Chapitre 2 - Le cycle de vie du saumon


Avant d'aller plus loin, jetons un œil sur le cycle de vie du saumon. Ceci nous aidera à comprendre son comportement.

Fraison
Débutons au moment où les géniteurs sont sur les frayères. La fraye débute généralement à la fin d'octobre et se termine à la mi-novembre. La femelle pond ses œufs dans le gravier, après avoir creusé une sorte de nid en donnant de vigoureux coups de queue et le mâle y répand sa laitance.

Une femelle pond environ 1 800 œufs par kg de son poids. Donc, un saumon femelle de 4,5 kg pond près de 8 000 œufs. Seulement quatre saumons adultes venant de ces 8 000 œufs reviendront quelques années plus tard dans cette rivière



Alevin
Au printemps suivant la fraye, l'œuf donnera naissance à un alevin. C'est une sorte de poisson minuscule, dont le ventre a une poche qui se nomme sac vitellin et qui contient tout ce dont l'alevin a besoin comme nourriture durant les premières semaines de son existence. Au cours du premier été, l'alevin se nourrit d'insectes et de micro-organismes. Au début de l'hiver, il aura atteint entre 5 et 9 cm.

Tacon
Durant le deuxième été de sa vie, la croissance sera plus rapide. Il s'appelle maintenant tacon. Les tacons vivent de deux à sept ans dans la rivière, selon la température de l'eau et la nourriture qu'ils y trouvent. Leur vie en rivière se fait en voisinant les truites. On peut distinguer les tacons des truites par leur queue, celle du tacon étant fourchue.

Si jamais un tacon s'accroche à votre mouche, ramenez-le lentement vers vous pour ne pas le noyer. Décrochez la mouche délicatement sans toucher le tacon avec vos mains. Tenez tout simplement l'hameçon fermement entre vos doigts, sans bouger. Le tacon, en se débattant, se décrochera de lui-même et retournera à la rivière (ne le tenez pas trop élevé au-dessus de l'eau). Il est important de faire très attention aux tacons car ce sont nos saumons de demain.



Saumoneau
Après ces années en rivière, le tacon se transforme. Il prend une couleur argentée, ses nageoires noircissent et son corps s'allonge (15 à 20 cm ). Il se prépare à la vie en mer. Le tacon est devenu un saumoneau et à la fin du printemps, il descend la rivière jusqu'à la mer.

Prédateur
Lorsqu'il est en rivière, le jeune saumon doit faire face à certains prédateurs comme la truite, le bec-scie, le martin-pêcheur, la loutre, le vison, le goéland et le cormoran.


Le saumoneau, lorsqu'il a atteint la mer, se dirige vers des sites d'engraissement. Il s'y nourrira de crustacés, de capelans, de harengs, etc. et prendra du poids rapidement. Cette période d'engraissement varie d'un à trois ans.

Les "madeleineaux" sont des saumoneaux qui ont passé seulement un an en mer avant de revenir frayer dans leur rivière d'origine. Ils demeurent le long des côtes de leur pays d'origine.

D'autres saumoneaux se dirigent vers les sites d'engraissement situés au large et le long de la côte ouest du Groenland ainsi que dans les alentours des îles Faroë.

En mer aussi, le saumoneau aura à faire face à des prédateurs. On n'a qu'à penser aux phoques, aux requins, aux goélands et aux cormorans. En plus de ces ennemis naturels, il subit aussi la pollution causée par les navires transatlantiques qui vidangent en haute mer.

Retour à la rivière
Lorsqu'il se sent prêt, le saumoneau devenu saumon adulte retourne vers son lieu d'origine. Il voyage la plupart du temps le jour dans un périple que les chercheurs n'ont pas encore réussi à élucider.

Depuis le jour où les scientifiques ont pu être certains qu'une grande majorité des saumons retrouvent leur rivière d'origine, la question demeure, "comment"?

Une des hypothèses est que les étoiles et le soleil leur servent de guides. Une autre parle de l'influence des courants des océans. Cependant, il semblerait qu'une fois rendu près de la côte, le saumon localise sa rivière par l'odeur.

Par l'étiquetage, on a pu connaître les déplacements des saumons. On pose des étiquettes sur le dos des saumoneaux lors de la dévalaison et on les recueille lorsque les saumons sont pêchés soit commercialement, soit sportivement. Cette technique a permis aux biologistes du Québec de découvrir que les saumons retrouvent à 95 % leur rivière natale.

Montaison
Le saumon qui arrive de ses aires d'engraissement est gras et de couleur très argentée. La vitesse à laquelle se fait la montaison dépend généralement de deux facteurs : la hauteur et la température de l'eau. Plus l'eau est haute et froide, donc plus oxygénée, plus rapide est la montaison. À l'inverse, plus l'eau est basse et chaude, donc moins oxygénée, plus lente sera cette montaison.

On a tendance à penser que les gros saumons de trois ans de mer (donc des saumons de plus de 8 kg) arrivent les premiers au printemps. Donc lorsque la saison de pêche commence, ce sont eux qui peuplent les rivières. Ensuite arrivent les saumons de deux ans de mer (entre 4 et 7 kg) et finalement ceux d'un an de mer (entre 1,5 et 3,5 kg) qui sont presque entièrement des mâles et dont la plupart ne sont pas matures pour la reproduction. C'est la principale raison qui fait que dans les rivières où la remise à l'eau (catch and release) est obligatoire, on laisse au pêcheur la possibilité de conserver les madeleineaux. Mais ces dernières années, ces lois sont remises en question. On trouve du "madeleineau" (entre 1,5 et 3,5 kg) très tôt en saison et du gros saumon (plus de 8 kg) encore bien argenté en plein milieu de la saison. Certains facteurs sont venus modifier l'ordre observé.

La remontée en rivière à partir de la mer peut se faire très rapidement. On a déjà vu des puces de mer sur des saumons capturés à plusieurs dizaines de kilomètres de la mer alors que ces puces ne vivent que 48 heures en eau douce. Plus la saison avance, plus la coloration du saumon change. Elle devient rougeâtre. La mâchoire inférieure du mâle remonte vers le haut en formant un crochet.

Lorsqu'il est dans la rivière, le saumon se déplace surtout la nuit sauf dans les chutes qui sembleraient être plus faciles à surmonter le jour à cause de sa vue. Durant sa remontée jusqu'à l'endroit où il a vu le jour dans le seul but de frayer, le saumon s'arrêtera dans des endroits de la rivière que nous appelons des "fosses".

Mortalité
Par opposition au saumon du Pacifique, le saumon de l'Atlantique ne meurt pas obligatoirement après avoir frayé. Une partie des saumons redescendent la rivière et retournent en mer tout de suite après avoir frayé, d'autres passent l'hiver sous la glace des rivières sans manger pour ne redescendre qu'au printemps suivant. Encore là, c'est un secret qui échappe aux biologistes. Mais ceux-ci nous disent que chaque saumon qui retourne en mer, soit l'automne ou le printemps suivant, a bien peu de chance (soit de 4 à 10 %) de revenir frayer une deuxième fois.

Il semblerait que le saumon le plus âgé enregistré au Québec serait une femelle de la rivière Matane, qui a été capturée alors qu'elle venait frayer pour la cinquième fois. Elle pesait 15 kg et était, paraît-il, âgée de 15 ans.



Chapitre 1 Le saumon de l'Atlantique
Chapitre 3 - La physiologie du saumon