Extrait de : "GEOGRAPHIE du département de la SEINE-INFERIEURE"


ouvrage posthume de M. L'abbé J. BUNEL continué et publié par l'abbé A. TOUGARD

Arrondissement de Dieppe
Réimpression de l'édition de 1877

Editions Bertout 1991

 

Saint-Nicolas-d'Aliermont. - 2 315 hab., 1 554 hect., à 87-134 m d'alt. sur le plateau resserré entre l'Eaulne et la Béthune, et près de la forêt d'Arques. - Route dép. n° 19. Chemins n° 22, 56, 107. - A 5 kil. d'Envermeu, 13 kil. de Dieppe, 58 kil. de Rouen. Poste, télégraphe. succursale, bureau de bienfaisance ; société de secours mutuels. - Horlogerie, fonderie de cuivre ; briqueteries.

Marché : le dimanche. - Foire : le deuxième lundi de mai.

Une suite de maisons bâties avec élégance et d'importantes fabriques de mouvements pour pendules, chronomètres, télégraphes, etc. (1 500 000 fr. par an ; 50 000 kilos de cuivre employés ; 1000 à 1200 ouvriers) donnent un aspect charmant et animé à cette belle commune, tout à la fois agricole et industrielle.

L'église, gâtée par des retouches, est du XIIIe siècle, avec chapelle et collatéral du XVIe siècle. le choeur en est la partie la plus monumentale. On y remarque un nombre considérable d'inscriptions obituaires du XVIe et du XVIIe siècles. Le porche en pierre et du XIIe siècle est l'un des plus anciens du Département.

Chapelles S.-Michel et S.-Adrien, aujourd'hui disparues.

S.-Nicolas doit son nom à sa position sur la hauteur d'Aliermont. Ce mot célébre a une origine obscure, qu'on a maladroitement voulu expliquer par la forme latine (Alacris mons), calque du nom indigène ; Alacris étant, selon les uns, un adjectif, ou bien, comme le veut le bénédictin Duplessis, le nom d'un chevalier appelé Alacre. M. l'abbé Decorde (1), appuyé d'ailleurs sur un titre du XIe siècle, qui donne Halieriomante, conjecture qu'Aliermont veut dire Mont d'Hélier et aurait tiré son nom du saint qui y aurait vécu. Il est sûr d'ailleurs que S. Hélier a traversé tout notre Département, en se rendant du Ponthieu en Basse-Normandie.

(1) Cet infatiguable historien du pays de Bray imprime en ce moment l'histoire des paroisses de l'Aliermont qu'il a rédigée sur l'invitation de Mgr le Cardinal.

M. Delattre, avocat d'Eu, qui a beaucoup étudié les langues du Nord, croit que Aliermont est un mot celtique signifiant limite, séparation, c'est-à-dire apparemment séparation du pays de Caux du Talou.

Le plateau de l'Aliermont est une plaine boisée resserrée entre les vallées de l'Eaulne et de la Béthune qu'elle côtoie sur une longueur d'environ 25 kilomètres. Une belle et large voie (25 à 30 mètres de large), peut-être romaine, certainement mérovingienne, parcourt dans toute sa longueur ce plateau, dont la largeur n'est généralement que de 1000 mètres (environ 2000 m. à S.-Nicolas). M. le curé de cette paroisse remarque très-bien que nos archevêques veillèrent avec grand soin à la conservation de cette route et qu'ils durent même créer celle de S.-Jacques, qui n'était pas moins belle.

En 1197, Richard Coeur-de-Lion, roi d'Angleterre et duc de Normandie, donna toute cette campagne boisée, avec Dieppe, Louviers, Bouteilles et les moulins de Rouen, à l'archevêque Gautier de Coutances, en échange de la roche d'Andelys sur laquelle il avait construit la Château-Gaillard.

