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John Lee Hooker (2)

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Guitariste, chanteur
Guitarist Magazine n°108 - Décembre 1998

Interview donnée à l'occasion de la sortie de l'album "Best Of Friends".


Question : Ce nouvel album inclut des Inédite enregistrés cette année. Tout d'abord une version de « Boogie Chilien» avec Eric Clapton. Pourquoi avoir choisi ce titre?

Réponse : Réenregistrer «Boogie Chillen> était très spécial pour moi, parce que c'est le 50ème anniversaire de ce morceau. Je l'ai enregistré pour la première fois en 1948 à Detroit et il est sorti sur le label de Bernie Besman, Sensation Records. Au début ce n'était qu'un hit local, puis Bernie Besman a placé les bandes chez Modern Records et «Boogie Chillen» s'est vendu à un million d'exemplaires mais je n'ai jamais touché l'argent des ventes! Cela m'a quand même permis de me faire connaître...

Question : Comment s'est passée la collaboration avec Eric Clapton ?

Réponse : Mike Kappus, le producteur de l'album, savait que je m'entendais bien avec Eric. Je l'avais rencontré plusieurs fois et il voulait faire quelque chose avec moi. Mike Kappus a appelé Eric et lui a proposé de jouer sur «Boogie Chillen ».Au début son management a dit non parce qu'il avait un emploi du temps très chargé, mais finalement c'est Eric lui-même qui a décidé de venir. On se connaît depuis longtemps, je l'ai rencontré la première fois en Angleterre pendant les sixties quand il jouait encore avec les Bluesbreakers de John Mayall.

On s'était assis ensemble et on avait parlé du old time blues des années trente et quarante. Eric s'en est souvenu lorsque nous nous sommes retrouvés pour enregistrer. C'est un musicien qui a beaucoup de «soul», je n'ai pas eu besoin de lui expliquer quoique ce soit, il a immédiatement trouvé un riff qui tournait comme il le fallait. Eric est venu avec l'un de ses amis, le batteur Jim Keltner, qui joue aussi sur cette nouvelle version de «Boogie Chillen».

Question : Ben Harper joue sur « Burnin' Hell». Que penses-tu de lui ?

Réponse : Ben n'est pas un hard bluesman, je ne sais pas vraiment comment le définir mais il est bon. Je pense qu'il est quelque part entre le folk-blues et Jimi Hendrix. Pour moi, l'important est qu'il est capable de jouer seul sur scène, c'est un point essentiel pour un bluesman ou pour n'importe quel artiste. Quand tu es capable de jouer seul, tu as passé le test en quelque sorte, tu n'as besoin de personne d'autre, tu es libre. Quand j'ai entendu Ben jouer pour la première fois, il m'a littéralement explosé, il était fantastique, il jouait du Weissenborn.

J'ai connu une phase de ma carrière où je jouais seul avec une guitare, vers 1959/60, et c'est à ce moment que j'ai écrit «Burnin' Hell», pendant ma période folk-blues. Alors j'ai pensé que Ben Harper était le musicien qui convenait pour ce morceau. Lorsque nous nous sommes retrouvés en studio pour l'enregistrer, Ben a d'abord essayé de jouer du Weissenborn, mais le son ne convenait pas, il était noyé par l'harmonica de Charlie Musselwhite et par la section rythmique, alors finalement il a pris une guitare et a trouvé exactement le son qu'il fallait.

Question : Tu as dit que Ben n'était pas un hard bluesman...

Réponse : Well, tous ces jeunes bluesmen ont appris en écoutant les disques des grands, Muddy Waters, Robert Johnson ou Tampa Red. II est vrai que c'est beaucoup plus facile aujourd'hui, il y a même des vidéos qui permettent d'apprendre directement le style de jeu de tel ou tel guitariste de blues. Mais ce n'est que la première partie de la carrière d'un bluesman.

Il faut ensuite jouer sans cesse et apprendre à alléger la misère des autres tout en souffrant intensément soi-même, il faut avoir l'âme, sans cela tu ne seras jamais qu'un «copycat » (un copieur). Moi, je n'ai jamais appris en écoutant des disques, on n'avait pas de phonographe à la maison, je suis entré directement dans le blues en écoutant mon beau-père jouer dans les juke joints du Mississippi.

Question : Qu'est ce qui va devenir le blues du 21ème siècle ?

Réponse : Je ne peux pas répondre à cette question, mais je pense que le blues sera de toute façon différent, il ne sera plus jamais le même et il faut que tu comprennes que des grands talents naturels comme Muddy Waters, Lightnin' Hopkins ou Jimmy Rogers ne surgissent qu'une fois. Par contre, ce qui ne change pas, c'est le temps qu'il faut pour faire un bluesman, celui qu'il faut pour faire un homme. J'aime bien tous ces jeunes gens qui font du blues aujourd'hui mais ils auront l'occasion de changer plusieurs fois d'état d'esprit avant d'être certains de leur destinée. Le blues est une musique réelle, il faut en payer le prix.

Question : Qui sont ceux de la nouvelle génération qui te semblent vraiment jouer le «low down blues » actuellement ?

Réponse : Pour cela, il faut descendre au sud de Memphis, il y a un harmoniciste qui s'appelle Blind Mississippi Morris et il joue le vrai blues. J'aime bien aussi Super Chicken, un guitariste-chanteur de Clarksdale, ma ville natale. Ceux que je viens de te citer ont fait des disques, mais il y en a beaucoup qui n'ont jamais enregistré.

