La cathédrale des Empereurs de Spire :
(La plus grande cathédrale en style roman du Monde)

 

 
vue générale

 

C'est presque au milieu du long fleuve : le Rhin, qu'est située Spire (ou en allemand Speyer) sur un petit plateau environné par différents bras du Rhin. Déjà les Celtes avaient choisi cet emplacement pour en faire l'une de leur capitale. Lors de l'extension romaine, Spire marqua la frontière entre les peuplades germaniques et l'extension de l'Empire romain, mais faisant partie de la rive gauche du Rhin, elle devint romaine (Spira) et différents temples voués aux dieux païens y furent établis. C'est au IVè Siècle après J. Christ que la mère de l'Empereur Constantin, Hélène, fit construire une première "cathédrale" à Trèves tandis que Spire devint une ville épiscopale favorisant l'extension du Christianisme dans la vallée rhénane. On retrouva récemment les fondements d'une petite église en calcaire avec le nom Christi au nord de l'actuelle cathédrale. Mais vers l'an 406, cette nouvelle ferveur religieuse fut balayée par les invasions multiples des peuples barbares.

Deux cents ans après, les invasions s'estompèrent et les Francs prirent possession du territoire rhénan. Le Roi Mérovingien Dagobert 1er (628-638) reconstruisit une nouvelle ville sur les restes romains de Spira et fit bâtir une nouvelle église épiscopale en l'honneur de la mère du Seigneur : Marie et du premier martyr saint Etienne (à l'emplacement de l'actuelle cathédrale). C'est depuis cette date que les archives de la ville de Spire ont gardé des mentions du culte chrétien et de sa cathédrale. Les rois mérovingiens suivants favorisèrent l'établissement du clergé à Spire en lui apportant un dixième des récoltes locales et en l'exonérant de toutes charges fiscales. Charlemagne reconduira ces  accords.

 

anciennes fondations restaurées

 
Sous le règne de Louis le Germanique (859), (petit-fils de Charlemagne) la Basilique changea de nom, le patronyme de saint Etienne devint secondaire et s'effaça devant le premier titre celui de la "sanctae Mariae virginis" (La sainte Vierge Marie). A cette époque, la petite cathédrale mérovingienne fut reconstruite en une plus grande par les Carolingiens. La partie ancienne garda le patronyme de saint Etienne, on suppose qu'elle devait être établie sur l'emplacement actuel de l'une des chapelles adjacentes à la nef centrale. C'est à cette époque que le clergé de Spire construisit un grand nombre de bâtiments annexes (bibliothèques, écoles, presbytères, monastères...). Pourtant de nos jours, on ne retrouve plus aucune trace de cet imposant bâtiment carolingien qui semble avoir été totalement remplacé par l'actuelle construction.

 

Façade avant de la cathédrale

 

Lorsque l'Empereur Henri II mourut en 1024 son successeur Conrad II était originaire de Worms (50 km au nord de Spire). Il aimait particulièrement Spire et était un fervent croyant, (il fit transformer son château de Limburg en un monastère de Bénédictins). C'est en 1027, qu'il fut couronné Empereur avec sa femme Gisèle et comme l'un des plus grands territoires chrétiens reposa désormais sur ses épaules, il décida d'établir à Spire, le plus grand édifice chrétien du Monde de l'époque. Les proportions des plans étaient considérables, les fondations ressemblaient à une immense croix latine. C'était la première fois qu'on avait projeté d'établir un plan de cathédrale tel que nous les connaissons actuellement. La plupart des éléments de l'actuelle cathédrale ont été conçus à cette époque. Des quantités énormes de terre ont été déblayées pour la fondation de la crypte souterraine. Sur une longueur de 132 m, furent placées les fondations avec une profondeur de 5 m et une largeur de mur de 2,6 m. Pendant près de 30 années, les bateaux apportèrent continuellement par le Rhin (qui coule au pied de l'édifice) les différents matériaux de construction (le grès, le calcaire, le bois...) extraits des carrières et des massifs avoisinants (Vosges, Forêt Noire, Haardt...)

L'Empereur et son épouse ne lésinèrent pas sur les moyens, mais à la mort de Conrad II (en 1039), la construction n'en était qu'à la moitié. Son fils et successeur Henri III le fit ensevelir dans la crypte déjà achevée puis Henri III fit poursuivre les travaux avec la même ferveur. La richesse du bâtiment fut toujours respectée avec par exemple la réalisation de l'Autel principal dont un évangile Codex aureus a été ajouté en or massif. Des reliques précieuses ont été rapportées (un morceau de la sainte croix et la tête du martyr Etienne rapporté d'un voyage à Rome). Mais Henri III mourut aussi avant la finition des travaux (1056). Ce n'est qu'en 1061 que la première inauguration officielle eut lieu sous le règne de son fils, le (célèbre) Salien Henri IV. Mais quelques années après, ce nouvel Empereur apportera à l'édifice d'importantes restaurations corrigeant quelques défauts architecturaux dus à l'innovation.

