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Chroniques du 10 Janvier.

Sommaire :

342

La mort d’un ermite qui sera sanctifié, Saint Paul.

Il ne s’agit pas de Paul qui connut la conversion sur le chemin de Damas, mais bien d’un ermite.

Entre 374 et 379, saint Jérôme, qui s’était alors retiré dans le désert de Chalcis, raconta les aventures de Paul, qu’il présentait comme le premier ermite chrétien, en une jolie histoire très pittoresque. En 228, Paul serait né en Thébaïde, en Égypte, d’une famille très riche. Pour échapper à la persécution de Dèce en 249, il se sauva dans le désert et s’installa dans une grotte auprès de laquelle il y avait une source et un palmier. Paul avait cent treize ans en 342, quand Antoine, qui en avait quatre-vingt-dix, apprit par révélation son existence et se mit en route dans le désert, où il rencontra un centaure et un faune qui lui montrèrent le chemin. Le troisième jour, Antoine aperçut une louve, qui passa devant une fente du rocher. Il entra. Paul l’entendit et ferma la porte. Antoine supplia, Paul ouvrit. Les deux saints s’embrassèrent et devisèrent longuement. À l’heure du repas, un corbeau leur apporta un pain miraculeux, et Paul expliqua que, depuis soixante ans, il recevait chaque jour un demi-pain, mais que la ration était doublée à cause du visiteur. Se renvoyant l’honneur de rompre le pain, ils finirent par le partager en tirant chacun de son côté. Paul demanda à Antoine de l’ensevelir dans le manteau qu’il avait reçu de saint Athanase, le patriarche d’Alexandrie. Antoine partit le chercher. Quand il revint, il trouva Paul mort, à genoux, la tête levée et les mains tendues vers le ciel. Deux lions accoururent et creusèrent une fosse où Antoine déposa Paul enveloppé dans le manteau de saint Athanase. Lui-même rapporta la tunique de l’ermite faite de feuilles de palmier. On peut discuter la valeur historique du récit.

On a essayé de retrouver un ermite Paul plus vraisemblable. Est-ce utile ? Le personnage de saint Paul a été très populaire, souvent et magnifiquement représenté.

Fixée au 10 janvier, jour de sa mort, sa fête fut ensuite transférée au 15 janvier.

1430

Création du plus prestigieux ordre de chevalerie, " La Toison d’Or ".

C’est Philippe le Bon, duc de Bourgogne, comte de Flandres, qui créa, à Bruges, en Belgique, le 10 Janvier 1430, le plus illustre des ordres de chevalerie. Le puissant duc arbitrait alors les destinées de la France, entre le Français Charles VII et l’Anglais Henri V. L’ordre devait regrouper, autour de Philippe, les principales personnalités flamandes et bourguignonnes, au moment où, grâce à Jeanne d’Arc, le sacre de Charles risquait de lui rallier nombre d’hésitants. Il avait aussi pour mission de faire revivre la chevalerie chrétienne, qui jadis avait entraîné les croisés vers les Lieux saints. Le choix de la Toison d’or, soustraite au dragon par Jason, symbolisait Jérusalem. Par la suite, l’ordre se référa aussi à la Toison immaculée de Gédéon, image de la Vierge, patronne de l’ordre. Certains nationalistes flamands ont tenté d’attribuer cette chevelure blonde à la belle Brugeoise Maria de Crombrugghe. Mais ceci appartient à la légende.

Les statuts fixèrent le nombre de chevaliers à 31 (porté à 51, puis à 61), de naissance noble, élus d’abord par cooptation, puis nommés. Placés sous l’autorité du grand maître, le duc de Bourgogne, et ses héritiers, ils lui juraient, ainsi qu’à la foi chrétienne, aide et fidélité indéfectibles. Ils devaient être consultés sur les grandes affaires de l’État et se réunir chaque année en chapitre. L’hérésie, la trahison, la fuite sur le champ de bataille, l’acceptation d’un autre collier (notamment au moment où Louis XI créa en 1469 l’ordre de Saint-Michel) entraînaient l’exclusion. Un chancelier, un trésorier, un greffier et un héraut d’armes assumaient l’administration générale.

