Chant I de l'Enfer
image Boris Vallejo

Prologue général de la Comédie Humaine.
La rencontre avec Baudelaire


Nel mezzo del cammin di nostra vita mi ritrovai per una selva oscura ché la diritta via era smarrita. Ahi quanto a dir qual era è cosa dura esta selva selvaggia e aspra e forte che nel pensier rinova la paura! Tant'è amara che poco è più morte; ma per trattar del ben ch'i' vi trovai, dirò de l'altre cose ch'i' v'ho scorte. Io non so ben ridir com'i' v'intrai, tant'era pien di sonno a quel punto che la verace via abbandonai.


RETOUR À LA PORTE DE L'ENFER


A mi-chemin de ma vie, je me trouvai dans un lieu pervers, j'avais perdu le droit chemin. C'était une Contrée sauvage, âpre et rude, j'en ai encore des frissons, aussi amers que la mort elle-même. Je ne saurais dire comment j'y étais entré, poussé par mes appétits, avant d'y perdre le droit chemin. Quand j'arrivai devant une gorge sans fond au bout de cette Contrée qui m'avait tant effrayée, je baissai les yeux et j'imaginai les joies qui pouvaient m'y attendre. Aussi, ma frayeur s'apaisa et j'ai revu le chemin parcouru qui avait laissé mon esprit ainsi perturbé et qui d'ailleurs, ne laisse personne indifférent. Après m'être reposé je repris la route, c'était au petit matin, une louve me barrait le chemin; elle était légère et agile, sa chair nue couverte de taches de rousseur. Elle marchait tout contre moi, perverse, avec une faim charnelle, elle était comme une femelle en chaleur, elle avait dû rendre bien des mâles misérables. J'étais terrifié, je demandai pitié à une ombre qui passait là, par hasard: "Aie pitié de moi, qui que tu sois, ombre ou homme de plein droit!" L'ombre me répondit: "Ne crains point, je fus poète et je chantai la bête, celle, la même qui hante tes esprits. Et toi, pourquoi tant d'angoisse, ne devrais-tu pas franchir cette gorge, droit devant, qui mène à la Béatitude?" "Tu es donc Baudelaire, aussi éloquent dans tes paroles que dans tes vers," lui répondis-je plein de surprise. "je t'ai lu, je t'ai relu et tant chanté avec la voix de Léo Ferré. Mon style me vient de toi, du moins c'est ce que je crois. Vois-tu cette louve qui arrête mes pas et me fait hésiter entre elle et toutes celles, ces autres bêtes invisibles qui dévorent mon âme? Défends-moi contre elle, qui fait trembler mes artères et qui gonfle mon appareil. Montre-moi comment vaincre les bêtes qui me tourmentent et que tu as si bien su comprendre." Et il me conseilla ainsi: "Tu dois changer ton destin, car cette bête qui te fait peur ne laisse aucun être indifférent. Elle crée tant de passion qu'elle tue chez l'homme la raison. Sa nature est si perverse et cruelle que jamais elle n'assouvit ses passions, et, après avoir comblé tous ses désirs, elle a autant d'appétit qu'avant." Et il ajouta: "Nombreux sont les mortels avec qui elle s'accouple, ainsi que les autres comme elle; ils seront de plus en plus nombreux, jusqu'au jour où viendra le Mâle immortel qui les feront périr dans les tourments de la Géhenne, et c'est bien de là, crois moi, qu'elles proviennent. Pour toi, le mieux serait que tu me suives, je serai ton guide hors de cette vie et te conduirai jusqu'aux rivages éternels, où tu entendras les clameurs des pucelles, les cris des demoiselles, le chant des dames très belles qui proclament le plaisir éternel." Et il ajouta après un long silence: "Et puis, tu verras ceux que le feu rend heureux par l'espoir de rejoindre les pucelles, les dames trop belles et toutes ces autres demoiselles qui font jouir à jamais les âmes heureuses, d'un feu éternel. Si tu veux monter jusqu'à elles, je te recommande une Gazelle plus digne que moi de t'y conduire, c'est une âme très belle. Car je ne peux entrer dans ce Lieu ayant été rebelle à son Maître, autant qu'à l'Autre qui règne hors des Cieux." Et je luis dis: "Poète, au nom de Satan que tu connais si bien et pour me libérer des pulsions qui me harcellent, je te prie de me conduire dans ce lieu que tu décris si bien,et que je rejoigne celles qui le hantent." Alors, il se mit en marche,et je suivis ses pas.



Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: le sabbath fantastique de Berlioz, emprunté aux Classical Midi Archives.
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CHANT II DE L'ENFER