La genèse de l'affaire
Les couleurs sont de nous évidemment:
Revue Nostra n°215 du 19 Mai 1976
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Astronomie: L'ANTI-TERRE
Pour Jacques Bergier , c'est
une hypothèse moins folle qu'il n'y parait .
Les Grecs de l'Antiquité en savaient plus long qu'on ne
l'estime d'ordinaire. On peut même se demander si les dieux de leur Olympe
n'étaient pas autre chose que des personnages mythiques - et, par définition,
mythologiques - mais plutôt des grands initiés, des géants de la connaissance
scientifique.
On n'a
cessé de célébrer la philosophie et l'art de ces fameux Grecs de jadis. Avec
quelle raison, d'ailleurs! Tandis qu'on se référait au seul Euclide pour les
mathématiques et qu'en matière de sciences physiques on permettait tout juste à
ce petit baigneur d'Archimède de surnager, d'émerger du lot.
Que
d'injustice dans cette méconnaissance d'autres grands esprits! On se la reproche
surtout depuis la découverte de certaines réalisations techniques - hellènes à
cent pour cent - et, plus spécialement, de la machine à calculer
d'Anticythère.
Elle seule
suffit à démontrer que les savants (aussi)
étaient en nombre sous le règne
resplendissant de Périclès, que toutes nos
conceptions sont à réviser, sur ce
chapitre, comme le rappelait récemment le très érudit Derek de Solla Price dans le
"Scientific
Américan", et que les enseignements à puiser dans ce très vieux patrimoine
intellectuel prennent, souvent, un aspect déconcertant sinon
effrayant.
En tête de
ces idées oubliées qu'il serait temps de réexaminer figurent les théories
relatives à la planète Antechton, l'
"anti-Terre"
De quoi
s'agit-il au juste? les Grecs, qui savaient
parfaitement que la Terre tourne autour du Soleil, affirmaient qu'une autre planète exactement semblable à la notre - sa
jumelle, en quelque sorte - participait à la même gravitation, mais
en sens inverse.
C'est le
soleil lui-même, disaient-ils, qui nous la cache, si bien que personne n'a
jamais pu l'entrevoir.
Conception
pleine de séduction, certes, et qui présente, en particulier, l'avantage d'expliquer l'origine des visiteurs lointains
apparus sur la Terre en diverses périodes de son histoire. Plus besoin de leur supposer des origines extérieures à
notre système solaire : ils pouvaient très bien venir de cette Antechton. De plus
les origines étant rigoureusement semblables, ils ne pouvaient avoir qu'une
forme physique et organique identique à la notre.
Un film
basé sur cette conception a été projeté le 26
Avril dernier (en 1976 bien sûr, sans doute
le film" Dobelganger- journey to the far
Side of the Sun" en Français :
Danger Planète Inconnue de Robert Parrish: note du Webmaster)
à la télévision. L'occasion m'a été
donnée, alors, de préciser un peu ce que je tiens pour conception recevable en
matière d' "anti-Terre".
Précisons
d'abord qu' "anti-Terre" ne veut pas dire "anti-monde". Il n'y a dans cette
appellation aucune idée d'antagonisme. Et, si des astronautes accédaient, à un
moment donné, à cette planète invisible, ils ne seraient pas
"inversés" ; ils ne
reviendraient pas avec, par exemple, le cœur à droite.
Mais ils
auraient toutes chances de trouver des continents, des océans, des hommes et des
femmes parfaitement semblables à ceux de la Terre.
La
science-fiction s'est bien sûr intéressée à ces merveilleuses hypothèses. L'un
des auteurs les plus prolifiques dans le genre, cet Anglais Edgar Wallace à qui
nous devons, entre autre, le scénario du film "King Kong", avait
inventé, dans son roman "Planetoide 127", une variante fort ingénieuse de la même idée. Son
Antechton à lui était, en effet, le "sosie"
de la Terre; mais elle avait sur
celle-ci quelques mois d'avance. Si bien qu'il suffisait de savoir ce qui se
passait sur elle - ce que faisait le héros du roman grâce à une liaison-radio -
pour connaître notre avenir avec une extraordinaire précision.
