Lundi 11 février

Il existe indiscutablement une grande différence entre le caractère foncièrement futile de la musique de Marc Bolan et son extraordinaire capacité à me transporter dans une bulle de joie insouciante. Quel que soit le moment où T. Rex parvient à mes oreilles, je suis à chaque fois victime d'une sorte de soulèvement instantané, accompagné d'un allégement considérable. Puissance mystérieuse du rock n' roll.

Mardi 12 février

Joe Le Gloseur me demande comment je trouve les étudiants, à la fac (j'assiste à quelques cours de philo). Je lui dis qu'il sont gentils. Qu'entends-tu par "gentils" ? Et bien, ce sont de bon élèves, anxieux de bien faire, pleins de bonne volonté. Trouves un synonyme pour l'adjectif "gentils" appliqué à ces étudiants, me demande Joe. Conformistes, lui dis-je. Joe repart avec un sourire satisfait écrire sa prochaine chronique. Elle parlera de l'université.

Mercredi 13 février

Il se passe toujours quelque-chose sur la GFIV-Connection.

Extrait :

To: GFIV-Connection@yahoogroupes.fr
Sent: Tuesday, February 12, 2002 3:30 PM
Subject: [GFIV-Connection] les pauvres sont des minables !

Patrick : Non seulement ils sont en plus mauvaise santé et crèvent plus vite que les cadres sup et les professions libérales à la zaza, mais, en plus, ces connards se font agresser dans leurs HLM de merde. Vraiment des pauvres types !

Zarayan : Ah, méga grosse découverte du Monde!
Qui a refusé à faire l'amalgame, pendant des années, et puis qui, aujourd'hui, se rend aux évidences.
Ici les Evidences, rendez-vous!

Patrick : En fait, le truc qui m'énerve, c'est que ce gouvernement "socialiste" gère la misère (le quota de misère et d'exclusion indispensable au fonctionnement de la richesse libérale) à coup de rapports merdiques dans ce style. Et en plus, les connards qui pondent ces rapports destinés au tiroir (après étonnement du plumitif du Monde) doivent se faire un bon salaire et ne jamais avoir à approcher les zones HLM. Il y a un paquet de parasites qui vivent sur le dos de la misère. C'est pas un bon sujet, ça ? On a l'angle, non ? Oui, mais pour quel mag ?

Zarayan : Trop sociologique pour la presse (c'est pas mon avis, ce serait celui de tout redchef).
Voilà toute l'habileté de la censure médiatique: le calibrage des sujets, ou l'angle d'attaque.
Le Monde a toujours été effrayé par la réalité d'ici (trop crue, populaire, vulgaire) et s'est intéressé aux réalités internationales.
Plus exotique, plus grand... et surtout, ça nécessite des nuées d'envoyés spéciaux, de reporters, qui torchent des papiers en ... traduisant la presse quotidienne du pays en question.
Mais, pour répondre à ta question, petit Pat, comme dirait le Christ: "Il y aura toujours des pauvres".
Je trouve ça rassurant.

Patrick : J'ai des projets d'enquêtes pour les officines gouvernementales. Un rapport qui démontrerait, chiffres à l'appui, que les pauvres ont plus d'accidents de la routes (voitures pourries, alcool, mépris de soi). Un autre sur les enfants battus, etc... etc...

Zarayan : Alors les pauvres doivent être forts et moraux, ce qui est pareil.
Crois-tu que chez les riches il y a moins de mépris de soi? Je ne suis pas sûr...

Etc... Etc... La conversation qui ne s'arrête jamais.

Jeudi 14 février

Je n'ai strictement rien à dire aujourd'hui. Je traîne. Dehors, il y a du vent et le ciel est bleu, très pur. Je sais que je devrais faire des choses, mais je ne les fais pas. Pire, j'éprouve une satisfaction non négligeable à ne rien faire.

Vendredi 15 février

Patrick a raison de s'énerver : pratiquement pas une journée sans qu'on nous sorte une "enquête sur la pauvreté". Dans le journal Le Monde et sur France Inter, le ton est à l'étonnement teinté de regrets. Comment ? Les pauvres seraient plus souvent malades, leur enfants réussiraient moins bien en classe, ils subiraient plus fortement les méfaits de la délinquance - et nous apprenons aujourd'hui qu'ils sont surrendettés ? Mais c'est incroyable !

