Résumé d'un essai de philosophie cosmologique.

(1974, Samuel Jauvert 1901-1993 )

Sommaire
  • CHAP. I
  • Faits et observations.
  • CHAP. II
  • L'endroit et l'envers.
  • CHAP. III
  • Dans un monde subjectif.
  • CHAP. IV
  • La gnose de princeton
  • Liens


  • .I. Faits et observations.


    Cette philosophie cosmologique se dégage d'un certain nombre de faits et d'observations qui, au premier abord, semblent n'avoir aucun rapport entre eux.

    1°) Le déterminisme psychologique. Il est visible dans la conduite d'autrui mais plus encore sur nous même par introspection :
    Mon " moi " (autrement dit 'je') est à tout instant un état de conscience et n'est que cela. Il consiste en sensations, perceptions, souvenirs, sentiments, idées etc. Mon corps, comme le monde extérieur, ne me sont pas directement connus. Ils ne sont que sensations et perceptions. Ils ne sont donc que des états de conscience interprétés.
    - La caractéristique dominante de cette conscience est sa polarisation. Elle est à tout instant dans un état de valeur soit positive (joie, bonheur...) soit neutre soit négatif (tristesse, douleur...). Toute son activité consiste à rechercher l'amélioration de cet état. C'est à dire à rendre cette valeur toujours plus positive et moins négative.
    - L'altruiste et l'égoïste obéissent pareillement à cette polarisation. Seule différence, l'altruiste est 'polarisé' par le bonheur ou le malheur d'autrui alors que l'égoïste y est indiffèrent.
    - Malgré de nombreuses apparences contraires, cette loi de polarisation ne comporte absolument aucune exception. L'expérience suivante permet de couper court à toutes discussions sur ce sujet :

    2°) Le déterminisme physico-chimique. Le principe, d'après lequel "dans les mêmes circonstances les mêmes causes produisent les mêmes effets" est le fondement de toutes les sciences de la matière. L'extrême difficulté expérimentale enduite par le mot "même" ne met pas en cause le fondement de ce principe. Dans l'état actuel d'avancement de nos connaissances ce principe préside à tous les phénomènes.

    3°) La complexification des êtres. Bien que la science soit loin d'avoir donné une explication de tous les phénomènes biologiques, il est un fait que la recherche a toujours conduit les scientifiques à ramener ces phénomènes biologiques à des actions et réactions chimiques, physiques ou mécaniques obéissant au même déterminisme que les corps du monde du 'non vivant'. La complexification se produit sous la forme de montages hiérarchisés dans les quels chaque synthèse d'éléments se présente comme élément lui-même d'une synthèse de degré supérieur. Les particules constituent des atomes dont les combinaisons forment des molécules dont certains agencements forment des protéines qui a leur tour forment des cellules qui constituent les divers organes des êtres vivants qui se regroupent en colonies qui parfois formes des sociétés...

    4°) La conscience. Nous ne la connaissons qu'en nous-mêmes et la supposons plus ou moins dans d'autres êtres dit vivants. En nous même elle se présente comme sensation, perception, souvenir. On l'appelle aussi Esprit ou Pensée. Dans tous les cas, elle est la seule chose que nous connaissions directement. Certains ont dit que le monde matériel, y compris notre corps, n'était qu'une hypothèse que nous faisions sur la nature de la cause de nos sensations.


    .II. L'endroit et l'envers.


    Nous venons de voir que les phénomènes physiologiques étaient soumis au même déterminisme que les phénomènes du monde non vivant. Ce déterminisme étant rigoureusement indépendant de notre volonté, notre comportement et nos actions sont donc l'expression de ce déterminisme : Nous n'avons apparemment aucune possibilité d'agir autrement que nous le faisons.
    Nous avons également vu que l'introspection nous révélait un déterminisme psychologique tout aussi rigoureux qui nous place dans l'obligation continue de n'agir que pour l'amélioration de l'état affectif de notre conscience.
    Comme il n'est pas possible d'agir simultanément de deux façons différentes, nous devons admettre que les déterministes physico-chimique et psychologique sont l'envers et l'endroit d'un même déterminisme. Un même phénomène observé sous deux points de vue différents : le subjectif et l'objectif. Le même phénomène soit vécu par le sujet, soit observé par un tiers biologiste.
    Puisqu'il y a continuité du déterministe physico-chimique depuis l'électron jusqu'à un organe tel que le cerveau, ne peut-on penser qu'il y a parallèlement continuité de la conscience (du subjectif) ? Le bon sens s'insurgent contre une telle hypothèse. Laissez-moi vous montrer, en recherchant les conséquences de cette hypothèse, que les arguments en sa faveur sont extrêmement forts.

