Café philo du dimanche 14 mai 2000 au Cercle, rue Sainte Anne à Bruxelles
Thème : L'être humain sublime intersection entre la lumière de l'esprit et la profondeur de la matière
Proposé par Stéphane Bleus
Animé par Pascale Champagne
Thèmes proposés :
- Qu'est le moi qui essaie de maitriser mes pensées, mes paroles ?
- Est-il sage d'être toujours sage ?
- Quel est le moteur de la vie ?
- "L'homme est une chose sacrée pour l'homme" (Sénèque)
- La loi est-elle faite pour me tourmenter ou pour me faire vivre ?
- L'être humain sublime intersection entre la lumière de l'esprit et la profondeur de la matière
- "Nous sommes séparés du bonheur par l'espérance qui le poursuit" (Comte-Sponville)
- Quel doit être le rôle des parents vis à vis de leurs enfants ?
- Pastiche : J'aime donc tu hais.
Détail des interventions
Stéphane Bleus : Dans le mot "sublime" il y a une conception esthétique.
Il ne s'agit pas d'une occurence d'intersection, d'un phénomène aléatoire,
il s'agit d'une nature, d'une coexistence de deux natures chez un même être.
Le phénomène humain est plus qu'un phénomène, c'est un être. Cette coexistence
est belle, sublime. C'est une injouction paradoxale que la raison
peut appuyer mais ne peut démontrer, la réunion de deux infinis, la profondeur
de la matière qui est la manière d'habiter le monde, et la lumière de
l'esprit qui est la manière de la matière passe par différents stades pour se
spiritualiser dans le verbe qui n'est rien d'autre que le point culminant de
de la pensée chez l'homme qui se distingue dans l'univers par la parole.
Donc, l'être humain réunit dans son langage ces deux points, langage qui
a besoin de la matière pour se véhiculer, mais qui est plus que cette matière, qui
ne peut pas se résumer aux atomes qui le constituent, c'est un sens, et
ce sens se dévoile à la lumière de l'esprit. Nous sommes le lieu d'un
sublime échange, d'un paradoxe entre le spirituel et le matériel, et le
langage est un exemple de cette sublime intersection qui fait toute notre dignité.
Ce qui nous rend unique c'est le fait que nous sommes cette intersection
et que nous sommes des êtres de langage. Ce n'est pas le nombre de nos chromosomes.
C'est parce que nous sommes des êtres de langage qu'on ne peut
pas nous détruire, que nous méritons un respect infini.
Nous parlons autrement que par le verbe, nous parlons par le corps, les émotions.
Il y a un dir qui n'est pas langagier, la contemplation du beau,
le fait de faire du bien à autrui, tout ça c'est le Langage qui est le
lieu de cette intersection et qui fait la valeur suprême de l'être
humain, qui n'est ni un tas d'atomes ni un pur esprit mais
matière éprouvée par l'esprit.
Pascale Champagne : Ce serait la chair.
Stéphane : Oui.
Quand on entend l'homme comme être de parole on endend l'homme
en tant qu'être universel, par contre quand on se penche sur les différentiations
soit par ses atomes soit par sa couleur de peau ou ses tendances sexuelles on rentre dans le
communautarisme.
Il y a une chose qui me choque dans le sujet : pourquoi est-ce qu'on aurait
la prétention d'être suprême, ou que l'esprit soit séparé de la matière
alors que l'esprit vient de la matière. Sans cerveau on ne peut pas avoir
d'esprit. Je comprends mal cette divergence de matière et d'esprit.
La compréhension, la perception du langage et les différents phénomènes
du cerveau restent de la physiologie. Je ne vois pas pourquoi on aurait
la prétention de penser que l'humain est supérieur. L'univers est tellement
infini, grand, complexe, que notre complexité parait ridicule.
Pascale : Je ne pense pas qu'il ait employé le mot supériorité.
C'est comme si vous ameniez les choses dans une divergence alors
que c'est une intersection.
L'intersection se trouve dans une divergence.
Pascale : Mais ça se rejoint.