Samedi 15 février

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Je pourrais rester indéfiniment à regarder les livres de la bibliothèque du GFIV. Je dois souvent me faire violence pour m'arracher à cette contemplation.

Dimanche 17 février

Je travaille peu, mais lorsque je m'y mets, j'en abats un bon coup. Là, j'y suis depuis ce matin, et j'ai pris de l'avance au moins jusqu'à mai. Quoi ? Le dimanche ? Je n'avais pas remarqué mais c'est vrai : je travaille mieux lorsque les autres se reposent.

Lundi 18 février

Réapprendre à se lever tôt.

Mardi 19 février

7:14. Neurones qui s'éveillent lentement sous l'effet de la caféïne. Survol des Inrockuptibles, de Libération, du Monde. N'écoutez pas ceux qui chantent les louanges de "8 femmes", sans aucun doute l'un des plus mauvais films de l'année dans tous les sens du terme.

Mercredi 20 février

Rainy day. Je commence à prendre goût au R&B.

Jeudi 21 février

Rien. Lecture, écriture, feu.

Vendredi 22 février

The Strokes, ce matin sur France Culture, pour acceuillir Jean Baudrillard - que je n'ai pas entendu (il y a une radio dans la salle de bain mais pas ici, dans le bureau).

Samedi 23 février

Belle colère d'Annie Lebrun à propos de l'exposition La révolution surréaliste au Centre pompidou, dans le dernier numéro de la revue Beaux Arts.

Dimanche 24 février

Si vous allez voir "Self Portrait" de Bill Térébenthine, vous risquez d'avoir un choc. Vous êtes prévenus.

Lundi 25 février

Joe me dis que ce journal est en train de devenir une véritable institution dans le (petit) monde du netart. J'ai du mal à le croire. Et de toute façon, si j'y pensais, je ne pourrais plus écrire.

Mardi 26 février

Il me reste cinq minutes avant de partir. C'est suffisant pour jeter quelques mots ici. Ainsi, je peux sauter dans ma voiture avec la satisfaction du devoir accompli : le journal est à jour, welcome to the brand new day.

Mercredi 27 février

Avant d'écrire, il n'y a rien, que des fantomes d'idées brumeuses. Après non plus. Mais au moment d'écrire, lorsqu'il faut choisir les mots de la phrase entamée, tandis que déjà se presse une prochaine phrase à venir, alors là, curieusement, il y a cette impression de clarté et de maîtrise qui donne à la vie un aspect presque saisissable.

Jeudi 28 février

Une scène à la Tarentino aujourd'hui, devant la gare St Lazare (à côté des marchands de fleurs jaunes). Un black taillé comme un videur en costard bleu marine qui crie à un autre, moins bien habillé : Donne mon argent ! Je veux mon argent ! Il est très énervé et répète plusieurs fois : Mais je vais te frapper ! Puis il hurle : MONTE DANS LA VOITURE ! Il le pousse vers une petite bagnole blanche arrêtée au milieu de la rue. Dedans, il y a au moins quatre types entassés et il leur crie de se pousser, toujours aussi speed. Le mec est mort de trouille. Le feu passe au vert et les voitures s'écartent pour les éviter. Je regarde autour de moi pour voir comment réagissent les gens à cette scène incroyable. Rien. Ils regardent ailleurs, comme s'ils n'y avait rien à voir. Cela devait se passer ainsi du temps de Billy the Kid lorsqu'une fusillade éclatait dans Main Street.

Vendredi 1 mars

J'aime beaucoup les photographies de William Eggleston, mais impossible d'en donner un aperçu ici. Même le catalogue, pourtant impeccablement imprimé, ne rend pas complètement justice à la beauté des couleurs - alors avec les pixels...

Samedi 2 mars

Arbre en fleurs devant la fenêtre, Neil Young (Stupid Girl) qui se mélange avec le son de la radio (France Culture) dans la pièce à côté, je viens de crasher la voiture de Bill, la Seine monte toujours.

Dimanche 3 mars

14:09. C'est l'heure de la sieste. Silence total dans la base, c'est très rare. Une occasion pour écouter les oiseaux.


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