Café philo du 13 décembre 2000 au Bar des Oiseaux à Nice
Thème : Est-ce que nous avons peur de la vie ? Pourquoi l'être humain se refuse-t-il à vivre pleinement ?
Animé par Bruno Giuliani

Annonces

• Le 14 décembre à 17h30 au Cyber Emploi sous le MAMAC : Les droits de l'homme vus à partir de la philosophie de Spinoza.

• Vendredi à 20h45 au Mercury : "La Captive" d'Ackermann.

• Vendredi à 14h au Centre Universitaire Méditerranéen, 65 promenade des Anglais, Bruno Giuliani : L'éthique bouddhiste.

• Le 2ème jeudi de chaque mois à 18h, atelier de philosophie en face du théâtre Francis Gag. Demain : l'estime de soi et l'orgueil.

Résumé du débat

• Bruno : Pourquoi constatons-nous que nous ne vivons pas pleinement ? Il me semble qu'il n'y a que des pulsions de vie contrairement à ce que disait Freud. Pourquoi cette inhibition ? Il devrait y avoir constamment un immense appétit de vivre pleinement.

• François : Pourquoi y a-t-il de moins en moins de vie dans notre vie ?

• Bruno : Nous avons peur de souffrir, peur d'un danger illusoire.

• Jacques : Quand on traverse des périodes de dépression, il vaut peut-être mieux mieux ne pas vivre pleinement car on n'en profiterait pas pleinement.

• Bruno : Si on vivait pleinement, ne sortirait-on pas de sa dépression ?

• Jacques : Pas forcément. Il y a des périodes où on a besoin de repli sur soi, d'introspection, plus que d'action extérieure, de participation au monde.

• Bruno : Vivre pleinement, est-ce plus la vie extérieure que la vie intérieure ?

• Jacques : Non, vivre pleinement, c'est à la fois vivre pleinement intérieurement et extérieurement. Pour quelqu'un qui vit replié sur lui-même, il manque la partie extérieure de la vie, et en ce sens il ne vit pas pleinement, mais il peut en avoir besoin à certains moments de sa vie. Une autre raison qui peut nous empêcher de vivre pleinement est que si on se retirnt de vivre pleinement, on peut se dire : "Quand je déciderai de vivre pleinement, je serai formidablement heureux", alors qu'en fait notre bonheur ne serait peut-être pas aussi grand que ce qu'on imagine. On peut avoir besoin d'entretenir cette illusion.

• Bruno : Oui, c'est assez subtil.

  Vivre pleinement, c'est la réalisation complète de toute la personnalité.

• Ceux qui ne vivent pas pleinement sont ceux qui se posent la question "Est-ce que je vis pleinement ?". Vivre pleinement, c'est vivre ici et maintenant.

• Pourquoi ne peut-on pas avoir de plaisir sans révolte ?

• On a un désir de revenir à un bonheur foetal.

• La peur engendre le refus de la réalité. On se projette dans des fantasmes. On crée un monde qui n'existe pas. On refuse d'accepter une réalité qui nous fait peur.

• Bruno : Est-ce que toute peur engendre un refus de la réalité ?

• Non, il y a des peurs saines.

• Le mythe de Sisyphe : toujours recommencer.

• Certains comportements d'enfants sont inadaptés à l'adulte.

• "Plaie ne ment" : la plaie ne ment pas. Quand l'adversité arrive, je me marre. Si ça ne vient pas, quelque chose de meilleur m'attend. Mordre dans la vie c'est quitter la souffrance. Faire une analyse c'est vivre pleinement ma souffrance.

• Bruno : Le désir de vivre présuppose la conscience d'une puissance en soi. Désir vient de de-siderare, regretter l'absence d'une étoile.

• François : L'idée de bien est partout, pourquoi sa réalité est nulle part ?

• On ignore ce qui est notre nature profonde. On s'illusionne dessus. On crée des frustrations.

• Jacques : Une autre raison qui peut nous empêcher de vivre pleinement est un sentiment de culpabilité, de ne pas avoir mérité notre bonheur. Quelqu'un qui n'a pas fait que des bonnes choses dans sa vie, qui n'a pas fait beaucoup d'efforts, mais qui a eu de la chance, qui peut avoir facilement tout ce qu'il veut, va se demander s'il l'a mérité. Ca me fait penser à un chat qui, quand je lui donnait un morceau de viande dans une assiette devant lui, ne le mangeait pas, et attendait que je le mette à un endroit inaccessible. Quand je l'accrochais à une branche d'un arbre, il grimpait pour l'attraper et le mangeait avec appétit. Il avait besoin de faire un effort pour mériter son morceau de viande.

