23 février 2002

Il semble que ces temps-ci je n'écoute la télé que dans l'espoir d'entendre l'annonce de Chrysler où l'on voit Diana Krall chanter "The Look Of Love". Quelle chanteuse extraordinaire. Je ne sais pas si je dois dire d'elle qu'elle incarne la sensualité sophistiquée, ou la sophistication sensuelle...

Je savais bien qu'en publiant cette lettre à Nikita qui, à l'origine, lui était destinée à elle seule, je froisserais certaines de mes lectrices. En particulier à cause du paragraphe où je parle de réponses (ou de non réponse) à mes courriels.

Je savais bien que j'aurais dû changer le texte, faire quelques modifications, afin d'être plus clair, afin que mes dires portent moins à confusion. Mais cette lettre était destinée à Nikita. J'ai choisi de la partager avec vous, dans son intégralité, sans aucun changement sauf le remplacement des noms véritables (qui ne vous diraient rien de toute façon) par les pseudonymes que j'utilise ici.

Je pourrais m'expliquer en long et en large, mais je ne le ferai pas. Pas ici. Parce qu'ici est l'endroit où je me sens le plus libre, même si cette liberté n'est pas encore totale.

Mais je trouve décourageant de voir comme certaines personnes en exigent encore plus de moi que ce que je choisi d'offrir ici. Et je suis sûr que je ne suis pas le seul diariste dans cette situation.

Enfin. Je sais que je risque d'en froisser quelques unes en disant ça. Mais vous savez quoi ? Ça ne me dérange pas. Parce qu'ici est le seul endroit où je me sens libre de dire ce que je pense, ce que je ressens, où je me permet de m'affirmer, d'exprimer autant le bon que le mauvais qui est en moi. Parce qu'ici, je suis libre de cette peur obsessionnelle qui me hante tout le temps dans le vrai monde: la peur de prendre trop de place, de m'imposer, de déranger, d'être de trop, de blesser ceux que j'aime.

Tous ceux et celles qui lisent ces lignes le font par choix. Absolument rien ne les obligent à le faire. Et ils ne sont même pas obligés de lire tout ce que j'écris. Mes lecteurs et lectrices se sentent totalement libres parce qu'ils savent que s'ils cessent de me lire, ou me lisent "en diagonale" ou avec plus ou moins d'intérêt, et bien je n'en saurai rien. Bien campés derrière leur écran, protégés par le brouillard de l'anonymat, ils savent qu'ils ne peuvent me blesser, qu'ils peuvent me suivre un certain temps, puis se désintéresser de moi avant de passer à autre chose.

J'ai compris pourquoi j'écrivais si aisément ici jour après jour, mais qu'il m'était tellement difficile d'engager un véritable dialogue avec mes lecteurs et lectrices.

Tout est si clair maintenant. Si évident. Comment ne l'ai-je pas vu plus tôt.

Vous, je ne peux pas vous blesser. Mais eux, oui. Et dès que je vous connais, vous faites parti d'eux.

Toujours le syndrome du porc-épic.

J'aurais pu être chez Cousine aujourd'hui. Copine m'a affirmé qu'elle aurait été super contente de me voir, même si elle ne m'avait pas fait d'invitation explicite. Et elle avait peut-être raison. Mais je ne pouvais tout simplement pas me résoudre à aller chez elle. Je devais être sûr qu'elle avait envie de me voir, il me fallait une preuve, il ne pouvait demeurer aucun doute. Parce que s'il existait une chance, aussi minime soit-elle, que je ne sois pas le bienvenu et qu'elle se force par politesse à s'accommoder de ma présence, et bien je ne pouvais tout simplement pas prendre ce risque.

C'est ainsi que je suis. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Je ne sais plus. Je sais que cela doit rendre mon amitié terriblement lourde pour mes amis. Certains semblent s'en accommoder. Je ne crois pas que je souffre de paranoïa. Si c'était le cas je douterais de tout le monde. Or je ne doute pas une seule seconde de l'amitié que Copine me porte et de l'intérêt qu'elle a pour moi. Jamais je n'hésite une seule seconde avant de l'appeler, d'aller la voir ou de l'inviter à une quelconque activité. Et ce parce que je sais qu'elle a toujours envie de me voir, et que les rares fois où ce n'est pas le cas, elle n'a aucun gêne en m'en faire part sans la moindre hésitation.

Alors voilà pourquoi je suis si bien ici. Parce qu'ici, je ne tord le bras à personne. Ici, tout le monde est libre de me suivre ou non. Ici, tout le monde peut s'éloigner de moi si je les fais souffrir. Ici, j'échappe à ma peur de faire du mal à ceux que j'aime.

Voilà donc pourquoi j'écris ce journal. C'est une fuite. La fuite de ma plus grande peur. Moi qui croyait que j'avais entrepris cette démarche justement pour affronter ma peur, c'est elle qui me manipulait tout ce temps.

Quelle déconcertante révélation.


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