- SOMMAIRE -

Introduction
Témoignages divers d'éclipses totales
(témoignages recueillis par Christophe Lanier)
Témoignages des éclipses de 1994, 1995 et 1999
(par Christophe Lanier)
Itinéraire d'un chasseur d'éclipses (1ère partie)
(éclipses totales de 1991 et 1994, par Serge Brunier)
Itinéraire d'un chasseur d'éclipses (2ème partie)
(éclipses totales de 1995 et 1998, par Serge Brunier)
Les voyages d'Yves et Geneviève Delaye (en construction)
(récits et photos des voyages des deux chasseurs d'éclipses français)

Introduction

« Rien sur terre ne peut être comparé au spectacle d'une éclipse totale de Soleil. RIEN ! ». Fred Espenak.
Espenak sait de quoi il parle, il a vu 17 éclipses totales de Soleil.
Et pour ma part, qui n'en a que deux à mon actif (ce qui est déjà pas si mal !), je suis entièrement d'accord avec lui. Je pense même que c'est le plus fantastique spectacle qu'un humain puisse imaginer vivre. Et d'ailleurs ça dépasse tellement tout qu'il est impossible de s'imaginer ce qu'est "une totale" sans en avoir vécu une. Même après plusieurs éclipses poursuivies partout dans le monde, les chasseurs d'éclipses ne parviennent toujours pas à évoquer clairement leurs émotions face à ce phénomène hors du commun, qui dépasse de loin ce que tout humain a pu voir auparavant.
Une éclipse n'est qu'un simple phénomène naturel. Certes. Mais c'est un expérience humaine avant tout, la plus forte qui puisse exister. Tout ceux qui l'ont vécu (même sans être passionés d'astronomie) vous le diront.

Un récent débat sur la mailing-list "Chasseurs d'éclipses" m'a décidé à créer cette page. La question était : qu'est-ce qui est le plus important dans une éclipse ? La science ou la magie ? Depuis que j'étudie le "phénomène éclipse" pour mon plaisir, et pour créer ce site, je suis de plus en plus persuadé que le phénomène scientifique en lui-même n'a strictement rien d'intéressant. Comme le disait si bien Hubert Reeves (le seul astrophyscien assez "courageux" pour oser mettre la poésie de l'astronomie en avant), une éclipse de Soleil ce n'est rien d'autre qu'un astre qui passe devant un autre : c'est d'une banalité extrême !
Seulement, avant l'invention du coronographe, il était impossible de voir et analyser la couronne solaire. Les scientifiques ont donc commencé à "chasser" des éclipses totales de Soleil, pour mieux comprendre notre étoile et ainsi essayer de faire avancer la science, et à juste titre. Mais ça c'était au 19ème siècle, et encore jusqu'à il y a une trentaine d'années. Les expéditions d'observateurs d'éclipses de Soleil étaient de vraies missions scientifiques, et aucun amateur ne pouvait y prendre part en étant pris au sérieux. Ceci a d'ailleurs permis de nombreuses découvertes, et depuis, la physique de la couronne est assez bien connue, bien qu'il subsiste encore quelques secrets inviolés...
Mais depuis l'invention du coronographe par l'astronome français Bernard Lyot en 1930, on a toujours eu l'occasion d'observer couronne et protubérances, du moment qu'il faisait beau et qu'on avait l'instrument sous la main. Qu'est-ce qui pousse donc encore les scientifiques à aller voir les éclipses totales de Soleil, alors que cela fait des décennies qu'ils dispose d'un "éclipseur de soleil à souhait", et depuis quelques années, de nombreux satellites en orbite autour du Soleil qui, comme SOHO, nous envoient chaque jour des images incroyables de l'activité solaire (protubérances, couronne et surface solaire) bien plus parlantes qu'une simple photo d'éclipse... ? Aujourd'hui, la science n'est probablement plus qu'un prétexte pour retrouver l'ombre de la Lune... et toute sa magie !

