LE SAINT BLEU EGARE
Indications


              Au fond des cales des bateaux de traite, aux bruits des tambours, des fracas des fusils et des canons, à la vue de la croix du Christ et du goupillon, les esclaves eurent encore plus peur. Ils n'avaient jamais entendu de si près le Dieu du fer, du feu, et de la guerre.

Peinture murale de GOU photographiée dans un temple à Glidji, au Togo. Le dieu à un museau de chien, rappelant que le chien est son compagnon fétiche. Un troisième oeil au millieu de son front et dans la paume de sa main peut laisser comprendre qu'il est maçon.

        A Cuba, au Brésil, au Nigéria, son nom est OGOUN. En Haïti, il s'appelle HOGOU FERRAILLE, ou tout simplement GOU, comme au Togo, où il est le dieu des forgerons. Son fétiche est un amas de fer. Dieu de l'humanité naissante, il est de l'âge du fer, depuis, il ne nous a jamais quitté. Les Haïtiens l'ont toujours lié au monde des ouvriers, mais il est aussi devenu le dieu des guerriers, de la libération armée contre les Français, et pourquoi pas des révolutionnaires, même si le mot n'existe pas en Haïti. Il est le dieu des hommes qui touchent le fer : les ouvriers, les paysans avec leurs charrues, mais aussi les chasseurs, et les militaires, dont l'archétype est si différent de celui des commer- çants, des gestionnaires, et des intellectuels. Wole Soyinka, Nigérian, prix Nobel de littérature 1986, poête d'Ogoun, nous dit (1): "Ogoun, le dieu du fer, de la guerre, de la culture lyrique, nous l'avons accepté tout de suite comme le dieu de la technologie. Aujourd'hui, c'est Ogoun qui inspire la vie, la philosophie, l'attitude sociale de ceux qui travaillent dans les domaines de l'industrie et des transports." (2)
              Ses couleurs sont le rouge et le bleu roi du drapeau haïtien. Il est riche et généreux, mais, prisonnier d'une malédiction, il est entraîné dans des guerres plus ou moins bonnes, lointaines, ruineuses, et sans fin.
              Wole Soyinka raconte qu'au cours d'une beuverie, il confondit ses amis avec ses ennemis et les tua tous. Quand il reprit ses esprits, par défi, il s'exila dans la forêt où le rouge de sa colère l'emporta sur la noblesse de son sang bleu. Depuis il est affamé, seul avec ses chiens. Au Nigéria, son fétiche est la sculpture en bois d'un chien.
              Instruits dans l'église catholique, les Haïtiens identifièrent Hogou à SAINT JACQUES LE MAJEUR DE COMPOSTELLE, parce qu'il réunit les deux aspects du dieu : le métalurgiste et le guerrier.
              En France, nous avons complètement oublié la vocation guerrière de Saint Jacques de Compostelle. Les vaudouisants le connaissent mieux que nous.
Saint Jacques Le Majeur s'appelle en castillan Santiago, il est le Saint Patron d'Espagne. Il a été vu pour la première fois sur son cheval blanc à la bataille de Clavijo en 844. Il est le saint de la "Reconquista", le saint guerrier des rois catholiques: "EL MATA MOROS" (le massacreur de Maures).
              Daniels-Rops, Sur le chemin de Compostelle, écrit: (3)
"En 844, un de ces roitelets héroïques qui menaient vie si dure aux émirs musulmans, don Ramire, livrait une grande bataille à l'ennemi. C'était à Clavijo.
              Comme il lançait ses hommes dans le suprème assaut, un guerrier prodigieux parut au front des troupes, (monté sur un cheval blanc, équipé d'armes entreluisantes, portant un étendart blanc frappé d'une croix rouge).
Tout le temps que dura le combat, il tailla l'ennemi à grands coups, tant et tant que le Maure s'enfuit, épouvanté. Saint Jacques, le fils du tonnerre! Tous les chrétiens l'avaient reconnu.
              Quand l'heure fut venue de partager le butin, il lui fut concédé la part du chevalier. Désormais, il fut entendu que Sant'Iago était le patron des luttes de la Chrétienté contre l'Islam en terre hispanique. Il fut surnommé le Matamore, le massacreur de Maures, le premier des combattants de la croisade, le Baron chrétien, (Il Barone), comme dit Dante qui, au chant XXV du Paradis, lui fera commenter la vertu d'espérance, car ce fut vraiment une grande oeuvre d'espérance que la Reconquista."
