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BLACK DOG |
ROCK AND ROLL |
THE BATTLE OF EVERMORE |
STAIRWAY TO HEAVEN |
MISTY MOUNTAIN HOP |
FOUR STICKS |
GOING TO CALIFORNIA |
WHEN THE LEVEE BREAKS |
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Chronologie
Led Zeppelin IV est paru le 8 novembre 1971
aux USA et le 22 novembre 1971 en europe. Dans la discographie
de Led Zeppelin, il se positionne entre Led
Zeppelin III (octobre 1970) et Houses of the
Holy (mars 1973).
L'enregistrement et le mixage
Led Zeppelin a commencé à répéter
aux studios Island de Londres en décembre 1970. Puis ils
sont allés s'installer à Headley Grange, un vieux
manoir hanté du Hampshire, dans lequel ils ont emmené
le studio mobile des Rolling Stones. Ils y resteront un mois,
partageant leur temps entre les séances d'enregistrement
et la vie de gentlemen farmers.
Andy Johns, l'ingénieur du son, convainc Jimmy Page
de mixer l'album aux studios Sunset Sounds de Los Angeles. Mais
un mois plus tard, lorsqu'il sont de retour en Angleterre, c'est
la catastrophe... Ces nouveaux titres qui semblaient sonner si
bien à LA possèdent en fait un son lamentable,
et tout est à refaire. A part When The Levee Breaks,
tous les morceaux sont remixés aux studios Island de Londres.
Cette fois le résultat est satisfaisant, et l'album est
enfin prêt à sortir.
La pochette
Lorsqu'on regarde la pochette de Led Zeppelin IV,
la première chose qui étonne est l'absence du nom
du groupe et de celui de d'album. En agissant ainsi, Jimmy Page
voulait prouver aux journalistes qui avaient descendu les précédents
albums de Led Zeppelin que le groupe pouvait vendre des disques
sans avoir besoin de s'appuyer sur une grosse campagne publicitaire.
Leur maison de disque était évidemment d'un avis
contraire, et à l'époque elle a même considéré
cette pochette anonyme comme un suicide commercial.
Au recto de la pochette, on voit un vieillard appuyé
sur une canne et courbant le dos sous un lourd fardeau. Il s'agit
d'une vieille gravure dénichée par Robert Plant
chez un brocanteur de Reading. Si on déplie la pochette,
on s'aperçoit que la gravure en question est accrochée
à un mur en ruines derrière lequel se profile un
immeuble moderne.
Que faut-il penser de cette photographie ? Led Zeppelin
est-il le dernier bastion d'un passé révolu; encerclé
par un monde moderne qui détruit tout sur son passage
?
Ouvrons la pochette pour en savoir plus. Le dessin intérieur,
réalisé par Barrington Colby, représente
un vieillard qui se tient au sommet d'une montagne et qui s'éclaire
à la lanterne. Ce personnage ressemble trait pour trait
à l'Ermite, la neuvième carte du jeu de tarot qui
symbolise la sagesse, la méditation, la quête de
la vérité, la confiance en soi, mais aussi la solitude.
S'agit-il de Jimmy Page ?
Petit à petit, on dirait que le message se précise
: Led Zeppelin IV est un îlot de sagesse dans un monde
où tout fout le camp, il est l'équivalent moderne
d'un vieux grimoire dans lequel un savoir ancien serait dissimulé.
Mais nous ne sommes qu'au début des surprises, car la
pochette intérieure du disque est encore plus ésotérique.
En effet, sur la pochette intérieure la ressemblance
avec un vieux grimoire est encore plus flagrante. Sur du papier
gris sont imprimés, dans une vieille police de caractères
datant du 19ème siècle, les paroles de Stairway
To Heaven ainsi que quatre symboles étranges :
des runes.
Les Runes
Ah, les runes de Led Zeppelin IV... On en a parlé durant
trente ans, et aujourd'hui encore elles sont disséquées
sur de nombreux sites web.
A l'origine, les runes constituaient un alphabet ancien utilisé
par les peuples Nordiques pour graver des formules magiques dans
la pierre ou le bois. La légende raconte qu'elles furent
découvertes par Odin lui-même qui, pour les obtenir,
fit le sacrifice de rester suspendu neuf nuits durant sans boire
ni manger à Yggdrasil, l'arbre du monde. Mais à
l'époque leur tracé ne comportait que des segments
de lignes droites. Par la suite, des runes plus sophistiquées
sont apparues. Ces quatre symboles sont censés représenter
respectivement Jimmy Page, John Paul Jones, John Bonham et Robert
Plant. Mais que peuvent-ils bien signifier ? |
- La rune de Jimmy Page est la plus complexe.