Serge Koutchmy et un de ceux-là. Au départ, c'est un scientifique pur et dur, dont le travail est la physique de la couronne solaire. Cela l'a évidemment amené aux quatre coins du monde, pour observer et photographier tous les détails possibles de la couronne solaire révélée pendant la totalité. Il était d'ailleurs à bord du Concorde 001, premier prototype du genre, lors de l'éclipse totale du 30 juin 1973. Ce jour-là, une éclipse dont la totalité allait durer plus de 7 minutes allait balayer l'Afrique d'ouest en est, des côtes de Mauritanie jusqu'au Kenya, en passant par le Niger et le coeur même du Sahara. Cette fois-ci, l'une des expéditions françaises ne se posterai pas au sol comme à l'accoutumée. Pour tester les performances du nouveau né des usines aéronautiques françaises et bénéficier de son extraordinaire vitesse de vol, l'équipe de Koutchmy a embarqué à bord du Concorde 001, truffé d'instruments de mesures, de caméras et d'appareils photos, pour suivre l'ombre de la Lune au-dessus du Sahara à la vitesse de Mach 2 (plus de 2500 km/h), et ainsi multiplier par 10 la durée de la phase totale ! En plongeant dans l'ombre de la Lune à la même vitesse qu'elle, le Concorde allait pouvoir rester dans la nuit ainsi pendant 74 minutes, le temps aux astronomes et physiciens embarqués de faire toutes les expériences qu'ils purent imaginer pour remplir cette durée de Soleil noir incroyable. Ils ont ainsi pu réaliser en une heure et quart ce qu'ils auraient pris plusieurs dizaines d'années à faire en observant une quinzaine d'éclipse totales dans des endroits, en plus, qui n'auraient pas forcément été dans une zone de ciel clair ! Koutchmy et son équipe ont beaucoup apporté à la science, c'est un fait. Mais pouvez-vous me dire ce que, depuis, ils font à aller encore à l'aventure pour recueillir même pas 5 % des données qu'ils ont pu avoir en 1973 ?

Sincèrement je vais vous dire ce que je pense : l'aventure, justement. La science n'est plus qu'un prétexte à l'aventure, et à cette drogue à accoutumance que sont les éclipses totales. Il n'y a pas de mal à cela, seulement, pour une raison que je ne parviens toujours pas à comprendre, les scientifiques semblent se cacher la face, expliquant encore que les éclipses de soleil sont une aubaine pour la science, qu'elle doit en profiter, etc... malgré l'invention du coronographe il y a déjà 70 ans et de SOHO en orbite autour du Soleil depuis 10 ans ! Mais pourquoi n'avouent-ils pas tout simplement qu'ils AIMENT ça, que la totalité leur donne des frissons, de l'émotion ? Parce que, sous l'emprise d'un rationalisme exacerbé, ils veulent se donner à la science et c'est tout ? Bon j'exagère sûrement un peu, mais je n'arrive vraiment pas à comprendre qu'aujourd'hui on se borne encore à aller voir les éclipses totales UNIQUEMENT pour la science. Même si Koutchmy admet que les éclipses totales sont aussi fabuleusement belles, Hubert Reeves est l'un des seuls à avoir réellement résolut le problème : pour lui, les éclipses n'ont plus rien d'intéressant maintenant du point de vue scientifique, et s'il faut aller les voir, c'est uniquement pour leur beauté, et la force émotionnelle qu'elles dégagent en l'homme. Il me semble plus sincère que les autres et il aime parler de la beauté de la nature à tout le monde, et c'est bien. Tout comme les journalistes Alain Cirou et Serge Brunier, de la revue Ciel & Espace, que j'apprécie sincèrement pour tous les efforts qu'il font pour démocratiser l'astronomie et la rendre plus poétique et accessible, et cela parallèlement à ses côtés scientifiques.
Attention, je ne voudrais pas qu'on m'accuse ici de faire le procès des scientifiques. Ce n'est du tout mon but, au contraire, j'adore le science, même si je ne la pratique pas. Ce que j'essaye de démontrer ici, c'est simplement qu'il existe d'autres manières d'observer le ciel et ses merveilles, et pas seulement pour ses aspects purement scientifiques. Les deux ne sont donc pas antagonistes, ils sont complémentaires. Seulement, j'ai l'impression que l'on met trop en avant le côté scientifique du phénomène, alors qu'il me semble qu'il est aussi important de parler de l'autre aspect, à savoir "l'aspect métaphysique". Serge Brunier est un journaliste scientifique qui a su voir dans les éclipses toute l'autre dimension dont je parle. Il le dit lui-même dans ce passage qui résume bien ma pensée : « Jusque-là, les scientifiques s'appropriaient l'éclipse et, avec eux, une cohorte d'astronomes amateurs couraient le monde pour les aider ou, à tout le moins, les imiter. Éclipse totale rimait avec chronomètre, magnétophone, télescope et filtres radiaux. Pour eux, le phénomène était scientifique et concernait les seuls initiés du ciel. Il s'agissait de mesurer, d'enregistrer, de calculer, de vérifier. Trop souvent, la dimension terrestre de l'événement était oubliée, et malheureusement occultée avec elle la magie de l'instant à venir... Seul importait d'obtenir une image du disque lunaire noir sur le fond argenté de la couronne ». Il y a donc bien autre chose...

