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Eliades Ochoa

Guitariste et chanteur
Guitare Magazine n°228 - Avril 2001

Question : Que représente la guitare pour les gens de Santiago?

Réponse : Elle fait partie de la vie de tous les jours. La musique, c'est comme l'air que l'on respire. J'ai hérité de ma première guitare à l'âge de neuf ans. Mon père voulait me récompenser parce qu'il estimait que j'étais un bon fils, que je m'occupais bien de ma famille. J'ai d'ailleurs en partie assuré la survie de ma famille en allant jouer dans les bars à l'âge de 12 ans.

Question : Quels artistes vous ont inspiré?

Réponse : Je suis totalement autodidacte. La seule école que j'ai connue, c'est l'école de la rue. Je joue comme je suis, je chante comme je suis. La première personne que j'ai écoutée était mon père qui chantait et jouait de la musique traditionnelle (les rythmes paysans de l'est de Cuba). Et bien sûr, comme tous les gens de Santiago, j'écoutais tous les artistes de l'Oriente comme Ignacio Pinero, Manuel Corona, Miquel Matamoros ou Francisco Repilano. Quand j'étais enfant, leur musique était très populaire et passait tout le temps à la radio.

Question : À Cuba, on joue de la guitare espagnole, mais aussi du "tres", une guitare typiquement cubaine. Que représente cet instrument dans la musique cubaine?

Réponse : Le "tres", c'est la guitare du "son". Dans un trio par exemple, on ne peut pas avoir de "tres" sans guitare. II faut au "tres" l'accompagnement de la guitare. Le "tres" est au coeur du trio. La guitare soutient la basse, et le 'tres" est la figure principale. Le "son" est une musique qui ne s'écrit pas, il sort de manière spontanée.

À chaque fois que le leader débute un "son" ou une guaracha, il dit : "Je voudrais cela" et les musiciens improvisent. Dans le "son", il y a ce qu'on appelle le "largo", le passage où le guitariste soliste établit le thème, et le "montuno", dans lequel le chanteur développe ce thème. Chaque groupe impose ainsi un son qui lui est propre. Moi, je suis comme tous ces guitaristes de la campagne, j'aime les pulsations et je confonds parfois ma guitare avec une machette. C'est pour ça que je casse beaucoup de cordes.

Question : Vous avez transformé la structure de votre guitare qui possède huit cordes. Vous avez en effet doublé la corde de Ré en ajoutant une deuxième accordée une octave plus haut, et vous avez ensuite fait la même chose avec la corde de Sol. Pourquoi?

Réponse : Parce que je joue surtout du "son" et je voulais donc créer un instrument intermédiaire entre le "tres" et la guitare. Er rajoutant ces deux cordes, je retrouve les sonorités des deux instruments. Quand je joue un boléro, je travaille mon instrument comme une guitare, je n'utilise pas l'octave. Quand je joue un "son" ou une guaracha, là, en revanche, elle m'est très utile.

Question : Combien de guitares avez-vous?

Dix-huit. Je possède beaucoup de guitares américaines que j'ai achetées à New York et à Los Angeles. J'en ai d'autres qui viennent de Madrid. J'ai même une guitare africaine.

Question : L'influence de l'Afrique est très présente dans la musique de l'Oriente. Certains de vos morceaux comme Yiri yiri Bon ont des sonorités très africaines. Que représente l'Afrique pour vous aujourd'hui ?

Réponse : Toute la musique traditionnelle cubaine a été influencée pa, l'Afrique, surtout la région du "son". Nous sommes le frui-. d'un métissage entre l'Europe et l'Afrique. Cette rencontre avec l'Afrique, je l'ai vécue de manière très personnelle également puisque j'ai joué avec Manu Dibango et Myriam Makeba. Je ne perds pas l'espoir de retravailler un jour avec d'autres artistes africains.

Question : Que pensez-vous de la nouvelle génération de guitaristes cubains? Sont-ils selon vous porteurs d'espoirs?

Réponse : Pendant longtemps, les jeunes ont méprisé leurs racines. Ils ne s'intéressaient qu'au rock, à la pop, à la musique espagnole des années 1970. L'explosion internationale du Buena Vista Social Club a permis la renaissance d'une musique endormie, oubliée. Tout récemment, la radio a annoncé l'ouverture d'une faculté du "tres". Mais pour moi, ce n'est pas dans les écoles que l'on apprend à devenir "sonero". Pour être sonero, il faut être né à Santiago.
 


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