Revenons,
toutefois, à des données plus scientifiques. Les détracteurs de ce globe
invisible font bien sûr valoir qu'aucune autre planète du système solaire n'a de
"jumelle" : s'il y avait
une "anti-Mars", par exemple,
un "anti-Jupiter", nos télescopes les auraient détectés depuis belle
lurette.
Est-ce un
argument suffisant? Pourquoi exigerait-on de toutes les planètes qu'elles aient
les mêmes caractéristiques? Pourquoi refuserait-on à la Terre d'avoir une
différence notable avec les autres, alors qu'elle présente déjà cette
particularité plus considérable d'être le seul monde habité du système
solaire?
Autre
objection basée, cette fois, sur des calculs d'une grande complexité : cette
"anti-Terre" devrait, forcément, produire des effets gravitationnels propres
capables d'affecter le mouvement de notre globe. Or nous n'avons jamais
enregistré de telles perturbations.
L'affaire
paraît plus sérieuse. Et pourtant! Tout, dans cet exposé, repose sur la
conception d'un soleil parfaitement sphérique. Mais il n'est pas prouvé du tout
qu'il se présente sous la forme d'une "boule" aussi parfaite. C'est ce que vient
de faire remarquer, tout récemment, le Pr.
R.W. Dicke, mon éminent collègue de
l'Académie mondiale des Arts et des Sciences : le soleil, dit-il, n'est qu'une
sphère approximative; il est "déformé", si l'on peut s'exprimer de la sorte.
Plus
compliqué que la théorie de la relativité
Hypothèse
hardie, on le voit, et même scandaleuse en ce sens qu'elle remet en question la
théorie de la relativité énoncée par Einstein et qui parait avoir acquis valeur
de dogme (Dicke se hâte, d'ailleurs, de la
remplacer par une autre dont les autres calculs sont trois fois plus compliqués
environ).
Mais
hypothèse utile, en même temps, voire essentielle, puisque cette
"forme bizarre" du soleil suffit à
réduire l'argument des effets gravitationnelles de l'éventuelle
"anti-Terre".
Il ressort
de tout ceci qu'absolument rien ne nous permet de nier de façon catégorique
l'existence d' "Antechton".
Mais,
demandera-t-on, si l' "anti-Terre" est impossible à détecter, même avec les puissants
dispositifs d'investigation et d'observation dont nous disposons maintenant,
comment les Grecs de l'Antiquité ont-ils,
eux, pu la concevoir ?
Je ne
trouve qu'une réponse à apporter : c'est que les Grecs n'ont pas vu eux-mêmes
cette invisible. Ils ont reçu, en revanche, la visite d'un certain nombre de ses
habitants. C'est, à tout prendre, une explication plus raisonnable que bien
d'autres, aux venues d'extra-terrestres, véritables hommes eux-mêmes mais
beaucoup plus avancés que leurs "jumeaux" terriens sur le plan de la science et de la
technique.
Avancés
jusqu'où, au juste? Jusqu'à notre stade actuel, peut-être, et rien de plus. Car
un voyage de l' "anti-Terre"
à la Terre, ou l'inverse, est beaucoup
plus facile à considérer qu'un transit entre galaxies. C'est, peut-on dire, un
exploit à notre portée : I1 sera possible, bientôt, à des astronautes, de
couvrir une distance de cet ordre, avec les fusées à propulsion atomique dont la
fabrication est en cours et que l'on pense voir lancer d'ici peu
d'années.
Ces
astronautes pourront-ils se flatter d'être les descendants directs des
dieux fabuleux de mont
Olympe? C'est une hypothèse passionnante
et moins extravagante qu'il n'y parait. Et l'on comprendrait mieux, du même
coup, les aventures très humaines prêtées à ces fameuses divinités, tout au long
de l'immense épopée connue sous le nom de mythologie.
Les Grecs
anciens ne se contentaient pas d'être les citoyens les plus intelligents de leur
temps. Ils étaient sceptiques, aussi. Alors, s'ils ont ajouté foi à ces peu crédibles récits de l'univers
olympien, n'avaient-ils pas leurs raisons,
leurs preuves évidentes et irréfutables ?
Jacques BERGIER
Article mis en page par Idylle fred le 27/01/2002, puis revu le 17/03/2002, puis le 05/06/05.