Ce n'est que depuis le développement accru des moyens de communications aériens et terrestres que les amateurs ont pu enfin se frayer un chemin vers les bandes de totalité tout autour du monde, aux côtés de scientifiques toujours présents malgré le peu que les éclipses nous apprennent aujourd'hui. Ce qu'elles nous apprenent n'est pas de l'ordre de la science. Si nous comptons aujourd'hui plusieurs centaines de chasseurs d'éclipses de par le monde, c'est bien que ce phénomène dégage autre chose que quelques informations sur la physique de la couronne ! Enfin, les éclipses attirent des gens autres que les scientifiques, pour des raisons différentes (et qui semblent mieux se justifier à notre époque). Les amateurs ont enfin démontrés que les éclipses peuvent être observées pour le simple plaisir, et l'émotion inouïe qu'elle dégagent.

Difficile en effet de décrire correctement ce qu'on ressent pendant une éclipse totale de Soleil. Pourtant, certains ont essayé de communiquer leurs émotions dans les témoignages qui suivent. J'ai essayé de rassembler le maximum de textes intéressants et qui parlent au mieux de l'intensité d'une éclipse. Régalez-vous comme je me suis régalé à lire ces mots qui tentent vainement de décrire l'indescriptible...


Chapelet de l'éclipse totale du 3 novembre 1994.
- Photo : Fred Espenak -

Eclipses totales de Soleil diverses
témoignages recueillis par Christophe LANIER, auteur du livre "Les éclipses, mythes et symboles", aux éditions de l'Adret.

Dans son livre, Christophe Lanier évoque très largement les éclipses dans les mythes et croyances populaires, des débuts de l'histoire de l'humanité (Mésopotamie, Egypte...) à nos jours, en passant en revue tout ce qui se rapporte aux éclipses dans l'histoire sur chaque continent (amérique, afrique, asie, europe...). Un excellent bouquin que je conseille à tous les amoureux des éclipses, pour découvrir l'immense richesse des mythes et symboles liés au phénomène, dans toutes les cultures et civilisation de l'humanité !
Le livre est divisé en plusieurs parties : la dernière, la plus importante (plus des deux tiers du livre) est donc consacrée aux mythes et symboles liés aux éclipses. La seconde fait le point scientifiquement sur les éclipses et la mécanique céleste, dans tous les détails. La première partie est à mon sens l'une des plus passionnantes : les témoignages et récits de vécus d'éclipses. C'est de ce chapitre que sont tirés les textes qui vont suivre. Mais évidemment, ceci n'est qu'un avant-goût de toute l'analyse de Christophe dans son livre. Pour vous procurer son bouquin (120 F en libraire, 115 F auprès de lui, port compris), vous pouvez le contacter à cet e-mail : dorjenyma@aol.com. Voici maintenant quelques extraits du chapitre "Quelques minutes d'éternité"...