Ses fans, qui ne savaient pas comment prononcer ce mot étrange,
ont rapidement contourné la difficulté en l'appelant
Zoso. Tapez «Zoso» dans un moteur de recherche, et
vous serez surpris par le nombre de pages référencées.
Chaque site propose sa propre explication de cette rune. Le "Z"
du Zoso semble faire l'unanimité : il s'agirait du symbole
astrologique du capricorne, le signe astral de Jimmy. Quant aux
autres symboles, il y en a vraiment pour tous les goûts...
En tout cas cette rune ressemble aux caractères magiques
qu'on trouve dans les vieux grimoires du moyen-âge.
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- La rune de John Paul Jones est un symbole de
protection. Elle est décrite dans plusieurs ouvrages traitant
de runologie et a été utilisée autrefois
par les Rosicruciens.
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- La rune de John Bonham est aussi un symbole
de protection décrit dans des ouvrages spécialisés.
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- La rune de Robert Plant est celle d'un homme
de plume. Dans les vieilles traditions occidentales la plume
était le symbole de l'air, élément gouvernant
les facultés psychiques.
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Mais il est temps de passer aux choses sérieuses :
la musique.
Le disque en détail
Plus les années passent et plus je trouve que ce disque
est incontournable : c'est pourquoi il bénéficiera
d'un traitement de faveur et d'une page beaucoup plus complète
que mes autres disques préférés.
Black Dog
La face A s'ouvre sur un morceau qui plonge ses racines dans
le blues. Même si le rythme n'est plus celui du blues,
on en retrouve encore l'esprit dans les paroles un peu machos
et dans le dialogue voix / guitare. A chaque fois que Robert
Plant chante une strophe Jimmy Page lui répond par un
solo, comme le faisaient les bluesmen de Chicago. Quant au texte,
il parle de lui-même...
Je ne sais pas, mais on m'a dit que les femmes qui ont
de longues jambes n'ont pas d'âme.
Black Dog déménage méchamment
et nous met tout de suite dans le bain. Depuis l'album précédent
pas mal de choses ont changé. Tout d'abord le son est
énorme, parce que les musiciens ont posé des micros
d'ambiance dans tous les recoins de Headley Grange pour profiter
de l'acoustique si particulière de la maison. Ensuite
ils ont eu recours au re-recording, et au fil des morceaux il
sera fréquent d'entendre Jimmy Page jouer de deux voire
de trois guitares en même temps, jouant parfois le même
riff à l'octave (il fera école), pendant que John
Paul Jones jouera à la fois de la basse et des claviers.
Ceci rendra les morceaux de ce disque difficiles à interpréter
sur scène.
Rock And Roll
Comme son titre l'indique, Rock And Roll est
un hommage au rock. Les paroles sont nostalgiques : Robert Plant
voudrait repartir en arrière vers un passé qu'il
regrette. On raconte que le groupe se chauffait sur Keep
A Knockin' de Little Richard lorsque John Bonham a trouvé
cette fameuse intro de batterie. Avec ses tambours de guerre,
Rock And Roll déménage autant que
le morceau précédent, mais swingue encore plus.
The Battle Of Evermore
Après deux morceaux violents pour que les fans puissent
se défouler, voici une brusque accalmie. Une intro de
mandoline, et on réalise que Led Zeppelin jouera désormais
SA propre musique. Bien sûr ce morceau acoustique possède
des consonnances folk, mais il ne s'agit ni de folk Anglais,
ni de Folk Américain, ni de Folk Irlandais ou Ecossais.
On pense plutôt à la musique de quelque tribu païenne
aujourd'hui disparue. Le riff de mandoline a été
trouvé par Jimmy Page, alors que le groupe faisait une
pause et prenait le thé près de la cheminée
de Headley Grange.
The Battle Of Evermore (la bataille de toujours),
c'est l'affrontement perpétuel du mal et du bien, des
ténèbres et de la lumière. Cerise sur le
gâteau, Sandy Denny qui venait de dissoudre Fotheringay
pour entamer une carrière solo donne ici la réplique
à Robert Plant.
