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Chroniques du 22 Janvier.

Sommaire :

1804

La dissolution des " Pères de la Foi ", une " Compagnie de Jésus " pour remplacer l’autre …

Ces " Pères de la Foi " sont des membres d’une congrégation religieuse née de la fusion, en 1799, de la Société du Sacré-Cœur et de la Société de la foi de Jésus. La première fut fondée en 1794, à Louvain, par l’abbé Éléonor de Tournély, et la seconde en 1797, à Rome, par Nicolas Paccanari.

L’une et l’autre se donnaient pour but de reprendre, dans le même esprit et plus ou moins selon les mêmes règlements, les œuvres de la Compagnie de Jésus, supprimée par Clément XIV en 1773. La Société des Pères de la foi s’implanta rapidement en divers pays d’Europe. En France, sous la direction du père Joseph Varin, des collèges furent ouverts à Lyon (1801, mais celui-ci fut fermé de suite sur ordre de Fouché), à Amiens (1802), à Belley (1803)... Vite dénoncés comme des "jésuites déguisés" (Portalis), les Pères de la foi voient leur société dissoute par un décret impérial du 22 janvier 1804, décret dont l’exécution ne sera vraiment effective qu’à partir de 1807, entraînant alors la dispersion et la clandestinité.

Depuis 1804, le mauvais gouvernement de Paccanari (qui n’était pas prêtre) avait fait éclater la société en plusieurs formations autonomes (la scission en France eut lieu le 21 juin 1804), tandis que vingt pères anglais rejoignaient individuellement à Saint-Pétersbourg le noviciat de la Compagnie de Jésus, officiellement reconnue en Russie par Pie VII depuis le 7 mars 1801. Les Français accomplirent la même démarche en 1814, lorsque la Compagnie, rétablie définitivement dans l’Église le 7 août 1814, eut repris vie en France sous l’autorité d’un ancien profès, le père de Clorivière.

1882

Naissance d’un enseignant " écrivain populaire ", Louis Pergaud : " Si j’aurais su j’aurais pas v’nu ! "

Le XXe siècle a vu naître un groupe particulier d’écrivains issus de la classe populaire : les membres de l’enseignement public. On sait de quelle abondante manière ils se sont répandus aujourd’hui. En 1904, ils étaient encore fort peu nombreux. Louis Pergaud fut un de leurs premiers représentants.

Il est né le 22 janvier 1882 à Belmont, petit village du Doubs. Son père, déjà instituteur public, descend d’une longue lignée de paysans francs-comtois. Il connaît une enfance campagnarde, tout à fait semblable à celle de ses futurs héros (" Le p’tit Gibus ").

En 1898, il entre à l’école normale de Besançon, où il s’intéresse aux sciences naturelles, au point d’envisager de se présenter à l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Par malheur, il perd son père et sa mère, coup sur coup, pendant l’hiver 1901. À sa sortie de l’école normale, quelques mois plus tard, il accepte donc un poste d’instituteur stagiaire, à Durnes. C’est là qu’il compose et fait publier, à compte d’auteur, son premier ouvrage, un recueil de vers intitulé " L’Aube " . Quatre ans plus tard, il est nommé titulaire à Landresse, où il se marie.

En août 1907, il renonce provisoirement à l’enseignement pour tenter sa chance à Paris. Il obtient un modeste emploi à la Compagnie des eaux, qu’il conserve jusqu’en décembre 1909, date à laquelle il réintègre l’enseignement. A la suite d’un concours, il est nommé expéditionnaire au service des beaux-arts de la préfecture de la Seine.

Il compose son premier volume de prose, " De Goupil à Margot ". Il s’agit d’un recueil de nouvelles que le Mercure de France publie et qui obtient le prix Goncourt en 1910.

À partir de 1911, Louis Pergaud écrit avec une sorte de fièvre : " La Revanche du corbeau ", autre série de nouvelles, paraît en 1911 ; " La Guerre des boutons ", (qui a contribué à sa gloire puisque tous les potaches de plusieurs générations l’ont lu … de force " (?)) en 1912 ; Le " Roman de Miraut " , en 1914. À la veille de sa mobilisation, il remet le manuscrit des " Rustiques "  au Mercure de France.

Le 3 août 1914, il est mobilisé à Verdun. Il disparaît pendant la nuit du 7 au 8 avril 1915, à Marchéville. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il laisse des articles, des notes, des brouillons et un roman inachevé, "Lebrac bûcheron" , où l’on retrouve un des héros de " La Guerre des boutons " .

Rien n’est poignant comme une œuvre brutalement interrompue, au moment même où elle prenait forme. Avec les cinq ouvrages et demi qui la constituent (en mettant de côté les deux recueils de vers), celle de Louis Pergaud nous laisse sur une faim cruelle. Pourtant, elle offre curieusement un panorama assez complet de la vie des paysans francs-comtois au début de ce siècle. Pour la décrire, Pergaud n’a eu qu’à regarder autour de lui, à rassembler des souvenirs d’enfance, à écouter les récits de ses parents et de ses voisins.

Dans les deux premiers recueils, " De Goupil à Margot "  et " La Revanche du corbeau " , l’ancien étudiant amateur de sciences naturelles exprime son amour des habitants de la forêt. Deux romans, " Le Roman de Miraut, chien de chasse " , et " Lebrac bûcheron " , mettent l’accent sur la rudesse de la condition paysanne, dans une région où la terre est dure et les hivers bien longs. Enfin, " Les Rustiques " , nouvelles malicieuses, et " La Guerre des boutons " , cette Iliade  burlesque et attendrissante, renouent avec la lointaine tradition de la gaieté terrienne, où le rire (pas toujours complice) est le seul moyen de triompher de la misère et du désespoir.

L’acuité de sa vision et la subtile vigueur de son écriture éloignent Louis Pergaud des autres écrivains campagnards, volontiers moralistes et compassés. Telle qu’elle nous est offerte, dans sa brève splendeur, son œuvre préfigure, avec quinze ans d’avance, celle d’un autre écrivain franc-comtois, également sensible à tous les aspects de la vie rurale : Marcel Aymé.

Cam.

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Dernière modification le 30/01/99, ©camilist 1998 --- une remarque ? jrmasson@nordnet.fr !