    Dissymétrie-mentale. Notre esprit est construit pour une emprise précise sur les objets mais affligé d'une cécité absolue sur les sujets (à l'exception de lui-même).

  • D'une part il y a l'immensité et la variété des informations sur ce que les êtres et les choses sont pour nous-mêmes.
  • D'autre part il y a l'absence totale d'informations directes sur ce que ces êtres ou choses sont pour eux-mêmes.
    Nous inférons une conscience dans d'autres êtres quand leur ressemblance et leur comportement ont des analogies avec le nôtre. Mais plus ces êtres sont différents de nous plus notre raison répugne à leur prêter du mental. (La controverse de valiadoline a montré comment l'église a finalement accepté l'idée que les indiens découverts par Christophe Colomb avait une âme alors que le problème de savoir si les noirs d'Afrique en avait une ne se poser même pas tellement ils étaient considérés comme différents d'un espagnol...)
    Devant tout objet il nous importe de savoir ce qu'il est pour nous et indiffèrent de savoir ce qu'il est pour lui. Nous sommes dans l'ignorance totale sur la nature des émetteurs mais parfaitement informés sur les signaux qu'ils émettent.
    En résumé, l'évolution nous a doté de plusieurs sens et d'un esprit récepteur et " chosificateur " de signaux en nous privant totalement d'informations sur la nature des émetteurs. La seule réalité au monde que nous connaissions à la fois comme objet et sujet est nous même.


    .III. Dans un univers subjectif.


    Si nous faisions l'effort de concevoir un univers ou le subjectif est essentiel et l'objectif simplement un complexe de signaux émis par le subjectif, nous constaterions que beaucoup de questions sans réponses trouvent alors une réponse. Parfois même la question ne se pose plus.

    1°) Notre conscience. Si l'on pense que les éléments matériels (électron, atome, molécule ...) avec lesquels nous sommes construits sont dépourvu de conscience il est inexplicable que celle ci apparaisse subitement a partie d'un certain niveau de complexité. Je connais le contre argument qui consiste à dire que " Le tout est supérieur à la somme de ces constituants. ". Je m'inscris en faux contre une telle assertion. Certes, des propriétés nouvelles peuvent surgir avec l'organisation des éléments. Mais ces nouvelles propriétés se définissent toujours dans le même langage que celui définissant les éléments constituants (poids, volume, énergie...). L'apparition spontanée de la conscience ne peut être exprimé avec le langage de la physique ou de la chimie. Avec la conscience il faut parler de sensibilité, de bien de mal, d'intention; vocable totalement étranger à la science matérialiste.
    Nous pouvons poser comme hypothèse que c'est la conscience qui est l'essence même des particules atomiques, que les combinaisons chimiques sont le résultat de leur polarisation (volonté d'amélioration), que les consciences élémentaires fusionnent en une conscience unique à chaque étage de complexification en s'enrichissant de possibilités nouvelles (degré de liberté supérieur)

    2°) Le libre arbitre. Les matérialistes (y compris les plus éminents) considèrent le libre arbitre comme une illusion. Comment pourrions nous, soumis au déterminisme physico-chimique, faire un geste dire un mot, librement alors que la connaissance de notre situation et de notre environnement a un moment donné détermine inéluctablement nos faits et gestes ?
    Cependant, notre expérience intime s'inscrit en faux devant une telle affirmation matérialiste. Cette contradiction entre déterminisme et libre arbitre s'efface dés que l'on considère que la loi universelle est " conscience et volonté d'amélioration ". Ce double déterminisme physico-chimique et psychologique n'est qu'un seul et même phénomène : nous.
    Certains objecteront que nous ne sommes pas libres puisque soumis à cette loi d'amélioration. En fait, nous ne pouvons pas vouloir autre chose et donc, nous ne voulons pas pouvoir vouloir autre chose. Nous sommes donc libres !

    3°) L'évolution orientée. La plupart des biologistes estiment aujourd'hui que l'évolution des espèces est entièrement due au concours des trois causes suivantes : - mutation dans le programme génétique
    - transmission des nouveaux caractères a tous les sujets de la lignée
    - sélection naturelle assurant la disparition des sujets porteurs d'une mutation les désavantageant dans la lutte pour la vie.
    Mais pour beaucoup de scientifiques il est hautement improbable que des organes aussi sophistiques que l'oeil ou l'oreille soient uniquement dus à des mutations. Si l'on admet la " polarisation amélioration " de tous les éléments entrant dans la constitution des êtres vivants il apparaît que de telles mutations et sélections deviennent vraisemblables (?)