Le point de séparation est clair : la parole et l'esprit, et la chair et
le physique, et l'union ne me semble pas si évidente, l'intersection de
ces esprits suprêmes ne me semble pas si évidente.
Jean Noël : Depuis les grecs, on sait que l'homme est un être
de langage et que le langage est au-dessus de la matière.
Quand l'homme invente la roue, ce n'est pas la roue physique, c'est la roue en soi.
Le concept existe indépendemment de la matière. L'homme produit quelque
chose qui est indépendant de ce qui est corruptible. L'homme arrive à complexifier
son monde propre, le monde des artefacts, du langage, des outils, des idées.
L'histoire humaine est transcendante à la nature.
L'homme a commencé à parler au même moment qu'il a produit des outils.
Cette production d'outils, de langage, de sens, est transcendante à la nature,
à la matière. Est-ce que c'est à l'intersection de la lumière de l'esprit et
de la profondeur de la matière ? La question reste grande ouverte.
Walter : Peut-on dire que cet espèce de croisement entre la matière et l'esprit permet de produire la culture ?
Est-ce que ce mot d'intersection ne doit pas s'envisager par rapport
à l'espace et surtout par rapport au temps ?
Ce que Jean nous a expliqué avec les artefacts débouche tout droit
vers le problème fondamental du temps.
La condition humaine est la perception du monde extérieur, des autres.
Nous connaissons ce qui nous arrive pendant l'aventure temps.
Dans l'état actuel de nos connaissances, c'est dangereux de vouloir se figer
dans cette dichotomie matière - esprit. Toute une école importante (Böhm...)
soutiennent que la matière pourrait être de la lumière gélinifiée, dont le
temps serait modifié, la vitesse réduite.
L'âme semble échapper au temps.
Tous les matins on condamne des gens au nom du code Napoléon.
Nos séquences génétiques contiennent la survivance de nos ancêtres.
Est ce que parce que ça échappe à mon expérience de vie ce serait moins de
moi-même ? Est-ce qu'unepartie de moi-même ne se trove pas dans mes
enfants comme elle s'est trouvé dans ceux qui m'ont précédé ?
Pascale : la parole se fait chair, on n'est pas simplement un corps.
Il y a des choses en nous qui nous échappent. Le langage est de plus en plus instrumentalisé.
Jacques : La question telle qu'elle est formulée pose une question pour moi :
est-ce c'est seulement l'être humain qui est une intersection entre
la lumière de l'esprit et la profondeur de la matière, est-ce que ça sous entend
que les animaux n'ont pas d'esprit ? J'aurais tendance à penser qu'on pourrait dire ça
des animaux, et que la différence est la puissance de calcul du cerveau
humain qui nous rend plus intelligents que les animaux. L'esprit n'est
pas qu'une question de puissance de calcul, c'est aussi des questions métaphysiques
transcendantes telles que le miracle de la conscience, le simple fait que nous percevons ce qui nous entoure.
C'est peut-être dans la profondeur de la matière qu'on peut trouver
une place pour l'esprit. Les êtres vivants sont constitués de cellules
qui sont faites de molécules qui sont elles-même des assemblage d'atomes qui sont contitués de
particules... On pourrait imaginer que ça puisse continuer à l'infini.
Si ça s'arrêtait à un niveau donné on serait comme des machines, et dans une
machine est-ce qu'il y aurait de la place pour l'esprit ? Ca voudrait dire
que n'importe quel phénomène physique pourrait être conscient. Est-ce que
le caillou qui tombe par terre est conscient qu'il doit s'arrêter quand il rencontre le sol ?
C'est parce que ça me parait difficile à croire que je préfère l'idée que l'esprit
se situe dans cette profondeurs infinie de la matière. Quel que soit le
niveau d'approximation auquel nous la décrivons il reste toujours
quelque chose qui échappe à cette description. Ca laisserait donc une
place pour l'esprit en tant que limite de cette plongée à l'infini dans les profondeurs
de la matière, et dans cette imbrication que je viens de décrire il y
aurait toujours un intérieur pour percevoir un extérieur, et c'est je crois le propre
de la conscience d'être un intérieur percevant un extérieur.