Matamore
              Un ordre militaire de Santiago est fondé en 1170: Devenu un croisé, il s'appelera le "Mataturc". En Hongrie, il est Jakuba (St. Jacques Le Grand). Le saint des pèlerins est un soldat; aujourd'hui, en Espagne, on dit encore de lui: "Plus il coupe de têtes de musulmans, et plus il est saint!"
S'il a aidé les Espagnols à chasser les Arabes, il a aussi participé à la conquête de l'Amérique, une bien moins bonne guerre ! Son nom, Santiago, jalonne les victoires remportées sur les indiens: c'est Santiago de Cuba, Santiago de Los Caballeros à Saint Domingue, Santiago de Veraguas à Panama, Santiago del Estéro en Argentine, Santiago del Extremo au Chili. Il en a tant fait, il est tellement responsable des désastres de la colonisation que les Latino-Américains ne portent jamais son nom. Sauf à Santiago de Chuco dans la sierra péruvienne, où les enfants nés neuf mois après les bacchanales particulièrement réussies de sa fête reçoivent son nom parce que leurs mères ne savent pas à qui attribuer la paternité de leurs naissances. Etrangement, cette anecdote rappelle la personnalité du flambeur Ogoun, grand coureur de jupons et soudard de caserne qui tient des propos de salle de garde quand il chevauche un participant dans une cérémonie vaudou. (4)
              On ne peut pas passer en Haïti sans découvrir l'importance de Saint Jacques. Son nom est écrit en grandes lettres sur les fronts des camions rouges parce qu'il est le dieu du fer, l'âme des mécaniques. Il est peint en habit bleu sur les portières des pick ups des transports publics (les taptaps), montant un cheval blanc l'épée à la main et le regard tourné vers le ciel. Deux lions l'accompagnent sur les ailes de la voiture. Saint Jacques

            Pour le représenter, les Haïtiens adoptèrent un chromo colombien de Saint Jacques à la Guerre, parce que derrière lui apparaît le fétiche d'Hogou Ferraille sous l'aspect d'un chevalier caché par une armure impressionnante, symbole d'un certain art technologique au service de la violence. Il est déconcertant qu'un saint se compromette en cette compagnie, mais comme le drapeau bleu des Nations Unies est une victoire diplomatique sur les tanks et les canons. L'apparition lumineuse du Saint en surim-pression, au devant du chevalier de fer, est la victoire d'une révélation métaphysique : Saint Jacques apparaît étrangement tout petit! Sur l'image, il est de la taille des petits indiens d'Amérique du Sud, une tête d'adulte avec un corps d'enfant. Ses pieds sont nus et minuscules, il est habillé de bleu clair, blond, fluet, santon aux yeux bleus, chevauchant un magnifique cheval blanc qui foule de ses sabots les Musulmans au sol. Nous verrons comment la petitesse de son personnage se révèlera importante.
              Saint Jacques est un saint complexe. Il est aimé des plus pauvres de la Francophonie, alors qu'il est du côté de l'armée en armure du monde occidental contre ce qui est aujourd'hui le Tiers Monde. Il est de toutes les guerres et il ressemble à ce héros des bandes dessinées pour enfants: Blueberry, non seulement par le nom, mais à cause des circonstances fratricides de cette guerre de sécession des Etats-Unis, où Blueberry est égaré entre les deux camps pour être finalement accusé de désertion parce qu'il porte l'habit ennemi.
              Heureusement plus personne aujourd'hui ne fait la guerre avec l'aide de Saint Jacques. Il n'est plus le saint guerrier de jadis. Franco ne l'a pas utilisé durant la guerre civile, il n'est pas non plus du côté des Maronites libanais contre les Musulmans syriens.
