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Les garçons ont toujours raison. C'est dans l'automne froide qu'est sorti le disque français qui laissera le plus de traces cette année. Quelques jours après cet événement, rencontre avec les heureux parents.

Votre dernier album marque une rupture avec vos albums précédents ainsi qu'avec la production française en général. Quelle en a été la motivation ?

Déjà, l'intérêt est de ne pas se répéter. Nous avions envie de changer, à la suite des changements de personnel du groupe : il n'y a plus que deux membres originels de Diabologum.

Ces départs ont-ils joué à ce point ?

Surtout dans le son, l'arrivée de Richard a bousculé beaucoup de choses. Mais avant déjà, nous avions ce besoin de changement, de partir sur des bases plus dures, plus agressives, qui nous correspondent plus. Pour le premier album, c'est un peu différent, mais en tout cas, le deuxième ne nous correspondait pas tant que ça, musicalement: transposés à la scène, les morceaux étaient bien plus violents. En fait, on voulait arriver à ce que nos disques sonnent plus comme ce que l'on écoute.

Votre inspiration se porte sur les musiques en vogue, le trip-hop, le rap, ...

Tout à fait, mais on pioche un peu partout : on écoute tous pas mal de choses différentes.

Cinéma également.

On essaie de ne pas calculer, on fait ce qu'on ressent. Y'a un peu de récup !

Le travail sur la forme est tout de même prépondérant sur cet album; c'est presque un exercice de style.

Le fond est important aussi. C'était le problème du "Goût du jour" ; on n'avait pas envie de se répéter, de repartir sur la même voie. Après la cassure entre le premier et le deuxième album, il fallait moins que l'on se cache, qu'on dévoile nos pensées afin d'être cohérents avec nous-mêmes, ce qui n'est pas toujours facile! La forme, le fond, on espère que tout ça se mélange. Dans l'écriture, tout se faisait en même temps, rien n'a été calculé, donc ce n'est pas un exercice de style.

L'album est diversement reçu : pour certains, il est très novateur, mais d'autres regrettent que vous vous soyez perdus dans l'expérimentation. A chaque rupture entre les albums, ne craignez-vous pas de perdre de l'écoute ?

C'est véritablement le risque majeur, mais on ne pouvait pas faire autrement. De toutes façons, en stagnant sur les mêmes positions, en présentant la même chose à chaque fois, tu perds ton public, et ça n'est pas intéressant artistiquement. Il n'y a pas de réaction spontanée : la victoire est acquise de suite quand tu montes sur scène. Il vaut mieux qu'il y ait cette démarche du public.

Jusqu'à quel point pouvez vous pousser le côté expérimental ? Est-ce-que la scène ne freine pas cette créativité ?

Non. On a en plus une grande marge de liberté à ne pas jouer chaque soir les mêmes choses. Si, sur disque, il y avait des instrumentations particulières, bien sûr, mais là, à part les samples, il n'y a rien d'extraordinaire. On peut toujours présenter le disque sur scène, ce qui est primordial, aller vers les gens, faire cette démarche, communiquer.

La tournée commence juste. Comment l'appréhendez-vous ?

Avec confiance. On maîtrise à peu près les morceaux. Ce soir, c'était assez stressant (le groupe jouait en toute première partie avant deux groupes de hard-core), le public ne nous connaissait pas. Tout le monde n'a peut-être pas de visière ! Il faut se confronter à des publics différents, qui n'écoutent à priori pas le genre de musique que tu joues.

Vous ne jouez pas trop à Toulouse, votre ville d'origine. Européens avant tout ?

On a toujours préféré jouer à l'extérieur, pour ne pas s'enfermer dans la ville, un espace clos, jouer dans les mêmes bars. On a joué deux ou trois fois à Toulouse, mais c'est la confrontation avec des milieux divers qui est intéressante. Bien sûr, on est perçu différemment selon les publics : hier soir, nous avons joué en Belgique devant un public "ultra-variété". Il y a eu une grosse tension, mais tout à fait bénéfique.

Lithium vous fait encore confiance ?

On travaille en totale collaboration. Pas de contrainte mais ils donnent leur avis sur les maquettes qu'on envoie, leurs conseils, ...

Sur le dernier album, on trouve beaucoup le mot "rien", le mot "mort"... Est-ce-que vous croyez encore en quelque chose ?

On aimerait bien ! Evidemment, on est plutôt négatifs, mais c'est un premier pas: dire ce que tu penses, c'est quand même positif. C'est la réalité: les gens de notre âge sont complètement rongés par le dégoût : subir le chômage, le R.M.I, c'est pas gai.

De tous les qualificatifs suivants (trouvés dans la presse), lesquels peuvent vous convenir ?

Contestataires : non.

Indisciplinés : oui.

Moqueurs : non.

Critiques : oui.

Perturbateurs : oui.

Rebelles : Si cela existe encore, oui.

Lors d'un concert sur la dernière tournée où vous aviez dédié "Adieu à Paris" à Guy Debord, un spectateur était monté sur scène pour vous traiter d'opportuniste. Appréciez-vous que les spectateurs puissent sortir de leur rôle ?

C'est pour cela que l'on fait de la musique, pour amener les gens à réagir si c'est encore possible.

A vous écouter ("on dit que l'art est mort, ... il faut le tuer" ; "il n'y a rien à gagner ici", ...), on se demande si la révolution n'est pas une vue de l'esprit ou un concept artistique.

La révolution, il faut que ce soit une réalité. C'est prendre un fusil, tirer des balles, casser des vitrines, brûler des voitures. C'est ça la révolution.

#3 semble plus engagé que vos précédents albums, n'est-ce-pas au détriment de la dérision ?

C'est une évolution naturelle : on a gardé les mêmes idées, mais on ne exprime plus de la même façon, puisqu'on n'a pas le même état d'esprit. L'album est plutôt désengagé, négatif, mais pas nihiliste. Il n'y a pas de système derrière tout cela ; c'est peut-être négatif et critique, mais il y a de quoi, tout de même. Quant à la dérision, le ton n'aurait pas été de mise.

Sans la dérision, on vous sent froids, cyniques. Ce n'est pas gênants de jouer devant une foule qui se rapproche des masses que vous dénoncez ?

On fait tous partie des troupeaux de toutes façons. A partir du moment où tu ne te tires pas une balle dans la tête, tu essaies d'en sortir.

Comment vous situez-vous par rapport à la scène française ?

On ne se positionne pas vraiment. On aime bien certains groupes, comme les Married Monk.

Diabologum reste un groupe pop.

Les étiquettes n'ont aucun intérêt. Je ne pense pas que nous ayons été un groupe pop.