Pascale : Le propre de la conscience humaine.
Jacques : Et animale aussi je crois.
Jacques pose le problème de la conscience. Si le caillou avait la
parole on pourrait parler d'esprit.
Marie-Neige : J'ai relevé le mot d'imbrication qu'a donné Jacques
parce qu'il me semble qu'il y a entre l'esprit et la matière un rapport de symétrie,
de coexistence comme les mailles d'un filet. C'est un état de visibilité ou d'invisibilité
de la matière. Il est possible de concevoir un enfant à partir du moment où
il est conçu pas seulement corporellement mais psychiquement.
Il n'y a pas seulment cette notion de reproduction de l'être humain
mais la procréation. La parole permet de procréer en permanence.
Thomas : Je voudrais soutenir partiellement les idées de Jacques.
Je n'irai pas aussi loin que lui qui va jusqu'à dire que les cailloux ont une conscience
[Remarque de Jacques : Je ne dis pas ça. Je vois 3 possibilités :
la conscience existe dans tout phénomène physique même fini (et alors les
cailloux auraient une conscience); la conscience apparait à partir d'un
certain seuil de complexité; ou bien la conscience réside dans une imbrication
infinie. J'ai tendance à préférer la troisième possibilité qui implique
que les cailloux n'ont pas de conscience car même s'ils comportent une
imbrication infinie celle-ci n'intervient pas dans la chute du caillou
sur le sol, contrairement à ce qui se passe avec le cerveau humain où
selon certaines théories (microtubules) le niveau quantique pourrait se
manifester au niveau macroscopique.]
je soutiendrais la conscience chez les animaux qui ne parlent pas.
Selon les sciences cognitives il y aurait deux niveaux de conscience :
un niveau spécifiquement humain qui dépend du langage, et un niveau non verbal
qui existe également chez les animaux supérieurs. La conscience
animale serait simplement la conscience d'exister. Nous aurions ajouté
quand on a développé le néo-cortex chez l'être humain le langage
qui est un niveau de conscience supérieur. Lorsqu'il y a des lésions
du cerveau humain dans le cerveau gaucheoù les zones du langages sont totalement
détruites. Ce sont des patients qui perdent tout usage du langage
et qui continuent à avoir des relations humaines. Sur cette base des
neurologues supposent qu'il y a une conscience plus profonde dans le
cerveau et qui serait présente chez les animaux supérieurs. Donc
l'esprit pourrait bien exister chez les animaux à un niveau plus simple.
Ca dérange peut-être l'homme dans son sublime.
Walter : Ca me fait penser à l'art brut qui n'a d'existence
que dans la mesure ou il y a quelqu'un dans le champ historique de l'art
qui le réintroduit dans le discours duquel il peut sortir. De même avec
les animaux ce n'est que dans la mesure où avec notre notion de conscience
par le langage notre parole aux animaux et aux choses qu'ils deviennent conscients.
La conscience animale est une conscience de parole humaine qui est
créée par l'homme.
J'ai participé à une conférence sur les cétacés où il est montré que dans l'eau
il y a des êtres pensants et composants (musique des orques).
Il y a des primates qui emploient des outils.
Le singe peut fantasmer.
Il y a des animaux capables d'abstraction.
Le langage des sourds muets a été enseigné aux singes et les singes
isolés de l'homme l'apprennent à leurs enfants.
L'homme était un être tellement faible qu'il a dû s'extraire de la nature
et inventer le langage pour survivre. Les animaux plus forts n'en ont pas
eu besoin, ça ne veut pas dire qu'ils n'en sont pas capables.
Stéphane parlait de sublime et non de supérieur.