En août 89, quand la guerre du Liban faisait rage, il y avait à Saint Jacques de Compostelle un rassemblement mondial des jeunesses chrétiennes. La représentation libanaise fut la plus remarquée. Les pèlerins prièrent pour la réconciliation des Libanais de toutes confessions, et évidemment pas, pour la victoire du christianisme sur l'Islam. Personne ne voulut se souvenir du funeste Mata Moro, pourtant la tentation aurait pu être grande. Derrière le Pape célébrant l'office, la statue du Saint se faisait toute petite sur un fond de toile mauve. Pour la circonstance, on l'oublia complètement. Les temps ont changé pour le Saint Ferraille, il ne peut que sonner l'armistice aux Nations Unies. Dans le second chapitre, nous attendrons du Saint Pèlerin un pas de plus, il devra défendre Marianne, et épouser la Terre Mère.
              Il n'en reste pas moins que les Haïtiens font toujours référence à Saint Jacques, quand ils pensent à HOGOU. Ils l'ont aussi choisi pour représenter les ouvriers, alors qu'officiellement les saints patrons sont: Saint Eloi et Saint Joseph. Nous allons apprécier combien le choix de Saint Jacques est remarquable, merveilleux, et encore d'actualité pour représenter l'archétype des manuels.
              Saint Jacques de Compostelle est connu des Français pour son pèlerinage. La légende raconte que bien avant la chrétienté, Compostelle, "Champ de l'Etoile" était un lieu d'initiation aux travaux de la pierre et du fer (5). Certains croient qu'un Atlante venu de la mer, s'orientant avec les astres, est à l'origine de ce site. Le christianisme récupèra ce lieu païen et conta l'histoire extravagante d'une barque transportant la dépouille mortelle de Saint Jacques dérivant sans marin, ni gouvernail. Elle serait venue s'échouer dans la crique "Iria Flavia" près de Compostelle en Galice, juste à côté d'une autre crique appelée "Iria Noya" (crique de Noé), là où d'autres supposent que l'Atlante serait arrivé. Mais Noé, n'est-il pas comparable à un Atlante?
              Au IX° siècle, des hommes de toute l'Europe entreprirent le pèlerinage à Compostelle. A leur retour ils constituèrent des associations qui donnèrent un renouveau au compagnonnage des bâtisseurs de cathédrales. Grâce au rayonnement des abbayes de Cluny, Citeaux, Clairvaux, le chemin de Compostelle fut une école d'initiation. Pour plusieurs fraternités allemandes, Saint Jacques Le Majeur devint leur Maître. Cette reconnaissance est loin d'être unanime. Mais étrangement, les Compagnons du Devoir, ou Compagnons Passants Dévoirants, se disent "enfants de Maître Jacques". Selon leur légende, Maître Jacques serait Maître Hiram, ou son contemporain! L'égyptologue Christian Jack, dans son roman: "Maître Hiram et le Roi Salomon" raconte la construction du Temple de Jérusalem par un maître d'oeuvre égyptien entouré de sa propre société secrète de compagnons. Israël n'avait personne pour réaliser son temple. Salomon demanda de l'aide à son voisin, le Roi de Tyr, Hiram 1°. Le Roi phénicien lui envoya un grand architecte des temples de Karnak, nommé "Horemheb", il l'introduisit auprès de Salomon sous le pseudonyme de Maître Hiram, pour cacher son identité égyptienne aux Israëliens. Le secret initiatique, la réussite de la confrérie représenta vite un contre pouvoir en Israël, qui inquièta les religieux juifs. Après avoir triomphé de plusieurs guet-apens, Maître Hiram fut lâchement assassiné par trois de ses compagnons qui voulaient lui voler le secret de la maîtrise. Les Compagnons du Devoir auraient pu adopter Maître Hiram comme fondateur, mais ils ont préféré ce mystérieux Jacques qu'ils imaginent assassiné et enterré à la Sainte Baume en Provence, dans des conditions rappelant la passion du Christ. Une deuxième légende affirme que Maître Jacques est Jacques de Moler, bâtisseur des tours de la cathédrale d'Orléans, ou Jacques de Molay, le dernier Grand Maître de l'Ordre des Templiers, brûlé sur le bûcher en 1314, par Philippe le Bel. (6)
              Il y a une confusion intéressante d'époques et de lieux entre tous ces Jacques, quelque soit le Maître de ces compagnons du Devoir, il s'appelle Jacques, et il est assassiné, comme Saint Jacques Le Majeur, martyr en 44 à Jérusalem, comme le Christ, dont il imite le calvaire. Nous reviendrons dans un prochain chapitre sur le meurtre du Maître. Pour le moment, il nous apparaît que le simple nom de "Jacques" appartienne au secret de la tradition compagnonnique, tout chargé de forces méconnues, que nous percevons avec la découverte de HOGOU FERRAILLE. Les deux confreries du Devoir se surnomment Chiens, Dévorants, et Loups-Garous, (parce qu'ils ont surnommé les enfants de Salomon de Loups). Le chien est le fétiche de Ogoun, et son compagnon dans l'exil. L'indien, ou le loup du Devoir de liberté est par sa "sauvagerie" encore plus proche de l'archétype de Gou.