• La culpabilité est un conditionnement. Peut-on être libéré du connu ? (Krishnamurti)

• Bruno : La culpabilité empêche de jouir pleinement. On ressent un sentiment négatif de honte, de culpabilité qui fait qu'on évite le plaisir. C'est à mon avis le principal problème de l'humanité.

  (pause)

• Bruno : Vivre pleinement, c'est une appréciation subjective, phénoménologique. Je vis pleinement quand il apparait à ma conscience que je vis pleinement. C'est se sentir comblé.

  Le bouddhisme ne tue pas le désir mais nous libère de la soif, l'avidité, le sentiment de manque qu'on a malheureusemebt imbécilement traduit par le mot désir.

• Je vis pleinement quand je fais l'amour.

• François : Est-ce qu'il faut vivre pleinement ? Est-ce que ça n'est pas dangereux ? Les mêmes qui nous disent qu'il faut vivre pleinement nous empêchent de vivre pleinement.

• Quelqu'un qui dit "il faut" n'est pas philosophe.

• Etre heureux, ce n'est pas que l'éjaculation, c'est aussi le chemin qui y conduit.

• Bruno : Pourquoi y a-t-il tant d'inhibés sexuels ?

• Emmanuel : Vivre pleinement c'est accepter l'expérience. Pourquoi est-ce que à un moment donné j'accepte l'expérience et à un autre je la refuse ? L'éducation est un blocage.

• Siddharta poursuit une quête de la vie intense, refuse le bouddhisme, cherche par lui-même. On cherche à se préserver d'une souffrance. La racine de cette incapacité à désirer c'est qu'on est victime de la souffrance. Ce qui me donne le maximum de désir est la joie.

• La culpabilité est sociale. On parle souvent du for intérieur mais pas du for extérieur, les institutions. L'individu est inséparable de la société.

• Pour Nietzsche, la cause de cette inhibition vient du fait que l'homme est faible, sa volonté de puissance est décadente à cause d'idéologies comme le christianisme et le platonisme.

• Il est difficile de sortir du carcan de la norme.

• Pour exister est-ce qu'on doit être sous contrainte pour réagir à l'oppression ?

• On est dépendant d'une souffrance. L'égo s'identifie à une souffrance. Le soi est étouffé, l'égo prend toute sa puissance.

• Un enfant critiqué par ses camarades est rassuré par sa mère. Plus tard ce schéma n'est plus efficace. La souffrance apparait.

• Qu'est-ce qu'on peut faire pour nous adapter à la réalité ? Si on pense de façon trop structuraliste (en terme de schémas) on risque de perdre la liberté, la créativité.

• Bruno : La société nous conditionne à une idéologie : il faut travailler. Notre désir n'est pas de travailler mais d'agir pleinement. Nous sommes habitués à endurer des souffrances. La souffrance produit le refoulement du désir.

• La souffrance est vecteur de réalisation de soi, nous aide à nous dépasser. On est tous capables de créer. J'ai ressenti la plénitude quand j'ai créé quelque chose, quand j'étais enceinte. L'homme doit se sentir créatif quand il fait l'amour. Selon une méditation juive, "Il est interdit de devenir vieux.". Le désir de l'instant est la vraie pulsion de vie, la créativité est état de grâce.

• François : La peur de l'inconnu nous empêche de vivre pleinement On préfère notre petit confort. Pourquoi quitter un bon schéma ?

• Un des obstacles est le courage de nous voir en face. On n'aura pas envie d'assumer les conséquences qui peuvent ne pas flatter notre ego.

• Je rencontre la vie dans des situations où je me sens en harmonie avec le monde.

• Kiko : Il y a trop d'interdictions.

• Il faut des lois.

• Vivre pleinement c'est faire les choses que j'aime faire. Qu'est-ce que je fais avec les choses que je dois faire et que je n'aime pas faire ? Me reconditionner à aimer ce truc désagréable. C'est la méthode Coué.

• En Allemand le mot "respect" signifie "peur de l'honneur". Arrogant signifie revendiquant.

Sujets pour le prochain café philo

• Qu'est-ce que l'âme ?

• Philosopher, est-ce un luxe de nanti ?

• Sujet choisi : L'autonomie est-elle un chemin vers la liberté ?

• L'intelligence et la raison peuvent-elles cohabiter ?

• Originalité et marginalité

• Le désir est-il lié à la forme ?