Pacale : Toutes ces interventions sur l'animal sont très belles
mais ça ne rend pas une conscience à l'animale, une possibilité de
penser l'autre proprement humaine, mais je pense qu'il y a une grande
qu'il y a une grande nostalgie chez l'humain d'un retour à la nature,
on peut voir certains régimes totalitaires d'ailleurs, le nazisme,
je pense qu'il y a quelque chose qui est tellement difficile pour nous humains
d'être des êtres de culture qui n'ont plus grand chose à voir avec la nature.
Daniel Robin Dufour parle de la myothénie, on est immature, le propre de l'humain c'est
de trouver du sens à leur vie, il vient s'inscrire chaque jour sur cette terre
avec la pensée d'y être. Ca peut être un soulagement de faire un retour symbiotique à la nature.
Walter : Il y a des langages, des manières de fonctionnement qui
nous échappent.
Jean : Je voudrais revenir aux interventions qui
reconnaissent une intelligence propre à l'animal.
Il y a une conaturalité entre l'animal et l'homme.
Le retour de l'orang-outang c'est la brutalité la plus pure, archaïque.
Il faut reconnaitre notre caractère de primate supérieur, l'animal qui est en nous,
ça fait partie de la profondeur de la matière.
Quel est la place de l'animal en nous ? Est-ce que nous ne sommes que
des bêtes ou que des esprits ? Nous sommes l'intersection des deux.
Lorsque l'intersection se fait mal on se prend pour un pur esprit
desincarné et le corps revient au galop.
Dans le langage il faut retrouver le signal de l'animal.
Il faudrait réoccuper la profondeur de la matière pour avoir une lumière plus fine et élevée.
Tout ce qu'on fait reste la nature, l'homme est un animal
comme un autre peut-être plus évolué. Le débat tourne autour de ce
qui différencie l'homme et l'animal, c'est un thème infini.
L'homme est doté d'idées et de conscience des idées ce qui le différentie
des êtres "inférieurs". Le singe apprend, invente mais ne sait pas
l'apprendre à ses enfants.
Stéphane : Je suis surpris par la direction que prend
le débat : on disserte sur les états d'âme des animaux mais tant mieux.
Si la réconciliation du tissu vivant s'effectue dans cette reconnaissance
tant mieux, ça ne fait qu'alimenter cette thèse que je soutenais,
c'est à dire qu'il y a divers degrès dans cette réunion entre cette
lumière de l'esprit et cette profondeur de la matière et il n'y a pas de
discontinuité dans ce mouvement, et reconnaitre une part de personnalité
et de conscience chez l'animal c'est accorder un facteur de continuité
dans ma thèse et c'est la renforcer, parce qu'un facteur de discontinuité
dans ma thèse qui n'accorderait de l'esprit qu'au genre humain
finirait par se contredire elle-même. S'il y a une instance qui
fait que la lumière de l'esprit pénètre la profondeur de la matière c'est
partout dans l'univers, sans pour autant tomber dans une thèse panthéiste qui
consisterait à dire que parce qu'on a chauffé le cerveau d'un singe il
se transforme en cerveau humain. Il y a deux extrêmes : c'est l'idée selon
laquelle l'esprit sort de l'arrangement des atomes qui devient tellement
complexe que l'esprit en sort, l'esprit comme étant plus que les
atomes qui le constituent, ce n'est pas la thèse que je souligne,
l'esprit n'est pas le bourgeon d'un arrangement de la matière,
et je n'ai pas dit non plus qu'il y a l'esprit qui daigne se pencher
vers les gouffres de la matière, qui dans un acte d'immense
condescendance gratuite, vient l'habiter pour lui donner un semblant
de dignité. Non, je n'ai jamais dit ça non plus. C'est beuacoup
plus fin. C'est une thèse métaphysique.
On entre en science aujourd'hui comme on entrait en religion.
Comme disait Hegel dans la phénoménologie de l'esprit en 1807,
l'être humain restera toujours le même, quand il ne divinise plus Dieu il divinise
la nature, quand il ne divinise plus Dieu ni la nature il se divinise.
Quand il ne sait plus diviniser les trois, il tombe dans le nihilisme.
La science n'est pas une religion.
[résumé] Il y a surdétermination dans le réel. Le réel est un symbole.