 

Les piliers romans de la nef

 

De nombreux historiens ont cherché la raison pour laquelle, cet Empereur décida de transformer ce bâtiment qui venait juste d'être enfin achevé. On prétendit que les inondations du Rhin en étaient la cause, mais au vu des fondations, il ne semble pas y avoir eu de dégâts. Plus raisonnablement, on pense que la cathédrale souffrit de tensions au niveau des piliers et du plafond de la nef. Des rénovations coûteuses furent mises en oeuvre ainsi qu'une transformation de la crypte. Sur le plan politique, les conseillers "spirituels"  (les hauts membres du clergé local) profitèrent de la situation politique de l'Empereur souvent inquiété par des querelles avec les Seigneurs des régions voisines et les investitures hasardeuses des Papes romains (voir conflit avec Grégoire VII et Canossa) pour lui recommander de favoriser toutes les rénovations nécessaires à la cathédrale et ainsi de mieux recevoir la clémence et la bénédiction du Ciel...

 

La nef principale

 
A la fin de son règne (1105), la Cathédrale était solidifiée au niveau de la voûte de la nef et les vitraux réalisés par les maîtres en la matière mandatés de tout l'Empire en décoraient les façades. Lorsqu'il mourut en 1106, il avait réalisé avec ses artistes la plus majestueuse et la plus belle de toutes les cathédrales romanes du Monde. Elle était si réussie, qu'elle devint un modèle (de l'art Roman) universellement recopié et ses proportions ont été jugées si admirables que certains historiens des Siècles suivants ne purent croire que ce bâtiment était si ancien...

 

La cathédrale de Spire avec le mont des Oliviers

 

La cathédrale gothique de Strasbourg :
(longtemps l'édifice le plus haut du Monde)

 

vue générale

 

L'Histoire de la Cathédrale de Strasbourg  est très semblable à celle de Spire puisque qu'on retrouve les premières traces d'un sanctuaire à cet emplacement, remontant à l'époque celtique. Comme Spire, Strasbourg devint une colonie romaine du nom d'Argentoratum et les sanctuaires celtiques furent remplacés par un prétoire avec son sanctuaire militaire consacré aux divinités romaines (Mars).

C'est vers 550, qu'on trouve les premières traces d'un temple chrétien dédié à la Vierge sous l'impulsion des rois Mérovingiens et de l'évêque saint Arbogast. Cette église ne fut remplacée qu'au VIIIè siècle par une construction plus importante. L'évêque Remi, dans son testament de 778, avait exprimé le désir d'être enterré dans la nouvelle crypte qu'il avait édifiée. Grâce à des fouilles récentes, la cathédrale carolingienne nous a révélé ses grandes lignes, elle était composée d'une église à 3 nefs et à 3 absides. La crypte était doublée d'un couloir annulaire. Il est probable que le fameux serment de Strasbourg eut lieu dans cet important édifice. Plusieurs incendies (en 873, 1002 et surtout 1007) ruinèrent cette construction remarquable, que l'évêque Ratald (mort en 874) avait richement ornée de pierreries et d'objets en or.

Secondé par la faveur impériale, l'évêque Wernher ne tarda pas à entreprendre la reconstruction de son église. Les fondations de la quatrième Cathédrale de Strasbourg furent jetées en 1015 et les travaux avancèrent rapidement. Le gros oeuvre de la basilique était probablement achevé en 1028 ou peu après. La nouvelle église comportait une robuste façade, une vaste et haute nef et un grand transept saillant. La nef n'était pas encore voûtée mais charpentée, d'où plusieurs incendies continuèrent à ravager l'édifice. A la suite du sinistre de 1176, l'évêque Henri de Hasenbourg décida d'élever une église voûtée tout en réutilisant autant que possible les fondations et les murs anciens. Comme la cathédrale de Bâle venait d'être achevée dans un style majestueux, les Strasbourgeois avaient à coeur de construire un sanctuaire à la "dernière mode" et c'est en 1190 que commencèrent les immenses travaux d'un chantier qui dura plus de deux siècles...

 

 

Cette construction se fera en différentes phases qui se termineront en 1439 avec la pose de la dernière pierre (la plus haute) sur la tour de l'édifice. Pendant 50 ans, les travaux concernèrent la restauration et la construction des parties latérales de l'édifice actuel. Dès le début du XIIIè siècle, on fit appel aux principaux maîtres d'oeuvre connus de l'époque et dans le croisillon sud, on retrouve par exemple la chapelle Saint-Jean-Baptiste qui préfigure au style gothique avec une salle capitulaire. C'est à cette époque qu'on construisit aussi le fameux pilier des Anges que l'on doit à différents imagiers venus spécialement de Chartres.

