Samedi 13 septembre 2003 au Voltigeur à Paris
Débat sur un extrait de "Introduction à la philosophie" de Karl Jaspers - L'homme
- Ozer : Selon Nietzsche, à cause des valeurs on devient perspectiviste, on ne peut pas voir la réalité de l'autre.
- Christian : La liberté n'est pas compréhensible dans n'importe quel cadre métaphysique comme le déterminisme, le matérialisme, le déisme, le védanta où la notion de liberté ne peut pas recevoir de sens. On ne peut pas s'en passer, ce n'est pas une explication. Dans le cadre du déterminisme on avance des explications tordues comme une rétroaction du niveau supérieur, la conscience, sur le niveau inférieur. Le niveau supérieur est indépendant du niveau inférieur.
- Thomas : Ce texte est dépassé par les neurosciences. La liberté vient de la multiplicité des choix.
- Jacques B. : La complexité n'est pas la liberté.
- Christiane : L'homme a-t-il une liberté ou est-il une liberté ?
- Christian : En théorie quantique une particule est-elle déterminée ? Il faudrait une contrainte de contextualité, de non séparabilité. Pour être libre il faut être décontextualisé.
- Ionika : L'objectif est dans le sujet. Quand je sors de ce café je suis libre d'aller à droite ou à gauche.
- Jacques B. : Es-tu vraiment libre ? Avec les progrès des sciences ce qui était du domaine du sujet passe dans le domaine de l'objet. Est-ce qu'on arrivera à ce que tout soit du domaine de l'objet, auquel cas nous serions des robots ? Ou restera-t-il toujours une part de sujet, auquel cas il y aurait une possibilité de liberté ? Selon certaines théories, des structures dans les neurones, les microtubules, amplifieraient le non déterminisme des particules quantiques au niveau du fonctionnement des neurones. La liberté pourrait se trouver dans un emboîtement infini de niveaux d'organisation de la matière. Les lois physiques qui déterminent notre comportement ne sont peut-être pas uniques, il pourrait y avoir plusieurs univers avec des lois différentes, et s'il y en a plusieurs avec des lois suffisemment proches pour que nous ne voyons pas la différence, on pourrait considérer que nous vivons dans tous ces univers à la fois. Mais si à un moment donné l'évolution future diffère selon les lois exactes, la liberté pourrait consister à choisir, préciser les lois de la physique. Ca rejoint la théorie des champs morphiques de Sheldrake.
- Gunter : Amzallag "La raison malmenée" - la nucléation individuelle. Empathie : se mettre à la place de l'objet.
- Christiane : Je suis responsable. La liberté on ne l'a pas en soi mais dans sa relation à autrui.
- Gunter : La liberté s'exerce quand il y a un conflit de valeurs : faut il divorcer ?
- Ionika : Le vécu intérieur de liberté, de quel droit je l'élimine ?
- Alain : Un objet montage peut faire sujet s'il y a du jeu dans les rouages.
- Geneviève : On ne peut pas répondre aux grandes questions métaphysiques qui restent sans réponses malgré toutes les recherches.. Que faire ici de ma vie ?
(...)
- Serge : Un seul homme peut être libre.
- Thomas : Il faut un sujet qui choisisse, que le je existe. Le bouddhisme nie le sujet. Pour lui chaque jour je ne suis pas le même.
Qu'en est-il de la responsabilité ?
- Christiane : Ce n'est pas le sujet que l'on juge mais l'acte.
- Laura : Etre en accord avec soi-même. On est libre avec les autres.
- Ozer : On apprend à être libre.
- Gunter : La fatigue d'être soi, Ricoeur en débat avec Changeux. La norme et la règle, ce qui fait penser.
- Christian : La question du sujet est différente de celle de l'identité personnelle. Le bouddhisme nie la notion de sujet. L'identité personnelle, la structure ne change pas. La structure n'est pas le sujet. C'est la question du sujet qu'il faut traiter.
- On fait souvent comme si on était libre.
- Mireille : Peut-être que la notion de liberté inventée par l'homme est la traduction de son orgueil.
- La question fondamentale est : qui suis-je, qu'est-ce que je veux, qui est-ce que je veux être.
- Christiane : Pourquoi l'homme a besoin de liberté ?
- Gilles : L'homme n'est pas né libre, il est né pour se libérer - Hegel.
Dimanche 14 septembre 2003 au Café des Phares à Paris
Disputation : Sommes-nous vraiment libres ?
Animé par Daniel Ramirez
Résumé du débat
- Daniel : la liberté est remise en question par les déterminismes que
nous subissons :
- selon le déterminisme métaphysique, tout est déterminé par les lois de
la nature
- selon le déterminisme théologique tout est dans la pensée de Dieu
- selon le déterminisme génétique nous sommes déterminés par nos gènes
- Selon le déterminisme tout obéit à des lois. Chaque cause produit un
effet. C'est contredit par la science qui est anti-déterministe. Le hasard
nous rend-il libre ? S'il n'y a pas de lois, on ne peut pas anticiper les
conséquences de nos actes pour réaliser un projet.