« Les astronomes passent parfois pour des gens un peu froids, des intellectuels plongés dans des calculs d'équations incompréhensibles et occupés à des observations de mondes lointains où l'humain n'a pas sa place. [...] Certes les astronomes modernes passent souvent plus de temps devant un écran à taper sur un ordinateur, que devant le ciel à scruter les constellations, toutefois ils ont le ciel dans la tête même s'ils gardent les pieds bien sur terre. Mais lorsqu'il s'agit d'éclipse totale de Soleil, c'est comme si l'on entrait dans un domaine un peu à part, où le merveilleux a davantage sa place, une sorte d'ivresse qui revient spontanément au seul souvenir du Soleil noir couronné. Demandez à un chasseur d'éclipses de vous décrire "une totale", vous capterez une lueur instantanée dans ses yeux, ou bien évoquez votre expédition à un astronome en herbe qui rêve à sa première éclipse, vous sentirez poindre un intérêt mêlé d'envie et d'espoir. [...]

L'éclipse totale est un grand rendez-vous pour les amoureux du ciel et les astronomes. Mais tout un chacun est fortement impressionné par la soudaineté et la puissance de l'événement et réagit parfois très spontanément : silence soudain, cris, rire, pleurs, agitation, applaudissements, vacarme, agressivité... Le phénomène peut provoquer les sensations les plus diverses : peur, angoisse, désespoir, stupéfaction, émerveillement, ravissement esthétique, sentiement mystique... souvent une combinaison de plusieurs d'entre elles. Mais il est très difficile de décrire un ressenti qui est totalement inconnu, comme si le phénomène mettait en relation avec une toute autre dimension. Yves Delaye décrit ainsi les réactions des gens pendant l'éclipse : "Certains rient, d'autres crient, ou bien pleurent pendant dix minutes, (...) D'autres encore restent prostrés, incapables de parler. Une éclipse, ça secoue vraiment. (...) Pendant une éclipse, on est jamais dans son état normal".
Pour les lecteurs qui n'ont jamais eu (encore) l'occasion - ou la chance - d'assister à une éclipse totale de Soleil, nous avons choisi quelques extraits de témoignages d'observations émanant d'astronomes, journalistes ou autres, pour essayer de donner une idée du phénomène céleste et des différentes émotions qu'il peut susciter. [...]

En 1900, l'abbé Théophile Moreux fait partie de l'équipe menée par Camille Flammarion, pour aller observer une éclipse totale en Espagne à Elche dans le désert un peu au sud d'Alicante. Voici la description qu'il fait du phénomène :

"Tout à coup, le tableau change, le Soleil se voile, sa lumière s'éteint, c'est la nuit. A l'horizon un crépuscule blafard apparaît qui donne aux objets une teinte livide ; la nature s'enveloppe d'un épais voile de deuil (...) là-haut, à la place du grand luminaire qui nous réchauffe, un astre noir s'est installé, les lueurs pâles qui l'auréolent rendent plus sinistre encore sa mystérieuse apparition ! Un filet de sang paraît teinter ses bords, les animaux sont dans l'effroi et les hommes pâlissent comme à l'approche de la fin du monde. [...] Le Soleil, une tache d'un noir d'encre apparaît au milieu d'une auréole et d'une gloire d'un blanc d'argent ébloussant. (...) Hop ! Final. Oh ! Ce signal maudit qui m'arrache à mon extase. (...) C'est fini ! Déjà un rayon, perçant d'un trou blanc et lumineux le bord du disque noir, a rompu sans merci le charme. "

En 1905 l'abbé Moreux est lui-même à la tête de l'expédition qui va observer l'éclipse totale à Sfax, dans le désert tunisien. La lumière et le paysage sont différents, il en fait le commentaire suivant :

"La Lune se détache en noir violent sur ce fond illuminé. Il ne fait pas nuit et ce n'est ni le crépuscule, ni l'aube, ni le clair de lune mais une teinte de ciel d'orage. La voûte céleste paraît plus surbaissée qu'à l'habitude ; l'horizon se fond dans une lumière anémiée et blanchâtre. "

Le 7 mars 1970, au Mexique, le psychiatre américain Andrew Weil a vu le phénomène dit des "ombres volantes", qui se produit quelques secondes avant la totalité de l'éclipse :

