"Kebelen"

Lire l'interview d'Akosh et de Joe au sujet de ce nouvel album

Interview interessante d'Akosh à propos de Kebelen

Korai 6:05
Magvak 11:29
Tan 17:02
Oya 15:16
EK 4:19

 

Akosh S. Saxophones ténor et soprano, clarinette basse, clarinette métal, gardon, flute, bombarde, kalimba, chant, trombone, trompette.
Joe Doherty Violon, alto, saxophones alto, clarinette basse, flute.
Bernard Mandalin Contrebasse
Philippe Foch Batterie, percussions
Bertrand Cantat Chant
Mokhtar Choumane Flutes, Kaval
Nicolas Guillemet Saxophone soprano
Quentin Rollet Saxophone alto

 

"Avant de réaliser cet album, j’avais pas mal de bandes remplies de musique et ça faisait un bon bout de temps que ça me titillait cette histoire de studio et de live. Je n’avais absolument plus envie de rentrer en studio et jouer une musique vivante pour des micros, des murs et un ingénieur du son. J’étais plus intéressé par l’utilisation de musique prises en concert. Et je me suis d’ailleurs rendu compte qu’il y avait une grosse partie de la musique que je défends qui était mille fois plus intéressante enregistrée en concert."

Akosh S

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Akosh S. "Kebelen"

Nous voilà repartis dans les Balkans, à la poursuite d'un folklore qui n'est pas seulement imaginaire ou cinématographique : ce n'est pas la suave douceur de "Ederlezi" du "Temps des gitans" de Kusturica, mais le jazz s'intègre dans cette tradition libre, orale, dans une folle traversée des musiques des pays de l'Est. Violente, expressionniste, la musique de ce troisième disque, dans la production du poly-instrumentiste Akosh Szelevenyi, nourrit l'espérance de sortir d'un cauchemar puisqu'il préface ainsi : "Je crois en la femme, je crois en l'enfant, je crois en un monde et en l'homme. Qui ne font qu'un. Malgré tout".

Après "Imafa" (Arbre de vie), et "Eletter" (Espace de vie) il est toujours question de vie dans ce nouvel album, "Kebelen". En hongrois, 'kebelen' veut dire 'au sein' dans tous les sens du terme, de la matrice protectrice (qui renvoie aux forces telluriques), aux images d'une femme allaitant ou d'un ami que l'on embrasse. "Kebelen", dont il faut relever au passage - et cela est important - la conception soignée de la jaquette, est un album live retravaillé en studio : cinquante minutes pour cinq morceaux longs, aux titres traduits (en scannant la page du dictionnaire hongrois-français, avec les différentes significations) où l'on enchaîne distorsions électriques, bidouillages électroniques, voix ou plutôt cris de Bertrand Cantat (un habitué depuis les débuts d'Akosh S. Unit), vagissements, recherches de dissonances en tous genres, très longs passages free, alliages originaux du violon de Joe Doherty, de flûtes en tous genre, d'une clarinette métal et d'une contrebasse exaltée.

Composée à partir d'improvisations libres, cette musique traversée des ombres de l'histoire, et pas seulemnt des tourments du passé, traduit la tension entre les structures, mélodies, rythmes issus d'un terroir, d'une mémoire, spécifiques et le jazz. Mais d'où vient que tout s'enchaîne un peu trop à l'identique et que l'on s'essoufle vite à suivre les stridences des saxophones, la frénésie étourdissante, au sens premier du terme, de l'ensemble ?

Sophie Chambon - Sefronia n°46 - Juin 2001

 

Album après album , Akosh Szelevényi semble toujours porté par la même urgence mais réussit également à dépasser le cadre de saxophoniste “ hurleur ” auquel on le limite trop souvent. La preuve une nouvelle fois avec son nouvel album, fruit d’une maturation de deux années. Akosh s’y affirme davantage comme metteur en musique que comme instrumentiste. La construction de cet album témoigne d’une véritable réflexion sur la création et de l’authenticité de la démarche artistique d ’Akosh : Celui-ci a tenté ici de saisir ce qui se dégage de sa musique au-delà d’un enregistrement événementiel. Le résultat est une suite formée de morceaux jouées en live , de chutes de studio , de créations pour du cirque nouveau et de cris d’enfants.

 Dès les premières notes on est happé par un chant très profond , évident, atemporel. Akosh se dit d’ailleurs très attaché à la musique jouée par les gens simples et entend resté fidèle aux instruments acoustiques, même s’il utilise les techniques modernes de montage. Au fur et à mesure que les instruments(violons ,chants, saxophone baryton) entrent, la musique se densifie. La construction de ce premier morceau, “ Korai ”, est si cohérente qu’elle fait oublier le nombre impressionnant d’instruments utilisés au cours de ces six minutes inaugurales. Pas de télescopage mais une unité de bout en bout de l’album. Les transitions entre les différents morceaux constituent autant de temps forts de l’album, ce qui est une gageure

Une musique toujours au bord du cri, avec des tensions tantôt retenues, tantôt mises à nu. Mais ce n’est pas forcément quand la musique d ’Akosh est la plus ouvertement rageuse qu’elle est la plus originale et la plus puissante. La calme introduction de “ Magvak ” jouée à la sanza(piano à pouces) possède ainsi le magnétisme d’une berceuse ancestrale. L’utilisation d’instrument folklorique dépasse ici la seule recherche d’un climat particulier, d’une couleur qui devrait jaillir de l’instrument comme un génie sort d’une babouche quand on la frotte. Akosh sait créer le contexte musical qui rendra cohérent l ’ utilisation de tel ou tel instrument.

 De manière très subtile, Akosh fait progresser sa musique jusqu'à un lieu, au cœur de l’album, qui déjoue toute tentative de catégorisation. Une atmosphère irréelle se répand. Les interventions des différentes protagonistes, fragmentées tout au long de l’album, sont autant de contributions à la limite de l’anonymat à un propos honnête avant d’être séduisant

 Si “ Omeko ”, album formé à partir de bandes de concerts enregistrés lors de la tournée du Unit en première partie de Noir Désir, reproduisait l’énergie brute du live, le présent album, objet très travaillé, reproduit le sentiment précieux que l’on peut parfois connaître en assistant à un concert .La surprise extatique qui nous amène à nous poser une question qui restera en suspens : “ comment est on arrivé jusque là ”? Un album à écouter d’un seul souffle.

 

Alexandre Duval - http://www.axelibre.org/

 

Comme tout travail de Akosh, Kebelen est né de l'obscurité. Le souffle tellurique qui réveille les mythes du continent est toujours présent mais désormais plus seul face à une section rythmique ou accompagné de cordes et d'autres soufflants. Akosh ne se repose plus uniquement sur l'alchimie acoustique. Il en réfère à l'électronique et au montage. Dans son travail de démiurge, Akosh semble s'être attaché les services du cut-up.

Seul face à sa console, plus proche d'une décision de création, d'un acte conscient que de l'instant généreusement donné, Akosh a créé un univers sombre et fantasmagorique. Une pièce d'un seul tenant, où l'on s'interroge tout du long sur l'âme - chants chamaniques, enchaînement continu de violon, distorsion électrique et hurlement de Bertrand Cantat - et où l'on voit la vie s'exprimer sans inhibition - gazouillis de bébés. Bref, un monde vrai, parfois cahotique, loin de toute médiatisation, dans lequel se retrouveront ceux qui aiment le bruit du vent et l'espace de la nuit.

 

François Lhomer - http://www.citizenjazz.com