Il ne peut se clore.
Les théologues essaient de mettre Dieu dans leur tête, comme un
enfant qui essaie de mettre la mer dans un trou qu'il a creusé dans le sable.
Georges G. : Empêcher l'autre c'est s'empêcher soi-même.
En ce qui concerne le temps, il y a un artiste qui disait :
"Qu'est ce que c'est ce temps, les Suisses le fabriquent,
les Allemands essaient de le maitriser, et les Hindous le gaspillent.
Quand on parle du temps, on parle de la durée, du rythme,
On essaie d'observer chaque être humain à son propre rythme.
Un rythme étalon pour tout le monde ne fait que déstabiliser
et créer des êtres désaxés, ce qu'on voit dans notre société.
Quand on parle de l'être humain, on ne parle ni du belge, ni du
catholique, ni de l'orthodoxe, ni du juif, ni du Français...
donc tous les attributs, toutes les étiquettes, on les a barrés,
tout ce qui reste c'est l'être humain. Faut-il faire la distinction
entre l'homme comme être pensant et son corps qui est sa demeure ?
(pause)
Raphael : J'ai relevé 4 éléments :
- L'espace et le temps, capacité qu'a l'homme de prendre conscience
de cet espace dans lequel il se meut, c'est un espace horizontal,
et cela crée un espace vertical où il devient intersection entre
la terre et le ciel.
- Intersection corporelle, l'homme et la femme, l'androgyne.
- L'esprit matérialisé par le langage, capacité humaine de faire des concepts,
sortir de la nature.
- L'âme, entité immatérielle qui fait partie de nous.
Jacques : Je voudrais répondre sur ce que Pascale a dit tout à l'heure.
quand elle a expliqué les raisons qui peuvent faire qu'on peut préférer
qu'il n'y ait pas trop de différence entre l'homme et l'animal. Je vais expliquer
les raisons qui peuvent faire voulour que l'homme soit nettement supérieur à
l'animal.
Quand on regarde ce qui s'est passé dans l'histoire on voit que l'homme aime bien
se situer dans une position centrale et dominante dans le monde. Tout ce qui tend à le
sortir de cette position est difficilement accepté. C'est ce qui s'est passé quand on a découvert
que c'est la Terre qui tourne autour du soleil, avec le darwinisme quand
on a découvert que l'homme était une espèce animale parmi d'autres et a des
ancêtres communs avec le singe, c'est ce qui se passe encore quand certains émettent l'hypothèse de
l'existence de civilisations extraterrestres avec les OVNI.
Pascale : Et la troisième blessure narcissique : Freud.
Jacques : Oui, tout à fait. Et l'idée que les animaux aussi ont un esprit dérange dans le
même sens. Il y a aussi une raison éthique : si on dit que les animaux n'ont pas d'esprit,
ne ressentent pas vraiment, sont comme des machines, nous donne le droit de les utiliser comme nous voulons,
de les maltraiter, de les manger... alors que si on les reconnait en tant qu'êtres conscients,
ça nous obligerait à reconnaitre les droits des animaux au même titre que les droits des hommes.
Au 18ème siècle les Noirs n'avaient pas d'âme, ni les indiens.
Pascale : La barbarie pratiquée sur les animaux est immense et dénonçable.
L'inhumain est humain aussi. C'est la parole qui donne la vie.
Qu'est ce qui fait que ce sublime est difficile à tenir ?
L'humain a tendance à vouloir rendre dans une religiosité suspecte
non pas au sens fort et beau d'un rapport à Dieu avet tout ce que ça suppose d'altérité
mais de cadenasser si vite les choses toujours dans un souci de réduire cmme si
ce sublime était à tout instant dérangeant.
Macha : Il y a une expérience profondément humaine et je pense que les
animaux ne la vivent pas, les baleines, les cétacés la vivent peut-être,
le silence qui suit un concerto de Mozart est encore du Mozart.
Dans cette expérience du silence après Mozart il n'y a plus de
matériel et pourtant quelque chose existe. Je me demande si nous ne vivons
pas quelque chose qui ne peut pas se définir.
