LES CAMPS
Témoignage d’un sous-officier (en activité) concernant
l'arrondissement de Bordj-Bou-Arreridj (Sétif), le 16 août
1962.
La commune de Teffreg, dont le maire était le député,
M. Benhalla Khellil, est actuellement sous la férule du nommé
Ghettari-Mohand-Akli, chef du Nidam.
La récolte a été saisie à 75 pour
cent, 20 pour cent sont pris sur les mandats. Tous les hommes travaillent
gratuitement sur les pistes. Ghettari-Mohand-Akli a fait trois ans de prison
à Paris et a été libéré en mars 1962.
Le nommé Sebane Saddek, mokhadem de la SAS d’Ouled-Rached,
commune de Teffreg, arrondissement de BBA, ex-responsable rebelle rallié
en août 1956, a été brûlé vif.
Le nommé Sebane Tayeb, harki, a été littéralement
coupé en morceaux.
Le sergent harki Lagha Salah a été massacré
à coups de pioche.
Le nommé Nait Belkacem Saïd, interprète de
la SAS de Ouled-Rached, adjudant de l'armée française en
retraite, médaillé militaire, après avoir été
lardé de coups de couteau, laissé trois jours dans les W.C,
traîné au bout d’une corde dans le village, est mort le 10
août 1962.
Les anciens harkis du secteur ont été massacrés
dans chaque village, empilés dans des GMC et assassinés au
lieu-dit « Maison cantonnière » où se trouvait
auparavant le sous-quartier.
Tous les hommes de la harka de Beni-Lalem, région de Zemmorah,
arrondissement de BBA, ont été massacrés. L'un d’eux,
torturé, a crié aux gens de l'A.L.N : « Jusqu’à
la dernière goutte de sang, nous sommes français, vous pouvez
nous tuer, cela ne fera pas changer notre cœur. » Cette harka,
célèbre dans la région pour son courage et son efficacité,
était commandée par la riche et puissante famille des Boudache.
- Camp de Blondel.
Dans ce village entre Bordj-Bou-Arreridj et Medjana, il existe
un camp de prisonniers. M. Bouaza, maire des Ouled-Dahmane, en particulier,
y a été pendu, nu, par les pieds, passé au miel et
livré aux abeilles.
Dans ce même camp, le député Benhalla Khellil
a été détenu. M. Arab Ali, maire de Sidi-Brahim et
conseiller général du département de Sétif,
a été emmené à Akbou.
- Camp de Mansourah (près
de Bordj-Bou-Arreridj).
Le maire de Harraza, Benchabane Smaïl, chef du commando,
a eu les yeux arrachés.
Les harkis de Harraza ont été massacrés.
Les harkis de Selaina, Ouled-Taier, Ouled-Yacoub, Hamama, ainsi que
ceux qui n’ont pas encore été massacrés, sont parqués
dans ce camp.
- Camp de Melouza.
Dans ce camp, actuel PC de la Naya 321, sont parqués deux
cents harkis et mokhaznis de Dahmane-Daala et Beni-Ilman. Le maire de Kerrabeha,
M. Aribi Ali, a été torturé puis égorgé.
La famille Bougherra avait fourni à la France quinze harkis ou mokhaznis
qui ont subi le même sort. Le chef de la harka de Dahmane-Daala,
un nommé Tahar, a été écorché vif.
- Camp de Beni-Douala (département
de Tizi-Ouzou).
Aux Beni-Douala, un camp de représailles et de tortures
a été ouvert dans les locaux de la SAS du capitaine Oudinot.
Les harkis de la région y ont été internés.
Certains, dont le harki Belkacem, ont eu les paupières cousues,
ont été maquillés et habillés en femmes, puis
promenés dans le village.
Voici d’autres camps de prisonniers dont l'existence a été
révélée par l'association des anciens SAS, grâce
aux témoignages de détenus ayant réussi à s’évader.
- Camp de Bois-sacré.
C’est un ancien centre de repos des Sahariens. Il est situé
à 1,5 km de Gouraya. Il est occupé par une katiba depuis
juillet, et des prisonniers y sont détenus depuis cette date.
Ex-harkis : Cent y étaient internés vers le 15
juillet. Cinquante ont été exécutés vers le
début d’août. Il n’en restait plus que vingt au début
de septembre.
Européens : Quelques-uns ont été tués.
Malheureusement, les renseignements sont devenus très rares. Ils
émanent de très rares prisonniers qui ont réussi à
s’échapper. C’est ainsi qu’un ancien harki évadé est
témoin que X…(un français) a été enlevé
le 14 juillet dans les environs de Marceau, puis transféré
dans ce camp et enfin exécuté quelques jours après
dans les conditions suivantes : ligoté à un arbre, émasculé,
les mains et les avant-bras coupés. Ce camp est connu, régulièrement
repéré d’avion, d’où l'on peut voir les Européens
et les musulmans détenus installés dans des baraquements
sur la plage. Les djounoud (soldats de l'A.L.N) ont tous les droits sur
ces prisonniers.
- Camp de Sidi-Slimane.
Situé à 15 km au sud de Fontaine-du-Génie.
D’après un témoin évadé, les prisonniers
sont employés à des travaux de piste toute la journée
(juillet et août). Si le travail est insuffisant, les intéressés
sont roués de coups jusqu’à la mort.
- Camp du douar Ridane
Située à 15 km au sud-ouest d’Aumale. En juillet,
tous les harkis de la région y ont été rassemblés
et divisés en deux équipes. Chaque soir, l'équipe
qui avait eu le moins de rendement était exécutée
avec les raffinements habituels. Tous les gradés de ces anciennes
harkas ont été tués. Un sergent de vingt-trois ans
(quatre citations, médaille militaire à titre exceptionnel)
est mort d’épuisement après quatre jours de tortures.
On peut encore citer d’autres camps : camps de Marceau, de Bousemane,
de Dupleix…
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