Faut-il être seul pour être soi-même ?
Le 2 novembre 2000 au café de Foy à Lille
Présentation de l'animateur
Etre avec les autres c'est être dépendant.
Selon Rousseau, nos problèmes viennent du fait que nous sommes sortis
de l'état de solitaires.
N'est-ce pas grâce aux autres que je me constitue ?
Résumé des interventions
- (H1) : Qu'est-ce que c'est ce soi-même ?
- Il y a une essence, tout l'effort est de la retrouver
- Il n'y a pas d'essence. Selon Sartre, l'existence
précède l'essence. Meubler et construire l'existence
nécessite d'être dans un rapport à l'autre qui me constitue
et est mon enfer.
- (H2) : La psychanalyse amène à prendre conscience de soi-même.
- Jacques : Cette idée que les autres font partie de moi me rappelle
le thème du dernier café philo auquel j'ai assisté à Bruxelles.
Le thème était "Ou se situe la limite entre intérieur et extérieur
de la personnalité". Physiquement, nous sommes constitués de matière
tout comme le monde qui nous environne, dont nous sommes séparés par
la frontière de la peau, mais le plus important est que ça communique beaucoup
à l'intérieur de nous, entre les neurones de notre cerveau,
et relativement moins entre intérieur et extérieur par les canaux sensoriels
et moteurs [et c'est ce qui fait que nous nous percevons en tant qu'individus].
Si nous ne sommes pas tout à fait le même seul et avec les autres, n'est-il
pas arbitraire de considérer le moi seul comme plus authentique que le moi
avec les autres ? La bonne question ne serait-elle pas : le moi seul est-il
meilleur que le moi avec les autres ?
- Fabrice : Nous sommes médiatisés par le langage. La question ne peut
se poser que pour quelqu'un déja initié dans le langage.
Historiquement il y a l'expérience de solitude de Descartes qui doutait
de tout y compris de la présence des autres. C'est une expérience
d'extrème solitude dans une chambre surchauffée.
Pour Berkeley, tout ce qui se manifeste est modification de conscience.
Seule existe la conscience, c'est une solitude radicale.
- (H1) : Je me situe sur le plan philosophique et non psychologique.
L'existence ne peut prendre de sens que s'il y a un autre.
Folie de l'idée de penser l'idée d'un existant qui ne serait rien.
Il ne devient quelque chose quavec l'autre.
Pour la phénoménologie, la seule réalité est le fait d'exister.
Exister seul est impossible. Ma preuve ontologique est dans l'autre.
Pour la psychologie, sans les autres tu n'es rien, tu es psychotique.
- David : La conclusion c'est que être seul n'est pas évident.
Pensées de Pascal : "autant de mouches pour m'empêcher d'être seul".
Tous mes sens me rappellent mon environnement.
[Il faudrait être en isolation sonsorielle pour en être coupé]
Si j'arrive à être seul, quel vide, c'est difficile.
Beaucoup de ceux qui se retrouvent seuls se tournent vers Dieu et
ne sont plus jamais seuls.
- (H1) : Pour que Descartes puisse dire "Je pense donc je suis"
il faut que le langage soit là. La seule chose qu'il puisse dire c'est
"Je suis".
- (H2) : Nietszche parle du rapport à la réalité et au monde,
faire exploser sa limite physique, considérer autrui comme une de ses
parties.
- Fabrice : Si la question se pose, c'est parce que les autres
constituent une gène. On a l'impression d'être chosifié, défini sous
le regard des autres.
Il y a des expériences radicales de solitude comme la souffrance, la
torture.
- L'animateur : On ne peut s'abstraire des autres. Le problème est :
y a-t-il un espace pour la solitude ? Faut-il cultiver cet espace ?
A quel moment faut-il se séparer des autres ? faut-il fusionner avec
les autres ?
- David : La solitude est garante de liberté. Big brother empêche
la solitude pour maintenir son pouvoir.
- (H1) : Soit on dit que la solitude est une technique, une condition
de la vérité ou pas. En phénoménologie, il n'y a pas de vérité qui ne s'appuie sur
une autre.
- (F3) : Faut-il être seul ?
Philosophiquement et métaphysiquement il est impossible de penser
l'existence solitaire car aucune vérité ne serait possible.
Sur le plan psychologique il est exclu qu'on soit seul.
Comme disait David la solitude absolue est impossible.
- (H4) : Ca n'est pas incompatible : les moments de solitude,
de méditation sont importants. On peut se réaliser en solitude ou en
compagnie.
- Fabrice : Le bébé est dans un état de fusion avec le corps
maternel. La conscience de soi vient quand la mère prénomme l'enfant.
C'est le stade du miroir. C'est l'expérience fondatrice de couper le cordon.
On veut être libre. Il faut rompre avec ce que l'autre attend de nous.
On se pose en tant qu'être en s'opposant aux autres êtres.
Est-ce qu'il y a égalité entre le mois social et le moi subjectif ?
(pause)
- Animateur : Défendre la solitude contre le fait qu'on ne
peut échapper aux autres qui nous constituent. Etre seul c'est assurer
sa liberté. Nietszche voit le danger du collectivisme. Etre un individu
singulier.
- (H1) : C'est le rapport à l'autre qui est fondateur. Je ne pense
pas qu'il y ait une solitude ontologique. Ce qui est fondateur ce n'est
pas la solitude, c'est l'autre. S'il n'y avait qu'un seul être,
il n'y aurait pas de vie.
- L'animateur : Qu'est-ce qui est fondateur chez Sartre ?
C'est la conscience. La nature me résiste, mais c'est moi qui la fait exister
Je ne peux m'approprier autrui. Il agit envers moi comme moi j'agis.
- Fabrice : Philosophie :
- du sujet : Descartes : tout part du sujet, la réalité
primordiale;
- de l'existence : je suis précédé par autre chose, les autres, le monde.
- L'animateur : De quel sujet on parle ?
- (H1) : Les conséquences morales ne sont pas les mêmes entre ces
deux écoles.
- Fabrice : On a une opposition sujet - existence ou immanence - transcendance.
Dans les cafés philo, ce n'est pas ce qui est dit qui est objet de connaissance,
mais le dire lui-même.
- (H2) : Impression d'unité, communauté extérieure et aussi
communauté intérieure. Il ne faudrait pas en avoir conscience.
- L'animateur : Avec Sartre on a éclaté le sujet intime.
Même la psychanalyse fait ça. L'inconscient est divisé. Le sujet
métaphysique de Descartes échappe à ça.
- (H2) : Coopération et complexité.
- L'animateur : Les psychanalystes qui veulent supprimer
le sujet nous réduisent à l'état d'animal.
- (H1) : Par rapport à l'idée qu'être soi-même est génial,
quelquefois c'est l'enfer. Le soi-même n'est pas forcément l'idéal.
- (H4) : Pourquoi le parfait serait-il le bien seul et pas le bien et le mal ?
- Fabrice : Il y a aussi le structuralisme. L'homme n'est défini que
par un ensemble de structures. Il n'y a pas de subjectivité en tant que telle.
Ne pas confondre avec la phénoménologie : je suis un être pour autrui.
Il y a quand même de l'être.
Ce qui me gène dans "Je pense donc je suis", je ne sais pas comment il peut
en déduire cela. Ce qui me montre mon existence c'est les autres.
- On n'a pas trouvé d'équilibre qui permet à tous les hommes d'être
heureux.
- Fabrice : L'homme n'est pas autosuffisant. Il nait prématuré.
Extrait de Robinson Crusoe : "Je sais maintenant que chaque homme porte en lui
un échafaudage qui continue à se former..."
Prochain thème : l'urgence.