Nous n'avons peut-être ni le langage ni les mots ni les outils pour définir
ce qui se passe là et qui reste peut-être le mystère de ce qui est
profondément humain en dehors du langage. Cette expérience est aussi un langage qui n'est pas nécessairement les mots
mais une inscription dans le corps. Dans cette expérience on partage quelque chose
la notion du temps intervient par la mémoire.
On quitte si vite ce sublime pour entrer dans le totalisme des religions
parce que étant touché profondément par une musique de Mozart on
essaie de la retrouver par des moyens moins sublime parce que
nous ne parvenons pas à analyser ce qui se passe là.
Walter : Madame a relevé quelque chose de très important.
Notre animalité ne peut être mise en paroles. C'est la différence
entre érotisme et pornographie. Le langage est érotique car confronté
à quelque chose qui ne s'est pas énoncé. C'est un parcours autour d'un vide,
d'une impossibilité. L'homme se trouve souvent, heureusement d'ailleurs,
face à l'impossibilité d'énoncer, et c'est cette impossibilité
à nommer qui est mise en place en ce qui nous reste d'animal.
La musique révèle en nous ce qui échappe au discours.
On peut débattre encore longtemps sur les lieux communs entre matérialité
et spiritualité, entre animalité et humanité.
Est-ce qu'il n'y a pas un sens sous-jacent à ce débat ?
Est-ce qu'il faut donner sens à ces lieux communs ?
Stéphane : On ne peut pas faire l'économie d'une question qui traverse l'humanité
depuis des millénaires. Toutes les traditions philosophiques, religieuses et leurs transpositions
artistiques, culturelles transpirent de ce type de questionnement.
Est-ce que la réalité se borne à ce que j'en perçois, à ce que je peux
en systématiser ou est-ce que cette réalité n'est qu'un élément
de quelque chose de beaucoup plus vaste, qui ne se résume pas à ce qu'on appelle
communément l'espace, le temps, la matière ?
Est-ce que mon identité d'être humain est autre chose qu'un agrégat matériel ?
Ce sont des questions fondamentales. On a frisé le plafond de la
métaphysique durant le débat puisqu'on a essayé de trouver une transcendance
au langage, ce qui est vrai pusique je ne possède pas le langage,
il me traverse, je n'en suis pas le propriétaire, le maitre, il est là avant moi
et il me succèdera. On a déja trouvé dans le langage un élément
transcendant et dans la thèse que je soulevais je vois dans ce
langage un interface. Les un vont adopter une philosophie de type
métaphysique et vont dire "Cette interface est une traduction d'une
réalité qui depasse la matière." et d'autres vont adopter une attitude de type
plus phénoménologique en disant : "C'est le fruit de l'intersubjectivité,
du désir de rejoindre l'autre auquel nous étions intimement uni dès
l'origine." ce qui se traduira dans des mythes d'androgynie, ce que
la psychanalyse va reprendre comme étant la tentative de retourner à la mer...
et d'autres vont adopter des attitudes existentialistes en disant :
"n'y voyons pas un tremplin pour une métaphysique quelconque."
Ces questions ne sont pas périmées, ce sont les questions éternelles
de la philosophie, les questions de type métaphysique, l'existence de l'âme,
n'y a-t-il qie la matière, ce sont des débats qui ont encore animé la société au 19ème siècle,
il suffit de lire Marx qui a un point de vue strictement matérialiste.
Il suffit de voir toute la réaction que les philosophes chrétiens
ont apporté à ce point de vue. Ce sont des débats dont on ne peut
pas faire l'économie. On ne peut pas clore ce débat, il sera sans cesse ouvert.
Les traditions philosophiques essaient d'y apporter une réponse.
On ne peut pas donner la réponse mais on peut donner l'état du spectre
des réponses et ce spectre est très simple à baliser. Il va des ontologies
aux essentialismes en passant par les existentialismes, les nihilismes.