Deux interprètes pour deux visions différentes
des choses, deux niveaux de conscience, comme deux journalistes
situés à des endroits différents qui commenteraient
le même évènement. Robert Plant raconte la
guerre du bien contre le mal tandis que Sandy raconte les danses
et les chants des mortels qui s'efforcent de chasser les ténèbres
et de faire revenir la lumière du jour, mais qui ignorent
tout de ce qui se passe vraiment au dessus de leurs têtes.
A la fin de la bataille le jour revient et, comme à la
fin de chaque bataille, l'équilibre des choses est rétabli
jusqu'à la prochaine fois. Voici peut-être le premier
secret dissimulé dans Led Zeppelin IV et
provenant en droite ligne d'un passé ancien : il existerait
plusieurs niveaux de conscience, et "notre" réalité
de tous les jours n'en constituerait qu'un parmi tant d'autres.
Stairway To Heaven
Cette fois, Led Zeppelin avait bien préparé
son coup. Alors que les autres morceaux de ce disque ont été
composés sur place à Headley Grange et enregistrés
dans la foulée, Stairway To Heaven a été
enregistré aux studios Island de Londres (une ancienne
église). De plus, la musique, les paroles et même
les arrangements étaient bouclés avant le début
des séances d'enregistrement. Jimmy Page voulait frapper
fort en créant un morceau qu'on n'oublierait pas de sitôt.
Et il ne s'est pas raté... On a écrit des tas de
choses sur cette chanson : que c'était la plus belle chanson
de Led Zeppelin IV, la plus belle chanson de tout
le répertoire de Led Zeppelin, voire la plus belle chanson
de toute l'histoire du rock. A chacun de se forger son opinion,
mais il faut bien admettre qu'on n'a pas souvent l'occasion d'entendre
des morceaux de ce calibre.
On a même créé un nouveau genre musical
pour cataloguer Stairway To Heaven : le raga-rock,
c'est à dire un genre hybride entre musique traditionnelle
Indienne et rock music. Si on se base sur la façon dont
le morceau est construit ce n'est pas inexact. En effet, Stairway
To Heaven est construit comme un raga. Il possède
une introduction lente, les percussions ne font leur apparition
qu'après le premier couplet, le rythme et la tension vont
s'accroître progressivement jusqu'à l'apothéose
finale. C'est ainsi que les ragas sont construits. Quant aux
paroles, il s'agit d'un guide du paganisme occidental et leur
interprétation mérite qu'on y consacre toute
une page.
Je me souviens d'un petit fascicule, imprimé au Canada,
qu'une collègue m'avait montré il y a une douzaine
d'années. Je n'avais eu que quelques minutes pour le parcourir,
mais je me souviens qu'après avoir mis en garde ses lecteurs
contre les messages subliminaux contenus dans les chansons des...
Bee Gees l'auteur s'en prenait à Led Zeppelin. En résumé,
ces musiciens portaient cheveux longs et pantalons pattes d'éph'
pour mieux dissimuler leur cornes et leurs pieds fourchus. Et
la preuve en était justement Stairway To Heaven.
Même si l'objectivité de cette conclusion laisse
un peu à désirer, je dois admettre qu'elle était
précédée par une excellente analyse des
paroles de la chanson.
On en pensera ce qu'on voudra, car de toutes façons
Stairway To Heaven est un chef d'uvre impérissable.
Misty Mountain Hop
Nous voici arrivés à mi-chemin du voyage, et
le morceau qui ouvre la face B résonne comme une incantation.
Robert Plant se promène dans un parc dans lequel se trouvent
des hippies. Il décide de rester un peu avec eux, et malgré
l'arrivée d'un policier, il se sent bientôt partir
vers les cimes brumeuses.
Signe que les temps changent, le climat si particulier de
Misty Mountain Hop doit autant au piano électrique
de John Paul Jones qu'aux guitares de Jimmy Page.
Four Sticks
Sur Four Sticks John Bonham joue de la batterie
en tenant deux baguettes dans chaque main, d'où le titre
du morceau. Robert Plant a envie de partir, ce qui sera confirmé
par le morceau suivant. J'ai écouté cette chanson
au moins une centaine de fois et le pont musical avant le refrain,
avec la douze cordes électrique à droite et la
guitare folk à gauche, me retourne toujours autant. Cette
musique possède quelque-chose d'inexplicable, quelque
chose qui parle directement à l'inconscient de celui qui
l'écoute.