Depuis cette époque et sous l'influence de nos pontifes, cinq paroisses se formèrent, dont quatre sur la grande voie dont nous avons parlé. Ce sont celles de S.-Nicolas, de Notre-Dame, de St-Agathe, de Croixdalle (Arrondissement de Neufchatel, p 215 et 223), et un peu plus à gauche, celle de S.-Jacques. On les nommait les filles des archevêques de Rouen. Voici un texte de M. Léopold Delisle qui justifie ce nom, tout spécialement en ce qui concerne S.-Nicolas.

"Il est à peu près certain, dit l'illustre savant, que la forêt d'Aliermont, quand elle fut abandonnée par Richard Coeur-de-Lion à Gautier de Coutances, se confondait presque avec la haie d'Arques. En 1217, l'archevêque transigea avec Robert de S.-Valery (sous Bures, Arrondissement de Neufchâtel p. 225) et ses hommes de S.-Aubin et Envermeu. Un autre accord fut conclu en 1255, entre l'archevêque et le doyen de la cathédrale de Rouen et les hommes de S.-Vaast : le doyen devait avoir les terres appelées les Fourneaux, près de S.-Vaast ; les hommes de S.-Vaast tiendraient les terres défrichées, moyennant 4 ou 5 sous par acre ; et si la forêt venait à se détruire, l'archevêque pourrait la mettre en culture, et y bâtir des villages."

Toutefois, sous le règne de Guillaume le Conquérant, c'est-à-dire, plus de deux siècles auparavant, on avait déjà commencé à défricher l'Aliermont. Vers 1079, Maurice, évêque de Londres, donna aux religieuses de S.-Amand de Rouen, les dîmes des forêts d'Aliermont et d'Eawy, tant en essarts qu'en deniers.

Au moyen-âge on fabriquait dans cette forêt, des billettes, des tuiles, des briques et du charbon. Un puits à charbon de terre y fut entrepris (1796) ; mais la rencontre d'une source fit abandonner l'ouvrage. M. l'abbé Decorde estime qu'il faudrait descendre à 900 mètres pour avoir chance de succès.

Maître et seigneur de l'Aliermont, avec droit de moyenne et basse justice, Gautier de Coutances paraît avoir bâti un manoir qui est demeuré la propriété des archevêques de Rouen jusqu'à la Révolution. Eude Rigaud affectionnait particulièrement ce séjour. De 1248 à 1268, il le visita cent cinquante fois. C'est ce même Eude Rigaud qui accompagna S. Louis en Palestine et qui nous a laissé un si curieux monument dans le Journal de ses visites pastorales.

Abandonné par ses successeurs, ce manoir fut restauré par l'archevêque Guillaume de Vienne, en 1397. Dans ses dépendances, on remarque une ferme, une prison et une chapelle qui compta, en 1426, jusqu'à 33 clercs.

Malgré ces souvenirs, le manoir d'Aliermont fut vendu, avec tout le domaine archiépiscopal, en 1791, et démoli en 1816. L'emplacement où il s'élevait garde le nom de Mané (prononciation cauchoise de Manoir).

Près de la ferme de Milan existait la léproserie d'Aliermont, fondée en 1248 et rebâtie en 1612.

A S.-Nicolas naquit, en 1684, le P. Maugeard, supérieur des religieux Augustins de Rouen, remarquable adversaire du jansénisme qu'il combattit par plusieurs écrits.

Au Bout-d'Aval, on trouve des traces de constructions romaines.

La réputation de l'horlogerie d'Aliermont date de très-haut. Le plus ancien monument qui en soit connu est une pendule du temps de Louis XIII. Elle porte le chiffre de 1621. On assure que les premiers mouvements des pendules à sonnerie ont été construits à S.-Nicolas.

Hameaux. - Le Bel-air, 8 hab. - Le Bout-d'Amont, 530. - Bout-d'Aval, 790. - Le Petit-Bout-d'Aval, 87. - Le Centre, 477. - La Croix, 178. - La Folie, 5. - Les Démaignes, 4.

 

Geographie76.jpg (34204 octets)

Reproduction de la couverture

 

Ces informations nous ont été fournies par Jean-Luc DRON




<Page précédente>   <Accueil>

Mise à jour le dimanche 06 février 2000