9 décembre 2001

Cela faisait longtemps qu'Elle ne m'avait pas appelé.

En quittant le bureau sur l'heure du midi, tous les ingrédients étaient là. Le temps calme, le ciel bleu immaculé, le soleil éclatant. J'ai pris le long chemin.

Des glaçons flottaient déjà sur Ses eaux.

Pourquoi voulait-Elle me voir aujourd'hui ? Peut-être voulait-Elle que je la borde avant qu'Elle ne sombre dans Son long sommeil hivernal.

Ce long chemin que j'emprunte à l'occasion pour revenir chez moi, il m'est connu depuis longtemps. Je le parcourais de temps en temps, bien avant d'acheter ma maison ici, simplement pour venir La voir. Nous nous connaissons depuis ce temps.

Je L'ai connue pour une des premières fois lors d'une randonnée à vélo avec deux de mes amis. Je devais avoir quatorze ou quinze ans. Nous étions parti ensemble pour une fin de semaine de camping.

Il y a ce parc aussi. Autrefois c'était un grand champs. Je me souviens d'un pique-nique avec ma famille. J'étais plus jeune de quelques années. Moi et mes amis collectionnions les papillons à l'époque, une activité que j'ai arrêté quand je me suis aperçu que je ne pouvais tout simplement plus tuer. L'herbe était verte, les montagnes étaient magnifiques, et Elle était là, coulant doucement plus bas, dans la vallée.

Ce parc, j'y ai amené Lola une fois. Nous ne nous connaissions pas depuis longtemps. Je l'avais invitée à venir regarder les perséides avec moi, loin des lumières de la ville. Chaises longues, couvertures et quelques sacs de croustilles, nous nous sommes installés loin de la route. Nous n'avons vu aucune étoile filante, mais nous avons passé une nuit magnifique.

Il y a aussi ce petit lac sur le chemin. Alors que je cherchais à l'époque ce qui ne devait être qu'un petit chalet habitable à l'année, une petite retraite, un petit sanctuaire où je pourrais me retirer et me ressourcer de temps en temps, j'étais aussi venu visiter quelques habitations sur le bord de ce lac. Il ne reçoit pas beaucoup de soleil, étant à l'ombre des montagnes, alors ces eaux sont déjà gelées depuis quelques jours. Je me suis remémoré la première fois où j'avais parcouru cette route, en vélo avec mes amis.

C'était si facile d'avoir des amis à l'époque, d'être entouré de personnes avec qui partager mes goûts et mes passions.

Ses eaux sont belles et douces. Lorsque je m'Y plonge, je m'abandonne avec volupté à Ses caresses.

Mais Elle est froide. J'ai envie de chaleur. De chaleur humaine.

C'est Noël bientôt. Difficile de ne pas s'en rendre compte, à moins d'arriver tout droit d'une autre planète. Je n'inviterai personne pour le réveillon cette année. Je préfère le passer seul cette fois. Les personnes avec qui j'aurais vraiment envie d'être ne viendraient pas de toute façon. Et d'ailleurs, je ne sais même plus s'il existe encore des personnes avec qui j'ai vraiment envie d'être.

Noël ne veut plus dire grand chose d'ailleurs. Ce n'est plus qu'une fête commerciale et mercantile. Les décorations ne dupent personne, les chants de Noël sonnent faux.

Alors pourquoi est-ce que je braillais comme un bébé tout à l'heure en regardant ce spécial de Noël à la télé ? Pourquoi est-ce que j'ai encore les larmes aux yeux alors que j'écris ces lignes ?

Pourquoi est-ce que je considère encore que la plus belle histoire qui ait jamais été écrite est "A Christmas Carol" de Charles Dickens ?

Vais-je moi aussi recevoir la visite de trois esprits qui me feront découvrir le vrai sens de Noël ?

Vendredi prochain, c'est mon party de bureau. Cette année encore j'y participerai.

Et cette année encore, selon toute vraisemblance, Consoeur y participera aussi, encore plus ravissante que la dernière fois. Encore une fois, elle sera la plus belle. Et encore une fois, nous nous regarderons de loin, du coin de l'oeil, toute la soirée.

Cette année encore, à la fin de la soirée, nous partirons seuls, chacun de notre côté, et pour nous accueillir, nous ne trouverons qu'un lit vide et des draps froids.


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