La Toison d’or, liée à la maison de Bourgogne, en suivit le sort jusqu’au XVIIIe siècle, passant à la mort du dernier duc, Charles le Téméraire, à son gendre Maximilien de Habsbourg, puis à son arrière-petit-fils Charles Quint. Pas plus que ses prédécesseurs, celui-ci n’organisa de croisade, mais il fit de l’ordre la plus haute des institutions chevaleresques, avant de la remettre à son fils Philippe II avec l’Espagne et les Flandres.

Lorsque en 1700 son dernier descendant légua son trône au Bourbon Philippe V, la maîtrise de la Toison d’or fut âprement disputée entre celui-ci et les Habsbourg d’Autriche. Le droit international n’ayant jamais tranché la question, il existe en fait depuis 1701 deux ordres de la Toison d’or.

L’ordre autrichien a conservé son caractère aristocratique et religieux. La République autrichienne l’a reconnu personnalité de droit international en 1953. Sa langue officielle est le français.

Celui d’Espagne (la seule branche reconnue par la République française) put s’ouvrir, à partir du XIXe siècle, à des non-catholiques et à des non-nobles. Le roi Juan Carlos Ier, qui a succédé à son père dans la dignité de grand maître, a nommé plusieurs souverains étrangers.

L’ordre de la Toison d’or comporte comme insigne une dépouille de bélier attachée par le milieu du corps à un collier d’or composé de " fusils " ou briquets, stylisés en forme de B (Bourgogne), encadrant des pierres à feu, d’où jaillissent des étincelles inspirées par le développement des armes à feu au XVe siècle.

La Toison se porte aussi suspendue à une cravate rouge. Les chevaliers revêtaient, pour les chapitres, des costumes de velours rouge ou noir, qui, comme le collier, revenaient, à la mort du titulaire, au Trésor de l’ordre qui fut transporté, en 1794, de Bruxelles à Vienne.

1762

Création à Lyon de la première école au monde de " médecine vétérinaire ".

Grâce à la protection de Bertin, contrôleur général des Finances et ancien intendant de la généralité du Lyonnais, le projet de création de l’École vétérinaire de Lyon fut accepté par Louis XV ; le 4 août 1761, un arrêt du Conseil d’État du Roi institua l’École vétérinaire de Lyon, et, le 10 janvier 1762, s’ouvrit la première école vétérinaire au monde, qui devait se voir qualifier de " berceau de l’enseignement vétérinaire ".

Cette école connut un grand succès : les élèves vinrent de toutes les provinces de France et de l’étranger et Louis XV, en 1764, lui conféra le titre d’École royale vétérinaire.

1920

Le traité de Versailles décrète retire à la Prusse la ville de Memel.

L’histoire de la ville et du territoire de Memel (Memelland , Memelgebiet ) est étroitement liée à celle du flux et du reflux du germanisme dans les pays baltes. Fondée en 1252 par les chevaliers " Porte-Glaive " sous le nom de Neu-Dortmund, érigée en ville en 1254, Memel devient possession de l’évêque de Courlande ; en 1328, elle passe à l’ordre Teutonique. Devenue de ce fait prussienne, elle le restera jusqu’au 10 janvier 1920.

Au cours des guerres du XVIIe et du XVIIIe siècle, occupée par les Suédois (1629-1635) et par les Russes (1757-1762), elle devient, après Iéna, refuge de la cour et de la famille royale de Prusse (1807-1808). Un des principaux ports d’exportation de mâts pour la marine britannique, active place de contrebande anglaise à l’époque du Blocus continental, elle n’atteignit jamais la taille d’une grande agglomération (moins de 50 000 habitants en 1939, dont 92 p. 100 d’Allemands) avant la Seconde Guerre mondiale.