 

Le Pilier des Anges.

 
C'est vers 1235 que commencèrent les travaux de la nef principale qui était construite dans le même style que la Cathédrale de Reims (style champenois). Du vieux "vaisseau" roman ne furent gardées que les fondations. La construction de la nef se fit en deux phases : une première de 1235 à 1245 et une deuxième de 1253 à 1275. Pendant cette seconde campagne, on modifia (sous l'impulsion du nouveau maître d'oeuvres Rodolphe le Vieux) les projets de construction initiaux pour simplifier l'ensemble : on choisit de garder une part plus importante de l'édifice roman et on y ajouta 4 travées légèrement plus étroites au lieu des 8 initialement prévues. Lorsque la nef fut achevée, on décida de "s'attaquer" à la façade principale.

 

La nef principale en gothique

 
En 1276,les fondations de la nouvelle façade furent solennellement  bénis par  l'évêque Conrad de Lichtenberg et la première pierre de la tour Nord fut posée en 1277. A cette époque, on décida de s'inspirer de la façade de la cathédrale de Troyes qui comporte 2 tours, 3 portails et un second étage avec une rose centrale. Mais le maître d'oeuvre choisi, commis plusieurs erreurs que son successeur s'efforça de réparer. Au fur et à mesure que les maîtres d'oeuvre se succédaient les projets étaient modifiées et c'est seulement en 1365 que la façade était achevée (sans les tours). Donc selon le maître d'oeuvre, on retrouve de légères modifications dans les différents étages de la façade (le premier comportant les portails, le second : la principale rosace et le troisième : les troncs de clochers).

C'est alors que l'enthousiasme de la construction finale des tours s'évanouit. La crainte de séismes (en 1356, Bâle avait été détruite), les difficultés financières et toutes les pertes humaines causées par la grande peste de 1349 et son cycle de réapparitions expliquent la renonciation aux flèches et une substitution (provisoire) par une façade surmontée d'un clocheton. Ce projet fut vite abandonné et le Magistrat de Strasbourg fit alors appel à Ulrich d'Ensingen qui venait de commencer la gigantesque tour d'Ulm.

Le maître d'oeuvre souabe présenta un projet de haute tour comportant un octogone cantonné de quatre tourelles d'escalier, surmonté d'un petit étage servant de base à une flèche ajourée aux arêtiers gracieusement incurvés. A la mort d'Ulrich d'Ensingen (1419), seuls l'octogone et son petit étage étaient terminés. Le nouveau maître d'oeuvre, Jean Hülz modifia une ultime fois les plans. Il suréleva les tourelles d'escalier jusqu'au départ de la flèche qu'il érigea selon ses propres conceptions. La dernière pierre fut donc posée en 1439. A ce stade (qui sera d'ailleurs définitif), le Magistrat était très satisfait du travail, car il considérait la haute tour non seulement comme le couronnement de la Cathédrale, mais aussi comme une sorte de beffroi symbolisant la puissance et la grandeur de la ville.

 

La façade avec sa haute flèche

Cette tour de 141 mètres de hauteur venait de faire de Strasbourg la ville ayant l'édifice le plus haut du Monde ! Elle gardera "ce record du monde" jusqu'en 1847 où la flèche de l'église Saint-Nicolas de Hambourg (144 m de hauteur) fut achevée. Notons cependant que par moment certaines flèches (Beauvais ou Londres) dépassaient en hauteur celle de Strasbourg mais qu'elles se sont écroulées ou ont été endommagées par la foudre. Par plusieurs fois, on essaya de rajouter une seconde tour à la façade strasbourgeoise, mais quelques raisons ont fait échouer ces projets : le sol n'est pas très stable et le colossal édifice repose déjà sur "un lac" dont d'énormes poutres de chêne des Pyrénées supportent l'ensemble, une seconde tour aurait donc pu faire définitivement pencher ou choir l'édifice entier. Une tentative notoire avait été entreprise vers 1530 avec la construction d'une tourelle provisoire, mais elle a échoué à cause d'une grande tempête en 1533. Cet échec venait renforcer l'idée de garder l'édifice tel quel. Enfin de nombreux admirateurs trouvent cette asymétrie "légendaire" fort plaisante et l'estiment comme une spécificité à sauvegarder à tout prix en matière de Cathédrales.

L'achèvement de la flèche eut bien sûr un retentissement considérable dans les pays du saint Empire germanique. La haute tour fut considérée comme la huitième merveille du monde. Dès lors faut-il s'étonner de la désignation du maître d'oeuvre de la Cathédrale comme grand maître et juge suprême de tous les ateliers du saint Empire ? Cette suprématie de Strasbourg dura de 1459 à 1707 (époque où Strasbourg fut définitivement intégrée à la Couronne de France de Louis XIV).