Question : Demain, tu vas jouer en concert à l'université de Stanford, puis le mois suivant au Fillmore de San Francisco, avec qui ?

Réponse : Pour le concert de Stanford, j'ai des invités auxquels je tiens particulièrement. D'abord Eddie Kirkland, que j'ai rencontré pour la première fois à Detroit pendant une renthouse-party et qui a ensuite joué avec moi sur mes premiers disques. Il y aura aussi l'harmoniciste Charlie Musslewhite, et Elvin Bishop qui était dans le Paul Butterfield Blues Band, et aussi le pianiste Johnny Johnson.

Question : C’était le pianiste de Chuck Berry ?

Réponse : Non, non, le contraire! Johnny Johnson a engagé Chuck Berry dans son groupe, le J.J. Johnson Trio en 1952. Mais ensuite c'est Berry qui est devenu l'homme à succès et a engagé Johnny Johnson pour jouer sur ses disques. Johnny Johnson est l'un de mes meilleurs amis et il joue aussi sur mes derniers albums.

Question : Une autre de tes partenaires est Zakiya Hooker. Que penses-tu d’elle ?

Réponse : C'est ma fille et je l'adore! Elle a eu le courage de commencer une carrière de chanteuse. J'aime ce qu'elle fait même si son style est «big band blues», du blues orchestral plutôt sophistiqué.

Question : Depuis que Roy Rogers se consacre à sa solo, qui est le directeur musical de ton groupe, le Coast To Coast Blues Band ?

Réponse : Roy Rogers est resté mon ami, il a été avec moi pendant presque cinq années. Mais c'est moi qui dirige mon groupe aujourd'hui. Sur scène, mon bras droit est le guitariste Johnny Lee Schell. C'est à lui que je fais signe pour les breaks et la fin des morceaux. J'ai formé le Coast To Coast Blues Band en 1970, quand je me suis installé en Californie. II y a eu beaucoup de bons musiciens dans mon groupe, comme le bassiste Geno Skaggs et le guitariste Luther Tucker, qui est mort l'année dernière.

Question : De tous les partenaires que tu as eu pendant toutes cas années, quels sont ceux qui t'ont laissé les meilleurs souvenirs ?

Réponse : J'ai été associé avec beaucoup de bons musiciens, bien que j'aie mis un point d'honneur à prouver que je pouvais me débrouiller seul. J'ai eu avec moi Eddie Kirkland, puis les boys de Canned Heat, plus récemment Santana, Eric Clapton et bien d'autres, mais les deux que j'ai préféré étaient mon cousin Earl Hooker avec qui j'ai enregistré un album (Two Bugs And A Roach. Earl Hooker est décédé en 1970) et T-Bone Walker qui était mon meilleur ami. Nous avons tourné ensemble dans les années 60 avec l’American Folk Blues Festival et il jouait souvent avec moi. C'est T-Bone qui est au piano sur la version live de «Shake It Baby».

Question : Tu as usé un nombre impressionnant de guitares. Quelle est ta préférée ?

Réponse : Ma guitare préférée ?...C'est la première guitare électrique que j'ai eu, dans les années 40 à Detroit. Elle m'avait été donnée par T-Bone Walker qui était de passage à Detroit. Nous avons jammé ensemble et T-Bone aimait mon style, parce que j'étais différent de lui. Il m'a dit : «Il faut que tu joues sur une électrique» et il m'a donné la guitare de rechange qu'il avait avec lui en tournée, c'était une Epiphone et c'est resté ma guitare préférée depuis. Je suis endorseur de la marque aujourd'hui, il y a un modèle qui porte mon nom.

Question : Tu as enregistré sous beaucoup d'identités différentes, Texas Slim, John Lee Anderson, Delta John, The Boogie Man. Pourquoi ?

Réponse : C'était au début de ma carrière, après avoir vendu un million de «Boogie Chillen» en 1948, puis un million de «Hobo Blues» en 1949, je me suis rendu compte que, quelques soient les ventes, le seul argent que je verrais étais celui que je touchais pour les séances. Alors, je suis allé voir tous les labels de disque et j'ai signé les contrats sous ces noms. Cela multipliait mes revenus!

Question : Quel est ton ampli de prédilection ?

Réponse : Un FenderTwin Black Face, c'est le seul qui convienne à mon jeu. J'en ai plusieurs, une bonne dizaine, je les fais tourner en les utilisant en rotation et j'indique à mon technicien les meilleurs que je veux garder.

Question : Utilises-tu des open-tunings particuliers ?

Réponse : Non. Je joue en accordage standard parce que je fais ces «runs» sur les cordes basses et ils ne sonnent bien qu'en accordage standard. Quand j'enregistrais en acoustique, il m'arrivait parfois d'utiliser le «Vestapol » (Mi ouvert) mais rarement, je préférais mettre un capodastre et rester en accordage standard.

Question : Tu jouais sans médiator, avec les doigts et tu as influencé beaucoup de guitaristes sur ce point. Quand as-tu arrêté d'utiliser un médiator ?

Réponse : Je n'ai jamais utilisé de médiator. Le contact direct sur les cordes, sans intermédiaire, c'est ce qu'il y a de mieux pour le feeling.
 


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