C'est là qu'on devrait adopter un profil plus humble, comme disait Saint François
de Salle dans "Introduction à la vie dévote", Il parlait d'une bouquetière
qui s'appelait Glycéra. La popullation est étonnée parce qu'elle voit 1001
bouquets de formes différentes, Glycéra est géniale parce qu'avec quelques fleurs
elle fait des dispositions telles qu'elle varie à l'infini la forme de
ses bouquets.
Il en va de même pour la philosophie.
Les grandes questions de la philosophie sont des questions éternelles
qui transcendent les cultures, les religions et le temps et auxquelles les philosophes
appartenant à telle et telle culture, telle position historique,
apporte une réponse, un éclairage sur une question qui traverse le
genre humain. Même si on adopte un profil athée matérialiste brut on doit au moins
sous peine de faire l'économie d'une partie de la réalité
reconnaitre qu'il y a des questions éternelles qui traversent la philosophie
quelle que soit la culture et le lieu
et qui ont trait à des interrogations qui vont au-delà de la matière.
Voilà déja une ouverture à la métaphysique parce que l'homme se la pose.
Jean : Pour ne pas faire de la science un dogme il faut
connaitre son mode de fonctionnement. La science occidentale qui a le
pouvoir actuellement dans son efficacité et sa performativité
a toujours voulu développer le pouvoir de la main et de l'oeil,
des outils, main prolongée de plus en plus efficace, oeil qui a accentué
son pouvoir. Cependant, qu'est-ce qu'il en est de ce dont on n'a pas
pouvoir ? La science a vocation d'avoir pouvoir absolu. Ca nous a donné
du pouvoir sur la nature. Le problème c'est que maintenant nous
vivons dans un univers où il n'y a plus vraiment de nature,
il n'y a plus que de la technique. Nous sommes dans un terrible
monde qui a des pouvoirs sur nous. Paradoxalement les choses se sont
retournées. Comment revisiter la question de la science autrement
que sur le mode du pouvoir de la main et de l'oeil. La science
elle même reconnait qu'elle n'a pas tous les pouvoirs.
L'homme a été bousculé dans son anthropocentrisme.
L'univers n'a pas besoin de l'homme.
Comme l'a très bien dit Jacques, toute la positivité qu'on
reconnait dans la science post-moderne c'est cette leçon terrible
qui est donnée à l'homme. C'est la Terre qui tourne autour du soleil.
L'univers est tellement vaste. Il peut y avoir des créatures nettement plus
supérieurement intelligentes que nous ailleurs.
Nous n'avons pas un pouvoir absolu. Poussant à bout la volonté de pouvoir,
la science se rend compte de ça. C'est dans la volonté de maitrise qu'on se rend compte
qu'on ne maitrise pas plus, curieusement ça relance la volonté de maitrise.
Il y a un dynamisme propre à la volonté de savoir, de puissance,
qui par l'échec de son entreprise est relancé à aller plus loin.
Pascale : Je trouve qu'il y a un lien, quand vous dites, Madame,
suite au concerto de Mozart, le silence c'est encore du Mozart, et
de cet inexprimable découle ce souci de savoir et percer l'âme.
La science pose des questions psychanalytiques sur le fantasme.
La science va jusqu'a voir comment le spermatozoide féconde l'ovule
donc dans le plus intime de l'intime.
Nos corps sont vus de toute part, nous sommes vus de partout.
Il y a un effet extrêmement destructeur pour l'humain,
comme si il y avait un souci de mise en lumière de tout, or
Ce qui maintient l'humain c'est cette possibilité de non dévoilé.
Le dévoilement c'est la barbarie.
Mais non.
Pascale : Le dévoilement poussé jusqu'au bout ne laisse
plus rien hors du savoir. Ca a un effer persecutif. Aujourd'hui tout
va du coté du dévoilement. On va partout comme si plus rien ne
pouvait échapper.
Je voudrais mettre 3 points d'exclamations sur le point d'orgue
de la fin du concerto. Macha parle du silence. Que se passe-t-il après le
silence ? Il y a des gens qui vont sortir du concert cans avoir ressenti grand chose,
il y en a qui vont dire "C'était génial", "C'était divin".