             Si parfois nous entendons dire que les compagnons ne sont plus ce qu'ils étaient, ils n'en restent pas moins les dépositaires de très vieilles traditions, leur conférant beaucoup de noblesse. Leur amour de l'ouvrage bien fait, leur règle interne, leur éthique du devoir a donné naissance à un ordre ouvrier, dont le rituel est le travail manuel sur la matière. Tout ce qui ne se façonne pas avec les mains n'est pas de leur ressort. Par exemple, les compa-gnons n'ont pas voulu développer en leur sein les technologies nouvelles de l'électricité, et encore moins de l'électronique, qu'ils ne peuvent pas travailler avec leurs mains. Ce trait de caractère souligne remarquablement leur appartenance à l'âme de Gou. Ils disent travailler au "Très-Saint-Devoir-de-Dieu", plus précisément, ne serait-ce pas le "Très-Saint-Devoir-de-Hogou"?
             Aujourd'hui, la révolution industrielle des automatismes leur pose un grave problème d'avenir, et explique en partie leur difficulté de recrutement, auquel s'ajoute la concurrence des lycées professionnels. Les compagnons, mal payés, exploités, ou marginalisés, s'étiolent dans cette vaste industrie, où ils ne se reconnaissent plus. Ils ont besoin d'un renouveau, tout en conservant leur vocation première du travail des matériaux. "Magie Bleue" leur propose une nouvelle forme de compagnonnage vers le Tiers Monde. Maître Hiram disait construire le Temple de vie. La vie n'exigeait pas qu'il soit fait de pierre et de fer, il aurait pu être de verdure, mais ce n'était pas le moment. Les religieux israëlites voulaient un temple plus beau que ceux d'Egypte pour le Dieu unique et universel.
              Les élèves des lycées professionnelles et techniques d'aujourd'hui, même s'ils ne sont que de pâles compagnons, sédentarisés, et sans culte, ils sont quand même de HOGOU. Ils se distinguent de l'enseignement classique par le travail du fer, par beaucoup d'heures de cours, par certaines traditions qui montrent la permanence d'un esprit d'initiation. Les Ecoles Nationales Professionnelles et des Arts et Métiers forment des officiers (7) pour l'industrie portant casquette, et costume bleu marine avec un liseré rouge sur la couture du pantalon. Leur initiation s'appelle un usinage! C'est un bizutage éprouvant qui a le mérite de souder la nouvelle promotion, et qui se terminera par la remise d'un cordon blanc tressé, "la Fignolante". Cet "usinage", terme technique du travail du fer, est pour le moins fignolé dans le goût de la sainte tradition millénaire des compagnons, des maçons (8), et de Hogou Ferraille.
              L'école technique a aussi ses problèmes, comme les confré-ries des compagnons. Nos politiciens l'accusent de coûter cher, de déperdition (9), de ne plus répondre à l'espoir gouvernemental contre l'échec scolaire et l'élitisme de l'école classique. De son côté le corps des professeurs veut bien être mis sur la sellette pour retrouver une image de marque perdue. Personne n'ose accuser les écoliers modestes d'être dans leur majorité incapables d'assimiler les nouveaux programmes technologiques, plus sophis-tiqués, plus étendus, et plus abstraits que jamais. Les décideurs occultent le problème en s'accusant mutuellement. Car si en plus des nuisances de l'industrie, ils reconnaissent l'inaptitude d'une partie importante de la jeunesse aux nouvelles études et au monde moderne, il n'y a plus qu'un pas à faire, que beaucoup de futurologues ont déjà franchi, pour dire, que notre société indus-trielle n'est plus adaptée à l'homme.
              Mais raisonnablement, ce n'est pas un motif pour remettre en cause notre société. Elle n'est pas non plus si déshumanisée, le plus grand nombre trouve encore sa place en son sein avec plus ou moins de bonheur. Comme à l'époque de Salomon, les temps ne sont pas encore venus de réaliser un Temple de verdure!
