Entretien avec Vin Diesel

par Christophe Mavroudis

Peu connu chez nous, Vin Diesel est de plus en plus populaire en Angleterre et aux USA. Entouré d’artistes dès son plus jeune âge, poussé sur les planches à 7 ans, il couple les carrières d’acteur et de réalisateur avec un certain brio, prenant sa revanche sur ceux qui, dans sa jeunesse, n’ont pas cru en lui. Soldat Caparzo dans Il faut sauver le soldat Ryan, un rôle que Spielberg commande à sa seule attention, voix du gigantesque androïde du Géant de fer, Diesel possède à son actif de metteur en scène le film Strays (présenté au festival de Sundance 1997 en compétition officielle) et le court métrage Multifacial que l’on dit de grande qualité. Si son prochain projet de réalisateur, Doorman, s’inspire de son passé  de videur, Diesel rêve d’atteindre la notoriété qui lui permettra de porter à l’écran une saga d’Héroïc Fantasy d’ampleur, telle les ouvrages de Michael Moorcock ! Vu la carrure de l’homme, il y a toutefois peu de chance de le voir incarner le malingre et malade Elric de Melnibonée… On le retrouve ensuite à l’écran dans Boiler Room, de Ben Younger, et bien entendu dans le très bon Pitch Black, de David Twohy. 

Vous sentiez-vous à l’aise dans le rôle du salaud qui devient bon à la fin ?

J’adore ce rôle ! C’est ce qui m’a attiré dans le projet. Je suis un fan des antihéros classiques. J’étais un fan de Mad Max, j’étais un fan de Terminator. Nous tirons plus de choses d’un personnage qui a des faiblesses. Un personnage comme Superman, on n’en retire pas grand chose car nous savons que ce niveau de bonté est impossible à atteindre. Mais si un personnage débute avec une réputation abominable et ensuite devient un champion, un héros, c’est bien plus intéressant…

Est-ce le premier rôle de ce genre que vous jouez ?

J’ai joué un bon personnage dans Il faut sauver le soldat Ryan, dur, sensible, innocent dans certains points. Le géant de fer, l’un des personnages les plus imposants du monde, a le charme de l’innocence. Dans Boiler Room, je jouais un personnage qui était confronté au problème de la moralité de ses activités douteuses. Dans Knockaround Guys, avec John Malkovitch, qui sort en Amérique en automne, j’interprète un gangster, qui a aussi une part d’innocence… J’aime ce genre de personnages.

N’avez-vous pas peur de devoir jouer sans cesse le même type de rôle ? 

Pas du tout. Je ne pense pas j’aurais toujours à interpréter le même genre de rôle. En fait, ce que j’essaye de faire est de trouver une dimension supplémentaire aux personnages qu’on me propose. Je cherche à faire des personnages plus humains. C’est en partie de ma faute, si mes rôles se ressemblent. Je ne trouve aucune attirance dans les personnages unidimensionnels, ils ne présentent aucun challenge. J’aime ceux qui ont plusieurs facettes.

Quelle était la dimension supplémentaire du personnage de Pitch Black ?

Riddick ? C’est un personnage qui de prime abord est le plus malfaisant de la planète. C’est l’un des pires criminels de l’univers. Et il vous est présenté par plusieurs descriptions données par une personne qui, on l’apprend plus tard, est bien moins qu’honorable. Si vous avez remarqué, dans le premier acte du film, quand on pose le personnage, il ne fait rien. Il n’a commis aucun crime dans cette histoire. Pourtant, il passe pour le mauvais. Et ensuite, au travers son exploration de l’humanité, on découvre qu’il est un peu plus que ce que l’on croyait. Il ne devient pas pour autant irréprochable.

En tant que réalisateur vous-même, comment avez-vous travaillé sur le tournage ?

En tant que réalisateur, j’aborde chaque film selon une vision d’ensemble. Parce que, selon ma philosophie, je crois que chaque personne impliquée dans un film devrait y être investit de la même manière. Pour le public, la responsabilité d’un film échoue sur les acteurs, et non sur l’écriture et la réalisation, parce que c’est aux visages qu’il voit à l’écran qu’il accorde tout crédit. Il ne comprend pas qu’il y a d’autres personnes impliquées. Je ne suis pas le genre d’acteur qui demande : “  Où voulez-vous que je me place, que voulez-vous que je dise ? ” Je suis le genre d’acteur qui se soucie de l’ensemble du film. En tant que réalisateur, je ne veux que des acteurs qui abondent dans le même sens, qui amènent quelque chose au tournage. Quand j’ai réalisé Strays, certaines des meilleures scènes n’étaient pas celles que j’avais créée, mais celles qui s’étaient générées au travers des acteurs. Quand Steven Spielberg commence à tourner, il sort le script le premier jour, et dit : “ Ce n’est qu’un plan de l’histoire ”. Il pense que vous avez des choses à y apporter. C’est un de ces réalisateurs confiants et compétents. 

Que préférez-vous ? Être acteur ou réalisateur ?

Je joue parce c’est une thérapie pour moi. Quand j’étais jeune, je voyais le travail d’acteur comme étant ce que je voulais faire. Maintenant, je ne sais plus si c’était quelque chose que j’ai nécessairement voulu. Jeune, j’étais plongé dans un univers artistique. Je vivais dans un immeuble dans un endroit de New York où chacun était artiste. Une sorte de Maison des Arts, c’était très expérimental, dans les années 70. Je me rappelle que les acteurs me disaient que je pouvais faire tout ce que je voulais d’autre, mais de ne jouer que si je devais le faire. Chaque fois que je joue, chaque fois que j’interprète un rôle, j’en apprend un peu plus sur moi-même. C’est une autre manière de s’explorer. Je fais des films pour me déclarer. La réalisation est l’opportunité d’avoir une voix, de raconter une histoire qui pourra toucher certaines personnes. J’apprécie vraiment ça, c’est stimulant et enrichissant.  Mais je joue parce que je dois le faire.

