Lettre de Georges Courtois à la presse
Nantes, le 9 janvier 1998
Objet : Impressions pour un homme de caractères
Monsieur,
Les 19 et 20 décembre 1985 se produisait un événement
qui, disons le tout net, intéressa vivement les médias, quelle
que fut leur nature, et, en particulier, la presse écrite.
Il va de soi que je ne saurais émettre la moindre protestation
quant à ce qu’un événement aussi retentissant que
celui-là fasse l’attention de ceux et celles dont l’activité
professionnelle — donc aussi consciencieuse que principale —, consiste
justement à relater les faits et gestes qui se déroulent
ici ou là.
Pour mémoire, je vous rappelle qu’il s’agit de l’action menée
par messieurs Abdelkrim Khalki, Patrick Thiolet, et moi-même, contre
la cour d’assise de la Loire-Atlantique, à Nantes.
Simplement je ne crois pas que la relation d’un événement
doive se cantonner aux seuls instants où il occupe une place, politique
ou sociale, mais que, par définition, il ne saurait s’arrêter
à celui même où les caméras s’éteignent,
ou à celui où le chroniqueur repose son stylo. Il se prolonge,
hélas, d’une manière bien moins spectaculaire, mais tout
aussi dramatique.
C’est ainsi que mon ami, monsieur Abdelkrim Khalki, est aujourd’hui,
et depuis quelque temps déjà, comme je le fus moi-même
auparavant, l’objet de la rancune tenace de quelques petits juges, voire
de technocrates ministériels, et que tous les prétextes sont
bons pour que la loi(vous savez ? La loi…) ne s’applique pas à la
situation qui est la sienne ; que toutes les manœuvres dilatoires relatives
à sa remise en liberté, entre autres choses par une expulsion
sous conditions en direction du Maroc, qu’il réclame à cor
et à cri, à laquelle la loi lui donne droit, sont employées
à chaque échéance, que l’on se fait un plaisir de
lui supprimer des réductions de peine, pourtant systématiques
pour tout un chacun, et même, que l’on vient tout bonnement de lui
octroyer une prolongation de trois mois, ce qui me mène à
l’exécution d’une peine de 22 ans et six mois, quand le maximum
légal est plafonné à 20 ans.
Permettez-moi de vous rappeler qu’il ne prit ni le temps ni la peine
de faire du mal à qui que ce fût ; qu’en temps et en heure,
les journaux de l’époque ont loué le sang-froid qui caractérisa
cette opération, tout comme les victimes du reste, ainsi qu’en attestent
les documents inhérents, que les autorités françaises
engagèrent leur parole quant à ce que Monsieur Khalki puisse
quitter le territoire national contre notre reddition, et que cette promesse,
comme tant d’autres, resta lettre morte, puisque douze années se
sont écoulées depuis.
Ainsi que je l’ai déclaré publiquement à la télévision
il y a quelques semaines, il conviendrait de ne pas s’apitoyer uniquement
sur le sort d’individus tels que les dénommés Botton, Tapie,
Le Floch-Prigent ou Carignon, (la liste est longue, très longue,
trop longue) lesquels ont tribune ouverte dans tous les médias,
y compris entre deux incarcérations ou deux audiences, mais que
madame Guigou veille à ce que les juges qui sévissent ici
et là, à l’intérieur même des prisons, de même
que ces technocrates ministériels déjà cités,
se préoccupent de faire application de la loi, dont ils se repaissent
tellement, sauf, bien entendu, quand il s’agit de pleurnicher pour que
ce pauvre Emmanuelli ne subisse pas la (lourde !) condamnation dont il
écopa (injustement ?)
J’ose espérer que vous voudrez bien ouvrir vos colonnes pour
dénoncer la vindicte dont est l’objet monsieur Khalki, après
vous avoir affirmé qu’il est bien moins dangereux que les individus
dont je vous ai fait mention ci-dessus, et fait connaître que je
ne mets pas en doute votre conscience, professionnelle ou non, ce qui me
laisse à penser que vous arrêterez votre attention sur cette
présente, avec autant de célérité que lorsque
nous fîmes, messieurs Khalki, Thiolet et moi notre apparition dans
le monde médiatique et sacro-saint…
Je vous remercie d’avoir bien voulu me lire, et je vous prie d’agréer
l’assurance de ma parfaite considération, ainsi que l’expression
de mes remerciements anticipés quant à ce que vous voudrez
bien faire pour que la justice soit juste… au moins de temps en temps…
Georges Courtois
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