Seul le Maître peut changer le cours de l'oeuvre humaine. Hogou Ferraille lié par son art au monde des ouvriers comprend mieux que quiconque l'inflexion a donner à la révolution industri-elle. Il doit, par l'intercession d'un nouveau maître, révéler sa volonté dans le monde athée et matérialiste dont il est à l'origine.
              La révolution ouvrière a occulté les saints. Heureusement les révolutionnaires ont inventé des symboles, Saint Jacques a une sacrée chance, "un saint bol", la plus grande fête des travailleurs est le jour du 1° mai, et par hasard, pour les catholiques d'après guerre, c'est la fête de SAINT PHILIPPE et de SAINT JACQUES LE MINEUR! (Comme à Jacmel en Haïti, où ils sont les saints patrons de la ville, chevauchant deux montures blanches!) (10)
              C'est un jour chômé en témoignage d'une victoire rouge sur l'impérialisme des forces capitalistes, c'est un jour de récréation, de rassemblement de blue-jeans délavés et de chemises bleu clair, c'est Jacques O.S. qui manifeste sa joie de devenir un jour Jacques le Majeur, riche et généreux.
Jacques le Mineur a pour couleur le bleu du ciel, il est le plus petit, l'epsilon ou le iota d'Espagne (la Jota), il a tous les défauts des Jacques, il dort le matin, il est instable et crâneur, c'est un rescapé du travail, il a peur de la bagarre, il peut perdre la tête pour une femme, il a "les blues", il croit aux promesses, et c'est un bleu dans la vie.
              De tous temps, le nom de Jacques a été révolutionnaire, de Jacquou le Croquant aux Jacques du 1° mai; il y a un même esprit de jacquerie, prompt à utiliser les outils pour se révolter. A l'insu des athées, les camarades de l'internationale ouvrière auraient un saint. Il est du paradis perdu des Haitïens: LA GUINEE. Il purge une malédiction en exil. De majeur il est devenu mineur, ses couleurs: le rouge et le bleu roi, se sont réfugiées dans le bleu du ciel, il n'est pas ce qu'il devrait être, riche et généreux. Aujourd'hui encore, s'il est au coeur de la lutte des classes et de la dictature du prolétariat, nous découvrons dans l'expérience des pays socialistes la permanence du malheur de cette fatidique lutte, où il est tout à la fois le prétexte et la victime.
On dirait que l'église a flairé le danger, depuis quelques années, elle ne fête plus Saint Jacques le jour du 1er mai, mais Saint Joseph. Celui-ci est un ouvrier résigné, il ne représente pas le caractère contestataire de ce jour de grève ouvrière. Mais si effectivement c'est le jour de la fête du Saint révolutionnaire, Saint Joseph est le plus indiqué pour le remplacer en son absence. (11)
Le jour de la grève, les ouvriers en bleu de travail constellés de limaille de la couleur foncée du Saint Ferraille sont des guerriers isolés, poètes "mal armés" aussi égarés que Jacques Le Mineur. Mais demain, s'ils construisent des cathédrales de verdure dans le Tiers Monde, ils chevaucheront les chevaux blancs de l'armée du Saint des casques bleus. Ils seront: chevaliers de la légion d'honneur du Genie des compagnons du SAINT BLEU. Depuis les guerres mauresques, Saint Jacques Le Majeur à une mission mythique, rejoindre son frère, Prêtre Jean au coeur de l'Ethiopie. Une des trois maisons de Jacques est chez Jean. Mieux que Cadet Roussel, Jacques est riche et généreux, il arrive avec la légion de ses soldats techniciens qui au bord du désert seront, grâce aux ouvriers africains, les promoteurs de bois sacrés, de paradis. Voilà de quoi négocier aux Nations Unies les moyens financiers d'un corps de compagnons sous le drapeau bleu du Saint, pour les "Jacques Mineurs", anges bleus, qui veulent faire de la dynamique blanche après avoir fait leur voyage photographique aux pays des misères du peuple de Saint Jean.

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Retours Tête de Chapitre

(1) Interview recueilli par Michel Losé Ewane et publié dans le Sidwaya de Ouagadougou du mercredi 1O décembre 1986.
