Mont Saint Hilaire : Paradis des micro-minéraux - Marc Favre



Vues du Mont Saint-Hilaire en automne; érables rougeoyants, champs de citrouilles, pancarte indiquant la route d'accès à la carrière.


J'aimerais vous présenter un des sites minéralogiques les plus renommés, surtout auprès des micro-monteurs. Le Mont Saint-Hilaire n'a sans doute pas besoin d'introduction. L'immense variété d'espèces minéralogiques, la profusion de nouvelles espèces fournies au monde scientifique font qu'il est connu de tous. Il y'a quelques cotés plus mystérieux et moins bien connus que je vais traiter superficiellement. Premièrement, un bref historique des travaux au Mont Saint-Hilaire au sein des collines montérégiennes, suivi d'un apercu des formations géologiques. Deuxièment, la description des divers éléments géologiques présents au Mont Saint-Hilaire qui sont indispensables afin d'identifier les espèces rencontrées. En dernier lieu, quelques mots sur la diversité des espèces, les toutes dernières trouvailles et des prédictions sur l'avenir du gite.

Bien visible de Montréal, le Mont Saint-Hilaire se situe 40kms à l'est via la Transcanadienne (autoroute 20) et s'élève d'environ 350 mètres de la vallée. La colline, d'environ 3 kms de diamètre se trouve tout près de la rive est de la rivière Richelieu. La ville de Saint-Hilaire se trouve sur ce coté, sur les autres flancs s'étendent de belles campagnes dans la fertile vallée du Saint-Laurent.

Malgré de nombreuses études pétrologiques depuis la fin des 1800, ce n'est qu'au début du 20ème siècle que les premiers minéraux intéressants furent identifiés au Mont Saint-Hilaire par O'Neill (1914). Ensuite plus rien jusqu'en 1963 lorsque Frank Melanson, collectionneur de la région de Montréal, fournit quelques spécimens de la carrière Désourdy à Gilles Perrault de l'école Polytechnique de Montréal. Parmi ces spécimens une des espèces identifiée était la sérandite, un analogue rare manganifère du pectolite.

Pour situer un peu l'histoire récente du gite, les carrières au Mont Saint-Hilaire étaient initialement de petites exploitations gérées par M. Richard Poudrette, les compagnies Désourdy et Uni-Mix à la fin des années 1950. Uni-Mix devint De-Mix en 1966 et Demix par la suite. Avec l'expansion rapide de la région métropolitaine, les carrières s'accroissent proportionnellement et finalement se fusionnent dans les 1980 en une seule carrière opérationnelle, la carrière Poudrette. Celle-ci est maintenant gérée par le fils de celui qui avait découvert le potentiel de cette portion est de la colline. Fournissant des roches d'empierrement pour les routes, le matériel de la carrière sert surtout à la manufacturation de bardeaux d'asphalte grace à la qualité du hornfels.


Le Canada, incroyablement vaste, est divisé en plusieurs régions géologiques très distinctes. Une de ces zones, la vallée du Saint-Laurent s'étant des Grands Lacs jusqu'à son embouchure dans le golfe du Saint-Laurent quelques 4000 kms plus loin.


Il y'a environ 135 millions d'années la vallée du Saint-Laurent autour de l'île de Montréal est plane à perte de vue. C'est alors que des injections magmatiques font "surgir" de ces plaines des collines qui forment une chaine de collines isolées surnommées les Montérégiennes;. Elles s'étendent de facon linéaire sur une distance d'environ 150 kms. De cette dizaine de collines qui atteignent tout au plus 1000 mètres (Mont Orford), plusieurs sont renommées pour leurs loisirs: Le Mont-Royal sur l'île de Montréal pour son parc, le Mont Saint-Grégoire pour le sirop d'érable, le Mont Saint-Bruno pour le ski et finalement le Mont Saint-Hilaire, pour ses minéraux.


D'autres injections de magma surviennent quelques 15 millions d'années plus tard et forment le coté est du Mont Saint-Hilaire, celle où l'on retrouve les carrières.
Trois intrusions se seraient ainsi mise en place au Mont Saint-Hilaire. Les roches dominantes sont la syénite à néphéline et sodalite. Ces syénites peralkalines sont rares dans les autres collines montérégiennes et furent probablement causées par l'interaction du magma avec une solution chlorinée dans les niveaux supérieurs de la croutre terrestre.