Et qu’avez-vous appris sur vous avec Pitch Black ?

J’ai appris que si vous êtes plongés dans l’obscurité, il vaut mieux avoir des yeux qui voient dans le noir ! Je pense que ce film confirme que l’on ne peut exclure personne ou le laisser tomber uniquement sur sa réputation, parce qu’ils ont moins de chance que nous de réussir… Il y a peut-être quelques parallèles entre le personnage de Riddick et ma propre vie. Peut-être que très tôt dans ma vie, on ne s’est pas attendu à ce que j’aie du succès. Peut-être que d’une certaine manière je m’identifie à Riddick.

Qu’entendez-vous par thérapie ?

Je pars du principe que nous avons tous besoin d’une thérapie. Que nous avons tous à expulser certaines choses. Certains écrivent, certains jouent de la musique, certains peignent… Ce sont peut-être les gens du domaine artistique qui le plus besoin de cette thérapie.

Y aura-t-il une suite à Pitch Black ?

Oui ! Et ils vont l’appeler Riddick ! (rires) Ils sont en train de le développer chez Universal. Il sont vraiment capables de faire une suite réussie. Avec un budget plus élevé, pour un film beaucoup plus spectaculaire.

Va-t-on en tirer une franchise ?

Je ne sais pas pour la franchise, mais il y aura assurément une séquelle. Le premier film a un tel succès, et le public réagit bien, que je crois qu’ils vont trouver plusieurs moyens d’en tirer des bénéfices. Peut-être qu’il y aura des jeux vidéos. C’est déjà annoncé sur le net. Ça racontera comment Riddick a modifié ses yeux. Tout est sur le site de Pitch Black.

Qu’elle est votre approche générale du fantastique ?

J’adore le fantastique. Bien plus que la science-fiction, si vous faites également la distinction. Je suis un grand fan, un très très grand fan, des chroniques de Tolkien (Vin Diesel semble ici amalgamer fantastique et Héroïc Fantasy). Je suis très content qu’on en fasse un film, si ce n’est que j’aurais bien voulu pouvoir interpréter Aragorn ! J’ai essayé, mais malheureusement… A chaque film que je fais, je deviens plus à même de réaliser mes rêves. Prenez quelqu’un comme Mel Gibson. Supposons que Mel Gibson ait toujours rêver de réaliser un film de trois heures, sur un héros populaire écossais. Sans flingues, sans sexe, sans effets spéciaux digitaux… Il n’aura pas pu juste après Mad Max. Il n’aura pas pu faire un film de 67 millions de dollars comme celui là, en étant seul maître à bord. Pas de Ridley Scott derrière la caméra, pas d’autres stars, pas de Stephen King à l’écriture, pas de Jerry Bruckheimer à la production… Pas d’autres éléments pour l’aider. Et il a pu le faire, grâce à sa position… Dans ce cas, vous pouvez accomplir tout ce dont vous rêvez…

Et quels sont vos rêves ?

Désolé de tourner en rond, mais j’ai toujours rêver de faire… Ah… Le seigneur des anneaux ! Mais… Ils l’ont eu avant moi… Ils doivent payer pour ça ! !  A propos des rêves, rester dans ce genre de monde… adapter des gens comme Michael Moorcock. J’ai été un fan de Donjons et Dragons, pendant de très nombreuses années. Quand je n’étais pas au club, à danser et me battre, j’étais autour d’une table, avec des amis, à faire rouler des dés à vingt faces… (soupir nostalgique)

On raconte une anecdote sur vos débuts. Des débuts… particuliers…

Je n’ai jamais rien fait tel ! (rires) En fait, j’avais sept ans. Avec des amis, nous terrorisions le voisinage. Il y avait ce théâtre, nommé Theater for the new city, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble miteux. Nous courrions partout, en vandalisant, démolissant ce qu’on trouvait. Et cette femme est sortie des ténèbres, s’est avancée sous l’éclairage de la scène. Nous étions nerveux, nous nous attendions à avoir des problèmes. Mais elle nous a lancé le script à la figure, et a dit : “ Si vous voulez jouer ici, vous venez ici tous les jours à 16 heures, à 20 heures par semaines ! ” Ce fut la première fois que j’ai pu faire rire une audience sans être envoyé au bureau du principal.

Pitch Black joue sur la peur du noir…

Je pense que les gens ont la phobie de l’inconnu. Les dents de la mer jouait dessus, avec l’eau. Les Alien jouait dessus avec l’espace, et Pitch Black joue dessus avec le noir. Tout est basé sur la peur de l’inconnu. La peur du noir est la phobie universelle. Il est facile de s’identifier. Et si vous y placez des créatures qui jaillissent de l’ombre…

Votre personnage, Riddick, semble avoir un passé chargé.

Il a effectivement une biographie. Il parle un peu de lui lorsqu’il discute avec Imam, le saint homme. C’est un homme qui a passé la plupart de sa vie dans les tandis. Il explique d’où il vient. Il dit que son histoire a été dure… Vous en saurez plus dans la suite, pour ce que j’en sais.