"J'ai expérimenté puissamment ce que les psychiatres appellent "perte de la réalité", le sentiment que les choses deviennent irréelles et surnaturelles. Dans l'instant suivant, les choses sont vraiment devenues surnaturelles. Soudain la surface de la terre était couverte par des bandes ondulantes alternant lumière et ombre. (...) Le temps s'était arrêté, je ne pouvais pas comparer ces trois minutes et demie à toutes autres trois minutes de demie que j'avais expérimentées. "

Après l'éclipse du 30 juin 1973, au Kenya, le même Andrew Weil décrit la lumière avant la totalité :

"La qualité de la lumière est complètement différente, comme un clair de lune super brillant (...) Je voulais en voir le plus possible sous cette nouvelle illumination. C'est un paradoxe vivant, brillant mais pâle, comme aucune lumière que je n'ai jamais vue. (...) Comme le cône d'ombre approche le drame se perçoit. Quelque chose est sur le point d'arriver. (...) Puis la lune passe complètement devant le soleil et la couronne d'argent blanc apparaît. Je suis de nouveau dans l'ombre. "

Le 13 mars 1988 a eu lieu une éclipse totale au fin fond de la jungle de Bornéo, sur les territoires Dayaks. Le couple de chasseurs d'éclipses français Yves et Geneviève Delaye y étaient. Yves raconte :

"Le Soleil n'est plus qu'un mince croissant et le paysage prend une couleur jaune. Il fait vraiment très sombre pourtant les ombres au sol sont toujours très nettes. Des oiseaux de grande envergure tournent, affolés, dans le ciel d'un bleu violet, puis, désorientés, se posent sur d'immenses arbres. (...) Un grand silence se fait. Plus personne n'ose parler, chacun reste immobile. (...) La colline vire brutalement au noir, comme l'ombre d'un nuage, mais je sais que c'est elle, l'ombre de la Lune. Un cri se fraye difficilement dans ma gorge : ATTENTION ! LA VOILA ! (...) La couronne apparaît dans toute sa splendeur. (...) Les Dayaks poussent des cris et applaudissent. Je réaliste tout à coup que c'est nous qu'ils applaudissent et regardent ! Je leur hurle d'observer l'éclipse, mais après tout, chacun apprécie différemment les choses. (...) Subitement la couronne disparaît, comme un projecteur qu'on éteint. (...) Petit à petit, chacun retourne à ses occupations en commentant à voix basse ses émotions. La nôtre est trop forte : seuls devant nos appareils, nous tombons dans les bras l'un de l'autre en pleurant comme des gosses. "

Le 11 juillet 1991 a eu lieu "l'éclipse du siècle", ou "The Big One" en anglais, en raison de son exceptionnelle durée (6'50'' de totalité) et de sa trajectoire : d'abord les îles Hawaii, et surtout le volcan Mauna Kea au sommet duquel est posté le plus grand observaoire du monde, puis la basse Californie au Mexique, sa capitale Mexico, Guatemala City, San José, avant de terminer au-dessus de l'amazonie. Alain Cirou, directeur de rédaction de la revue Ciel & Espace l'a observé à San Blas, au Mexique, où un orage s'est déclenché simultanément :

"L'ombre, c'est l'ombre ! Des cris, un clair-obscur crépusculaire, pas vraiment la nuit : le Soleil est parfaitement au zénith, l'émotion aussi. Dans le ciel de San Blas, une vision d'apocalypse accompagne le grand jeu de billard des mondes : les éclats d'un orage montant vers l'astre jour-nuit, ponctuent de bruits de Tonnerre la rencontre titanesque. (...) Soudain, en quelques secondes, le ciel entier se "rallume". Comme si une main invisible chassait d'un coup l'angoisse des ténèbres, écartant le disque noir menaçant. "

L'éclipse suivante eu lieu trois ans plus tard, le 3 novembre 1994 dans la cordillière des Andes. Alain Cirou était de nouveau au rendez-vous, à Putre au Chili. Il raconte l'ambiance après la totalité :

