La donation aux petits-enfants :
Se prémunir contre le risque de dilapidation

 

Quand une donation faite aux petits-enfants porte sur une somme d'argent, le donateur souhaite souvent se prémunir contre le risque de dilapidation, au delà de l'âge de la majorité légale de l'enfant. Que peut-on lui conseiller ?
- La donation de la nue-propriété d'une somme d'argent.
- La donation de la pleine propriété d'une somme d'argent.

 

I - La donation de la nue-propriété d'une somme d'argent ?

 

A. Elle ne peut être faite sous la forme d'un don manuel

Comme l'expression l'indique, la donation manuelle est une donation de la main à la main. Elle consiste dans une remise matérielle de biens corporels inspirée par une intention libérale. A propos des donations en général, l'article 931 du Code civil dispose : "Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité." Malgré cela, la jurisprudence valide le don manuel, à condition qu'il y ait pas d'écrit, et que la donation soit matérialisée par la remise matérielle et effective du bien donné. La conséquence directe de cette exigence est que la donation de la nue-propriété d'une somme d'argent ou de la nue-propriété de tout autre bien corporel ne saurait, faute de remise matérielle effective, emprunter la forme d'un don manuel.

 

B. Elle ne peut revêtir que la forme d'un acte notarié

La constatation de la donation par acte notarié préconstitue la preuve de la libéralité. Il en sera plus facilement tenu compte dans le règlement de la succession, pour déterminer les droits de chaque enfant (et en particulier pour faciliter la protection de la réserve héréditaire des enfants du donateur).

Un acte reçu en la forme notariée permet de constater un certain nombre de clauses et notamment :
- Constater la réserve d'usufruit sur les sommes transmises.
- Constater la réserve d'un droit de retour (article 951 du Code civil) : Cette clause permet au donateur, en cas de prédécès de l'un des donataires sans postérité, de récupérer les sommes données, ou le bien acquis en emploi de ces sommes, sans qu'aucun droit de mutation ne soit dû à ce titre. (Cette clause peut être assortie d'une interdiction d'aliéner ou de donner en garantie le bien acquis à l'aide des fonds donnés).

Enfin, un acte reçu en la forme notariée permet de constater une donation sous condition d'emploi, c'est-à-dire avec charge d'employer les sommes, conjointement avec l'usufruitier, sur tel ou tel support (exemple : donation à charge d'employer la nue-propriété de ces sommes sur des bons de capitalisation, par une co-souscription démembrée, les bons étant conservés par l'usufruitier).

L'obligation d'emploi imposée par le donateur aux donataires constitue, au sens des articles 463 et 935 du Code civil, une véritable charge. En conséquence, si le donataire est un enfant mineur, il convient de distinguer :
- S'il y a administration pure et simple, les deux parents doivent accepter la donation avec charge au nom et pour le compte du mineur. A défaut d'accord entre les deux parents, l'acte doit être autorisé par le juge des tutelles (art 389-5 al 1 et 2 C. civ.).
- S'il y a administration légale sous contrôle judiciaire, l'administrateur légal doit, pour accepter une telle donation, se faire autoriser par le juge des tutelles (art. 389-6 C. civ.).

 

II - La donation de la pleine propriété d'une somme d'argent

 

A. Elle peut être faite sous la forme d'un don manuel

Le don manuel permet de faire l'économie des frais de l'acte notarié. Une telle donation doit, pour faire courir le délai de non-rappel des donations de plus de 10 ans, être révélée à l'administration fiscale à l'aide d'un imprimé de don manuel. La remise matérielle de la pleine propriété d'une somme d'argent peut parfaitement être matérialisée par un virement de compte à compte, ou la remise d'un chèque bancaire ou postal. A défaut de stipulation particulière, les donataires ont, en principe, la libre disposition des sommes données. En conséquence, le donateur peut difficilement s'opposer à la dilapidation du capital. Certains moyens indirects pour se prémunir d'un tel risque de dilapidation ont été proposés; Ils sont cependant d'une efficacité incertaine, en particulier si le donataire est un enfant mineur :

Exemple 1 : Verser la somme en vue de la souscription par l'enfant d'un produit financier dont les conditions techniques empêchent tout retrait avant un certain terme (exemple : une tontine). Le donataire est donc juridiquement lié pour toute la durée du placement.
- Si le donataire est un mineur, les parents seront amenés à souscrire, en son nome t pour son compte, ce produit d'épargne. Or, l'enfant mineur devenu majeur, est en droit de saisir la justice pour obtenir une reddition des comptes de la tutelle, et d'obtenir, le cas échéant, des dommages intérêts si la gestion des parents rend les fonds indisponibles au delà de sa majorité.

Exemple 2 : Verser la somme en vue de la souscription par l'enfant d'un contrat d'assurance-vie, dont le donateur est immédiatement désigné comme le bénéficiaire acceptant.
- Dans cet exemple, si le donataire est un enfant mineur, la souscription d 'un tel contrat avec désignation d'une bénéficiaire acceptant a une validité extrêmement douteuse, car en vertu de l'article 904 du Code civil, le mineur ne peut effectuer de donation entre vifs. Or, le contrat d'assurance-vie est une stipulation pour autrui qui emporte, sauf cas très particuliers, donation indirecte. Le donataire, à compter du jour de sa majorité , dispose donc d'un délai de 5 ans pour obtenir l'annulation du contrat, et éventuellement actionner ses parents en dommages-intérêts.
- Si le donataire est un majeur, il peut également tirer partie, dans certaines circonstances, du droit de rétractation offert par la loi, pou récupérer les fonds placés (dans les 30 jours de la souscription).

C'est pour quoi, la donation notariée reste, ici encore, la solution la plus sûre…

 

B. La donation notariée reste la solution la plus sûre

Toutes les clauses énoncées précédemment peuvent être utilisées, et en particulier :
- La condition d'emploi.
- La stipulation du droit de retour conventionnel assortie d'une interdiction d'aliéner ou de donner en garantie le bien acquis en emploi.

Ici encore, de telles clause prémunissent la famille contre les risques de dilapidation, jusqu'au jour du décès du donateur, de façon incontestable. LA donation est acceptée, pour le compte des mineurs, par ses deux parents et à défaut par l'un d'eux avec l'autorisation du juge des tutelles; A l'égard des mineurs, l'opération peut être tenue secrète si les parents et le donateur le souhaitent, et ce moyennant quelques précautions élémentaires …

 

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