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(2) Ogoun est d'hier et d'aujourd'hui. L'animisme se régénère sans difficulté dans le monde moderne sous d'autres formes, toutes aussi riches que celles du passé, il faut savoir seulement les reconnaître.
30 Magie Bleue
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(3) Extrait de la revue catholique "DIEU EST AMOUR", N° 45.
Le Saint Bleu égaré 31
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(4) Ogoun a une authentique personnalité d'ouvriers et de soldats, il est leur archétype à la limite de la caricature. C'est le génie d'Ogoun qui inspire les gestes de bravoure et les artistes. Mais c'est aussi lui, qui est content de coller des photos de femmes nues d'un goût douteux sur les murs des ateliers et des garages. La vulgarité d'Ogoun a ses raisons, ne pouvant plus être riche et généreux, il fréquente les bas fonds de l'underground de ce monde pour faire la fête et l'amour.
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(5) Clef: "Le Mystère des Jacques", de Charpentier Louis dans la collection: "J'ai lu". L'aventure Mystérieuse.
36 Magie Bleue
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(6) Les trois fondateurs du compagnonnage sont: le Roi Salomon, Maître Jacques, et le Père Soubise. Les Compagnons du Devoir de Liberté, surnommés Gavots, Etrangers et Loups se disent "enfants de Salomon", ils sont tolérants, ouverts aux protestants, et aux idées révolutionnaires. En 1804, une partie d'entre eux deviendront les Indiens. Agricol PERDIGUIER pense que les Compa-gnons du Devoir de Maître Jacques, surnommés Dévoirant, Chiens Dévorants (à un i près), et Loups-Garous, sont nés d'un antagonisme religieux pendant la construction des tours de la cathédrale d'Orléans. Ils sont obligatoirement catholiques, et ils ont pour amis les Compagnons du Soutien du Devoir, Compagnons Passants, Bons Drilles, ou Chien, du père Soubise. Soubise serait venu avec Jacques de Judé, mais il est aussi un moine bénédictin, on le dit encore de Nogent sous Paris. Comme pour Jacques, il y a une confusion d'époque à son sujet. Le nom de Soubise a une consonance moyenâgeuse bien marquée. Jean Pierre BAYARD, dans sa thèse "Les Compagnons de France", édition Payot, suppose que Soubise signifie sous la Bise. Pour éviter les rivalités, les deux confréries se partagèrent Marseille et Bordeaux, après un concours de chefs d'oeuvre.
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(7) Nom donné aux ingénieurs des Arts et Métiers avant 1900.
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(8) La maçonnerie opérative avait été pendant plusieurs siècles celle des bâ-tisseurs de cathédrales. Le passage à la maçonnerie spéculative celle des aristocrates et des bourgeois, s'accomplit en 1717 avec la création de la grande loge de Londres. Les traditions maçonniques remontent aux Egyptiens, si elles sont ésotériques, c'est plus pour découvrir quelque chose que pour cacher des secrets. Les rituels initiatiques donnent lieu à un théâtre révélateur de mystères, et dans une moindre mesure interpellant peut-être les dieux comme dans le vaudou. Les maçons travaillent à la construction du Temple de vie de Hiram et de Salomon, seules les colonnes et le sol existent, par prudence, il n'ont pas encore fait le toit!
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(9) Beaucoup trop d'élèves ont acquis au lycée une aversion du monde tech-nique en découvrant la dure réalité de l'usine, ils utilisent leur diplome comme d'un tremplin pour gagner une situation dans le secteur tertiaire).
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(10) L'apparition d'un Saint Patron dans le monde laïque ne peut être que fortuite, elle est facilitée par une amnésie générale, entretenue par une église catholique gênée et encombrée de saints et de superstitions qu'elle souhaite oublier.
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(11) Les Haïtiens dans le vaudou affirment que Hogou Ferraille est l'époux de la divinité de l'amour, Ezili Freda identifiée à la Sainte Vierge. (clef:" Le divin féminin" p.109) Saint Joseph a remplacé Dieu le Père auprès de Marie, il pourrait donc aussi représenter Dieu Mécanicien le jour de sa fête.
L'honneur de Saint Jacques et Saint Philippe est sauf, ils réssuscitent trois jours plus tard, leur fête est maintenant le 3 mai. R