Extrait du Mémoire de maîtrise d'histoire d'un petit fils de harkis


Madame X de Dunkerque poursuit son récit après l'arrivée à Marseille :


                  La Croix-Rouge nous accueillit avec des chaussettes, des biberons pour les enfants; de la nourriture pour les adultes. Des camions nous transportèrent du port vers la gare où nous prîmes le train. Ce voyage était l'occasion d'un bon repas et d'un repos dont nous avions perdu l'habitude. Mais les larmes que provoquaient la peur de l'inconnu et  un froid  inhabituel ne cessaient  pas. Le voyage en train dura 6 heures. A la gare, un bus est venu nous  chercher. Il nous déposa dans une forêt proche - je me souviens - d'un champ de maïs qu'un tracteur parcourait . En fait, il le défrichait pour laisser de la place aux tentes que l'on installait. L'armée  nous a donné des sacs de couchage, et de la paille en ballot (pour mettre dans les sacs). Ensuite, il fallait aller au recensement dans le bureau d'accueil. Un capitaine s'adressa à tous pour nous rassurer et nous adresser des excuses pour ces conditions  précaires momentanées. Ce camp, c'était celui de Saint-Maurice-l'Ardoise. 
                  C'était 400 tentes où étaient mélangés des Kabyles, des Oranais, des gens du Sahara, bref toutes les "races" d'Algérie. Nous étions assez exposés à un froid inhabituel (il gelait), nous n'avions bien sûr ni eau, ni électricité, ni argent, ni vêtements. Seulement une cuisine militaire  provisoire. Nous  étions cinq familles par tentes. Les médecins visitaient les tentes et emmenaient les malades à l'hôpital. Chaque vêtement et chaque chiffon était partagé. Les gens se disputaient souvent pour les vivres, les jeunes  notamment et ceux qui avaient bu . Certaines vivres étaient jetées dans le canal car les gens n'étaient pas disciplinés. Un responsable du camp a trouvé dans le cours d'eau du pain et depuis ce jour, le partage était imposé. Ceux qui se battaient  ou volaient étaient envoyés en prison. Un hôpital et un magasin provisoire étaient installés. Mais nous n'avions toujours pas seulement des bougies ou du café. Un responsable nous a demandé si  certains avaient  des relations en métropole : de la famille immigrée, des supérieurs militaires,... Il fallait fournir des documents certifiant que l'on pouvait être hébergés. Ceux qui les fournissaient, on leur donnait une prime, on leur offrait le prix du voyage et ils partaient travailler (à l'époque, on trouvait du travail pratiquement partout). Un des Harkis chaouis  déjà venu en France connaissait Usinor à Louvroil et a écrit là-bas. On lui a  demandé de rassembler 40 individus parmi ceux qui n'étaient pas blessés de guerre. C'est ainsi qu'une quarantaine familles se retrouvaient dans la ville d'Hautmont et ses environs. D'autres du camp travaillaient en forêt  à  planter des arbres. Peu à peu tous les hommes valides étaient répartis. Les blessés  ont été acheminés en camion puis en train à Villeneuve-sur-Lot. Le camp avait déjà servi . Il était composé de très vieilles maisons, on y disposait de  charbon, de lits, de draps, de cuisines. Nous attendions les formalités pour les pensions. Ceci pendant neuf mois. Personnellement, on a envoyé mon fils aveugle six mois à Marseille. Par la suite, j'ai été transférée à Rivesaltes, qui est un grand camp. Nous ne disposions que d'un minimum de bagages car la nourriture était composée de rations de l'armée. A Rivesaltes, on nous a demandé notre origine, on nous a photographiés, et on  nous a  proposé une baraque vide, une assiette chacun, un plat par famille, une sorte de tasse en fer, bref  uniquement des ustensiles militaires. C'était une maison par couple avec un lit et un fourneau. Le sol était en ciment, le toit en tuiles, les fenêtres en grillages; ça ressemblait plus à un grenier d'où l'on voyait les étoiles par la fenêtre la nuit. Nous avions une couverture chacun. Les dix villages étaient numérotés . Les femmes célibataires et les veuves étaient isolées. Ils ont effectué une séparation selon le rôle dans l'armée pendant la guerre  et ont désigné des chefs "d'époque" néanmoins ils n'avaient pas d'uniformes. Ils ont installé des réfrigérateurs géants avec distribution de vivres tous les mardis : de l'huile, du sel, du sucre, bref de tout en tenant compte du nombre       d'individus. Il y avait dix robinets à l'extérieur et un bidon par famille.   Les toilettes étaient également dehors et étaient une baraque surmontant un réservoir nettoyé à tour de rôle. Il y avait de gros moustiques et des lézards. Parfois les moustiques étaient arrosés par hélicoptère car ils ont envoyé plusieurs personnes à l'hôpital. Il y avait une distribution de matériel pour couper du bois et un fourneau rudimentaire. Je suis restée avec mon mari un an et demi ainsi sans travail, ni certificat. Le camp fermé nous sommes retourné en train à Saint-Maurice-l'Ardoise où des maisons retapées avaient remplacées les tentes. Il y avait une maison pour deux individus avec robinet intérieur, vingt-cinq kilos de charbon par semaine, cent soixante francs par mois et par couple, et des draps. Là encore nous sommes restés un an et demi . Nous avons par la suite demandé au directeur  de partir rejoindre notre famille; il a accepté à condition que nous disposions d'un certificat d'hébergement.


N.B.


Témoignage d'Albdelkrim Klech dans la revue Radikal Novembre 2000

Témoignage du Général Meyer


PHOTOS DU CAMP DE ONGLES : LE CAMP DES FILS DE HARKIS



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