Le territoire de Memel (2 746,7 km²) est une création de l’article 99 du traité de Versailles (10 janvier 1920) qui obligeait l’Empire allemand à renoncer, au profit de l’Entente, à la partie nord-est de la province de Prusse orientale (celle située au-delà du Niemen), malgré l’opinion exprimée par la partie allemande de la population. Un grand nombre de paysans lituaniens avaient, en effet, été installés par les chevaliers Teutoniques au XVe et au début du XVIe siècle, mais, surtout grâce à la politique de "colonisation" systématique pratiquée par les souverains prussiens du XVIIIe siècle, ils s’étaient, en partie, germanisés tout en conservant, fréquemment, la langue lituanienne et leur forme d’habitat originale (fermes isolées de l’intérieur s’opposant aux villages en ligne des pêcheurs du littoral).

Le 15 février 1920, le général français Odry prit en main l’administration de ce territoire secondé par un haut-commissaire civil. En janvier 1923, profitant de la crise internationale provoquée par l’occupation de la Ruhr, des francs-tireurs lituaniens pénétrèrent dans le territoire que les troupes françaises leur abandonnèrent sans combat. En février 1923, la conférence des ambassadeurs de Paris s’inclina devant le fait accompli et, par la convention du 6 mai 1924, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et le Japon transférèrent à la Lituanie leurs droits sur le territoire de Memel.

Un statut signé le même jour, ratifié par la Société des Nations et par le gouvernement lituanien, faisait du territoire une entité autonome membre de l’État lituanien. Le gouverneur était nommé par le gouvernement lituanien sous l’autorité duquel étaient, en outre, placés les transports, les douanes, les postes. Le régime était parlementaire : Landtag élu au suffrage universel devant lequel le gouvernement (Directoire) était responsable. À toutes les élections, les députés allemands furent en majorité. Les conflits furent souvent aigus entre les Landtage et les gouverneurs accusés par les députés allemands, non sans raison, de persécuter l’élément germanique.

Après l’admission du Reich à la Société des Nations, la délégation allemande à Genève se fit souvent l’écho de ces récriminations. En 1932, sur la plainte du gouvernement allemand lui-même, la Cour internationale de La Haye condamna le gouvernement lituanien. Tous les partis politiques "allemands" se rallièrent à la position du chef nazi Neumann qui demandait le rattachement au Reich. Dans la nuit du 21 mars 1939, le gouvernement lituanien s’inclinait devant un ultimatum de Berlin. La ville fut prise par les Russes en octobre 1944 et rattachée à la république soviétique de Lituanie ; elle prit le nom de Klaipeda.

1929

La parution d’un livre qui marque le début de la carrière internationale d’un jeune reporter qui fera parler de lui auprès des jeunes de 7 à 77 ans. " Tintin au pays des Soviets " est créé par Hergé.

Certes, Hergé (Georges Remi) avait déjà occupé les pages de quelques revues pour jeunes avant de publier la première planche du Pays des Soviets dans le " Petit XX° ", mais c’est la première " professionnelle " !

Le dessinateur belge Georges Rémi, dit Hergé (nom composé à partir des initiales), a une enfance marquée par le scoutisme. Son grade de chef de patrouille et un talent déjà affirmé pour le dessin lui valent de collaborer à " Boy-Scout " , organe des scouts catholiques belges. Sa première bande dessinée, publiée dans ce journal en 1926, s’appelle " Totor, chef de la patrouille des Hannetons ".

À son retour du service militaire, Hergé entre au XXe Siècle , "journal catholique et national" (journal de droite, proche de Maurras, en France) dont le directeur lui confie la page destinée aux enfants. Après quelques histoires dont la plus connue demeure " Les Exploits de Quick et Flupke ", il réalise, en 1930, la première aventure de Tintin : " Tintin au pays des Soviets ". Il est alors influencé par Benjamin Rabier (" Gédéon, le canard "), Alain Saint-Ogan (Zig et Puce ") et Geo Mc Manus (" La Famille Illico ") mais aussi par Pinchon (" Bécassine ").

