27 juin 2000

Je n'ai aucune tolérance ce soir. J'en ai marre de la douleur. Marre d'avoir mal à la main, au genou, à la tête. Bien sûr la douleur s'estompe, mais même le peu qui reste m'exaspère. Ma tête me fait vraiment mal. Mon corps ne tolère plus les points de suture et il essaie de les rejeter depuis deux jours. Alors mon cuir chevelu tire, élance, et ça fait mal. Je devais me les faire enlever ce matin. J'arrive au CLSC comme prévu, j'attend un peu, puis une infirmière m'appelle, me fait entrer dans une salle, m'interroge un peu, puis quitte la salle pour aller chercher ses instruments. Elle revient quelques minutes plus tard, l'air très embarrassée, et me déclare honteusement:

- Je suis vraiment désolé Monsieur, mais je ne pourrai pas vous enlever vos points de suture. Voyez-vous, nous n'avons plus de ciseaux à points... Nous allons recevoir une livraison de matériel médical à une heure cet après-midi.

Ça, c'est le virage ambulatoire ça...

La pauvre dame semblait tellement gênée de m'annoncer ça, et je la comprend. Ça ne fait pas très sérieux. Mais je n'en veux absolument pas au personnel médical. Ils se fendent le cul en quatre pour accomplir l'impossible avec les miettes qui leur restent. J'ai eu à faire aux salles d'urgences à quelques reprises ces dernières années, et ces hommes et ces femmes ont toute mon admiration.

Quoi qu'il en soit, j'y retourne demain matin, en espérant que cette fois sera la bonne. J'ai essayé de négocier avec mon corps pour qu'il endure les points encore vingt-quatre heures. Ce fut difficile, mais la menace de le droguer à coup de Tylenol semble avoir été l'argument décisif de ma part. Car voyez-vous, s'il y a une chose que mon corps déteste encore plus que les corps étrangers, c'est bien les médicaments.

En plus je me sens complètement vidé de mon énergie. Il semble que ce soit le retour du balancier, le prix à payer pour les efforts que mon organisme déploie depuis une semaine pour se réparer.

Et pour couronner le tout, j'ai honte. Honte de me lamenter pour si peu. Il y a des gens qui ont des accidents et qui perdent un oeil, un bras, une jambe, qui deviennent paraplégiques, ou qui traînent des séquelles pendant des années et des années. Et moi je me plaint pour quelques petites contusions et des points de suture qui m'énervent.

Mon clavier est absolument dégoûtant.

Mais pourquoi est-ce que je vous dis ça ?

Bon, que diriez-vous de terminer le billet de ce soir sur une note positive ?

Hier soir, avant d'aller au dodo, je suis sorti dehors pour aller faire saucette dans le lac et une belle surprise m'y attendait. Après les quelques minutes nécessaires à mes yeux pour s'habituer à l'obscurité, j'ai vu apparaître une multitude de lucioles qui faisaient allègrement clignoter leur petit derrière dans l'herbe, dans les buissons ou en vol. Alors que je revenais vers la rive en nageant, c'était tellement beau de voir tous ces petits éclairs lumineux jaune-vert. Il faisait tellement chaud que j'ai pu m'étendre nu dans l'herbe, encore tout mouillé, les yeux tournés vers le ciel, en regardant les petits clignotements lumineux des lucioles passer au dessus de moi, écoutant le chant des grenouilles qui se prolonge encore même à ce temps-ci de l'année.

La nature me fait tant de beaux cadeaux, m'offrent tant de belles choses, cherche à me combler, mais elle n'y réussi pas.

Merci Nature. Merci de tout ce que tu fais pour moi, merci de t'offrir à moi entièrement, sans pudeur et sans retenue.

Mais tu ne me suffit pas.


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