"La coeur palpitant, les yeux encore marqués par la permission qui leur fut accordée par la nature de regarder le Soleil en face, les témoins de cet incroyable spectacle reprirent conscience de leur environnement. Tous avaient changé, civils, militaires, scientifiques, amateurs et simples spectateurs venaient de partager une expérience unique, émouvante, gommant pour quelques instants les différences fondamentales qui les séparent, pour les rassembler sous la même émotion, dans la même communion d'une ombre extra-terrestre. "


Fred Espenak observant l'éclipse totale du 3 novembre 1994. Une grande maîtrise
de soi est nécessaire pour déclencher les appareils photos pendant la totalité
tant celle-ci est impressionnante ! Photo : Fred Espenak

Parfois les astronomes deviennent presque mystiques devant le grand mystère céleste. Max Lattanzi, à propos de l'éclipse totale de Soleil du 26 février 1998 au Venezuela, écrit ceci :

"Je continue à prendre des photos mais cela n'a plus d'importance, j'essaie seulement de mémoriser tout ce que je vois, je suis ébranlé et je pleure de joie. La couronne solaire est là. Mon Dieu, je ne l'avais jamais vue si proche et si claire, j'ai l'impression que je pourrais la toucher en tendant la main. Elle est si délicate, si vivante, comme le voile transparent et nacré d'une énergie pure, formée au vent d'électrons ionisés. Tout à coup, je me rappelle les mots de M. Stifter dans le rapport qu'il fit de l'éclipse totale de 1842 : "c'est l'heure où Dieu parla et où tout les hommes écoutèrent". J'ai lu cette page plusieurs fois et je la comprends mieux aujourd'hui. L'ombre se déplace à plus de 2000 km/h. L'obscurité est soudain partielle, je me laisse tomber sur le sol, les bras grands ouverts, les yeux fermés, à savourer encore ces extraordinaires minutes d'absolue magnificence. "

Alain Cirou, lui, observait cette même éclipse depuis la Guadeloupe :

"Les nuages se sont effilochés et cette fois c'est sûr, le spectacle peut commencer. Quand la lumière s'est-elle transformée ? Comment a-t-elle modifié toute notre perception de l'environnement et imposé l'attention ? L'affaire est subtile et relève du mouvement temporel comme de la qualité de nos sens. Ceux des animaux, comme les oiseaux pique-boeufs observés par de nombreux témoins, les poussent à gagner leur refuge. Ceux des hommes, à quelques minutes de la totalité, leur imposent de faire le silence. Car cette lumière, la lumière d'une éclipse qui sera totale das quelques secondes, ne semble pas appartenir à ce monde. (...) Froide, métallique, argentée, elle précède avec les "ombres volantes" les derniers flashes d'un roi détrôné par son images inversée. Double aussi noir et froid qu'il fut chaud et lumineux. La sensation d'une ombre qui passe, et c'est l'éclipse totale. Des cris, des applaudissement, puis le silence tombe... Un trou noir au centre d'un ciel bleu sombre. Deux points lumineux qui encadrent ce disque auréolé. La mer dont la surface reflète les lambeaux d'aurore et de crépuscule. Le temps arrêté. Cette terrible sensation que jamais plus la chaleur et la lumière ne réapparaîtront. Tous sont fascinés, hypnotisés par la magie noire en possession des cieux. Un nouveau flash, les derniers plis d'une ombre et l'idée noire s'enfuit devant un nouveau lever du Soleil, entre deux pics lunaires. "

Peur, angoisse, maus aussi sensation de régresser à un stade primitif sont les thèmes récurrents dans les témoignages d'observations d'éclipses. Arthur C. Clark, astronome, mais surtout célèbre écrivain de science-fiction (2001 l'odyssée de l'espace, c'est lui évidemment !), n'y va pas par quatre chemins lorsqu'il écrit à propos de l'éclipe totale de Soleil :

"Croyez-moi, c'est l'expérience la plus terrifiante qu'on puisse imaginer. Quand l'obscurité tombe et que les étoiles apparaissent en plein jour, chacun redevient un primitif sauvage qui s'oppose aux dieux. J'ai vu des astronomes chevronnés en rester pétrifiés. " »

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Vécus des éclipses totales de 1994, 1995 et 1999 par Christophe Lanier !

Mon récit de l'éclipse totale en Alsace en 1999 !