Piet Mondrian (1872-1944)

Vers la fin de sa vie, Piet Mondrian écrivit : "Il est important de distinguer deux sortes d'équilibre en art : (1) l'équilibre statique et (2) l'équilibre dynamique... La grande difficulté, pour les peintres, est d'annihiler l'équilibre statique dans leurs tableaux par le recours à des oppositions constantes (contrastes)...
Un grand nombre de gens apprécient mon œuvre antérieure précisément la qualité que je n'ai pas voulu exprimer mais qui fut produite par mon incapacité d'exprimer ce que j'avais l'intention d'exprimer "l'équilibre dynamique du mouvement".

Au premier abord, la composition en jaune et bleu, exemple classique de la période la plus féconde de Mondrian - les années 20 et 30 - peut effectivement impressionner le spectateur par son parfait équilibre statique ; ce n'est qu'au terme d'une plus longue contemplation que la tension entre les formes constitutives de l'ensemble s'affirme et devient vitale. Ces formes : sept rectangles, un jaune, un bleu et les autres du blanc le plus pur, compartimentés par des lignes noires d'épaisseur variable sont l'aboutissement d'une découverte ancienne de Mondrian, celle selon laquelle " l'angle droit est le seul rapport constant ; par le jeu de ses dimensions, on parvient à imprimer le mouvement à son expression constante, c'est à dire à le rendre vivant". L'aptitude de Mondrian à éviter l'inertie dans les compositions les plus austères devient claire lorsque l'on compare les variations successives sur un même thème ; si la formule de base est chaque fois la même, le nombre de solutions satisfaisantes semblent infini.

Piet Mondrian est né à Amersfoort, prés d'Utrecht. Il a reçu sa formation à Amsterdam dans la tradition hollandaise de l'époque - naturaliste -, mais ne tarda pas à être sensibilisé par les tendances modernes du symbolisme et du néo-impressionnisme. Des ses débuts, un goût prononcé pour la structure linéaire et l'opposition rigoureuse de l'horizontal et du vertical donna forme à ses compositions. La constante, d'un bout à l'autre de sa carrière, est l'austérité ascétique de sa quête spirituelle de vérité essentielle.

En 1911-1914 Mondrian était à Paris séduit par le cubisme (théorie et pratique) mais il écrivit alors : "Progressivement je devins conscient que le cubisme n'admettait pas les conséquences logiques de ses propres découvertes, il ne poussait pas l'abstraction jusqu'à ses ultimes retranchements, jusqu'à devenir l'expression pure de la pure réalité".

A Amsterdam, au cours de la Première Guerre mondiale, Mondrian trouva un appui solide en la personne de Theo Van Doesburg avec lequel il fonda De Stijl. En 1919, Mondrian revint à Paris ou il vécut jusqu'au conflit mondial suivant, qui le chassa d'abord à Londres, puis à New - York. Son appartement de Paris parlait éloquemment de son engagement aux théories du mouvement De Stijl : sols, murs et mobiliers étaient totalement intégrés dans une unité de motif. C'est à Paris que Mondrian poussa le plus loin le dépouillement de ses compositions, réduisant le nombre d'éléments, utilisant une toile carrée plutôt que rectangulaire, bannissant de sa palette le gris jugé trop indécis. Il exécuta des tableaux en forme de losange à partir de 1919, les lignes obliques du bord se comportant comme des supports rigides en conflit avec la poussée des lignes noires verticales et horizontales : quantité de ses tableaux sont exclusivement en noir et blanc.

Le peintre était aussi fou de jazz et de danse dont le thème réapparaît dans ses ultimes manifestations exécutées au cours des quatre dernières années à New - York (qu'il adorait) avant sa mort en 1944.

Mondrian chercha à réaliser une quintessence du réel complètement objective ; cependant ses tableaux ne se laissent pas analyser ou traduire en termes de formules scientifiques ou mathématiques. Ils demeurent, en dernier ressort, l'expression d'une subjectivité ; leurs succès provient de leur exquise sensibilité.