Par ce langage qui n'est pas verbal et qui échappe au piège, à la perversité des mots
la question que je me pose ce n'est pas qu'est ce qui se passe
dans le simence après mais est-ce que l'auditeur sort un tant
soit peu transformé.
Raymond :Le but de la science n'est ni l'efficacité ni la performance ni le pouvoir
c'est l'exactitude et le savoir de cette exactitude par la déduction et l'expérimentation.
L'homme se plie à la science parce qu'il le veut bien.
Moi je ne me plie à rien. Mais je doisadmettr que la science
est quelque chose d'exact.
Ou je ne suis pas d'accord et je dois faire avec ou je mets une énergie à déduire,
à faire des expérimentations et àprouver que ce n'est pas exact.
Si je rejette la science je change les règles, mais quelle prétention
d'oser changer les règles.
On dit que l'univers signifie à l'homme. Qu'est-ce que c'est que
ce charabia ? L'univers ne signifie rien, il est là, nous nommes là,
c'est simple, on doit faire avec. Il y a la prétention de l'homme à tout vouloir expliquer,
eh bien il y a des choses qu'on ne peut pas expliquer, mais je
dirais qu'après une cornichonnerie, le silence qui suit
c'est encore une cornichonnerie.
Guido : je suis tellement soulagé par la réflexion de Pascale
sur les zones d'ombre qui peuvent mener à la barbarie.
Pascale : Qu'il n'y ait plus de zones d'ombre.
Guido : C'est ça. Il faudrait tempérer le qualificatif de sublime
car je constate quand même qu'à l'intersection de l'esprit et de la matière
il y a aussi Auschwitz.
Georges : Ca ce n'est pas à l'intersection.
C'est vrai que l'homme otait à d'autres personnes le fait d'être sublime.
La poésie est l'expression des couleurs de l'âme.
La différence entre la science et la philosophie c'est
que la science un jour on en verra les limites. Les questions philosophiques
n'auront jamais de réponses
Walter : J'aimerais faire une annotation : Il y a une chose qui est
très compliquée quand on prétend comparer la suprématie de l'homme
possesseur d'esprit à d'autres espèces et comparer comment
l'homme a pu tyranniser les noirs, les juifs, les indiens
d'amérique latine en les colonisant, en disant
qu'ils n'avaient pas d'âme, qu'ils n'avaient pas d'esprit,
qu'ils étaient des animaux. La comparaison est un peu à outrance.
C'est le même problème par rapport aux animaux. C'est du moment
que l'homme emploie sa capacité de langage verbal pour tyranniser l'autre
pour abolir la possibilité d'apparition de
quelque chose qui lui échappe. C'est à ce moment que le langage, la culture, l'esprit humain
est à "blâmer". Je crois que l'homme n'a pas à utiliser cette possibilité
pour supprimer, faire disparaitre l'autre.
Mais tout discours qui est fait surt la capacité des animaux
à réfléchir, à ressentir ou à avoir une conscience
quelconque n'est qu'un discours humain qui fait preuve de la
prétendue supériorité humaine. Je suppose dans le langage que les
animaux ont une conscience. Donc j'ai d'abord un discours qui me
permet de comprendre et pouvoir délimiter dans l'espace et le
temps et par la loi ce que les hommes font des animaox
donc je le fais dans le langage.
Je suis un homme capable de censurer l'autre
donc je considère dans le langage que les animaux ont
un langage et qu'ils ont des droits au meme titre que je l'aurai.
Georges : Si on pose éternellement le même geste on risque d'être ignorant éternelement.
Qu'est-ce que l'esprit ? L'esprit va parler bientôt de lui-même.
Qu'est-ce qu'il dit à travers le philosophe ? Je suis le souffle, l'énergie.
La science se rend compte que ce n'est pas tout le pouvoir.
Jean : La démarche propre de la science :
l'espérance est volonté de maitrise. L'homme ne pourra
jamais avoir la maitrise absolue.