    4°) Les macro-organisations. Nous avons vu que tout domaine d'éléments en interaction réciproque constitue une conscience unique qui poursuit sa recherche d'amélioration. Ceci ce traduit toujours par la formation d'une synthèse plus complexe.
    Les abeilles, les fourmis, les termites sont comparables aux cellules d'un être vivant. Le bon ordre qui règne dans ces sociétés ne s'explique que par ce que chaque individu est commandé par un champ de conscience unitaire d'un niveau supérieur.
    Les synthèses à tous les niveaux ne se constituent que si les éléments trouvent leur amélioration de conscience particulière dans l'amélioration de la conscience commune. Dans une société humaine, tous les sujets agissent pour leur satisfaction propre. Ces actions sont cependant destinées a l'élévation du niveau de vie de la communauté.
    Notre cécité est toujours aussi complète dans la macrophysique que dans la microphysique. On peut penser que toutes synthèses, depuis l'atome jusqu'à " l'Organisation des Nations Unies " ont dans leur domaine particulier un champ de conscience unitaire, Un " Je " dont nous cherchions en vain à savoir à quoi il ressemble par introspection de notre propre " Je ".


    .IV. La Gnose de Princeton.


    C'est le titre d'un livre paru en 1974 sous la plume de Raymond Ruyer de l'université de Nancy. La " Gnose de Princeton " est un mouvement de pensée né dans la fin des années 60 à Princeton, Pasadena et au mont Palomar. Ce sont principalement des astronomes, physiciens et biologiste américains de premier plan mais gardant l'anonymat qui dirigent ce mouvement.
    On peut résumer la pensé de ce mouvement ainsi : L'esprit constitue la matière et en est l'étoffe exclusive. La conscience est à la fois l'endroit et l'enveloppe constituante de la réalité matérielle. Il y a pour les gnostiques un endroit et un envers de l'univers. Par l'observation objective nous ne pouvons connaître que l'extérieur, c'est à dire l'envers, de L'univers et non sa conscience interne qui en est l'endroit.
    Beaucoup d'autres penseurs tels que Maupertuis, Diderot, Voltaire, Hegel, Teillard de Chardin ont eu l'intuition de la primauté de l'esprit sur la matière. Mais aucun, à ma connaissance, n'a dépassé le stade de l'intuition pour atteindre celui de la démonstration. Cette philosophie porte d'ailleurs le nom d' " hylozoïsme ".
    Je reproche au livre de R. Ruyer d'ignorer les principales raisons qui, à mon avis, emportent la victoire de la thèse spiritualiste sur la thèse matérialiste à savoir :
    - La conscience de notre libre arbitre qui découle de l'accord entre notre déterminisme psychologique et notre déterminisme physico-chimique
    - La découverte de notre dissymétrie mentale qui nous montre très bien ce qu'est le monde pour nous mais nous laisse dans l'ignorance de ce qu'il est pour lui.
    - La loi d'amélioration de conscience qui est la loi de tout déterminisme.
    Il me semble qu'une telle philosophie offre l'avantage moral de débarrasser le monde du caractère d'absurdité que lui confère la science matérialiste. Un monde dans un état de valeur E, en amélioration continue vers un état E' (E'>E), est moins désespérant qu'un univers aveugle, sourd et muet soumis à la seule loi du hasard et de la nécessité.
    On dira que cette vue est naïve et à un fond d'animisme. Mais pourquoi voudrait-on que la réalité n'ait aucune ressemblance avec notre psychisme ? Celui-ci n'est-il pas une manifestation de cette réalité, la plus complète et la plus élaborée que nous puissions connaître ?
    Bien sûr, la recherche scientifique doit rester fondée sur l'étude objective des phénomènes puisque notre cerveau est organisé pour développer nos connaissances utilitaires sur les objets. Mais la pensée philosophique a le droit de dépasser cette activité utilitaire pour rechercher le sens du réel.

    1974, Samuel Jauvert


    Liens

    De la relation du corps et de l’esprit (par Jean Laberge)
  • I Philosophie de l'esprit
  • II Béhaviorisme
  • III Identité du corps et du cerveau
  • IV Fonctionalisme

    Un philosophe « Maverick ».