- Alfred : Je réponds non à cause du "vraiment". Est-ce que
ça ne serait pas qu'une illusion ?
- Nous ne sommes pas libres mais nous sommes responsables.
- Quelqu'un qui n'aurait aucune famille serait en fait plus
déterminé. Ces influences nous permettent de construire notre esprit
critique. C'est grâce à ces influences que nous pouvons construire
notre liberté, choisir parmi ces influences.
- Michel (non) : J'ai une suspicion dans la formulation.
- Sur le plan de l'éternité on n'a plus affaire à une liberté
personnelle. La vie dans son essence est fondamentalement libre.
Pour Platon la liberté se manifeste dans la dialectique de l'espace-temps,
la confrontation avec mon anti-moi.
- Jacques V. : L'ambiguité de l'homme, la liberté est un combat
incertain. "Je ne sais rien", "que sais-je", le nirvana, liberté
au bout de toute négation. Conflit science philosophie. Le problè
me de la connaissance. Le philosophe interroge, n'a pas de certitude.
Hegel, Kant : la subjectivité incertaine. Il y a une mainmise des
sciences cognitives, bio, l'homme devient déterminé, objet, vidé
de sa substance. Mais cette expérience est toujours contredite par ce que nous vivons.
- (oui) : On peut travailler à être libre. Le désir d'être
libre n'est-il pas fondamental chez l'homme ?
- Alfred (non) : Si on n'a qu'un nombre limité de choix possible,
est-ce qu'on est vraiment libre ?
- Les dieux ont caché la divinité de l'homme en eux-même.
- Selon Sartre l'essence de l'homme est qu'il n'a pas d'essence.
Selon Rousseau, l'homme est né libre mais partout il est dans les fers.
- (joker) : Il faut définir l'espace de la liberté intérieure.
L'homme ne nait pas libre, il passe sa vie à se libérer.
- Nina (joker) : Les deux positions sont réfutables. La vie
est une suite de hasards. La facticité structure l'homme à partir
de son essence. La singularité de l'être réagit différemment sous
la facticité. J'ai le sentiment que ma conscience est libre. Nous
repoussons ce qui ne nous convient pas. Plus on a de connaissances,
plus on est conscient de ses structures, nous sommes des êtres automatiques, totalement prévisibles.
- (non) : Notre liberté n'existe pas, il y a des lois, à moins
de faire comme David Thoreau qui a vécu dans des bois.
- (oui) : C'est une affaire de foi.
- Daniel : Etre créé libre par Dieu est la seule possibilité
d'être libre sinon on est dans le déterminisme de la nature.
- Il existe l'histoire. Des choses nouvelles apparaissent, des inventions ex nihilo.
- (non) : Les mémoires de moi m'aliènent. On n'est libre que de rester soi.
- La liberté n'est pas la possibilité de faire tout ce qu'on
veut. "Faire de sa vie une oeuvre d'art".
- (joker) : Pour Spinoza nous sommes déterminés à être libres.
Nous avons notre conscience. Parce que nous vivons de dépendance nous pouvons être libres.
- Je dessine un cercle dont l'intérieur est la confluence,
l'extérieur l'influence et la circonférence la fluence. L'intérieur
est moi, l'extérieur est Dieu, et la circonférence Jésus.
Il faut faire de sa vie une oeuvre d'art selon Marcel Duchamp. Il
faut briser le lien logique entre la signification et le mental.
Est-ce que nous sommes déterminés à être libres ?
- Ionika : Que reste-t-il derrière le voile ?
- Jacques B. : D'un point de vue métaphysique on ne peut pas
avoir de certitudes. Il y a les déterminismes métaphysique, théologique,
génétique, et on pourrait ajouter psychologique mais ce ne sont
peut-être que des influences. Les lois de la physique sont probabilistes
mais le hasard est-il la liberté ? Il pourrait y avoir plusieurs
univers avec des lois différentes, s'il y en a plusieurs avec des
lois suffisemment proches pour qu'on ne voie pas la différence on
peut considérer qu'on vit dans tous ses univers à la fois, jusqu'à
ce que l'évolution future diffère, auquel cas la liberté pourrait
consister à choisir de préciser les lois de la physique. Mais tout
ça ce sont des spéculations. Si je réponds oui c'est d'un point
de vue pragmatique. De ce point de vue la question est absurde,
elle ne se pose pas. Du point de vue pragmatique, la vérité c'est
ce qui est utile. Quelle est l'utilité d'une question ? Une question
est utile si le comportement optimal dépend de la répon
se. Quelle serait le comportement optimal si nous sommes libre ?
Et si nous ne sommes pas libre ? Mais c'est absurde car si nous
ne sommes pas libre la question ne se pose pas car nous ne choisissons
pas notre comportement. D'un point de vue pragmatique et éthique
on est donc amené à faire une sorte de pari pascalien de la liberté.
- Jacques V. ; On a le sentiment de sa liberté.
- Est-ce qu'on peut être un peu libre comme une statue peut être un peu équestre ?
- Aimer l'autre c'est accepter qu'il soit libre.
- Daniel : Je suis libre de choisir mes déterminismes.