23 mars 2002

Je me sens si près. Si près du but. Je peux presque le toucher. Ce bien-être, cette soif de vivre, ce désir de jouir pleinement des mille choses que la vie a à m'offrir.

Conversation téléphonique avec Nikita hier. C'était bon d'entendre sa voix à nouveau.

Elle et son conjoint s'achètent une maison, non loin de chez moi. D'après ce qu'elle m'en a dit, c'est une belle maison, isolée, dans le bois, sans voisin. Endroit idéal pour jouir du nudisme en toute liberté. Elle compte bien ne pas s'en priver d'ailleurs, et élever son enfant dans ce contexte. J'ai déteint sur elle apparemment. Finalement, j'ai une bonne influence sur les gens...

Cela prendra un peu de temps avant de dissiper ce petit malaise entre nous, avant de retrouver cette belle intimité que nous avons connue.

Elle m'a demandé si j'écrivais toujours mon journal. Comme je lui ai dit que oui, je me demande si elle va encore essayé de le trouver. Peut-être aussi que son bébé lui laisse moins de temps pour s'amuser sur l'Internet.

Il y a au moins un point sur lequel je me trouve chanceux. Enfin, soyons honnête, je suis chanceux sur tous les aspects de ma vie, sauf un.

Ce point, donc, c'est que même si toutes les personnes de mon entourage proche découvraient ce journal, ce ne serait pas catastrophique. Quand je lis d'autres diaristes comme l'Incrédule ou l'Insomniaque, je peux très bien sentir qu'elles gardent toujours quelque chose au fond d'elles, quelque chose qu'elles auraient tellement envie de révéler et avec lequel elles se battent depuis des mois et des mois, peut-être même depuis les tout débuts de leur journal en ligne. Mais elles n'osent tout simplement pas, pour toutes sortes de raisons qui ne nous apparaîtraient claires que si nous savions tout. Alors elles se lancent régulièrement dans des envolées métaphoriques d'une qualité poétique absolument remarquable, mais qui sont totalement incompréhensibles. Et ça me laisse toujours sur ma faim, parce que je suis désespérément curieux et voyeur et que je veux savoir.

Ceux et celles qui aiment mes écrits ne sont certainement pas des amateurs de mystère et de non-dit, car justement, l'essence même de ma démarche est de tout révéler, de ne rien cacher, ni à vous ni à moi-même. Surtout pas à moi-même. Et c'est ce dernier point qui est pour moi le plus difficile.

On se questionne beaucoup sur la définition de l'intimité, surtout dans le contexte des journaux en ligne. Un tel journal peut-il être qualifié de journal intime ? Cette façon de se révéler ainsi à tous, de se mettre à nu devant la planète entière, peut-il être qualifié d'intimité ?

Personnellement, je crois que oui. Ne dit-on pas qu'il est souvent plus facile de nous révéler à de parfaits inconnus qu'à nos proches ? Parce que ce qui fait que se révéler soit si difficile, c'est une seule et unique chose: la peur du jugement. Et nous n'avons peur du jugement que de ceux que nous aimons, ceux qui comptent pour nous. Tout le monde sait très bien qu'il est plus facile de faire un tas de chose parmi des étrangers: faire un fou de soi, faire du nudisme pour la première fois, etc. Parce que le jugement de personnes que nous ne connaissons pas et qui nous laissent indifférent ne nous dérange pas.

Les seuls moments où cela devient plus difficile pour moi de continuer à me révéler sans pudeur, à rester authentique, c'est lorsque je parle de lectrices qui me connaissent, que j'ai rencontré, que je connaissais avant d'entreprendre cette démarche, ou avec lesquelles j'entretiens des contacts plus ou moins réguliers. Par exemple, quand je parle de Jeune Lectrice ou d'Alegria, je sens toujours cette réticence, cette pudeur, cette peur du jugement, sachant qu'elles liront ce que j'ai écris à leur sujet. Il en est de même à un moindre degré pour Lola, et même pour France, pour laquelle la possibilité de nous revoir un jour n'est pas totalement exclue, même si elle demeure maintenant à l'autre bout de l'Amérique.

L'intimité est difficile à atteindre, mais elle est tellement libératrice. Projeter une image, entretenir un masque, est une tâche qui monopolise tellement d'énergie de notre part, une énergie dont on ne prend vraiment conscience que lorsqu'on se retrouve finalement en présence de quelqu'un avec qui on n'a plus besoin de se cacher.

Mais porter un masque est quelque chose d'instinctif, une sorte de réflexe ancestral dont il faut toujours garder conscience si on veut atteindre la véritable intimité, celle où on se sent libre de révéler à l'autre ce qu'on ressent et pense de lui, en bien ou en mal.

Alegria m'a répété à plusieurs reprises qu'elle désirait intensément, que dis-je, qu'elle exigeait que je me sente toujours absolument à l'aise de parler d'elle en toute liberté dans mon journal. C'est ce que j'ai toujours réussi à faire à date, même si je réalise que cela me demande quand même un courage plus grand que lorsque je fais de même avec les personnes qui me sont proches mais qui ne lisent pas ce journal.

Des fois, je me dis que ça serait bien si j'avais connu toutes les personnes de mon entourage par l'entremise de mon journal.


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