Le personnage de Tintin va très vite connaître un vif succès et deviendra l’un des héros imaginaires de l’époque contemporaine. Un retour fictif de Tintin, après ses exploits en Russie, organisé à la gare de Bruxelles, attire un nombre important d’enfants. C’est le départ d’une série de trente-deux albums qui s’achèvera, en 1976, avec Tintin et les Picaros .

Hergé cherchera, par intermittence, à créer d’autres personnages : " Popol et Virginie ", " Les Aventures de Jo, Zette et Jocko ", " Le Stratonef H 22 ", " La Vallée des cobras ". Aucune de ces fictions n’a approché, même de très loin, le succès dont Tintin est encore l’objet. En avançant dans les aventures du reporter-détective et de son chien Milou, Hergé ajoute à son récit des personnages savoureux qui personnifient de manière cocasse des lieux communs : le professeur Tournesol, image du savant sourd et distrait manifestement inspiré du professeur Picard qui bénéficiait alors d’une certaine notoriété, le capitaine Haddock, très porté sur l’alcool, qui invente des jurons, le couple policier que forment les Dupond-Dupont, dont l’un des membres reprend, en écho, les déclarations de son collègue. Tintin, lui, est directement issu des expériences scoutes de son auteur. Il est courageux et épris de justice, mais se pose, tout au moins à ses débuts, comme un défenseur des idées et de la morale établies. D’ailleurs, le deuxième album, " Tintin au Congo ", reflète les préjugés des Blancs colonisateurs à l’égard des Africains colonisés.

Par la suite, le contenu va notablement évoluer : Hergé s’appuyera sur des données psychologiques et ethnologiques plus sûres. Le Lotus bleu  (1936), à cet égard, représente le tournant. Il a d’ailleurs été influencé par un jeune chinois, Tchang (que l’on retrouve dans " Tintin au Tibet "), un étudiant aux Beaux-Arts de Bruxelles que son aumônier scout lui a présenté et auquel il va se lier d’une amitié indéfectible. Mais aussi le faire entrer dans une humanité plus réelle (les massacres et les exactions des Japonais en Chine, le manque de conscience et de courage des grandes nations, le cirque de la Société des Nations, la drogue comme instrument de pouvoir etc.)

Si bien que son héros devient un véritable mythe dans cette deuxième moitié du XX° siècle. Près de 300 millions d’albums vendus. Près de 100 millions depuis 22 ans, depuis 1976, depuis le dernier album (" Tintin chez les Picaros "). Tintin entre d’ailleurs à l’université. Il y a plusieurs chaires de Tintinophilie, dont une à La Sorbonne. Les ethnologues, les sociologues et autres spécialistes de la " psy " s’en sont emparés.

Et parallèlement, l’exploitation de son image à des fins commerciales. Plus de 75 sociétés (publicité, jouets, livres etc) exploitaient encore il y a 5 ans une licence (vendue chèrement) Tintin. Mais depuis 1996, une société (" Moulinsart ") gère drastiquement les droits dérivés et protège les héritiers et ayants droit. La veuve d’Hergé (sa deuxième femme) Fanny Rodwell et son deuxième mari, Nick Rodwell gèrent " Moulinsart " de façon autoritaire et ont cassé les contrats de la plupart de des firmes pour " non-respect " de l’œuvre du créateur. La société occupe plus de 50 personnes et pourchasse toute contrefaçon, tout écart par rapport à l’œuvre initiale. Elle est plus que milliardaire et de ce fait crée un esprit qui n’est plus dans le sens du héros de Hergé ni du rêve des enfants de 7 à 77 ans.

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 19/01/99, ©camilist 1998 --- une remarque ? jrmasson@nordnet.fr !