correct de l'anneau. L'instrument spécifique de fermeture de l'anneau est introduit par le trocart et réalise sa fermeture définitive par enciquetage.

CALIBRATION DE LA GASTROPLASTIE

L'extrémité de la sont de calibration est munie de senseurs connectés au gastrosténomère dont on ajuste aolors la tare (indice lumineux). On extériorise le tube par le trocart de 18 mm. Du sérum physiologique est injecté à la seringue par l'extrémité du tube et va gonfler le ballon intérieur de l'anneau. Ceci agissant sur les senseurs à l'estrémité de la sonde, déplace l'indice lumineux du gastrosténomètre. On arrête l'injection lorsque l'indice lumineux est sur 4, correspondant à un diamètre de 12 mm. Le volume injecté est en général de 2 à 4 ml. L'extrémité du tube est alors clampée par 2 pinces. Actuellement nous n'utilisons plus le gastrosténomètre. L'anneau n'est gonflé ni en per ni en post opératoire immédiat.

SUTURES ANTI-GLISSEMENT

Pour éviter le glissement de l'estomac sous l'anneau, les dissections le long de la petite courbure et dans le ligament phréno-gastrique doivent avoir la même taille et même un peu moins que la largeur de l'anneau. Quatre points séro-séreux doivent être placés sur l'estomac de part et d'autre de l'anneau entre la grande et la petite courbure. Ensuite une fixation postérieure et nécessaire après ouverture de la pars flaccida.

 

PLACEMENT DU RESERVOIR IMPLANTABLE

 

Le trocart de 18 mm est enlevé, le tube est coupé à une longueur appropriée et connecté à la chambre d'implantation.

 

Celle-ci est fixée sour le rebord sus costal gauche, le coté convexe orienté vers la peau. Il n'est pas toujours nécessaire pour ce faire d'élargir l'incision du trocart.

AJUSTEMENT DE L'ANNEAU

 

Grâce à ce réservoir, il sera possible en post-opératoire de faire varier si nécessaire le calibre de l'étranglement gastrique par poinction percutanée. Cet ajustement est réalisé par le radiologue 1 mois après l'intervention en fonction des éventuelles complications (reflux, intolérance alimentaire) de la vitesse de la perte de poisds et de l'aspect radiologique.

 

DILATATION DE LA POCHE

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DILATION DE LA POCHE

 

PRÉVENTION DE LA DILATATION DE LA POCHE

- Eviter boissons gazeuses et excès alimentaire

- Diète liquide stricte 3 mois post-opératoire

- Calibration régulière sous contrôle de l'OEDT

- Fixation gastrique antérieure et postérieure

EXPERIENCE ACTUELLE

PATIENTS

L'usage de l'anneau gastrique en silicone de Kusmak a commencé dans notre expérience commune avec Padone en avril 1990. 177 patients avaient déjà bénéficié de cette technique par voie ouverte. En Octobre 1992 ont été commencées les mises en place du gastric banding par voie coelioscopique. Les modifications ont été réalisées de manière à adapter l'anneau a la voie coelioscopique. Celles-ci ont été réalisées avec l'aide des techniciens d'INAMED.

Entre septembre 1992 et août 1995, 110 patients (18 hommes et 92 femmes), d'âge moyen 36 ans (20-65), de poids moyen 116 kg (88 à 174), d'un pourcentage d'excès pondéral par rapport au poids idéal (IBW) de 176 kg (105 à 278), de BMI moyen 46 kg/m2 (31 à 65) ont bénéficié d'une gastroplastie par mise en place d'un anneau de kuzmak (ASGB) par voie coelioscopique. Trente patients avaient des antécédents chirurgicaux. Comme patnologies associées en pré-opératoire, ils existaient :13 oesophagites (7 grade 1,4 grade Il et 2 grade III); 8 HTA traitées médicalement ; 20 diabètes de type II; 16 syndromes d'apnée du sommeil; 12 hernies hiatales de moins que 2 cm et 8 cas d'arthrose volumineuse.

RÉSULTATS

La durée opératoire dans notre série a été de 90 minutes (40 à 240). Dans 3 cas, l'hypertrophie du lobe hépatique gauche n'a pas permis de réaliser la procédure à cause d'une difficulté d'accès à l'hiatus oesophagien. Chez 4 patients une conversion a été nécessaire à cause d'une dissection difficile chez 3 patients et une position insatisfaisante de l'anneau dans 1 cas. La durée du séjour moyen est de 3 jours (2 à 10).

Parmi les complications précoces, il y a eu : une perforation gastrique au premier jour post-opératoire (consécutive suite à la remise en place de l'aspiration gastrique) nécessitant une raphie par laparotomie; une broncho-pneumopathie de déglutition sur l'anneau, traitée médicalement; une brèche splénique lors de la dissection, traitée par coagullation ; un glissement de l'anneau par absence de fixation et une perforation au 3ème jour post-opératoire, traitée par raphie coelioscopique. Ces complications se sont présentées chez les cinq premiers patients. L'amélioration de la technique a permis de diminuer la morbidité. Il n'y a pas eu de complications telles que hernie incisionnelle, infection de plaie, embollie pulmonaire ou thrombose veineuse profonde.

Parmi les complications tardives il y a eu : 4 cas d'intolérance alimentaire totale et irréversible, accompagnés de dilatation de la poche proximale, dont 2 ont nécessité le retrait de l'anneau et 2 son repositionnement; 6 pyrosis (3 oesophagites grade 1, 2 oesoptites grade II et I oesophagite grade III) tous traités médicalement par oméprazole; un décès chez un syndrome Pradder-Willy par hémorragie digestive.

Perte de poids en fonction du temps.

 

BMI en fonction du temps.

 

Perte de l'excès pondéral en % en fonction du temps.