Une des caractéristiques du Mont Saint-Hilaire est la diversité des environnements géologiques bien distincts sur le terrain. La compréhension et l'identification de ces environnements est essentielle afin d'identifier les espèces minérales rencontrées dans la carrière. Lors de cette deuxième partie, je vais vous exposer superficiellement ces différents environnements géologiques. Chacun d'entre eux demanderaient plusieurs pages à elles seules.

Les différentes zones sont les suivantes: breccia ignées, cavités miarolitiques, hornfels, pegmatites et pegmatites altérées, syénite de sodalite, xénoliths de marbre et de sodalite. Les meilleures publications à ce sujet sont: Mont Saint-Hilaire update dans Rocks & Minerals par Wight et Chao (1995) et l'édition spéciale sur le Mont Saint-Hilaire dans le Mineralogical Record par Horvath et Gault (1990, Vol 21 no.4). Les entêtes vous referrent aux suites minéralogiques de chaque environnement (liens vers le site ALKALI NUT).


Hornfels - Le hornfels forme une couronne autour de Mont Saint-Hilaire de 10 à quelques cents mètres de largeur. Il y'aurait deux types de hornfels, l'un formé à distance du magma contenant plus de carbonates, et le second type formé près du magma qui contient surtout des silicates. La photo de droite souligne l'emplacement du hornfels foncé, à sa base, il se trouve dans la zone d'exploitation actuelle.


Le premier type est de couleur plus foncée (du aux inclusions) et présente des fentes et quelques breccias. Le second type de couleur tan ou verdatre présente rarement des fentes. La photo de gauche est un bon exemple de hornfels vert ne présentant aucune interstice cristallisée


Breccia ignées - Les breccias ignées consistent en des fragments de roche intrusive autre que le hornfels jusqu'à un mètre de diamètre. Les cavités sont généralement allongées et d'au plus 15cm en longueur. Elles contiennent une suite minéralogique variée de superbes cristaux. Les spécimens rencontrés sont généralement plus petits que dans les autres environnements ayant moins d'espace pour se développer.

Cavités miarolitiques - Elles sont formées par des bulles de gaz sur les cotés et le dessus de l'intrusion magmatique variant de 1 à 30 cms dans la syénite néphélitique. Ces cavités sont habituellement recouvertes d'une minche couche de biotite et d'analcime sur laquelle les autres espèces précipitent. Ce phénomène produit une suite minéralogique riche en terres rares et en carbonates.

Pegmatites - Retrouvées dans toute la carrière ou l'on retrouve des roches intrusives, elles sont habituellement courtes (au plus quelques mètres) et généralement non uniformes en largeur sur leur longueur. Ce serait le résidu magmatique qui serait la dernière à se cristalliser. Elles sont riches en silicates et en minéraux composés de terres rares.

Pegmatites altérées - Généralement plus foncées que les pegmatites non altérées, elles ont subies des niveaux d'altération variés par eux-mêmes ou par des dérivés de fluides. Souvent les espéces retrouvées sont couvertes d'une couche brunâtre.

Syénite de sodalite - Probablement la moins productive des zones, elle présente rarement des cavités. Les silicates sont toutefois abondantes dans les rares cavités (5cm ou moins), des sulfides et des carbonates sont retrouvés en petites quantités. Ce matériel est très fluorescent du à la présence du sodalite.


Xénoliths de marbre - Ces xénoliths sont faciles à déceler grace à leur couleur pale, blanc à vert pale, qui contraste avec la syénite néphéline foncée. De 1 à 2 mètres de largeur, elles contiennent souvent des cavités pouvant atteindre une quinzaine de centimètres. De nature plus souple, la roche absorbe bien les coups de massue et requiert beaucoup de patience. Xénoliths de marbres de plusieurs mètres de coté.


Xénoliths de sodalite - Les xénoliths de sodalite ont produit la majorité des nouvelles trouvailles au Mont Saint-Hilaire. Habituellement de 5cm à un mètre de diamètre, elles sont très productives. C'est un de ces xénoliths de 3 mètres carrés qui a produit tellement d'espèces. Facile à déceler du à sa couleur et à la grosseur des grains qui la composent qui laissent beaucoup d'interstices. Ce sont les roches les plus recherchés au Mont Saint-Hilaire.