Going To California
Un beau morceau acoustique. Robert Plant part en Californie,
à la recherche d'une fille...
qui a de l'amour dans les yeux et des fleurs dans les cheveux,
qui joue de la guitare, pleure et chante,
qui chevauche une jument blanche dans la foulée de l'aube,
et qui n'est jamais née
Derrière la Californie et les hippies, cette belle
dame ressemble fort aux héroïnes des vieilles légendes
Celtiques. Cette chanson est superbe et l'accompagnement acoustique
est tout simplement merveilleux.
When The Levee Breaks
Pour finir un tel disque en beauté, il faudrait au
moins faire jaillir un flot de lave des enceintes. Pas de problème
: il suffit de demander... Car When The Levee Breaks,
avec son riff de slide guitar qui vous entre dans la tête
et n'en ressort plus jamais, est bien un flot de lave. Il coule
à son rythme, pas très rapide mais ne laissant
que des ruines fumantes sur son passage. John Bonham frappe ses
fûts comme s'il avait remplacé ses baguettes par
une cognée, et à chaque mesure on a l'impression
qu'un arbre vient de s'abattre. Robert Plant souffle dans son
harmonica comme s'il était possédé par les
fantômes de tous les vieux bluesmen de Chicago. Jimmy Page,
en transe, pousse ses guitares de plus en plus loin, de plus
en plus haut, jusqu'à l'apocalypse sonore finale. John
Paul Jones porte le tout à bout de bras, avec la sobriété
des grands bassistes anglais des seventies.
Pourquoi j'aime ce disque
Si Led Zeppelin III
était l'album d'un groupe surdoué qui progressait
à grands pas, Led Zeppelin IV est l'album
de la maturité, le sommet d'une carrière. Depuis
la pochette jusqu'aux morceaux c'est du sérieux, et rien
n'a rien été laissé au hasard. Mais qu'ont-ils
voulu faire exactement ?
Faut-il croire la rumeur décrivant Jimmy Page comme
un amateur de sciences occultes, de magie et d'alchimie ? A-t-il
trouvé un secret dans le manoir d'Aleister Crowley, le
grand prêtre de la Golden Dawn, cette vieille maison hantée
qu'il venait de s'offrir au bord du Loch Ness ? Et si secret
il y a, a-t-il cherché à le faire partager à
ses fans ? Quelques années plus tard, en 1976, il confiera
à un journaliste qu'il admire Crowley et qu'il a fini
par comprendre ses théories sur la liberté de l'individu.
En tout cas, il y a dans cet album une approche étrange
de la musique qu'on ne retrouvera plus par la suite chez Led
Zeppelin, ou du moins qui apparaîtra sous une forme beaucoup
plus diluée dans les disques suivants du groupe. On dirait
que ces mélopées lancinantes ont été
composées par un chaman plutôt que par un guitariste
de rock, et on les imagine plus rythmant quelque cérémonie
secrète que provoquant les hurlements du public dans une
salle de concert. Il y a aussi l'alternance préméditée
des morceaux, tantôt rapides et tantôt lents, comme
s'il fallait se défouler au début de l'album afin
d'être plus réceptif à ce qui vient après.
Et c'est justement après qu'on commence à "sentir
des choses", car sur Led Zeppelin IV les mélodies
ont un pouvoir évocateur extraordinaire, un pouvoir qui
semble réveiller en nous des sensations de bien-être
oubliées depuis des temps immémoriaux. Et oui,
c'est bizarre mais quand on écoute Led Zeppelin
IV on se sent bien, et on ne peut pas expliquer pourquoi.
A la fin du disque, le dernier morceau est à nouveau rapide,
comme une sorte de "réveil" final.
Alors, only rock'n roll ou états de conscience modifiée
comme durant les séances de drumming des civilisations
anciennes et des Wiccas ? Je n'en sais rien, mais bon sang quel
beau disque !
Par la suite, et à quelques exceptions près
(In My Time Of Dying, In the Light)
Led Zeppelin fera du rock, souvent du très bon rock, mais
seulement du rock...
Pour la petite histoire...
Sur Physical Graffiti (1975), on trouve deux
morceaux enregistrés durant les séances de Led
Zeppelin IV : Nightflight et Boogie With
Stu.
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