Encore une fois, ce n'est qu'un bref apercu des zones géologiques rencontrées au Mont Saint-Hilaire. En examinant vos spécimens, la déterminanation de quelle zone ils proviennent demeure le meileur outil d'identification pour minéraux du Mont Saint-Hilaire.


Le Mont Saint-Hilaire n'est certes pas le site mondial le plus prolifique , loin de la. Aujourd'hui, d'après le recensement du musée Canadien de la Nature, 320 espèces ont été identifiées. Il y'a (au moins) 6 espèces en instance de parution et une liste d'une cinquantaine d'espèces non identifiées qui vont nécessiter d'autres tests scientifiques pour résoudre leur anonymité. Ce qui rend le Mont Saint-Hilaire si spécial, est que la carrière ne recouvre qu'une trentaine d'hectares (0.5 kms carrés), qui, comparé au Massif de la péninsule Kola qui englobent des milliers de kilomètres carrés est minuscule. Récemment 81 espèces on été retrouvées dans une pegmatite de 3 mètres carrés. (Photo de Modris Baum de la Thomasclarkite-(Y), jadis UK-93)


Année après année, le site semble produire de nouvelles espèces composées de terres rares et autres. Le musée Canadien de la Nature a publié un article sur de nouvelles espèces découvertes lors d'une ré-examination de l'eudialyte trouvée à la carrière il y'a quelques années. La manganokhomyakovite est mentionné comme l'une des cinq nouvelles espèces décrites (dont 4 de MSH).

Dr Andy McDonald, Université Laurentienne à Sudbury en Ontario, a pris en charge les dossiers sur les espèces non identifiées de MSH du Dr George Chao d'Ottawa. En année sabatique, il prévoit d'élucider plusieurs de ces espèces. On devrait s'attendre à voir près d'une dizaine de nouvelles espèces portant le nombre d'espèces types à près de 50 et le nombre total d'espèces à environ 350. Par exemple, le UK-32, l'espèce non identifiée la plus ancienne devrait être décrite comme nouvelle espèce au cours des prochains mois.


Sur un autre front, le Mont Saint-Hilaire vient de perdre un de ces espèce types , le tétranatrolite (photo de gauche). Il vient d'etre discrédité lors d'une récente publication, au MSH il s'agit de gonnardite. Il y'a possibilité que le paranatrolite soit également du gonnardite, mais il n'y aucune tentative de discréditation pour le moment.


Alors, que réserve le Mont Saint-Hilaire aux amateurs et scientifiques, nul ne le sait exactement. Cette année a probablement été la pire depuis belle lurette pour les collectioneur de minéraux. Certes, il y'a eu des trouvailles localisées abondantes, mais rien de sérieux. Cela est du en partie à l'exploitation de la carrière sur la zone du hornfels pour la production de matériel de bardeaux d'asphalte. Le hornfels lui-même est pauvre en minéraux, mais il suffit que l'on se retrouve dans la couronne du hornfels pour faire des trouvailles. Cela étant dit, une des doyennes du site, Marcelle Webber (charmarite) qui prospecte au Mont Saint-Hilaire depuis plus de 30 ans, rapporte que lors de sa dernière sortie au mois de septembre, elle a ramassé plus de 50 espèces différentes. Mauvaise année pour le Mont Saint-Hilaire ..., tout est relatif !

Quant à l'exploitation de la carrière, le propriétaire actuel, fils de Richard Poudrette, maintient qu'il y'a encore au moins une dizaine d'années d'exploitations. Cela reste à voir, peut-être les écologistes vont tenter de faire fermer la carrière qui, visuellement, est une plaie dans le flanc du Mont Saint-Hilaire.

Peu importe, avec beaucoup de matériel encore disponible, la communauté minéralogique demeure convaincue que plusieurs découvertes vont être révélées par scientifiques et micro-monteurs acharnés et qu'il y'a pleins de surprises à découvrir au Mont Saint-Hilaire. Bonne prospection. (Faujasite-Na trouvé au Mont Saint-Hilaire en 1998, photo de Modris Baum)


Quelques classiques du Mont Saint Hilaire :


Aegyrine


Serandite, Royal Ontario Museum spécimen, photo par Violet Anderson


Serandite #2, Photo & spécimen par Quintin Wight


Monteregianite, Modris Baum, photo & spécimen


Eudidymite, photo & spécimen Modris Baum
Article from : Marc Favre : ALKALI NUTS